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Étude expérimentale de la communication non verbale en situation de stress aigu chez l'Humain en développement : un dialogue entre maturation physiologique et construction du lien d'attachement

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Academic year: 2021

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Étude expérimentale de la communication non verbale

en situation de stress aigu chez l’Humain en

développement : un dialogue entre maturation

physiologique et construction du lien d’attachement

Nadège Bourvis

To cite this version:

Nadège Bourvis. Étude expérimentale de la communication non verbale en situation de stress aigu chez l’Humain en développement : un dialogue entre maturation physiologique et construction du lien d’attachement. Psychologie et comportements. Sorbonne Université, 2019. Français. �NNT : 2019SORUS036�. �tel-02935864�

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Sorbonne Université

Ecole doctorale Cerveau, Comportement, Cognition

Institut des Systèmes Intelligents et Robotique (ISIR),

Equipe Intégration Multimodale, Interaction, Signal Social (IMI2S)

Etude expérimentale de la communication non verbale en

situation de stress aigu chez l'Humain en développement

Un dialogue entre maturation physiologique et construction du lien

d'attachement

Par Nadège Bourvis

Thèse de doctorat de Neurosciences

Dirigée par David Cohen

Présentée et soutenue publiquement le 5 avril 2019 Devant un jury composé de :

Pr Priscille Gérardin, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Rapporteur Pr David Da Fonseca, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Rapporteur Dr Claudine Laurent, Maître de Conférences des Universités, Praticien Hospitalier Dr Salvatore Anzalone, Maître de Conférences,

Dr Valérian Chambon, Chargé de Recherches,

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Remerciements

Je remercie le Pr David Cohen, mon directeur de thèse, et mon chef de service pendant plusieurs années pour sa pédagogie de l'efficacité et du pragmatisme, pour son sens inspirant de l'ouverture d'esprit et de la liberté de penser, pour son exigence, Je remercie les Pr Priscille Gérardin et David Da Fonseca, pour avoir accepté d'être les rapporteurs de cette thèse, et de m'avoir ainsi consacré un peu de leur disponibilité et de leur attention, si précieuses, Je remercie le Pr Mohamed Chetouani, pour sa présence tout au long de ce travail de recherche, qui m'a parfois intimidée par sa rigueur et son excellence dans son domaine, mais aussi rassurée par son calme et la générosité de son partage, Je remercie le Dr Claudine Laurent, pour sa présence scientifique, amicale et soutenante tout au long de ce travail, partant des questionnements de la future doctorante, passant par les comités de suivi de thèse, arrivant enfin en tant que membre de ce jury, Je remercie le Dr Valérian Chambon, d'avoir accepté d'enrichir la discussion de cette soutenance de son éclairage philosophique, Je remercie le Dr Salvatore Anzalone, pour avoir accepté de participer à son premier jury de thèse, avec générosité et enthousiasme, Je remercie l'ensemble du service de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent de la Pitié-Salpêtrière, aides-soignants, secrétaires, médecins, éducateurs, assistants de service hospitalier, infirmiers, cadres, assistantes sociales, psychomotriciennes et orthophonistes, et en particulier les collègues de l'unité Seguin, pour avoir partagé du sens dans les efforts communs, pour m’avoir donné le goût de l'équipe, et de ce que ça peut signifier, aussi, d'en être le capitaine, Je remercie le Dr Aveline Aouidad, mon interne, ma co-chef, ma comparse du -1, mon amie, sans qui l'aventure Adolimis ne serait tout simplement pas possible, et qui maîtrise sans égale l'art de me faire rire dans les situations désespérées, Je remercie le Dr Giuseppe Palestra, pour sa pertinence, sa patience et sa pédagogie, et son accent, qui redonne tout son sens à la phrase « j'habite à Campo Formio », Je remercie le Pr Ruth Feldman et son équipe, pour la confiance et la collaboration fructueuse à partir des données parents-bébés, Je remercie le Dr Jean-Jacques Benoliel, pour ses conseils amicaux et scientifiques, et l’ensemble du service de biochimie pour le travail réalisé ensemble, Je remercie l’ensemble des adolescents, patients et témoins, et leurs familles, pour leur

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Je remercie le Pr Marcel Rufo, pour la confiance immédiate, et puis renouvelée, qu'il m'a offerte, et puis la joie partagée à nos journées de consultations conjointes, Je remercie les équipes de la Maison des Adolescents du Var, et du pôle de psychiatrie infanto-juvénile de la Seyne-sur-mer et Toulon, en particulier le Dr Isabelle Carbonel, pour la qualité de leur accueil, et l'espace de partage, de respect et de créativité dans lequel je suis fière de travailler au quotidien ; Je remercie le Pr Alain-Jacques Valleron, qui a toujours su ; Je remercie mes parents, pour tout l'amour et tout les bons soins à l'enfant, l'adolescente, et maintenant l'adulte qu'ils ont appelée Nadège, qui ne doivent probablement pas être tout à fait étrangers à mon désir de prendre soin d'enfants et d'adolescents, Je remercie ma marraine, d'avoir aussi accompagné tout cela, Je remercie les amis, Marie, Michel, Anna, Mickaël, Sophie, Eva, Saskia, Caroline, Jamel, Vincent, d’avoir suivi cette aventure, chacun à sa façon, Je remercie mon amoureux, pour m'avoir permis, en parallèle de la théorie, de faire l'expérience de la communication, du réconfort, et du développement du lien d'attachement, dans la situation critique d'un travail de thèse.

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Remerciements 3 Introduction : stress, communication, et développement des capacités interactionnelles du jeune Humain 8 Qu'est-ce que le stress ? 8 La communication au cours des épisodes de stress 9 Dans l'espèce humaine : stress, communication, et processus d'attachement 12 Physiologie du stress : ou la neuroendocrinologie de l’adaptation. 15 Réponse neurovégétative 16 Réponse neuroendocrinienne 19 Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien 19 Modulation par le système Ocytocinique 22 Notre cadre de pensée : trajectoire développementale et épigenèse probabiliste 25 Questions et organisation du travail de thèse 27 Chez le bébé 28 Chez l'adolescent 29 PARTIE 1 : COMMUNICATION EN SITUATION DE STRESS ET PROCESSUS D’ATTACHEMENT ENTRE DES PARENTS ET LEUR BEBE BIEN PORTANTS 30 Chapitre 1 : Données sur l’étude du stress et des interactions entre le bébé et son environnement 30 1. Modalités d'interaction entre humains avant le développement du langage. 31 2. Le cas de la modalité auditive 32 3. Un protocole de stress pour le nourrisson : le Visage Impassible ou Still Face Paradigm 34 4. Méthodes quantitatives d'étude des interactions précoces 36 Chapitre 2 - Le signal vocal émis par le bébé en situation de rupture d'interaction avec sa mère correspond-il à une forme de communication intentionnelle ? 39 1. Méthodologie 40 2. Résultats 42 - Paramètres maternels, infantiles et dyadiques pendant le jeu libre 42 - Dynamique des paramètres maternels, infantiles et dyadiques en phase de réunion 44 - Au cours du SF (analyse des paramètres infantiles seulement). 45 3. Discussion 48 4. Article original 54 56 Chapitre 3 - L'apport d'ocytocine modifie-t-il les paramètres de l'interaction entre père et bébé ? 67 1. Méthode 68 2. Résultats 70 3. Discussion 72 3.Article original 74 Apports du travail expérimental et perspectives sur les interactions dyadiques en situation de stress et la construction du lien d'attachement 85

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PARTIE II : COMMUNICATION EN SITUATION DE STRESS CHEZ DES ADOLESCENTS PRESENTANT UNE PATHOLOGIE BORDERLINE 86 Chapitre 1 : Le trouble de personnalité limite 87 1. Historique du concept et critères diagnostics 88 2. Le TPL à l'adolescence 91 TPL à l'adolescence ? 91 Repères épidémiologiques 91 Evolution 93 Conséquences 94 Chapitre 2 - Les liens multiples entre stress et trouble borderline 96 1. Exposition préclinique au stress 97 Données épidémiologiques 98 Passé traumatique et nosographie: TPL et Etat de Stress Post-Traumatique (ESPT) ne font-ils qu'un ? 99 Le traumatisme est-il un facteur causal dans le trouble borderline? 101 Une vulnérabilité commune peut-elle expliquer l'association d'une expérience traumatique passée et le TPL actuel ? 102 Quels candidats pour le lien manquant ? 103 Synthèse : survenue d'un TPL et exposition au stress 106 2 Réactivité au stress chez les sujets TPL 107 Perception des stimuli stressants et expérience subjective 107 Réponses comportementales 109 Réactivité neuro-végétative 110 Réponse hormonale et enzymatique 111 Imagerie structurale et fonctionnelle 112 3. Discussion 117 Synthèse de la partie 2 121 Article Original 123 Chapitre 3 - Evaluer expérimentalement la réponse à un stress aigu chez des adolescents présentant un TPL 135 1. Etude préliminaire : protocole de stress et méthodologie d'analyse des données par apprentissage automatique 136 Hypothèses et organisation de travail 136 Méthodologie du protocole 137 Méthodologie de l'analyse de données 139 Résultats 140 Discussion 144 Article Original 145 2. ADOLIMIS - Etude multimodale de la régulation émotionnelle et de l'impulsivité chez les adolescents présentant un fonctionnement limite 153 Méthodologie : une approche quantitative, multimodale 154 Résultats préliminaires (n=122) 157 PARTIE III : DISCUSSION ET PERSPECTIVES 164 BIBLIOGRAPHIE 172

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Introduction : stress, communication, et développement des

capacités interactionnelles du jeune Humain

Qu'est-ce que le stress ?

Le concept de stress est initialement issu de la biologie. C'est aussi un concept qui appartient au champ de la complexité, intégrant les différents niveaux d'étude du vivant, du moléculaire au psychique et social. La notion de stress des organismes vivants a été approchée par Claude Bernard, avec la formalisation du milieu intérieur et l'idée de sa nécessaire fixité (Bernard, 1865). Cette notion a été précisée par l'introduction des concepts d'homéostasie et de régulation neuroendocrinienne de l'équilibre interne par Walter Cannon (Cannon, 1929), puis enrichie par l'analyse des dérèglements possibles avec la notion de syndrome général d'adaptation par Hans Selye (Selye, 1936).

On désigne actuellement par le terme stress, à la fois l'élément déclencheur - environnemental ou endogène - et la réponse de l'organisme qui le vit. Dans cette seconde acception, le stress, c'est ce qui se produit lorsque la modification des conditions est interprétée par l'organisme comme étant susceptible de menacer son homéostasie, c'est-à-dire le maintien de ses paramètres internes dans des valeurs d'équilibre. Lors d'une telle situation, l'organisme répond en modifiant la façon dont les ressources disponibles sont allouées à ses différentes fonctions, de façon à maintenir les paramètres physiologiques à des valeurs satisfaisantes. C'est ce que l'on appelle la réponse adaptative. Habituellement, dans les moments de stress, les ressources allouées aux fonctions de nutrition, de croissance et de reproduction sont diminuées, alors que les fonctions dites de relation (perception sensorielle, locomotion, communication) sont favorisées. L'activation des capacités sensorielles et de la réponse motrice dans le cadre du stress est bien connue. Ici, nous nous intéressons particulièrement à l'activation des fonctions de communication.

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La communication au cours des épisodes de stress

La réaction de communication observée en contexte de stress, probablement la plus ancienne sur le plan phylogénétique, est la fonction d'alarme. Il s'agit d'une réponse de type réflexe, c'est-à-dire : (i) déclenchée automatiquement par le stimulus et (ii) stéréotypée dans son déroulement.

Ce type de réponse s'observe dans l'ensemble du vivant. L'une des premières mises en évidence quantifiées de communication réflexe à l'intérieur d'une espèce dans le règne végétal concerne les interactions entre acacias de la région du Transvaal en Afrique du Sud, et les koudous, un type d'antilope qui se nourrit des branches et feuilles d'acacia (Van Hoven, 1991). Lorsque la pression de prédation est importante, les branches d'acacia blessées par le passage des ruminants émettent un composé organique volatil, l’éthylène. L’émission de celui-ci a pour effet de déclencher chez les acacias voisins une production de tanins, qui rendent les feuilles impropres à la consommation, voire mortelles à forte dose, pour les koudous. Ainsi, le stress vécu par certains arbres est communiqué automatiquement - par voie gazeuse - aux arbres voisins de la même espèce, ce qui déclenche une réponse adaptative protectrice chez les individus qui n'ont pas eux-mêmes vécu le stress.

Cette réponse d’alarme est largement observée dans le règne animal : citons par exemple les ultrasons émis de façon réflexe par les bébés rongeurs au moment de la séparation avec la mère, dont la fonction semble être principalement l'avertissement de la mère de la détresse de son petit (Nagasawa et al., 2012).

La nature stéréotypée de ces signaux d'alerte peut s'enrichir d'une certaine spécificité concernant par exemple l'agent responsable du stress : ainsi, chez le singe vervet (Chlorocebus pygerythrus), il existe différents types de vocalisation réflexe émis selon le type

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double : alarme et alerte éclairée du reste de la population, de façon à mettre en œuvre des solutions de protection rapides et spécifiquement adaptées vis-à-vis du danger imminent. Une autre variété de spécification du signal apparaît chez certains vertébrés, avec une personnalisation du signal émis. Chez les grands dauphins (Tursiops truncatus), le sifflement émis est appelé “signature”, car il est très spécifique de l'individu qui le produit, ce qui permet aux pairs d'identifier le congénère en situation de danger. Notons que les caractéristiques acoustiques de cette “signature” sont transmises de façon précoce aux jeunes dauphins par leurs mères (Janik and Sayigh, 2013).

Les réponses communicationnelles peuvent aussi être modulées par l'état physiologique dans lequel se trouve l'individu émetteur du signal. Par exemple chez le diamant mandarin (Taeniopygia guttata), un oiseau chanteur, les modulations de la caractéristique acoustique du chant ont pu être expérimentalement corrélées aux valeurs de cortisol, un marqueur biologique du stress (Perez et al., 2012).

Avec l'apparition du langage parlé, l'Humain a développé d'importantes capacités de modulation de la communication en cas de stress aigu, qui dépassent le cadre de la réponse réflexe : possibilité d'exprimer précisément les caractéristiques de la menace perçue, l'attente ou le besoin vis-à-vis de ses pairs ou bien des éléments de l'expérience subjective... ou d'ailleurs tout autre chose, en fonction de l'intentionnalité de la communication. Les travaux de Dennett (Dennett, 1983) ont permis de synthétiser les différents niveaux de communication, ou plutôt d'intentionnalité dans la communication, en comparant ce qui peut être observé chez les mammifères non humains et ce qui semble plus spécifique de l'humain (Tableau 1).

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Tableau 1 : Hiérarchie des niveaux d'intentionnalité dans la communication, exemples dans le règne animal et apparition au cours du développement humain

Niveau de communication

Nature et fonction Exemples dans le règne animal

Dans le développement humain

Premier ordre Signal réflexe

fonction d'alerte, déclenche chez le(s)

receveur(s) des comportements de protection Ultrasons des rongeurs Vocalisation des singes grivets

À partir de 3 mois, les enfants expriment leur

détresse par des

vocalisations plus longues

lors du Still Face

Deuxième ordre Signal modulé

avec des variations en fonction de(s) receveur(s), du stimulus de déclenchement ou du contexte social Effet de l'audience sur la vocalisation des singes grivets Communication adaptative chez les chimpanzés L'incrément de durée de vocalisation n'est pas seulement lié à l'intensité du stress vécu par le sujet

Troisième ordre Signal orienté

exprime une attente spécifique vis-à-vis du receveur du signal (requête impérative) Observé chez certains primates non humains

A partir de l'âge de deux ans, les enfants intègrent l'idée que l'interlocuteur a

des pensées et des connaissances propres – mais sans croyance fausse

(premier niveau de Théorie de l'Esprit) Quatrième ordre Signal orienté et indirect Communication visant à faire comprendre au(x)

receveur(s) que l'émetteur veut lui faire

comprendre qu'il a une attente à son égard (requête déclarative)

Jamais observé dans le règne

animal

A partir de l'âge de 4 ans, les enfants peuvent intégrer l'idée que l'autre

a des croyances erronées (deuxième niveau de

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Dans l'espèce humaine : stress, communication, et processus

d'attachement

De façon évidente, chez l'humain adulte, les possibilités importantes de modulation du signal et de son contenu, permettent de dépasser le cadre de la communication réflexe. On pense ici au langage, et à son usage par les individus de l'espèce ayant acquis la parole et maîtrisant son intentionnalité. Mais l'échange d'information entre humains ne se limite pas à cette forme de communication : et en particulier, dans le cadre du stress aigu, les éléments non verbaux semblent jouer un rôle majeur.

Dans ce cadre, intéressons-nous à la situation du jeune Humain âgé de quelques mois. A ce stade de développement, il n'a pas encore acquis le langage parlé, et ne dispose donc que de moyens de partage pré-linguistiques. Par ailleurs, il n'est pas autonome, et est le plus souvent inapte à répondre par lui-même à une situation d’urgence requérant une modification importante et immédiate de ses conditions de vie. L'expérience d'un stress aigu apparaît alors comme une occasion, ou plutôt un impératif de communication. La situation de stress conduit à une détresse, et l'on conçoit que l'enjeu pour le petit Humain est de communiquer cette détresse aux adultes en charge de sa protection, de façon la plus intelligible possible, sans toutefois la disponibilité des mots.

On peut ainsi considérer que les épisodes de détresse sont autant d'occasions de construire la relation : la dépendance de l'un s'éprouve dans un besoin d’aide et son expression, et la capacité de protection de l'autre est aperçue dans sa disponibilité, son adéquation et sa fiabilité. Ce qui se joue lors d'une interaction entre un jeune enfant et un adulte en charge de cet enfant (le « caregiver ») a été formalisé par John Bowlby sous la forme de la théorie de l'attachement (Bowlby, 1969). La qualité de l'interaction, notamment dans des situations de détresse, la capacité de l'adulte à être attentif au besoin de l'enfant, et à y répondre de façon

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adéquate, va conditionner la qualité de l'interaction future entre l'enfant et ce parent en particulier, mais aussi la qualité des autres interactions sociales au cours de la vie du sujet. Autrement dit, les réponses de l'entourage aux expériences de stress de l'enfant guident le développement de schèmes d'attachement, qui correspondent à des modèles opérationnels de l'environnement et de l'organisme construits et élaborés par l'enfant ; et qui seront à leur tour la base de la mise en place des modèles internes opérants qui régiront les sentiments, pensées et attentes des individus par rapport à leurs relations, et ce dès l'enfance. Ainsi, la résultante du processus d'attachement peut être décrite comme une compétence adaptative à réguler les émotions dans des conditions de stress, à l’aide de comportements d'engagement social volontaires et sélectifs (Pierrehumbert et al., 2009). Lorsque les choses se passent bien, c'est-à-dire lorsque les acteurs de l'interaction vont bien, lorsque la réponse immédiate à la détresse de l'enfant est adaptée, lorsque l'interaction elle-même est de qualité, cette construction se déroule de façon satisfaisante, le lien d'attachement est renforcé pour les deux membres de la dyade, les capacités ultérieures de faire face à des situations de stress et à établir des liens d'attachement sont également renforcées : c'est le mode d'installation d'un attachement dit sécure, heureusement majoritaire dans les populations.

Néanmoins les études expérimentales, et notamment le paradigme de la « situation étrange ou « strange situation » développé par Mary Ainsworth (Ainsworth and Bell, 1970) ont permis de préciser les situations de « ratés » dans la mise en place de cette compétence relationnelle, sous la forme des schèmes d'attachement insécures, qui sont de trois types :

deux modes d'attachement organisés de façon pathologique : de type évitant ou de

type résistant,

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Ce dernier mode, décrit plus tardivement par Mary Main (Main and Solomon, 1986), est observé majoritairement parmi les enfants ayant subi des stress majeurs dans l'enfance, en particulier des situations de maltraitance infantile (80% des enfants victimes de mauvais traitements rentreraient dans cette catégorie) (Ainsworth et al., 2015). Du point de vue comportemental, les enfants présentant un attachement désorganisé ne semblent pas avoir développé de stratégies adéquates et cohérentes face à des situations de détresse, en particulier lors de la séparation. Dans la « strange situation », ils présentent des réactions individuelles variables : l'enfant peut demeurer pétrifié, immobile, tomber face contre terre, avoir des stéréotypies ressemblant à des tics, ou montrer simultanément des modèles de comportements contradictoires, comme marcher en détournant la tête, présenter à la fois un élan vers le parent et l’arrêt brutal de ce mouvement. La réponse biologique au stress est inhabituelle, avec une élévation plus forte du cortisol chez les enfants présentant ce type d'attachement en comparaison aux enfants présentant un attachement sécure, et la persistance de l'élévation du cortisol après le retour du parent, c'est-à-dire la persistance de la réponse, après la disparition du stimulus de stress (Tarullo and Gunnar, 2006). Par la suite, les relations avec les pairs sont souvent caractérisées par des comportements d'agressivité alternant avec des attitudes de retrait ou de rejet.

Le lien entre attachement insécure — notamment désorganisé — et émergence de troubles psychopathologiques de l'enfance est par ailleurs fermement établi. En particulier, les études épidémiologiques montrent que la plupart des sujets présentant un trouble de la personnalité limite (TPL) présentent un attachement de type désorganisé (Levy, 2005).

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Physiologie du stress : ou la neuroendocrinologie de l’adaptation.

Pour envisager une approche expérimentale de la réponse en situation de stress aigu, il est indispensable de comprendre les mécanismes physiologiques qui sous-tendent cette réponse adaptative. Celle-ci s'organise schématiquement en deux sous-réponses, que nous allons décrire plus précisément :

- la première composante est extrêmement rapide, organisée par le système nerveux neurovégétatif, permettant une réponse comportementale et physiologique immédiate, - en même temps, mais selon un processus plus lent, s’enclenche la réponse

endocrinienne de l'axe hypothalamo-hypohysaire (AHH), se traduisant in fine par la libération de l’hormone corticosurrénalienne, le cortisol, dont le rôle est d’aider au rétablissement des divers équilibres physiologiques. Cette réponse de l'AHH est également modulée par la sécrétion d'ocytocine (OT), et de Vasopressine (VP), un système hormonal impliqué dans la constitution du lien affectif.

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Réponse neurovégétative

Il s'agit de la réponse du système nerveux neurovégétatif (SNNV), dont l'activité est essentiellement homeostatique, non volontaire et non consciente. Le modèle de la théorie polyvagale propose une vision évolutionniste de l'apparition de ce système biologique (Porges, 2009), qui permet de se représenter les différents niveaux de ce système de régulation, et la façon dont son développement peut être éventuellement atteint à l'échelle individuelle.

D'après Porges, trois étapes sont à comprendre :

1. Développement du système parasympathique (SN-PS), qui correspond à ce stade au nerf vague sous sa forme non myélinisée, et dont l'effet est de favoriser les fonctions

métaboliques (digestion et assimilation), et d'inhiber les réponses

cardiorespiratoires. Dans une situation stressante, lorsque seul ce système existe, il peut être activé de façon relativement rapide et est alors responsable de l'inhibition massive des réponses comportementales (sidération ou « freezing »).

2. Développement du système nerveux sympathique (SN-S), organisé sous la forme de plexus nerveux rachidiens, dont l'effet est globalement activateur sur les fonctions cardiorespiratoires et motrices (augmentation de la fréquence cardiaque, vasodilatation coronarienne, dilatation des bronches, vasodilatation au niveau de la musculature squelettique, sécrétion d'adrénaline et de noradrénaline par la médullosurrénale). Ceci ouvre la possibilité d'une réponse comportementale active (combat ou fuite, « fight or flight »). En parallèle, on observe une inhibition spécifique du métabolisme viscéral

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2. Myélinisation des axones du nerf vague (spécifique aux mammifères) qui augmente la vitesse de réponse de cette voie et lui confère une fonction régulatrice, permettant un engagement ou un désengagement plus subtil dans les différents types de comportement.

Chez l'humain, par exemple, il existe donc toujours une activation partielle des deux sous-systèmes, les effets respectifs schématiques de chacun sont résumés dans la figure 1.

Figure 1 : Schéma de synthèse des effets respectifs principaux de l'activation des deux branches du système nerveux neurovégétatif (adapté de (Waugh et al., 2011)) .

• L'activation du SN-S (sympathique) : favorise l'activation cardiopulmonaire et circulatoire (augmentation de la fréquence cardiaque, dilatation des bronchioles, sécrétion d'adrénaline), mise des autres fonctions en arrière-plan

• L'activation du SN-PS (parasympathique) : favorise la nutrition (augmentation des sécrétions digestives : salive, estomac, pancréas), l'excrétion (péristaltisme et vidange vésicale et colique), la reproduction (augmentation de l'excitation sexuelle)

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On appelle tonus vagal le rapport entre activation du système parasympathique (inhibiteur/régulateur) et du système sympathique (activateur). Le tonus vagal ne se mesure pas directement expérimentalement, mais peut être évalué par des mesures indirectes. En effet, sur le plan de la rythmicité cardiaque, une augmentation du tonus vagal (parasympathique > sympathique) a pour effets de ralentir le cœur (effet inhibiteur) et d'augmenter la variabilité de la fréquence cardiaque (qui correspond à la variation au cours du temps de la durée entre deux ondes P sur l'enregistrement électrocardiographique, dite HRV pour Heart Rate Variability,). Lorsque l'HRV est élevé, cela reflète une bonne adaptabilité de la réponse neurovégétative à l'environnement.

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Réponse neuroendocrinienne

Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien

L'axe hypothalamo-hypophysosurrénalien est l'axe de réponse neurohormonal principal au cours d'une situation de stress aigu. Les hormones hypothalamiques (principalement la CRH pour Corticotropin Releasing Hormone) sont responsables de la libération de l’hormone hypophysaire corticotrope (ACTH pour AdrenoCorticoTrophic Hormone), elle-même responsable de la libération des corticoïdes (principalement le cortisol) par la partie périphérique des glandes surrénales.

On peut noter qu'il existe des récepteurs à la CRH au niveau de différentes régions intracérébrales (cortex hippocampique, amygdale, certaines régions du tronc cérébral dont Locus Coeruleus), dont l'activation sous-tend un certain nombre de conséquences liées à des stress aigus de forte intensité. Au niveau hippocampique par exemple, la CRH intervient dans les processus mnésiques reliés au stress ; au niveau amygdalien, les effets de la CRH sont impliquées dans l’hypervigilance, les manifestations d’anxiété, les états dysphoriques et aversifs; par les voies projetant vers le locus coeruleus, les systèmes CRH agissent sur les régions régulant l’activation du système nerveux autonome (Koob and Heinrichs, 1999). Enfin, la CRH module l'activation du système immunitaire (réduction du nombre de lymphocytes et de l’activité des LT killers et des anticorps).

L’un des aspects les plus remarquables et importants est que ce système régulateur central du stress repose sur une boucle anatomo-fonctionnelle (CRH - ACTH - cortisol - CRH) (Koob, 1999; Koob and Heinrichs, 1999), reliant par une activation conjointe les structures hypothalamiques (productrices de CRH) avec les régions limbiques et les noyaux du tronc

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cérébral (ayant les récepteurs à la CRH), ce qui explique la coordination naturelle des réponses comportementales, neurovégétatives et des régulations immunitaires.

Figure 2 : Schéma synthétique de l'activation de l'axe hypothalamus-hypophyse-surrénale et modulation neurale lors de la réponse de stress (d’après Waugh et al., 2011)

La chronologie des évènements lors d’un stress aigu et isolé, en réponse à un évènement perçu et analysé à un instant donné, permet de comprendre le rôle respectif des différentes hormones. Dès la perception de l’évènement et l’évaluation de son caractère potentiellement menaçant ou dangereux, les transmissions catécholergiques et la CRH sont mises en jeu (fraction de secondes ou secondes), suivies par l’ACTH. Ce n’est que plusieurs minutes plus

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Les récepteurs spécifiques et les tissus répondent quasi immédiatement aux catécholamines et, suivies de peu, à la CRH. Il faut attendre quelques minutes pour que les effets physiologiques de l’ACTH, aient lieu, puis quelques minutes plus tard encore, pour observer la sécrétion du cortisol, et encore plus de temps, pour observer l'effet du cortisol sur les organes cibles.

Les conséquences physiologiques immédiates du stress seront donc, dans l’ordre chronologique, une augmentation du tonus cardiovasculaire, l’activation immunitaire, la mobilisation des sources d’énergie, la réduction des potentialités reproductives, l’augmentation du flux sanguin cérébral, la perte d’appétit, et la mise en route des processus de consolidation mnésique (action centrale sur l’hippocampe). Dans les faits, les transmissions CRH enclenchent les mécanismes biologiques et neuronaux de façon variable selon les différences individuelles. Selon l’intensité perçue et évaluée du stress en jeu, le sujet

perçoit immédiatement des modifications physiologiques périphériques comme

l’augmentation du rythme cardiaque, puis des réactions subjectives correspondant à ce que le sujet éprouve de l’évènement et ce qu’il va nommer « stress ». Par la suite, le cortisol module en retour la libération de la CRH par une boucle de rétroaction négative à fonction homéostatique (Johnson et al., 1992) .

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Modulation par le système Ocytocinique

L'Ocyctocine (OT) est une autre hormone, synthétisée dans la partie postérieure de l’hypophyse (neurohypophyse). Dans sa forme périphérique, elle est connue depuis les années 1950 pour son rôle dans la période périnatale chez les mammifères femelles : utérotonique (rôle dans la parturition) et galactorrhétique (rôle dans l’éjection réflexe du lait lors de la lactation). Identifiée plus récemment pour son action au niveau central, l’OT est désormais reconnue comme un modulateur des comportements prosociaux des mammifères. Présente chez les individus des deux sexes, elle module les affects et comportements sociaux tels que la confiance, la générosité, l'altruisme, la fidélité, l'empathie et la mémoire sociale , mais aussi l'intensité du lien d'affiliation (Campbell, 2010; Feldman,2015).

Plusieurs études ont montré que OT joue un rôle fondamental dans l’établissement des liens entre le parent et le nourrisson chez les animaux (Nagasawa et al., 2012) et les humains (Feldman et al., 2007). Les modèles conceptuels actuels qui s'intéressent aux mécanismes qui sous-tendent les effets d'OT sur les processus d'attachement suggèrent deux types de mécanismes. Le premier correspond à l'hypothèse de la salience sociale, qui suggère que OT augmente la salience des indices sociaux. Le second correspond à l'hypothèse de récompense, qui postule que OT augmente la réponse du cerveau aux stimuli sociaux. Les deux mécanismes pourraient être actifs dans le contexte de la réponse du cerveau sous l'effet d'OT (Weisman et al., 2013a). Concernant les interactions précoces mère/enfant, il a été montré que les niveaux d'OT chez les femmes enceintes prédisent l'expression des comportements maternels dans le post-partum, suggérant un effet d'amorçage d'OT en période gravidique sur l'initiation du comportement parental (Levine et al., 2007).

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Il existe en outre une littérature importante au sujet de la fonction modulatrice des effets du stress par OT. Dans le cadre de l'expérimentation animale ou humaine, l'exposition à des situations stressantes de tous types, ou à des molécules induisant un stress physiologique, conduit à l'élévation de OT en parallèle à l'augmentation de la CRH au niveau du système porte-hypophysaire.

L'effet naturellement anxiolytique de OT dans la période du péripartum avait pu être mis en évidence de façon expérimentale chez des femelles Rates, et reproduit expérimentalement avec démonstration d'une efficacité dose-dépendante (Neumann, 2003). Plus tard, des études chez les campagnols des Prairies, une espèce monogame de rongeurs, ont permis de montrer que la seule présence du partenaire mâle attitré avait un effet de régulateur du stress chez la femelle. Cet effet est bloqué en cas d'ajout d'un antagoniste spécifique du récepteur à l'OT. Il est en revanche parfaitement reproduit, en l'absence du partenaire, par la perfusion de fortes doses d'OT dans la région paraventriculaire de l'hypothalamus (Smith et al., 2016). Des données moléculaires tendent à montrer que cet effet serait sous-tendu par un double mécanisme, à la fois direct (sur l'activité de synthèse protéique des neurones à CRH) et indirect (par l'activation de neurones GABAergiques inhibiteurs de ces mêmes neurones à CRH). Ainsi la simple présence d'une figure d'attachement affectif dans l'environnement permettrait, via la sécrétion et l'action d'OT, de réduire la réponse biologique de stress induite par le système hypothalamo-hypophysaire.

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Notre cadre de pensée : trajectoire développementale et épigenèse

probabiliste

Chez l'Humain, le tout début de la vie et l’adolescence sont deux périodes de forte croissance staturopondérale, de remaniements hormonaux importants, de transformations dans l'organisation anatomique et fonctionnelle des tissus cérébraux. En parallèle de cette activation physiologique globale, les individus expérimentent un développement relationnel intense avec établissement de relations inédites (avec le(s) parent(s) pour le bébé, avec les pairs et le monde extrafamilial de façon générale pour l'adolescent). Ces modifications s'accompagnent à ces périodes d'une sensibilité particulière aux conditions d'environnement. Des études récentes ont montré que des facteurs environnementaux peuvent transformer les structures cérébrales sous-jacentes à des niveaux structurels/ fonctionnels (Vanderwert et al., 2010) ou même à l'échelle moléculaire (McGowan et al., 2009). Ces modifications peuvent avoir des conséquences pathologiques par elles-mêmes mais peuvent aussi influencer le développement au travers de mécanismes adaptatifs compensatoires (Shaw et al., 2010).

Pour tenir compte de la façon dont ces différents éléments vont contribuer à façonner l'individu dans sa maturation, Cohen propose la notion d'épigenèse probabiliste (Cohen, 2008). Cela revient à prendre en compte la dimension temporelle du développement, autrement dit, les interactions : gènes x environnement x temps (Thompson and Stanwood, 2009). Le modèle est résumé de façon schématique dans la figure 4.

Ainsi, si l'on s'intéresse à la psychopathologie, c'est-à-dire aux « ratés » du développement psychique, il est essentiel de raisonner en termes de trajectoire développementale pour comprendre les processus à la fois au plan psychologique et physiopathologique.

Ce modèle est donc fondamentalement interactif et intégratif. Il implique une prise en compte simultanée des différents niveaux de développement, et la reconnaissance de l'existence

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d’interactions bidirectionnelles entre les différentes structures et déterminants de celui-ci (Gottlieb, 2007). Ces différents niveaux sont le niveau génétique, le niveau cellulaire, le niveau de l’organisation neurale, le niveau de l’organisation cérébrale fonctionnelle, le niveau des comportements et des conduites, et bien sûr le niveau de l’environnement, qu’il soit physique, social ou culturel.

Figure 4 : Représentation schématique du modèle d'épigenèse probabiliste (issue de Cohen 2010, d'après Gottlieb 2007)

Dans cette figure, on représente en abscisse le temps du développement de l'individu, avec deux périodes spécialement actives du point de vue du développement, les interactions précoces de la petite enfance et l'adolescence. En ordonnée, on fait figurer les différents niveaux de développement - génétique, neural, comportemental et environnemental. Chaque niveau a une ligne de développement propre, mais ces lignes sont interdépendantes, avec des influences bidirectionnelles.

Par exemple, des anomalies du développement neural peuvent avoir des répercussions sur les capacités de régulation comportementales et donc sur le niveau “comportement” (par ex. Trouble des conduites), ce niveau ayant lui-même un effet sur la réponse de l'environnement (punitions, maltraitance, placement institutionnel). La réponse environnementale (positive ou négative) peut elle-même avoir un effet sur l'apparition, l'exacerbation ou l'atténuation de symptômes comportementaux, ceux-ci sous-tendant une modification de la trajectoire du développement neural, voire épigénétique.

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Questions et organisation du travail de thèse

Nous nous intéressons ici aux liens bidirectionnels qui existent au cours du développement de l'enfant humain entre, d'une part la capacité à communiquer au cours d'une situation stressante, et d'autre part le développement du lien d'attachement.

Nous avons structuré notre travail autour de deux contextes expérimentaux, qui correspondent à deux périodes cruciales de développement chez l'Humain : la petite enfance et l'adolescence.

Nous avons évoqué plus haut dans cette introduction que la communication interhumaine en situation de stress aigu pouvait être très précise notamment par l'utilisation du langage. Nous avons aussi évoqué la possibilité d'une communication qui se déroule lorsqu'un jeune enfant qui n'a pas encore développé le langage, se retrouve dans une situation de détresse, en présence d'un adulte. Comment mieux comprendre ce qui se joue dans cette interaction ? Peut-on parler véritablement d'intentionnalité du signal social émis par l'enfant dans ce type de contexte ? Est-ce que l'interaction entre l'enfant et l'adulte peut avoir une influence sur la façon dont cette communication se produit ? Est-ce que cette communication peut à son tour modeler l'interaction au sein de la dyade ?

A l'adolescence, que peut-on observer en situation de stress aigu chez des sujets dont les capacités de régulation émotionnelle sont rapidement débordées ? Qu'est-ce qui est transmis à l'interlocuteur, par l'attitude, le mouvement, la mimique, l'aspect ? La capacité à réguler - ou non -ses émotions, et en particulier en situation de stress, a-t-elle un impact sur ce qui est communiqué ? Est-ce que les expériences passées de construction du lien à l'autre ont un impact sur l'adéquation entre ce qui est vécu par le sujet et ce qui est reçu par l'interlocuteur ?

Ainsi notre questionnement va se déployer autour de deux paradigmes expérimentaux et deux âges de la vie.

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Chez le bébé

Au sein d'une dyade bien portante, à partir de quel moment la communication en contexte de stress présente-t-elle les caractéristiques d'une communication intentionnelle et en quoi peut-elle participer à la constitution du lien d'attachement ?

Nous nous sommes intéressés à ce qui se passe lors de la survenue d'un stress mineur, dans des dyades qui vont bien (mère/enfant ou père/enfant), c'est-à-dire sans pathologie individuelle du côté de l'enfant ou de l'adulte, et sans pathologie manifeste du lien.

Nous avons utilisé le paradigme du visage impassible (Still Face) pour explorer des dyades mère/bébé en faisant varier l'intensité du stress induit chez les bébés, par des modulations de l'interaction tactile dans la dyade. Nous avons associé à ce protocole une méthodologie originale d'analyse du signal audio, caractérisant de façon automatisée les échanges vocaux entre mère et enfant (Article publié n°1: Bourvis et al., 2018a). Au cours de cette étude nous nous sommes intéressés à la dynamique du dialogue mère-bébé et à la construction de la boucle interactionnelle, et à l’éventuelle influence du niveau de stress exercé.

Le paradigme de Still Face associé au protocole d'analyse quantitative de données audio a été également utilisé dans le cadre de l'étude de dyades pères/bébés (Article publié n°2: Weisman et al., 2016). Nous avons testé l'influence de la prise d'ocytocine par voie intranasale par les pères en début d'expérience, afin de voir si cela avait des conséquences sur les suites de l'interaction tant au plan comportemental qu’hormonal.

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Chez l'adolescent

Chez un adolescent présentant des troubles sévères de l'attachement, quelles sont les caractéristiques de la réponse à un stress aigu ? Les éléments communicationnels sont-ils différents que ce qui est observé chez des adolescents ne présentant pas ces troubles ?

Nous nous sommes intéressés à la situation pathologique représentée par le trouble de personnalité limite, qui représente un modèle clinique de perturbation précoce de l'organisation des liens d'attachement. Nous avons cherché dans un premier temps à explorer les liens épidémiologiques, cliniques et physiologiques qui existent entre l'exposition précoce au stress, la survenue d'un TPL et les modalités de réponse au stress chez les sujets TPL (Article publié n°3: Bourvis et al., 2018b). Nous avons également développé un modèle expérimental de stress qui prend en compte la réponse de façon multimodale, en intégrant des données neurophysiologiques, biologiques et comportementales. L'originalité de ce protocole tient à la fois à son caractère multimodal, à la dimension quantitative et automatisée des mesures de signal social recueillies, et la méthodologie de classification qui en découle (Article publié n°4: Spodenkiewicz et al., 2018). A partir de la synthèse bibliographique et du protocole expérimental, nous avons construit une étude expérimentale cas-témoins, baptisée ADOLIMIS, dont le recrutement est en cours, et dont l'objectif est de caractériser la réponse au stress d'adolescents présentant un trouble de personnalité limite. Des résultats partiels, non publiés, sont également présentés.

A l'issue de la présentation de ces deux cadres expérimentaux, une synthèse et discussion sont proposées.

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PARTIE 1 : COMMUNICATION EN SITUATION DE STRESS ET

PROCESSUS D’ATTACHEMENT ENTRE DES PARENTS ET LEUR

BEBE BIEN PORTANTS

Chapitre 1 : Données sur l’étude du stress et des interactions entre le bébé et son

environnement

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1. Modalités d'interaction entre humains avant le développement du

langage.

Nous avons évoqué l'importance du développement du langage dans l'espèce humaine, et le potentiel qui en découle en termes de complexité de communication. Néanmoins, si le langage n'est pas présent à la naissance chez les nourrissons humains et ne se développe pas chez les autres animaux, la communication et les interactions sociales sont largement observées dans tout le règne animal et se produisent, chez l’humain, bien avant l'acquisition du langage formel. Ces premiers échanges communicatifs ont aussi une fonction de survie importante.

Les interactions précoces entre les parents humains et leurs nourrissons reposent sur plusieurs types de signaux sociaux qui eux-mêmes supposent le recours à diverses modalités sensorielles. Par exemple, dans le domaine visuel, le sourire de l'enfant en réponse au sourire de la mère a un effet bien connu, en retour, sur la mère (Messinger et al., 2008). Dans la modalité tactile, il a été montré que le fait d'être touché avec tendresse était capable de réduire, voire d'annuler la réponse de stress du nourrisson (Feldman et al., 2010; Papalia et al., 2011). L'olfaction, en particulier par l'intermédiaire des phéromones présentes dans le mamelon maternel, est une modalité sensorielle puissante pour la mise en place du lien entre

la mère et l'enfant (Schaal, 2010). Cet apport sensoriel riche et multimodal contribue au

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2. Le cas de la modalité auditive

Parmi ces stimuli sensoriels, le canal auditif semble avoir une importance particulière chez l'Humain. D'abord, le développement cérébral et sensorimoteur normal permet très tôt au jeune humain de traiter et de produire l'information acoustique avec une grande précision (MacWhinney, 2014). De plus, avant même l’acquisition de la mobilité, la modalité auditive est un canal de choix (immédiat, et efficace à distance) pour informer les aidants de leurs besoins. L'exemple le plus évident est celui des pleurs, un signal auquel les parents sont particulièrement sensibles (Soltis, 2004; Piallini et al., 2015). Le développement de la communication entre mères et bébés humains a été étudié par Dean Falk, paléontologue et anthropologue, qui a formalisé l'hypothèse de « poser le bébé » (« put the baby down ») (Falk, 2004). L'idée est que l'évolution au sein de l'espèce primate s’est traduite par des besoins contradictoires concernant le volume du cerveau à la naissance, entre, d'une part, la taille du crâne du bébé à terme et la possibilité de la parturition chez une espèce bipède, au bassin étroit, et d'autre part la maturité neurologique des nouveaux-nés. En effet, le petit humain présente à la naissance, et pendant de longs mois, une grande immaturité neurologique, qui ne lui permet pas de s'accrocher activement à sa mère (cette difficulté étant aggravée par la position verticale du dos chez l'humain adulte, ce qui rend l'accrochage plus difficile que sur un parent quadrupède comme le singe). Ce degré d'immaturité serait l'équilibre évolutif d'une espèce à gros cerveau (et donc grosse tête), mais aussi bipède (et donc avec un bassin moins large, même chez les femelles, et station debout). Ainsi, le bébé humain croît rapidement au cours des premiers mois, devient plus lourd pour la mère, qui doit pouvoir le poser de temps en temps puisqu'il ne tient pas tout seul. Mais elle doit pouvoir garder un lien de surveillance et de protection rapprochées, en dépit de la distance topographique : c'est là que la modalité auditive présente des atouts que les modalités olfactives et tactile n'ont pas.

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Enfin, au-delà des stimuli simples, la voie auditive prend également en charge un système interactif complexe évident avec le langage parlé, mais qui précède déjà son acquisition. Les nourrissons à l'âge pré-linguistique peuvent déjà émettre un large éventail de signaux acoustiques, tels que les pleurs, le babil, le chant ou même les grognements (McCune et al., 1996). De plus, le rôle de la structure temporelle de l'interaction - par exemple la rythmicité des réponses et la synchronisation dans le silence et les vocalisations – a été mis en évidence depuis plusieurs décennies (Stern 1975, Jasnow 1986, Beebe 1988, Crown 1996, Jaffe 2001). Une étude récente analysant l’interaction naturelle et spontanée entre des nourrissons et leur mère montre ainsi le rôle actif joué par les nourrissons dès l'âge de deux mois dans les échanges vocaux (Gratier et al., 2015).

De façon générale, pendant l’interaction, les parents sont sensibles aux vocalisations du nourrisson et leur propre production vocale régule celle de l'enfant (Cohen et al., 2013; Weisman 2016). Les parents peuvent également utiliser une modalité spécifique de vocalisation, appelée mamanais, qui transmet à la fois des composantes linguistiques et émotionnelles. Au-delà du contenu linguistique, la composante émotionnelle du mamanais se distingue par des caractéristiques para-linguistiques spécifiques, notamment la prosodie (Saint-Georges et al., 2013; Cohen et al., 2013)

Toutes ces composantes constituent la base d'un véritable «dialogue pré-verbal», qui lui-même sert de support ultérieur pour la mise en place progressive du langage verbal. Le travail pionnier de Jaffe et al. (Jaffe et al., 2001) montre en outre que plusieurs paramètres quantitatifs de ce dialogue pré-verbal sont des prédicteurs des modèles d'attachement et des capacités cognitives développés par la suite par l'enfant.

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Lors de la réunion, les parents et les nourrissons reprennent l'interaction, et c'est dans cette

phase que l'on peut mettre en évidence des différences dans la coordinationdyadique et dans

la façon dont le parent exerce une action de régulation des émotions du nourrisson (Moore et al., 2001; Moore and Calkins, 2004).

D'autres études ont utilisé le SFP pour étudier les effets de la rupture transitoire du lien au parent sur la physiologie et le comportement des nourrissons, tester les conséquences de la privation précoce et mesurer l'attachement du nourrisson (Mesman et al., 2009; Tronick et al., 1978; Brazelton et al., 1975). Le SFP a également été utilisé pour explorer la physiologie du stress infantile. Le SF est un moment stressant pour l'enfant car le parent interrompt brutalement l'interaction et reste muet et inexpressif pendant une certaine durée: il a été montré que le SF provoque une augmentation des niveaux de cortisol du nourrisson (Weisman et al., 2015), ce qui en fait un véritable stimulus de stress. Cependant, cette augmentation du cortisol n’est pas systématique et les effets stressants du SF peuvent être atténués notamment en utilisant le toucher tendre pendant le SF (Feldman et al., 2010).

En résumé, le SFP permet d'observer la façon dont sont déployés le degré de stabilité des dyades, la dynamique de l’interaction, les mécanismes de réparation lors des ruptures communicatives, et le stress relationnel du nourrisson.

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4. Méthodes quantitatives d'étude des interactions précoces

Pendant des années, les études expérimentales utilisant le SF, comme de nombreuses études en psychiatrie infanto-juvénile, ont principalement reposé sur des observations et des analyses qualitatives, utilisant éventuellement des échelles standardisées, ou des encore des méthodes micro-analytiques (par exemple (Braungart-Rieker et al., 2014)). Quelques méthodes automatiques d'analyse du signal vocal ont néanmoins également été développées et utilisées. L'approche la plus convaincante correspond à l'étude de Jaffe et al. avec des mesures en continu des vocalisations et des pauses de chaque partenaire, et la définition de plusieurs paramètres dyadiques (alternance de pause, parole simultanée durable ou interrompue). Dans cette étude, la réciprocité entre les partenaires a ensuite été mesurée en utilisant une analyse temporelle, afin de calculer un coefficient de synchronisation interpersonnelle globale (notre traduction pour ce que les auteurs appellent coordinated interpersonal timing) (Jaffe et al., 2001).

Le travail expérimental réalisé dans cette thèse s'inscrit dans cette recherche de quantification des interactions, dans le sillage des travaux réalisés depuis plusieurs années au laboratoire, à la fois dans le domaine de l'analyse du signal visuel ou audio. A l'ISIR (Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique), en effet, de nombreux travaux concernent la quantification du signal social (analyse de données vidéo: par exemple (Leclère et al., 2014) ; audio par exemple (Weisman et al., 2015); pour une synthèse de ces travaux dans le champ des interactions parents-enfants, voir (Avril et al., 2014)). De ces travaux émergent aussi des perspectives thérapeutiques en populations cliniques : développement de jeux sérieux (serious games) (Grossard et al., 2016), neurofeedback et robotique pour enfants atteints de troubles

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Les deux études rapportées ici utilisent certaines méthodes issues de ces travaux dans le champ de l'étude du signal social et de l’étude des interactions dyadiques parent-bébé.

Classiquement, dans le champ de l'étude du signal social par le canal audio, on distingue deux niveaux de signal : les signaux de bas grade, et les signaux de haut grade.

Signaux de bas grade

On appelle Tour de Parole (« Turn Taking » ou TT) le processus par lequel les personnes impliquées dans une conversation « décident » implicitement qui doit parler à chaque instant.

Dans le contexte expérimental, le TT est représenté par un ensemble de paramètres quantitatifs qui rendent compte de la dynamique de la conversation. Pour évaluer cet ensemble de paramètres, nous avons suivi dans les deux études présentées ici, les méthodes développées par Weisman et al. (Weisman et al., 2015) pour l'analyse de l'interaction des dyades parent-bébé.

Les deux descripteurs fondamentaux de la prise de parole individuelle sont :

la vocalisation (ou tour de parole) d'un locuteur, définie comme un flux continu de

discours avec moins de 150 ms de silence,

et la pause, qui est une absence de prise de parole, pendant plus de 150 ms.

On définit ensuite des paramètres de synchronie, qui précisent l'interaction : un silence correspond à une absence de prise de parole par l'ensemble des locuteurs pendant plus de 150 ms ; un chevauchement correspond à une période pendant laquelle les deux locuteurs prennent la parole en même temps, une réponse correspond à un tour de parole du second locuteur démarré dans les trois secondes après la fin d'un tour de parole du premier locuteur

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(cette fenêtre temporelle est basée sur des données de la littérature des interactions dyadiques (Delaherche et al., 2012).

Pour réaliser l'analyse quantitative des segments de parole, trois étapes techniques sont requises : (i) segmentation manuelle; (ii) annotation; (iii) extraction de caractéristiques ciblées. Nous avons utilisé l'outil d'annotation linguistique ELAN pour segmenter la vocalisation des locuteurs et annoter chaque vocalisation.

Signaux de haut grade

Ils correspondent au contenu du segment de tour de parole. Des travaux antérieurs ont montré que la nature de la vocalisation parentale peut être importante et avoir une influence sur l'interaction parent-enfant. En particulier, le mamanais fait référence à la manière spontanée dont les mères, les pères et, de façon générale, les adultes en charge d'un petit enfant peuvent s'adresser à eux (Saint-Georges et al., 2013). L'usage du mamanais se retrouve dans toutes les cultures et toutes les langues. La composante émotionnelle du mamanais a des caractéristiques acoustiques spécifiques: hauteur de ton plus élevée en moyenne, avec une gamme de tonalité plus large, un rythme de parole ralenti et une hyper-articulation des voyelles (Saint-Georges et al., 2013).

La classification des segments de parole peut se faire par un opérateur, « à l'oreille », avec une bonne performance, ou bien, de façon moins subjective (et moins laborieuse !), par un algorithme de classification basé sur les caractéristiques acoustiques du signal, et développé dans notre laboratoire (Cohen et al., 2013).

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Chapitre 2 - Le signal vocal émis par le bébé en situation de rupture

d'interaction avec sa mère correspond-il à une forme de

communication intentionnelle ? (étude expérimentale)

Cette étude a été réalisée en collaboration avec l'équipe de Ruth Feldman, de l'université Bar Ilan à Tel Aviv. Notre contribution a été d'analyser les données qui avaient été recueillies par les équipes israéliennes, pionnières dans ce domaine, et de les mettre en perspective avec les données actuelles sur le développement des nourrissons et la constitution des liens d'affiliation (Article 1, Bourvis et al., 2018).

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1. Méthodologie

121 dyades ont été recrutées au total, réparties en six groupes de 20, selon l'âge des nourrissons (trois mois ou six mois) et trois types de SF :

• le SF classique,

• le SF avec toucher tendre (SF+T), où les mères pouvaient continuer à toucher leur

enfant durant le SF de façon naturelle, avec tendresse, tout en gardant le visage impassible,

• le SF avec contention des bras (SF+A), où les mères devaient maintenir les bras de

leur enfant le long du corps, restreignant la mobilité de l'enfant.

Chaque dyade a été randomisée dans une des conditions expérimentales. Il n'y avait pas de différence significative d'âge maternel entre les groupes. Les critères d'exclusion comprenaient la naissance prématurée ou compliquée et la maladie chez l'un ou l'autre des membres de la dyade. La recherche a été approuvée par le comité d’examen de l'Université de Bar-Ilan et menée conformément aux normes éthiques internationales, et tous les participants ont signé un consentement. Après randomisation, 32 dyades (26%) ont été affectées au toucher tendre (SF + T), 41 (34%) à la contrainte sur les bras (SF + A) et 48 (40%) à la SF classique.

La procédure de SF était déclinée en 3 min de FP, 2 min de SF, 3 min de R (cf. figure 5).

Les analyses statistiques ont été effectuées à l'aide du logiciel R, en utilisant des modèles de régression linéaire mixtes (ou LMM Linear Mixed Model). Les variables principales à prédire étaient : les paramètres de tour de parole (mère / nourrisson / dyade), et l'usage du mamanais. Les variables explicatives (dont on cherche à évaluer l'effet) étaient : (i) l'âge de l'enfant (trois

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classique); (iii) le sexe de l'enfant (garçon ou fille); et (iv) le temps de l'épreuve (avant, pendant ou après le SF). Pour chaque test, le niveau de signification alpha retenu était fixé à 5%.

Pour évaluer les changements de vocalisation chez le nourrisson au cours des trois périodes d’étude (avant, pendant et après le SF), une analyse secondaire utilisant le même LMM a été utilisée avec une modification de la variable temporelle devenue avant, pendant et après SF. Également, pour évaluer l’effet de l’âge et du sexe sur la période de jeu libre (donc avant le SF), le LMM a été appliqué (sans la variable explicative du temps) sur cette partie de l'expérience.

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2. Résultats

Les résultats peuvent se regrouper en trois catégories.

- Paramètres maternels, infantiles et dyadiques pendant le jeu libre

Les caractéristiques audio lors des interactions mère / nourrisson pendant la phase de jeu libre (c'est -à-dire une phase identique pour toutes les dyades, quelles que soient les conditions de SF, puisque ces conditions n'apparaissent que lors du SF proprement dit) ont été comparées selon l'âge et le sexe (tableau 2). Cela donne un aperçu de l'interaction enregistrée à travers une situation sans contrainte pour les membres des de la dyade, mais néanmoins dans un contexte expérimental.

Le LMM appliqué à chaque variable montre que l’âge des nourrissons n’a eu d’effet que sur les paramètres des mères : celles-ci avaient de plus longues vocalisations, et avaient plus recours au mamanais dans le groupe des dyades avec nourrissons de six mois par rapport aux groupe avec nourrissons de trois mois. Il n'y avait pas de différence significative de production vocale de la part des nourrissons entre les deux groupes. Le genre de l'enfant avait en revanche un effet sur les paramètres infantiles et dyadiques. Les garçons présentaient des vocalisations significativement plus longues (β = 0,129, p = 0,008) et des pauses plus courtes (β = -0,622, p = 0,044) que les filles. Les interactions impliquant des garçons comportaient des taux de réponse aux mères plus élevés, que le tour de parole maternel contienne du mamanais (β = 0,162, p <0,001) ou non (β = 0,091, p = 0,02).

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Tableau 2 : Résultats de l'analyse des paramètres de tour de parole pendant la phase de jeu libre

3 mois 6 mois

Fille Garçon Fille Garçon

PARAMÈTRES MÈRE Vocalisation maternelle 1.34 (0.49) 1.38 (0.49) 1.65 (0.66) 1.51 (0.46) Pause maternelle 1.01 (0.30) 0.92 (0.21) 0.95 (0.21) 0.93 (0.27) Mamanais 0.22 (0.18) 0.26 (0.17) 0.30 (0.15) 0.32 (0.22) PARAMÈTRES BÉBÉ Vocalisation bébé 0.47 (0.18) 0.62 (0.33) 0.50 (0.25) 0.60 (0.25) Pause bébé 1.27 (1.15) 1.16 (1.08) 2.45 (2.61) 1.08 (0.75) PARAMÈTRES DYADE Silence 0.42 (0.13) 0.39 (0.12) 0.40 (0.10) 0.37 (0.13) Chevauchement 0.05 (0.05) 0.06 (0.07) 0.03 (0.04) 0.07 (0.07) Réponse du bébé à la mère 0.43 (0.20) 0.49 (0.20) 0.34 (0.17) 0.50 (0.23) Réponse du bébé au mamanais 0.33 (0.25) 0.46 (0.23) 0.30 (0.19) 0.52 (0.24)

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- Dynamique des paramètres maternels, infantiles et dyadiques en phase de

réunion

En utilisant le LMM pour prendre en compte simultanément les différentes variables explicatives, nous n'avons trouvé aucune influence du type de SF sur les paramètres individuels (nourrisson ou mère) et peu d'influence sur les paramètres dyadiques. Le seul changement significatif était la plus grande fréquence de réponse du nourrisson après vocalisation maternelle (en particulier après mamanais) après le SF avec un toucher tendre par rapport au SF classique (β = 0,1, p = 0,04). Il n'y avait aucune différence entre le SF+A et le SF classique sur aucun paramètre.

Toutefois, il y avait plusieurs effets significatifs de l'âge et du sexe, et presque tous les paramètres de la parole étaient affectés par la variable « temps de l'expérience ».

L'effet de l'âge de l'enfant était significatif principalement pour certains paramètres de la mère. Il y avait des vocalisations maternelles plus longues (β = 0,09, p = 0,05) et une utilisation accrue du mamanais (β = 0,028, p = 0,01) avec les enfants âgés de six mois. De façon logique, le silence (β = -0,015, p = 0,035) était moins fréquent dans les interactions impliquant des enfants de six mois. L'effet du genre était principalement marqué pour les paramètres infantiles et dyadiques. Les vocalisations infantiles étaient plus longues (β = 0,27, p = 0,008) et les pauses étaient plus courtes (β = -0,29, p = 0,012) chez les garçons que chez les filles. En outre, les réponses des garçons après une vocalisation maternelle (à la fois post-mamanais : β = 0,12, p = 0,003 ou non-post-mamanais : β = 0,10, p = 0,01) étaient plus fréquentes que de la part des filles, et, par conséquent, le taux de chevauchement était plus élevé (β = 0,52, p = 0,02). A noter qu'aucun des paramètres des mères ne variait en fonction du genre.

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En revanche, l’effet du temps (au sens de Réunion Vs Jeu libre) était significatif pour de nombreux paramètres, indépendamment de l'âge, du type de SF et du sexe, en utilisant le modèle multivarié (Figure 6). Du Jeu Libre à la Réunion, on observait chez les enfants : une augmentation de la longueur des vocalisations et une diminution de la longueur des pauses. Chez les mères, on observait aussi une diminution de la longueur des pauses. Tous les paramètres dyadiques changeaient en conséquence: la fréquence des silences diminuait, celle des épisodes de chevauchement augmentait, ainsi que celle des réponses du nourrisson après une vocalisation maternelle (après mamanais ou non mamanais).

- Au cours du SF (analyse des paramètres infantiles seulement).

On n'observait pas d'effet significatif de l'âge ou du type de SF sur l'activité de vocalisation des nourrissons pendant cette phase de mutisme maternel. En revanche, on retrouvait un effet significatif du genre, les garçons montrant des vocalisations plus longues que les filles (β = 0,27; p = 0,01) et des pauses plus courtes (β = -0,24; p = 0,02). Enfin, il y avait un effet significatif du temps, avec une augmentation de la durée des vocalisations pendant le SF, en comparant avec le Jeu Libre (avant SF) (β = 0,38; p <0,001) ou avec la phase de Réunion (β = 0,44; p <0,001).

Ainsi, au cours du SF, en l'absence de réponse de la mère, les nourrissons présentent des durées de vocalisation plus longues et des pauses plus brèves quel que soit l'âge et le type de SF. Pendant la Réunion, les vocalisations infantiles étaient encore plus longues, et la durée moyenne des pauses infantiles était plus brève que pendant le jeu libre initial. Ainsi, les nourrissons s'adaptaient à la présence ou à l'absence de réponse, et après une pause subie dans l'interaction, ils soutenaient la reprise des échanges en étant plus actifs dans l'interaction qu'ils ne l'étaient au cours du jeu libre initial (vocalisations plus longues que avant SF, et pauses plus courtes que pendant et avant SF).

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