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Chapitre 2 : Problématique et objectifs de recherche

2.4 Un débat qui divise les scientifiques

2.4.1 Les impacts potentiellement positifs du DIY

Selon certains chercheurs (Salvia, 2016 ; Salvia et Cooper, 2016), le DIY peut générer des impacts environnementaux qui sont positifs lorsque pratiqué dans des conditions spécifiques. Le RE-DIY est un bon exemple d’une forme précise du DIY qui œuvre dans cette direction. Ainsi, selon certaines démarches, le DIY pourrait potentiellement s’inscrire dans une approche de PCR grâce aux impacts positifs qui peuvent être engendrés. Ces impacts, qui sont présentés ci-dessous, sont abordés d’une part, du point de vue de l’environnement, et d’autre part, de l’angle de la société :

2.4.1.1 Impacts potentiellement positifs pour l’environnement

Prolonger la durée de vie des produits (par la réutilisation, la réappropriation, la réparation et le détournement de fonction)

Lorsque considérés comme un moyen de se procurer des biens et services autrement que par des relations d’achat, certains types de DIY peuvent s’apparenter à des habitudes de production et consommation responsables (CEPS, 2007). Par exemple, le RE-DIY est une pratique qui, de par sa nature, encourage des comportements pouvant être associés à une approche de production et consommation responsables, notamment en promouvant la longévité des produits par la réparation, la réutilisation, la réappropriation et le détournement de fonction (Salvia et Cooper, 2016). Ce type de DIY est un bon exemple de geste qui permet de stimuler la réutilisation de matériaux et de mettre en évidence l’importance de réduire les déchets à la source (Guillard et Roux, 2014). Il devient alors intéressant d’envisager la consommation dans le cadre d’une pratique du RE-DIY, non pas comme un processus linéaire, mais bien comme la circulation de produits d’une personne à une autre. Les comportements mis de l’avant par le RE-DIY promeuvent un modèle s’apparentant à l’économie circulaire. En effet, selon la définition de la Fondation Ellen MacArthur, ce concept est fondé sur une production et consommation en boucle qui permet l’élimination de la notion de déchets et renvoie à l’utilisation exclusive de ressources et d’énergies entièrement renouvelables (Beaulieu et Normandin, 2016). Bien que la pratique du RE-DIY, et plus largement de celle du DIY, ne prétend pas avoir recours à une telle approche, celle-ci semble y trouver des similarités permettant de justifier son association aux modes de PCR dans une certaine mesure. Ainsi, en permettant de sauver des objets en fin de vie, le RE-DIY génère un impact économique, environnemental et social positif (Salvia, 2016). Ce genre de comportements, visant à prolonger le cycle habituel de production-consommation des objets (Guillard et Roux, 2014), correspond avec la définition d’une approche de PCR.

Réduire la consommation de ressources, d’énergie et la production de déchets

Par ailleurs, certaines formes de DIY ont le potentiel de réduire la quantité de ressources et d’énergie utilisées ainsi que de déchets produits (Kohtala et Hyysalo, 2015). Les objets utilisés pour le RE-DIY sont souvent récupérés de bacs, donnés par des gens de l’entourage, trouvés dans des

ventes d’objets seconde-main ou même réutilisés de la maison (Salvia, 2016). Ces sources de produits récupérés soutiennent le fait que la pratique du RE-DIY nécessite potentiellement peu de ressources matérielles (Salvia, 2016). D’ailleurs, Kohtala et Hyysalo (2015) expliquent dans leur article que les praticiens associent un aspect durable à la fabrication personnelle, notamment lorsque le processus implique la réutilisation, la réparation ou le recyclage de matériaux et d’énergie. Non seulement le RE-DIY est une pratique qui demande très peu de ressources, celle-ci aide, par ailleurs, à réduire la consommation de ressources nouvelles de façon active (Salvia et Cooper, 2016). Cet aspect est également présent dans la pratique du craftivism, puisque celle-ci cherche à amener le praticien à fabriquer plutôt qu’à consommer l’objet pour des raisons politiques (Garber, 2013).

Augmenter l’efficience des ressources

Lorsque les praticiens sont amenés à fabriquer, grâce au DIY, des objets dont ils ont réellement besoin, cela favorise une efficience des matériaux utilisés (Kohtala, 2017). En effet, si les objets fabriqués sont utilitaires ou permettent de répondre aux besoins de la communauté, ceux-ci ne peuvent pas être considérés comme un gaspillage de ressources matérielles (Kohtala, 2017). Ces objets utilitaires peuvent alors s’inscrire dans une approche de production et consommation responsables. Par ailleurs, le DIY permet au praticien de choisir les matériaux qui seront utilisés dans la réalisation de son projet. Il lui est alors possible d’opter pour des matériaux ayant un impact environnemental réduit, comme des bioplastiques plutôt que des plastiques conventionnels par exemple (Barros et Zwolinski, 2016). De plus, l’efficience des ressources utilisées peut se retrouver dans leur acquisition. En effet, le DIY fait à partir de matériaux ou d’ingrédients locaux permet une réduction du transport. Grâce à la localisation de sa production, le DIY permet de réduire les émissions liées au transport du produit fini lorsque comparé à une production mondiale délocalisée (Kohtala, 2017). Comme l’explique Fox (2014), l’un des avantages du DIY est lorsqu’il s’agit « d’une production locale avec des matériaux locaux par des gens d’ici » [traduction libre] (p. 27).

2.4.1.2 Impacts potentiellement positifs pour la société

Autonomiser les praticiens

Ajoutée aux impacts environnementaux mentionnés à la section précédente (2.4.1.1), la pratique du DIY peut également engendrer des impacts positifs sur ses praticiens et la communauté qui les entoure. Lorsque comparés à une production de masse, les praticiens seront amenés à développer des habiletés à construire et réparer, à répondre à leurs besoins et à faire partie de réseaux locaux (Kohtala et Hyysalo, 2015). À cet effet, par l’initiation de projets de DIY, la maîtrise de nouvelles habiletés, et le développement de leur potentiel créatif, les praticiens acquièrent un sentiment d’accomplissement et d’autonomisation (empowerment) (Wolf et al., 2015). Le DIY peut donc contribuer à l’autonomisation des individus (Salvia, 2015) en améliorant leurs connaissances sur les matériaux, sur les problématiques environnementales liées aux objets ainsi que sur la façon

d’allonger la durée de vie d’un produit (Salvia et Cooper, 2016). Fabriquer des objets par soi-même autonomise les praticiens en leur permettant de devenir des inventeurs, des fabricants et même des entrepreneurs (Barros et Zwolinski, 2016).

Contribuer au développement de communautés de praticiens

En plus des bénéfices que la pratique du DIY peut avoir sur ses praticiens, celle-ci peut engendrer des bienfaits au niveau des nombreuses communautés du DIY qui voient le jour. Avec la profusion de sites web, de forums d’échange et de partage, d’ateliers et de cours qui sont offerts sur différents sujets entourant la pratique du DIY, les praticiens sont amenés à développer des communautés de DIY. En effet, Solomon (2013) explique qu’en offrant une place pour partager des idées, des conseils et montrer leurs réalisations finies, les praticiens sont amenés à se connecter à d’autres praticiens de différents niveaux d’expérience et ayant des habiletés distinctes. Ces communautés permettent de réunir des praticiens provenant de différents horizons, ce qui enrichit du même coup les échanges (Kuznetsov et Paulos, 2010). Ces praticiens sont alors en mesure de partager des valeurs communes avec d’autres, de développer des amitiés et d’aider à renforcer les capacités de la communauté environnante (Ozanne et Ballantine, 2010). Belk (2014) explique que c’est en partageant des expériences avec d’autres individus que les praticiens développent leur sentiment d’appartenance à la communauté, renforcissant ainsi la solidarité entre les membres. Ces communautés de DIY viennent donc à enrichir le développement personnel des praticiens qui y prennent part, mais également à avoir un impact positif sur la société.

Renforcer la relation usager-objet

Également, la fabrication personnelle permet aux praticiens de réaliser des objets à leur image. L’utilisation de matériaux disparates enrichit la personnalisation des objets créés grâce au RE-DIY en fonction des besoins et de la personnalité des praticiens (Salvia, 2016). Ces objets qui représentent leur identité et leurs souvenirs amènent ces praticiens à les conserver et à en prendre soin plus longtemps (Salvia et Cooper, 2016). La pratique du RE-DIY, tout comme celle du DIY de façon générale, favorise l’attachement du praticien à son objet (Salvia, 2015 ; Marchand et Walker, 2008). En renforçant le lien praticien-objet, le RE-DIY peut permettre d’augmenter la durée de vie des produits (Salvia, 2016), et ainsi fermer la boucle de consommation (Kohtala, 2015). Considéré comme un mode de vie dans certains cas, le RE-DIY conduit les praticiens à opter pour la durabilité et à remettre en question la société de gaspillage actuelle, contribuant par le fait même à générer un impact positif sur l’environnement (Salvia, 2016).

Somme toute, la pratique du DIY peut favoriser une réduction des ressources consommées, mais également avoir un impact positif sur les praticiens et la société en favorisant les ressources locales, l’échange de connaissances, la collaboration et la préservation de l’environnement en renforçant la relation usager-produit et en prolongeant la durée de vie de ces derniers. Cependant,

l’impact environnemental de la fabrication personnelle se doit d’être nuancé. Même si le DIY peut laisser présager des effets positifs sur l’environnement et la société, il n’est pas garanti que cette pratique soit réellement exempte d’effets négatifs (Kohtala, 2015). Il est donc important de documenter autant les opportunités offertes par une telle pratique que les menaces qui en découlent afin d’évaluer plus justement cette pratique grandissante.