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Chapitre I. L'objet des prescriptions internationales

A. Une règle prescriptive

Les prescriptions se divisent en commandements et en interdictions. Le droit international commande aussi bien l'existence de commandements internes que

d'interdictions internes (1°). Par ailleurs, les prescriptions internes internationalement commandées visent tous les différents types de sujets internes (2°).

1° Le genre de la règle

Comme le fait remarquer BOBBIO, une norme peut commander de commander ou commander d'interdire471. Nous verrons donc, dans un premier temps,

les normes internationales qui commandent l'existence d'un commandement interne et, dans un deuxième temps, celles qui commandent l'existence d'une interdiction interne.

Voici deux exemples de commandement interne dont l'existence est prescrite par une norme internationale. Le premier exemple est l'article 13 de la Convention concernant la sécurité dans l'utilisation de l'amiante de 1986 : « La législation nationale doit prévoir que les employeurs doivent notifier à l'autorité compétente [...] certains types de travaux comportant une exposition à l'amiante »472. Comme

deuxième exemple, on peut citer l'une des très nombreuses règles internes de sanction commandées par le droit international. En effet, une règle de sanction commande un comportement : le paiement d'une somme d'argent, la présence en prison... Ainsi, d'après l'article 12, § 1, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique de

471 Doctrine, BOBBIO (N.), « La norme », op. cit., p. 133.

472 Voir aussi, par exemple : instrument, Convention concernant le contrat d’engagement des marins,

1926, art. 5 § 1 [précité] ; Convention concernant le minimum de capacité professionnelle des capitaines et officiers de la marine marchande, 1936, art. 4, § 2, al. b) ; Convention concernant les obligations de l'armateur en cas de maladie, d'accident ou de décès des gens de mer, 1936, art. 8 : « La législation nationale doit exiger de l'armateur ou de son représentant qu'il prenne des mesures afin de sauvegarder les biens laissés à bord par le malade, le blessé ou le décédé visé par la présente Convention » ; Convention concernant les prescriptions de sécurité dans l'industrie du bâtiment, 1937, art. 3, al. a) ; Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, 1960, art. 4, al. a) : « Les États parties [...] s'engagent [...] à rendre obligatoire [...] l'enseignement primaire » ; Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement, 1979, art. 3, § 1 ; Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, 1987, art. 8, § 1 et art. 11, § 1 ; Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination, 1989, art. 4, § 7, al. b) et c) [précité] ; Conseil, directive 90/220/CEE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiées dans l’environnement, 23 avril 1990, J.O.U.E. n° L 117, p. 15, art. 5, § 1 [précité] ; Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchant) et des stocks de poissons grands migrateurs, 1995, art. 18, § 3, al. b), iii : « [...] Adoption de règlements à l'effet d'exiger des navires pêchant en haute mer qu'ils aient toujours à bord leur licence, autorisation ou permis [...] » ; Convention concernant le travail dans le secteur de la pêche, 2007, art 30, al. c) [précité] (non entrée en vigueur).

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2011 : « Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les infractions établies conformément à la présente Convention soient passibles de sanctions [...] proportionnées et dissuasives [...] »473.

Une prescription internationale commandant l'existence d'une interdiction interne peut être illustrée par l'article 1 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : « Les États parties interdisent la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants conformément aux dispositions du présent Protocole ». Parmi le très grand nombre d'interdictions internes commandées par une prescription internationale, on peut également citer l'article 20, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi »474. Citons, enfin, l'article 2 de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de

473 Voir aussi : instrument, Convention concernant le travail forcé ou obligatoire, 1930, art. 25 : « Le

fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales [...] » ; Convention concernant le minimum de capacité professionnelle des capitaines et officiers de la marine marchande, 1936, art. 6 ; Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et l'abus sexuel, 2007, art. 18-24 : « Chaque partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale [...] ».

474 Voir aussi, par exemple : Convention, Convention pour la protection de la flore, de la faune et des

beautés panoramiques naturelles des pays de l'Amérique, 1940, art. 3 et art. 9, § 2 : « Les Gouvernements Contractants s'engagement à interdire la chasse [...] dans les parcs nationaux [...] » ; Convention concernant les conditions d'emploi des travailleurs des plantations, 1958, art. 26 (précité) ; Accord européen pour la répression des émissions de radiodiffusion effectuées par des stations hors des territoires nationaux, 1965, art. 2 ; Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965, art. 4, al. b) ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966, art. 26 ; Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction, 1972, art. 4 (le Comité internationale de la Croix Rouge a élaboré une loi-modèle pour l'exécution de cette Convention : texte et commentaires in HARLAND (C.B.) et WOODWARD (A.), « A Model Law : The Biological and Toxin Weapons Crimes Act. An Act to implement obligations under the 1972 Biological and Toxin Weapons Convention and the 1925 Geneva Protocol », International Review of the Red Cross, 2005, n° 859, pp. 573-586 ») ; Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, 1973, art. 8, § 1, al. a) ; Convention concernant la sécurité dans l'utilisation de l'amiante, 1986, art. 10, al. 2, art. 11, § 1, art. 12, § 1, art. 18, § 3 ; Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination, 1989, art. 4 § 1, § 6, § 7, al. a) et § 9 ; Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontalières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique, 1991, art. 4, § 2, al. a), § 3, al. l) - al. m), i), al. r) - al. s) ; Accord relatif à la conservation des chauves-souris en Europe, 1991, art. 3 ; Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, 1993, art. 6, § 3, art. 7, § 1, al. a) et c) [précité] ; Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, 1994, art. 7, al. d) ; Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchant) et des stocks de poissons grands migrateurs, 1995, art. 18, § 3, al. b), ii ; Charte sociale européenne révisée, 1996, art. 7-8 ; Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, 1996, art. 3, § 1 : « Chaque État partie fait le nécessaire pour interdire aux personnes physiques et morales se trouvant en quelque lieu de son territoire ou en tout autre lieu placé sous sa juridiction [...] d'entreprendre quelque activité que ce soit qui est interdite à un État

2004 : « tous les États doivent adopter [...] une législation [...] interdisant à tout acteur non étatique de fabriquer, se procurer, mettre au point, posséder, transporter, transférer ou d’utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques »475. La Résolution 1540 du Conseil de sécurité est l'occasion de constater que la norme internationale qui commande l'existence d'une prescription interne peut être posée par un acte unilatéral.

En définitive, le droit international peut souhaiter garantir le mieux possible l'existence de certains comportements sur un territoire, par exemple : une autorité est informée de chacun des travaux qui comportent une exposition à l'amiante. Dans ce cas, une norme internationale prescrira l'existence d'un commandement interne, à savoir : les employeurs doivent informer l'autorité compétente des travaux qui comportent une exposition à l'amiante. Le droit international peut au contraire souhaiter garantir le mieux possible l'absence d'un certain comportement sur un territoire, comme par exemple la vente d'enfants. Dans ce cas, une norme internationale prescrira l'existence d'une interdiction interne ayant pour objet ce comportement. Intéressons nous maintenant aux personnes visées par les prescriptions internes commandées par des normes internationales.

2° Les personnes visées par la règle

L'article 12, al. 1, de la Convention concernant la sécurité dans l'utilisation de l'amiante de 1986 prescrit l'existence en droit interne d'une interdiction de floquer de partie par le présent Traité » (al. a)) ; Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, 1996, art. 3 ; Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, 1997, art. 9 ; Convention sur la cybercriminalité, 2001, art. 2-12 et Protocole additionnel relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de système informatique, 2003, art. 2-7 ; Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale, 2010, art. 1.

475 Actes unilatéraux, Conseil de sécurité, Résolution 1540, 28 avril 2004, S/RES/1540, art. 2. Voir

aussi : Conseil de sécurité, résolution 282, 23 juillet 1970, § 4, al. e) ; Conseil, Première directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, 12 décembre 1977,

J.O.U.E. n° L 322, p. 30, art. 3, § 1 ; Conseil, Directive 79/409 CEE concernant la conservation des

oiseaux sauvages, 2 avril 1979, J.O.U.E. n° L 103, p.1, art. 6, § 1 ; Conseil, Directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, 21 mai 1992, J.O.U.E. n° L 206, p. 7, art. 12-15 ; Parlement européen et Conseil, directive 2000/13/CE relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, 20 mars 2000,

J.O.U.E. n° L 109, p. 29, art 16, § 1 ; Conseil de sécurité, résolution 1373, 28 septembre 2001,

S/RES/1373, art. 1, al. a) et d) ; Conseil de Sécurité, Résolution 1737, 23 décembre 2006, S/RES/1737, art. 7.

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l'amiante476. La prescription interne commandée a pour objet un acte jure gestionis, le flocage de l'amiante, dont les auteurs sont normalement des personnes privées. Mais les comportements qui doivent être prescrits par une règle interne peuvent être également des actes jure imperii dont les auteurs sont normalement des personnes publiques. Par exemple, d'après l'article 17, § 2, al. c), de la Convention sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de 2006 : « [...] Tout État partie, dans sa législation, garantit que toute personne privée de sa liberté sera placée uniquement dans des lieux de privation de liberté officiellement reconnus et contrôlés »477. Certaines règles internes commandées visent spécialement les

personnes publiques. Par exemple, d'après l'article 4 de la Convention pénale sur la corruption de 1999 : « Chaque Partie adopte les mesures législatives [...] qui se révèlent nécessaires pour ériger en infraction pénale [...] lorsque l'acte a été commis intentionnellement, le fait pour un de ses agents publics de solliciter ou de recevoir, directement ou indirectement, tout avantage indu pour lui-même ou quelqu'un d'autre [...] afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte dans l'exercice de ses fonctions »478.

Les prescriptions internes commandées par les prescriptions internationales peuvent aussi bien viser des personnes physiques que des personnes morales. Par exemple, d'après l'article 3, § 1, al. a), du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires de 1996 : « Chaque État partie fait le nécessaire pour interdire aux personnes physiques et morales se trouvant en quelque lieu de son territoire ou en tout autre lieu placé sous sa juridiction [...] d'entreprendre quelque activité que ce soit qui est interdite à un État partie par le présent Traité ». Par exemple, d'après l'article 26, § 1, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels de 2007 : « Chaque Partie prend les mesures

476 Précité, supra p. 2.

477 Voir aussi, article 17, § 2, al. d) et e), ainsi que : instrument, Convention contre la torture et autres

peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984, art. 1, § 1, art. 4, art. 16, § 1 ; Conseil, Directive 90/313/CEE concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement, 7 juin 1990, J.O.U.E. n° L 158, p. 56, art. 3, § 1 ; Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, 1995, art. 10, § 3 ; Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, 2000, art. 3, § 1 : « Les États parties relèvent l'âge minimum de l'engagement volontaire dans leurs forces armées nationales par rapport à celui qui est fixé au paragraphe 3 de l'article 38 de la Convention relative aux droits de l'enfant [...] ».

478 Voir aussi art. 4, 5, 6, 9, 10 et 11 ; ainsi que : instrument, Convention contre la torture et autres

peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984, art. 1, § 1, art. 4, art. 16, § 1 ; Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du nord-est, 1992, art. 9, § 1.

législatives [...] nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables des infractions établies conformément à la présente Convention [...] »479.