• Aucun résultat trouvé

Chapitre I. L'objet des prescriptions internationales

D. Une règle qui permet d'introduire ou de retirer une norme

1) Le contenu de l'obligation

L'article premier de la Convention concernant l'échange des populations grecques et turques de 1923 commande d'effectuer un échange réciproque de population514. Cet article ne commande pas l'existence d'une règle interne mais un acte matériel. En revanche, d'après l'article 18 de cette Convention : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à apporter à leurs législations respectives les modifications qui seraient nécessaires pour assurer [i.e. pour permettre] l’exécution

512 C.I.D.H., Case of the Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community v. Nicaragua, Merits, Reparations

and Costs, 31 août 2001, §§ 142-155.

513 Comité des droits de l'homme, Observation générale n° 25 : Article 25 (Participation aux affaires

publiques et droit de vote), 1996, CCPR/C/21/Rev.1/Add.7, § 11.

514 C.P.J.I., Échange des populations grecques et turques, avis consultatif, 21 février 1925, Rec. série

B, n° 10, p. 6, p. 10 : « Il sera procédé dès le 1er mai 1923 à l'échange obligatoire des ressortissants

turcs de religion grecque-orthodoxe établis sur les territoires turcs et des ressortissants grecs de religion musulmane établis sur les territoires grecs ».

de la présente Convention »515. L'article 18 commande que le contenu du droit interne rende possible l'exécution du commandement de l'article premier de déplacer une partie de la population. À cette fin, l'ordre juridique interne doit habiliter une personne à ordonner à la population concernée par le commandement international de quitter le territoire. Comme l'explicite la C.P.J.I. dans son avis Échange des

populations grecques et turques du 21 février 1925 : « La nature spéciale de la

Convention [...] touchant de très près à des matières qui sont réglées par les législations nationales et posant des principes qui sont en contraste avec certains droits généralement reconnus aux individus, explique fort bien que l'on ait expressément formulé la clause contenue dans l'article 18 »516.

Voici un autre exemple. D'après l'article premier, alinéa 1, de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1950 : « Les Parties [...] conviennent de punir toute personne qui, pour satisfaire les passions d'autrui, exploite la prostitution d'une autre personne, même consentante ». Comme on peut le constater, cet article ne prescrit pas l'existence d'une règle interne : il commande de punir des comportements. D'après l'article 27 de la Convention : « Chaque Partie à la présente Convention s'engage à prendre [...] les mesures législatives [...] nécessaires pour assurer l'application de la Convention ». Pour pouvoir exécuter le commandement de l'article premier, une règle interne doit sanctionner les comportements qu'il vise517.

515 C.P.J.I., Échange des populations grecques et turques, avis consultatif, 21 février 1925, Rec. série

B, n° 10, p. 6, p. 20. D'après la C.P.J.I., cet article « ne fait que mettre en relief un principe allant de

soi, d’après lequel un État qui a valablement contracté des obligations internationales est tenu d’apporter à sa législation les modifications nécessaires pour assurer l’exécution des engagements pris » (p. 20). Voir aussi Mémoire hellénique, Rec. série C, n° 7-1, p. 212.

516 C.P.J.I., Échange des populations grecques et turques, avis consultatif, 21 février 1925, Rec. série

B, n° 10, pp. 6-26, p. 21. En l'espèce, l'exécution de cette obligation n'est pas en cause. L'article 2 de

la Convention prévoyait une exception à l'obligation de déplacement pour les personnes « établies » avant une certaine date. La Turquie s'appuyait sur le libellé de l'article 18 pour justifier le renvoi au droit interne pour définir ce mot. La Cour a ainsi l'occasion d'expliciter le contenu et le statut de l'obligation de l'article 18.

517 Voir aussi : instrument, Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine,

2 décembre 1946, art. 9, § 1 ; Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, 1973, art. 8, § 1 ; Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, 1991, art. 2, § 2 : « Chaque Partie prend les mesures juridiques, administratives ou autres, nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions de la présente Convention [...] » ; Conseil de sécurité, résolution 827 (1993), 25 mai 1993, S/RES/827, al. 4 : « Décide que tous les États [...] prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du Statut [...]) ; Conseil de sécurité, résolution 955 (1994), 8 novembre 1994, S/RES/955 ; Convention interaméricaine sur la disparition forcée de personnes, 1994, art. 1, al. d) : « Les États parties à la présente Convention s'engagent à prendre les mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres, nécessaires à l'exécution des engagements qu'elles ont contractés dans le cadre de la présente Convention » ; Statut

MEUNIER Hugo| Thèse de doctorat | décembre 2012

Certaines conventions explicitent en partie les règles internes dont l'existence est nécessaire pour exécuter l'obligation de permettre. Par exemple, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, après avoir posé des commandements de sanctionner certains comportements, prévoit dans son article 5 que : « Les Parties contractantes s'engagent à prendre, conformément à leurs constitutions respectives, les mesures législatives nécessaires pour assurer l'application des dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir des

sanctions pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III » (italiques ajoutés)518.

Le droit interne qui ne contient pas la règle nécessaire pour exécuter un commandement international est incompatible avec ce commandement519. En effet,

deux normes sont réciproquement incompatibles quand leur exécution simultanée est impossible : l'exécution de l'une a pour effet l'inexécution de l'autre. Les prescriptions internationales qui commandent l'existence d'une règle interne qui permet l'exécution des commandements internationaux ont comme modèle de règle interne une règle qui a un certain rapport avec des commandements internationaux, à savoir un rapport de compatibilité520. Deux normes réciproquement incompatibles donnent naissance à un

conflit de normes si elles appartiennent au même ordre juridique. En effet, dans ce

cas, en l'absence de règles de conflit, deux normes contradictoires sont applicables. En droit international, l'incompatibilité entre une prescription étatique et une de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, art. 88 ; Free Trade Agreement between the

Government of the People's Republic of China and the Government of the Republic of Chile, 2005,

art. 4. Les règlements du droit de l'Union comprennent généralement une obligation de ce genre. En vertu de cette obligation, malgré l'application directe du règlement, l'adoption formelle d'une ou plusieurs règles internes peut être obligatoire. En particulier, si le règlement pose des interdictions sans prévoir de sanctions, une règle interne de sanction doit être adoptée. Doctrine, LOUIS (J.- V.), « Le règlement, source directe d'unification des législations » in DE RIPAINSEL-LANDY (D.), GERARD (A.), LIMPENS-MEINERTZHAGEN (A.), Les instruments du rapprochement des

législations dans la Communauté économique européenne, op. cit., pp. 15-35, pp. 22-30. Enfin, on

notera que si toutes les directives comprennent une obligation « de prendre les mesures nécessaires à leur application », la C.J.C.E. a transformé cette obligation de permettre en obligation de garantir. Le droit interne n'est pas conforme même s'il permet d'exécuter l'obligation de la directive dès lors qu'il ne garantit pas suffisamment l'exécution continue de cette obligation. Par exemple, si un État a l'obligation de surveiller certaines espèces, son ordre juridique interne ne doit pas seulement permettre cette surveillance, il doit la commander à certains de ses agents car seul un commandement garantit suffisamment l'exécution continue de l'obligation de surveillance. Voir infra p. 257 et s..

518 Voir aussi : instrument, Convention sur les armes chimiques, 1993, art. 7, § 1 ; Convention sur les

armes à sous-munitions, 2008, art. 9.

519 À propos de l'incompatibilité entre une règle interne et une interdiction internationale, voir

infra. p. 310 et s..

prescription internationale n'est pas un conflit de normes. Pour le juge international, seule la prescription internationale est applicable car la règle étatique n'a pas le statut de règle de droit international : elle est un fait dans l'ordre juridique international521.

Le contentieux du droit de l'O.M.C. permet d'illustrer la violation de l'obligation internationale d'avoir un ordre juridique interne permettant l'exécution des commandements internationaux. En effet, l'inexistence d'une règle interne n'est pas illicite seulement quand l'article du droit de l'O.M.C. en cause, comme certains articles de l'ADPIC, prévoit expressément l'obligation d'adopter cette règle. Même quand l'article en cause se contente de commander l'existence de faits, de décisions ou de qualités internes, les juges de l'O.M.C. acceptent que l'absence d'une règle interne soit mise en cause seulement si cette absence empêche l'exécution du

commandement, c'est-à-dire seulement si le droit interne est, en l'état, incompatible

avec un commandement de l'O.M.C..522 Les normes internes incompatibles sont

521 L'existence d'une règle de conflit en faveur du droit international est cependant entretenue par

le « principe de primauté » du droit international. Dans l'ordre juridique international, le droit international ne peut pas, à proprement parler, « primer » le droit étatique car ce dernier n'est pas du droit. En effet, pour avoir la priorité face à un adversaire, il faut a minima que ce dernier existe. En revanche, dans les ordres juridiques étatiques, il existe généralement un principe de primauté du droit interne d'origine internationale sur le droit interne d'origine interne. Sur le droit interne comme fait international : C.P.J.I., Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Allemagne

c. Pologne), fond, 25 mai 1926, Rec. série A, n° 7, p. 4, p. 19.

522 Organe de jugement de l'O.M.C., États-Unis – Article 129 C) 1), URAA, groupe spécial, 15 juillet

2002, WT/DS221/R, § 6.22 : « [...] un Membre peut mettre en cause une disposition légale d'un autre Membre "en tant que telle" […] à condition que celle-ci "prescrive" au Membre [....] de ne pas entreprendre une action qui est requise par ses obligations dans le cadre de l'OMC ». Voir aussi §§ 6.28-6.29. Le fondement de cette condamnation est un peu surprenant. On aurait pu penser que ce fondement aurait été l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. qui prévoit que : « Chaque Membre assurera la conformité de ses lois, réglementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu'elles sont énoncées dans les Accords figurant en annexe ». Voir aussi : l'article 18, § 4, de l'Accord antidumping, l'article 32, § 5, de l'Accord S.M.C., l'article 8, § 2, al. a) de l'Accord sur les procédures de licence d'importation, l'article 22, §1, de l'Accord sur la mise en œuvre de l'article VII du GATT de 1994, qui contiennent la même obligation pour les Accords en cause. Pourtant, un Membre qui conteste une « mesure en tant que telle » fonde sa plainte soit uniquement sur l'article qui comprend le commandement visant un fait ou une décision interne soit sur cet article et l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. Mais dans ce deuxième cas, l'allégation est systématiquement examinée sur le fondement de l'article qui formellement ne vise pas une règle interne. Le rejet de la plainte sur ce fondement entraîne automatiquement le rejet de la plainte sur le fondement de l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. Par exemple : États-

Unis – Article 129 C) 1), URAA), groupe spécial, 15 juillet 2002, WT/DS221/R, §§ 6.132-

6.134 ; États-Unis – Directive sur les cautions en douane, groupe spécial, 29 février 2008, WT/DS345/R, §§ 7.265-7.271. Inversement, si la plainte est reçue sur le fondement de l'article qui vise un fait ou une décision interne, la plainte sur le fondement de l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. l'est automatiquement : Communautés européennes – Éléments de fixation

(Chine), groupe spécial, 3 décembre 2010, WT/DS397/R, §§ 7.134-7.137. En définitive, la base de la

condamnation des « mesures en tant que telles » reste d'abord et avant tout non écrite, comme sous le droit du GATT de 1947. La doctrine s'est souvent interrogée sur la portée de l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. Doctrine : BHUIYAN (S.), National Law in WTO Law : Effectiveness

and Good Governance in the World Trading System, op. cit., p. 55-62 ; NOUVEL (Y.), « Aspects

généraux de la conformité du droit interne au droit de l’OMC », op. cit., pp. 659-662. Pourtant, la pratique dont on vient de rendre compte réduit l'importance de cet article. Toujours est-il, qu'à notre avis, dès le départ, on pouvait penser que l'article XVI, § 4, correspondait à l'obligation habituelle

MEUNIER Hugo| Thèse de doctorat | décembre 2012

appelées « mesures impératives » par les organes de jugement de l'O.M.C. : elles contraignent leurs destinataires à violer le droit de l'O.M.C..523 Voici un exemple extrait de l'affaire Mexique – Mesures antidumping visant le riz524. Les Accords antidumping et S.M.C. commandent de réexaminer, sur demande d'un exportateur, la nécessité de maintenir un droit antidumping ou un droit compensateur quand certaines conditions sont réunies. L'article d'une loi mexicaine prévoit une condition supplémentaire à savoir que le demandeur doit démontrer que le volume de ses exportations est « représentatif ». Étant donné le contenu de la loi mexicaine, quand le demandeur du réexamen n'a pas un volume d'exportation « représentatif », le commandement du droit de l'O.M.C. de réexaminer le maintien d'un droit antidumping ou d'un droit compensateur ne peut pas être exécuté. Pour cette raison, il dans les traités internationaux commandant d'avoir les règles compatibles avec les commandements de l'O.M.C. (et interdisant d'avoir des règles incompatibles avec des interdictions). Dans ce sens : NAIKI (Y.), « The Mandatory/Discretionary Doctrine in WTO Law The US-Section 301 Case and its Aftermatch », J.I.E.L., 2004, pp. 23-72, pp. 48-49. On objectera peut être que l'article XVI, § 4, utilise le mot de conformité et non celui de compatibilité. Mais il ne faut pas y attacher une importance particulière. Par exemple, l'article 19, § 1, du Mémorandum d'Accord emploie les deux mots comme synonyme : « Dans les cas où un groupe spécial ou l'Organe d'appel conclura qu'une mesure est incompatible avec un accord visé, il recommandera que le Membre concerné la rende conforme audit accord ». Dans les rapports également, les deux termes sont employés comme synonymes. Par exemple : États-Unis – Loi sur la compensation, groupe spécial, 16 septembre 2002, WT/DS217/R, WT/DS234/R, passim. Par ailleurs, les Membres qui allèguent d'une violation de cet article se contentent de mettre en cause la compatibilité d'une règle interne. Par exemple : États-Unis

– Bois de construction III, groupe spécial, 27 septembre 2002, WT/DS236/R, § 7.126. Voir

néanmoins : États-Unis – Loi de 1916 (Japon), groupe spécial, 29 mai 2000, WT/DS162/R, §§ 6. 185- 6. 191. Le groupe spécial considère au contraire que l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. prouve que depuis l'entrée en vigueur de cet Accord sont illicites les mesures qui permettent une violation du droit de l'O.M.C. sans la rendre obligatoire. Le raisonnement, sommaire, est peu convaincant. Il n'est pas repris par l'Organe d'appel. États-Unis – Section 301, groupe spécial, 22 décembre 1999, WT/DS152/R, §§ 4.233-4.244 et §§ 4.250-4.263. Sur le fondement de l'article XVI, § 4, de l'Accord instituant l'O.M.C. la Communauté européenne chercha à faire reconnaître que

certaines des règles permettant une inexécution du droit de l'O.M.C. pouvaient être condamnées. Le

groupe spécial ne confirma pas cette interprétation de l'article. Si le groupe spécial affirma que la règle interne en cause était interdite même si elle ne faisait que permettre une violation, c'est sur le fondement d'une interprétation de l'article spécialement violé en cause, à savoir un article du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends.

523 Sur la distinction entre règles « impératives » et règles « dispositives » dans le droit de

l'O.M.C. : doctrine, BHUIYAN (S.), « Mandatory and Discretionary Legislation : The Continued Relevance of the Distinction under the WTO », J.I.E.L., 2002, n° 5, pp. 571-604 ; National law in

WTO law : effectiveness and good governance in the world trading system, op. cit., pp. 244-

269 ; NAIKI (Y.), « The Mandatory/Discretionary Doctrine in WTO Law The US-Section 301 Case and its Aftermatch », op. cit., pp. 23-72. Un groupe spécial a fait référence a la nature coutumière de la distinction (Organe de jugement de l'O.M.C., États-Unis – Loi de 1916 (Japon), groupe spécial, 29 mai 2000, WT/DS162/R, § 6.189). Cette référence a intrigué la doctrine puisqu'il n'y a que dans le contentieux de l'O.M.C. où l'expression « mesures impératives », opposées aux « mesures dispositives », est employée. En réalité, il faut bien voir que « l'impérativité » de la mesure n'est qu'un autre nom pour son incompatibilité. En appelant impératives, les mesures internes internationalement incompatibles, le juge O.M.C. ne fait que mette en évidence la cause de l'incompatibilité, à savoir que les sujets internes n'ont pas d'autres choix, en application des règles internes, que d'avoir un comportement qui conduit à violer les prescriptions internationales qui ont pour objet des faits ou des décisions internes.

524 Organe de jugement de l'O.M.C., Mexique – Mesures antidumping visant le riz, groupe spécial, 6

juin 2005, WT/DS295/R, §§ 7. 252-7.260 ; Organe d'appel, 29 novembre 2005, WT/DS295/AB/R, §§ 311-316.

existe un fait internationalement illicite : la législation mexicaine doit être modifiée525.

L'affaire Mexique – Mesures antidumping visant le riz permet de préciser les deux points principaux du régime juridique des prescriptions internationales qui commandent l'existence d'une règle interne permettant l'exécution d'un commandement international. Premièrement, il faut que la règle interne permette l'exécution du commandement international à chaque fois que ce dernier est applicable. Autrement dit, il suffit, que, comme en l'espèce, l'exécution du commandement international soit empêchée dans une certaine circonstance – à savoir : le demandeur du réexamen n'a pas un volume d'exportation « représentatif » – pour qu'il existe un fait internationalement illicite. Deuxièmement, la règle interne qui aurait, contrairement à la loi mexicaine, laissé à l'autorité administrative la faculté d'accepter ou de refuser d'ouvrir l'enquête quand le demandeur n'a pas un volume d'exportation « représentatif » n'aurait pas été condamnée526. Dans ce cas, si le droit

interne permet la violation du commandement international, il n'empêche pas son exécution. Pour que l'exécution du commandement international ait lieu, une modification du droit interne n'est pas obligatoire : il suffit que l'autorité administrative s'abstienne d'utiliser sa faculté de refuser d'ouvrir une enquête. Il est ainsi courant que les organes de jugement de l'O.M.C. condamnent l'application d'une règle interne mais pas la règle « en elle-même » car cette dernière n'empêche pas l'exécution du commandement international527 .

525 Voir aussi dans la même affaire : organe de jugement de l'O.M.C, Mexique – Mesures antidumping

visant le riz, groupe spécial, 6 juin 2005, WT/DS295/R, §§ 7.226-7.242 : « […] l'article 64 de la Loi

empêche effectivement les autorités d'utiliser les meilleurs renseignements pour remplacer les données manquantes » (§ 7. 238). Et encore, groupe spécial, §§ 7. 264-7.269 et Organe d'appel, §§ 317-324. Le droit de l'O.M.C. commande de déterminer, sur demande d'un exportateur, une marge de dumping individuelle dès lors que certains conditions sont réunies (article 9. 5 de l'Accord antidumping). Le droit mexicain ne permet pas d'exécuter ce commandement car il exige en plus, une nouvelle fois, que le demandeur démontre que le volume de ses exportations est « représentatif ». T.P.I.Y., Affaire BLAŠKIĆ, Décision du Président du Tribunal, 3 avril 1996,

R.G.D.I.P., 1999, p. 1151, pp. 1151-1155, §§ 6-11. Le Président constate la violation de l'alinéa 4 de

la résolution 827 du Conseil de sécurité précitée en l'absence d'une règle permettant d'exécuter les ordonnances et les requêtes du Tribunal, dont le mandat d'arrêt contre BLAŠKIĆ.

526 Organe de jugement de l'O.M.C., États-Unis – Tôles en acier, groupe spécial, 28 juin 2002,

WT/DS206/R, § 7.99 : « [...] même si dans une affaire particulière, l'action est jugée incompatible avec les obligations des États-Unis, il ne s'ensuit pas, ipso facto, que la loi sur laquelle ladite action était fondée est elle-même incompatible avec l'Accord de l'OMC en question ».

527 Par exemple : organe de jument de l'O.M.C., États-Unis – Acier laminé à chaud, groupe spécial, 28

février 2001, WT/DS184/R, §§ 7.169-7.199 ; Organe d'appel, 24 juillet 2001, WT/DS184/AB/R, §§ 199- 215 (même conclusion mais fondement un peu différent). L'Accord antidumping impose que la détermination du dommage causé par un dumping soit menée pour l’ensemble de la branche de production nationale (marché libre et marché captif). La loi douanière de 1930 des États-Unis prescrit

MEUNIER Hugo| Thèse de doctorat | décembre 2012