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L'interdiction de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par une directive

Chapitre I. L'objet des prescriptions internationales

A. Le délai d'exécution

2) L'interdiction de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par une directive

Dans un arrêt Inter-Environnement Wallonie du 18 décembre 1997, la C.J.C.E. a posé que pendant le délai de « transposition » des directives, les États membres « doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive »581. Prises au pied de la lettre,

l'interdiction de prendre des mesures de nature à compromettre sérieusement le résultat de la directive et l'interdiction d'aggraver la non-conformité de l'ordre juridique interne sont deux interdictions différentes. Néanmoins, pour une partie de la doctrine, les deux interdictions sont équivalentes582. Ce point de vue est minoritaire583. La pratique montre qu'il est erroné. En effet, dans l'arrêt Inter-

581 C.J.C.E., Inter-Environnement Wallonie, 18 décembre 1997, aff. C-129/96, Rec. p. I-7411,

§ 45. Voir aussi §§ 35-50 et cc. §§ 11-53. Voir aussi : British American Tobacco, 10 décembre 2002, aff. C-491/01, Rec. p. I-11453, cc. § 43. La partie citée de l’arrêt Inter-Environnement Wallonie est reproduit mais elle n’est pas pertinente pour le fond. Rieser, 5 février 2004, aff. C-157/02, Rec. p. I- 1477, §§ 62-69, spéc. § 66 et § 69, cc. §§ 108-118, spéc. §§ 109-110 (sans pertinence dans la situation d’espèce) ; Adeneler, 4 juillet 2006, aff. C-212/04, Rec. p. I-6057, § 121 (idem). L'interdiction est également valable si une période transitoire est prévue par la directive : Stichting, 14 septembre 2006, aff. C-138/05, Rec. p. I-8339, § 42.

582 Doctrine, PRECHAL (S.), Directives in EC Law, 2e, op. cit., p. 20. Voir aussi : BEBR (G.),

Development of Judicial Control of the European Communities, op. cit., p. 588. Avant que l’arrêt Inter-Environnement Wallonie ne soit rendu, cet auteur exprimait l’opinion qu’il existait, pendant le

délai de transposition, une interdiction de prendre des mesures qui mettent en danger le résultat de la directive et que le contenu de cette interdiction était une « clause de standstill ».

Environnement Wallonie, la Cour reprend la lettre de la prescription proposée par

l’Avocat général. Il y a donc des chances qu'elle ait aussi repris le sens que l'Avocat général donnait à la prescription. Or, ce dernier avait explicitement rejeté l'existence, défendue par la Commission, d’une interdiction d'éloigner l'ordre juridique interne du contenu commandé par la directive584. Par ailleurs, des conclusions ultérieures

confirment que l'interdiction introduite par la Cour n’est pas celle-ci585. Enfin, la Cour a posé deux éléments à prendre particulièrement en compte pour déterminer si le résultat de la directive est « sérieusement compromis ». D'une part, il apparaît que l'État membre n'a plus l'intention de modifier le contenu du droit interne avant la fin du délai d’exécution586. D'autre part, les conséquences de l'application de la nouvelle

règle interne sont ou pourraient être irréversibles587. Au regard de ces deux critères, le

résultat prescrit par la directive peut être sérieusement compromis sans que la non- conformité du droit interne soit aggravée. Inversement, le résultat de la directive n'est pas forcément compromis par l'introduction d'une règle interne plus éloignée du contenu internationalement commandé588.

À notre connaissance, à deux reprises seulement, la C.J.C.E. a explicitement constaté la violation de l'interdiction de « prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive ». Dans les deux cas, ce constat a été fait dans le cadre d'une question préjudicielle et la C.J.C.E. a pp. 452-457, spéc. p. 455 ; HACHEZ (I.), Le principe de Standstill dans le droit des droits

fondamentaux : une irréversibilité relative, op. cit., pp. 532-537 ; MEDHI (R.), « Chronique de

jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes », J.D.I., 1998, pp. 475-480, spéc. p. 476 et p. 478 ; SEVÓN (L.), « Inter-Environnement Wallonie-What are the Effects of Directive and from When ? » in COLNERIC (N.), EDWARD (D.), PUISSOCHET (J.-P.) et RUIZ-JARABO COLOMER (D.) (dir.), Une communauté de droit : Festschrift für Gil Carlos

Rodriguez Iglesias, Berlin, BWV-Berliner Wissenschafts Verlag, 2003, 648 p., pp. 245-249,

spéc. p. 247.

584 C.J.C.E., Inter-Environnement Wallonie, 18 décembre 1997, aff. C-129/96, Rec. p. I-7411,

cc. § 23, § 37 et §§ 45-50 : « [...] l'imposition d'une obligation de « standstill » empêchant les États membres de renforcer les disparités entre les règles nationales et les règles communautaires serait, selon nous, inappropriée [...] » (§ 45).

585 C.J.C.E., Commission c. Royaume de Belgique, 14 juin 2007, aff. C-422/05, Rec. p. I-4749,

cc. §§ 36-38.

586 C.J.C.E., Inter-Environnement Wallonie, 18 décembre 1997, aff. C-129/96, Rec. p. I-7411, § 47. 587 C.J.C.E., Inter-Environnement Wallonie, 18 décembre 1997, aff. C-129/96, Rec. p. I-7411, § 47 et

cc. § 40.

588 C.J.C.E., Inter-Environnement Wallonie, 18 décembre 1997, aff. C-129/96, Rec. p. I-7411,

MEUNIER Hugo| Thèse de doctorat | décembre 2012

considéré que l'interdiction était violée sans vraiment dire pourquoi589. Dans ces conditions, le contenu exact de cette interdiction ne peut être déterminé. La faiblesse de la pratique peut s'expliquer par le fait qu'en posant l'interdiction de compromettre sérieusement le résultat de la directive, le juge communautaire avait particulièrement en vue, semble-t-il, d'améliorer l'efficacité interne des directives. D'ailleurs, l'arrêt

Inter-Environnement Wallonie semble faire du juge interne le juge naturel de

l'interdiction d'éloigner l'ordre juridique du contenu internationalement commandé590.

En conclusion, pendant la durée d'un délai d'exécution, l'absence de la règle interne décrite par la prescription n'est pas illicite pour les bénéficiaires du délai. Les bénéficiaires du délai sont les personnes qui n'ont pas la règle décrite par la prescription internationale au moment de son entrée en vigueur. Il existe des obligations à la charge des bénéficiaires du délai dont le contenu exact n'est pas connu du fait de l'absence d'une pratique substantielle. S'il arrive trop souvent que les sujets n'introduisent pas le droit interne commandé pendant le délai d'exécution, soit qu'ils ne fassent rien soit qu'ils introduisent une règle qui ne correspond pas à la règle internationalement commandée, il est rare, semble-t-il, qu'ils aggravent pendant le délai la situation existante au moment de l'entrée en vigueur de la prescription internationale.

Supposons maintenant que le délai d'exécution soit expiré. Certains États ont affirmé qu'ils n'avaient pas encore l'obligation d'avoir la règle décrite par la prescription internationale. En effet, cette obligation ne pourrait naître que si la règle interne décrite par la prescription internationale, une fois valide, serait réalisable dans l'ordre juridique interne, ce qui n'est pas toujours le cas.

589 C.J.C.E., ATRAL, 8 mai 2003, aff. C-14/02, Rec. p. I-4431, §§ 20-33 et, spéc., §§ 55-59. Stichting,

14 septembre 2006, aff. C-138/05, Rec. p. I-8339, §§ 10-14. En l'espèce, l'introduction a lieu pendant une période transitoire.

590 C.J.C.E., Inter-Environnement Wallonie, 18 décembre 1997, aff. C-129/96, Rec. p. I-7411, §§ 46-

B. Si la règle interne décrite par la prescription internationale était valide,