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Une interdiction de principe avec dérogation

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT N° 2718 N° 652 (Page 131-134)

1. Un compromis difficilement trouvé

La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) fut l’un des grands enjeux de la loi du 6 août 2004. Les débats furent passionnés, et un compromis fut trouvé, compromis qui fit difficilement consensus. Il fallait arriver à concilier les demandes des chercheurs et les réticences de celles et ceux qui refusaient toutes atteintes à l’embryon humain. Ils se fondaient sur la loi du 29 juillet 1994 qui interdisait la recherche sur l'embryon.

Devant les perspectives ouvertes par la recherche sur les CSE humaines, le Comité consultatif national d'éthique, le Conseil d'État, l'Académie nationale de médecine préconisèrent l'autorisation de ces recherches à certaines conditions : les géniteurs devront donner leur consentement et les embryons utilisés ne pourront plus être transférés.

Tout en réaffirmant l'interdiction de la recherche sur l'embryon, la loi de 2004 a autorisé, pendant cinq ans, les recherches permettant des progrès thérapeutiques majeurs. Les recherches sur les cellules embryonnaires issues d’embryons surnuméraires et portant atteinte à l’embryon sont régies par le principe de l’interdiction : « La recherche sur l’embryon humain est interdite ».

Toutefois une procédure dérogatoire est prévue pour mener des recherches pendant cinq ans.

2. Un régime dérogatoire

La dérogation est subordonnée à sept conditions : 1) une visée thérapeutique pour le traitement de maladies particulièrement graves ou incurables, ainsi que le traitement des affections de l’embryon ou du fœtus, 2) l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques, 3) des recherches intervenant sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une AMP, 4) ne faisant plus l’objet d’un projet parental, par un consentement écrit préalable du couple, consentement confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois et révocable à tout moment et sans motif, 5) le couple est dûment informé des possibilités d’accueil des embryons par

un autre couple ou de l’arrêt de leur conservation, 6) le protocole de recherche a fait l’objet d’une autorisation par l’Agence de la biomédecine, en fonction « de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique »,7) « les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. »

Dans un premier temps, l’article 37 de la loi de 2004 a accordé, aux ministres de la santé et de la recherche, le pouvoir d'autoriser l'importation de cellules souches embryonnaires, à titre transitoire, après avis d'un comité ad hoc (décret n° 2004-1024 du 28 septembre 2004; arrêté du 28 septembre 2004). Ces dispositions étaient destinées à permettre aux chercheurs français de répondre aux appels à projets lancés par la Commission européenne. La loi a ensuite été complétée par le décret n° 2006-121 du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires et modifiant le code de la santé publique.

Le régime dérogatoire a commencé effectivement à fonctionner le 6 février 2006 et devrait courir jusqu’au 5 février 2011, date à partir de laquelle l’Agence de la biomédecine ne pourra plus délivrer d’autorisation de recherche.

3. Une procédure d’autorisation complexe remarquablement gérée par l’Agence de la biomédecine (ABM)

Les premières autorisations de recherches sur l’embryon et les cellules embryonnaires, d’importation de lignées de cellules et de conservation ont été délivrées entre 2005 et début 2006 dans le cadre du dispositif transitoire prévu par la loi. Ainsi, les ministres de la recherche et de la santé ont délivré, après avis d’un comité ad hoc, 40 autorisations à 12 équipes de recherche.

Depuis le 6 février 2006, date du décret fixant le cadre réglementaire des autorisations, l’ABM instruit les dossiers de demande et délivre les autorisations.

Le Conseil d’orientation de l’ABM, émet un avis préalable à toute décision en s’appuyant sur l’expertise d’un collège d’experts scientifiques, composé de chercheurs, qui examine la pertinence scientifique des projets soumis. L’ABM peut faire appel à des experts scientifiques extérieurs au collège. La Mission d’inspection de l’ABM participe également à l’instruction des dossiers.

En 2007, l’ABM a précisé les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers d’autorisation de recherche. Elle a notamment défini à cette occasion la notion de « modification substantielle » d’un protocole de recherche qui posait problème. L’ABM a aussi défini les règles de traçabilité des composants cellulaires et cellules différenciées obtenus. En outre, les procédures de demande et d’examen des modifications de protocoles déjà autorisés et d’importation de nouvelles lignées pour les équipes dont les protocoles sont déjà autorisés, ont également été allégées.

Les circuits décisionnels

Dépôt de la demande d’autorisation

Examen de la pertinence scientifique et méthodologique par le Collège d’experts scientifiques

Examen par le Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine

Décision de la directrice générale de l’Agence

3 fenêtres par an

Délai maximal fixé par la loi:

4 mois

Source : audition publique du 27 janvier 2010 – Mme Emmanuelle Prada-Bordenave Les circuits décisionnels sont simples. L’Agence de la biomédecine s’est remarquablement acquittée de cette tache de l’avis unanime des chercheurs, et ce sans tomber dans la fascination scientifique et technologique. Elle n’a autorisé que les projets qui répondaient aux conditions exigées, elle a interprété la visée thérapeutique de manière constructive. Pourtant le système mis en place aurait pu paralyser les recherches sur les CSEh en France, si l’ABM n’avait pas joué ce rôle.

4. Un système critiqué très tôt a) Les interrogations de l’ABM

Le Conseil d’orientation de l’ABM s’est interrogé dans ses leçons d’expérience89 sur deux des conditions d’autorisations, à savoir : « l’exigence de progrès thérapeutiques majeurs » et « l’alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques ». Il s’est demandé si les alternatives se limitent aux seules recherches sur les cellules souches adultes ou si elles incluent également les cellules issues de transferts nucléaires. Il a réfléchi sur l’origine des embryons.

b) La problématique de l’évaluation par l’OPECST et l’Agence de la biomédecine

Une évaluation, afin de permettre un nouvel examen des dispositions par le Parlement a été prévue par la loi. C’est l’objet de la présente saisine de

89 Leçons d’expérience – 20 juin 2008

l’OPECST, dont le libellé a conduit le Conseil d’orientation de l’ABM à soulever les questions méthodologiques concernant l’état des lieux des connaissances scientifiques90 : «L’évaluation des recherches actuellement menées sur les embryons surnuméraires ou les lignées de cellules embryonnaires doit-elle porter sur les seuls « progrès thérapeutiques », se limiter à contrôler la présence d’une

« visée thérapeutique»; s’il s’avère que les investigations en cours n’ont qu’une portée cognitive, appartiennent-elles encore aux recherches devant être soumises à évaluation ? L’évaluation porte-t-elle sur les seules recherches conduites par des équipes françaises, ou concerne-t-elle l’ensemble des travaux réalisés à l’échelle internationale ; si l’approche est mondiale, les recherches sur le transfert nucléaire doivent-elles entrer dans le champ d’une étude comparée ?».

C’est pourquoi nous avons rendu compte des évolutions à l’œuvre à l’étranger.

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT N° 2718 N° 652 (Page 131-134)