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Le transfert nucléaire : une technique controversée

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT N° 2718 N° 652 (Page 155-159)

Nuclear transfer in human

Source : audition publique du 27 janvier 2010 – Mme Fagot-Largeault

1) Les différents types de démarches.

Il convient de distinguer deux types de démarches, selon le sort réservé à l’ovocyte dans lequel le noyau d’une cellule somatique est implanté. Dans le clonage dit reproductif, l’ovocyte devenu une cellule diploïde sera implanté dans l’utérus d’une femelle animale porteuse lorsqu’il aura atteint le stade blastocyste.

Dans « le clonage » dit thérapeutique, à savoir le transfert nucléaire, le développement de l’ovocyte ayant subi le transfert nucléaire est interrompu lorsque le stade blastocyste est atteint. La masse cellulaire interne, dont les cellules sont totipotentes, est placée en culture in vitro, dans des conditions telles que cet état différencié, totipotent et prolifératif des cellules embryonnaires puisse être perpétué. On obtient ainsi des lignées permanentes de cellules souches humaines dont l’expérimentateur peut, en principe, induire la différenciation selon la voie qu’il choisit.

D’après Mme Nicole Le Douarin112 : « contrairement à ce que laissent parfois entendre les polémiques, le clonage thérapeutique ne consiste en aucune façon à produire un clone destiné à fournir des pièces de rechange à la personne dont il serait dérivé. Il se borne à cultiver des tissus dérivés de cellules totipotentes, sans chercher à produire un individu complet où ces tissus viendraient s’intégrer ».

Elle précise que : « Dans le cas du clonage à visée thérapeutique ou scientifique, l’ovocyte est privé de son noyau, qui est remplacé par celui d’une cellule somatique. Le processus de la transposition nucléaire comprend trois étapes. Il faut d'abord enlever l'A.D.N. nucléaire de l'ovocyte en faisant attention à l'endommager le moins possible. Il faut ensuite faire fusionner l'ovocyte énucléé avec une cellule somatique. L'ovocyte doit normalement donner le signal permettant la reprogrammation de l'A.D.N. de la cellule somatique. Enfin, il faut isoler le groupe de cellules de la masse interne du blastocyste et les faire croître

112 « Les cellules souches, porteuses d’immortalité » - Ed. Odile Jacob

sur des substrats de culture. Dans un certain nombre de cas, l’œuf ainsi constitué commence à se développer en se segmentant, une forte proportion de ses embryons atteint le stade blastocyste ». Les chercheurs qui tentent de reproduire des cellules souches embryonnaires à partir d’un ovocyte muni d’un noyau de cellule somatique adulte visent à disposer de cellules spécifiques d’un patient donné dans un but thérapeutique.

Comme tous les scientifiques, Madame Nicole Le Douarin souligne le faible rendement de cette technique. Pour obtenir le développement d’un tel œuf jusqu’au stade blastocyste, il faut parfois des centaines d’ovocytes. C’est pourquoi cette technique est peu utilisée actuellement.

2) L’utilité de cette technique

Le transfert nucléaire reste assimilé au clonage et suscite à ce titre de grandes réserves, renforcées, fin 2005, par la révélation de la fraude de M. Woo Suk Hwang, professeur à l’université de Séoul, qui avait affirmé avoir cultivé onze lignées de cellules souches obtenues à partir d’embryons clonés. La mise à jour des conditions dans lesquelles les ovocytes, nécessaires à ces expériences, avaient été prélevés sur les collaboratrices de M. Hwang contre rémunération, ont jeté la suspicion sur ce type de recherche.

Deux arguments sont avancés pour maintenir l’interdiction du transfert nucléaire. D’une part, la pénurie d’ovocytes pour réaliser des procréations médicales ne permet pas la mise à disposition en quantité suffisante de ce type de gamète au bénéfice des chercheurs sans risque d’instrumentalisation des femmes.

D’autre part, les iPS ont fait perdre beaucoup d’intérêt à cette voie de recherche actuellement. Ceci nous a été confirmé au Royaume-Uni et en Israël, pays dans lesquels cette technique est autorisée et encadrée. Cette analyse est, en particulier, partagée par M. Axel Kahn, président de l’université Paris V- René Descartes113, qui a estimé que « le transfert de noyau nucléaire est certes intéressant sur un plan scientifique mais cette méthode n’est toutefois pas la mieux à même de créer des cellules souches à usage médical. Le clonage thérapeutique […] n’a plus grand sens – si jamais il en a eu un. ».

Le Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine avait d’ailleurs été saisi, en 2006, pour rendre un avis sur le questionnement éthique lié à cette technique. Dans ses leçons d’expériences publiées en juillet 2008, il a posé les termes de l’alternative: est-il scientifiquement pertinent de vouloir poursuivre une recherche sur des cellules souches issues d’embryons clonés, au moment où s’ouvre une voie alternative, dans le même champ scientifique de recherche, avec les iPS ? Ou bien ne faut-il pas, face à l’incertitude des connaissances, favoriser toutes les voies possibles de recherche pour obtenir des réponses aux questions scientifiques.

113 Audition de la Mission d’information du 5 novembre 2008

L’ABM reconnaît comme nous que le développement des techniques de reprogrammation cellulaire a fragilisé les arguments en faveur du transfert nucléaire. Cependant, cette technique constitue un moyen d’engendrer des cellules embryonnaires sans détruire d’embryons. Si des lignées de cellules pouvaient être dérivées selon cette méthode, elles seraient immuno-compatibles avec le patient.

La possibilité de mieux connaître les maladies humaines, une meilleure compréhension des mécanismes de l’embryogenèse, l'élaboration de nouveaux instruments de recherche et la thérapie cellulaire, resteraient les domaines d’application du transfert nucléaire.

C’est pourquoi, le rapport précité du M. Pierre-Louis Fagniez se prononçait, avant la découverte des iPS, en faveur de l’autorisation, sous contrôle strict, du transfert nucléaire. Il en allait de même du rapport précité de l’OPECST en 2006 qui recommandait d’autoriser la transposition nucléaire : « La transposition nucléaire devrait être autorisée par la loi relative à la bioéthique, qui devrait prévoir un dispositif rigoureux de contrôle de l'Agence de la biomédecine ».

Même après la découverte des iPS, nous avons défendu le principe d’une autorisation encadrée du transfert nucléaire dans notre rapport précité d’évaluation de la loi de bioéthique et, parallèlement, nous soutenions qu’il convenait que la France ratifie la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine dite Convention d'Oviedo, et le Protocole additionnel à cette Convention du 12 janvier 1998 qui interdit, dans son article 1er : « toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort » pour réaffirmer notre attachement à l’interdiction du clonage reproductif.

Nous préconisions, par ailleurs, que l'article 18 de cette Convention fasse l’objet d’une réserve interprétative. En effet, cette disposition pourrait interdire la transposition nucléaire car elle prévoit :

« 1- lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon.

2- la constitution d'embryon aux fins de recherche est interdite ».

Actuellement, la technique du transfert nucléaire ne présente plus d’intérêt pour les chercheurs qui explorent les potentialités réelles qu’offrent les iPS, même si celles-ci pourraient poser, à terme, des problèmes éthiques. Toutefois, le droit ne peut constamment courir derrière la science et varier au gré des fluctuations des techniques scientifiques et médicales.

Certes, actuellement, le transfert nucléaire est une voie de recherche qui semble peu prisée des chercheurs. Cependant, nous estimons qu’une levée de l’interdiction du transfert nucléaire à des fins de recherche reste cohérente avec une démarche prônant le maintien de toutes les voies envisageables de production de cellules embryonnaires, pourvu que l’ensemble soit encadré strictement par

l’ABM. Si, dans quelques temps, le problème de la disponibilité ovocytaire était résolu par des techniques de vitrification, et qu’en revanche, les iPS ne donnaient pas les résultats escomptés ou posaient des problèmes éthiques, cette technique pourrait présenter de nouveau un intérêt.

Aussi, souhaitons-nous maintenir la recommandation formulée dans notre rapport précité.

RECOMMANDATION N° 17 :

Il convient d’autoriser, sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, les recherches à partir de la technique de transposition nucléaire, avec un dispositif rigoureux de contrôle par l’Agence de la biomédecine, fondé sur la pertinence scientifique et médicale de la recherche, avec une interdiction d’implantation.

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT N° 2718 N° 652 (Page 155-159)