• Aucun résultat trouvé

: Compte rendu de l’audition publique du 27 janvier 2010 sur les cellules

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT N° 2718 N° 652 (Page 191-200)

Sommaire

Introduction ... 1 M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST

M. Alain Claeys, député M. Jean-Sébastien Vialatte, député

Table ronde : État des connaissances : quels enjeux scientifiques et éthiques ? ...7 Mme Nicole Le Douarin, professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences Mme Laure Coulombel, directrice de recherche à l’INSERM, rédactrice en chef adjoint de Médecine Science

M. Daniel Louvard, professeur à l’Institut Pasteur, directeur du centre de recherche de l’institut Curie, membre de l’Académie des sciences

M. Pierre Jouannet, professeur des universités, membre de l’Académie nationale de médecine Mme Anne Fagot-Largeault, professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences M. Jean-Louis Touraine, député

Table ronde : Avancées thérapeutiques et essais cliniques : quels brevets ? ...27 M. Philippe Menasché, professeur des universités, directeur d’unité de recherche à l’INSERM

M. Anselme Perrier, chargé de recherche, équipe maladies neurodégénératives (INSERM/UEVE, I-STEM)

Mme Michèle Martin, directrice de recherche, CEA M. Fabrice Claireau, directeur des affaires juridiques, INPI

Mme Hélène Gaumont-Prat, professeur de droit à l’université Paris VIII, directrice du laboratoire de droit médical et de droit de la santé

Table ronde : Thérapie du futur : quelles perspectives ?...52 M. Marc Peschanski, directeur scientifique de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem)

M. Hervé Chneiweiss, directeur de recherches à l’INSERM, Unité de plasticité gliale, INSERM, membre du conseil scientifique de l’OPECST, rédacteur en chef de Médecine Science

M. José-Alain Sahel, professeur des universités, directeur scientifique de l’Institut de la vision, membre de l’Académie des sciences.

M. Jean-Jacques Lataillade, professeur de médecine au laboratoire de recherche et de thérapie cellulaire du Centre de transfusion sanguine des armées

M. Jacques Caen, professeur émérite des universités, membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie des technologies

M. Charles Durand, maître de conférences des universités M. Thierry Jaffredo, directeur de recherche au CNRS M. Vincent Mouly, directeur de recherche au CNRS

Table ronde : Quelle régulation ? ...77 M. Jean Claude Ameisen, professeur des universités, président du comité d’éthique de l’INSERM, membre du Comité consultatif national d’éthique

Mme Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l’Agence de la biomédecine

M. Arnaud Guerra, responsable de l’Unité de recherches, Direction médicale et scientifique (ABM) M. Raymond Ardaillou, secrétaire adjoint de l’Académie nationale de médecine, professeur de médecine

M. Jacques Remacle, conseiller scientifique à la direction générale de la recherche, unité génomique et systèmes biologiques, de la Commission européenne

Mme Laurence Brunet, Juriste

OFFICE PARLEMENTAIRE D’EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

Mercredi 27 janvier 2010

Présidence de M. Claude Birraux, président de l’OPECST

Audition publique, ouverte à la presse, sur la recherche sur les cellules souches : état des lieux.

M. Claude Birraux, président de l’OPECST. Mesdames et Messieurs, je tiens tout d’abord à remercier mes collègues Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, rapporteurs de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, non seulement de m’avoir proposé d’ouvrir ces auditions publiques consacrées à l’état des lieux de la recherche sur les cellules souches, mais surtout du travail admirable qu’ils accomplissent en toute complémentarité, tant sur le plan politique que sur le plan scientifique, dans un domaine qui soulève des interrogations fondamentales sur l’homme. Leur travail fait honneur au Parlement : je leur présente mes plus chaleureuses félicitations.

Cette réunion, qu’ils ont prévue de longue date, intervient alors que les débats sur les recherches ont été relancés par le rapport de la mission de l’Assemblée nationale relative à la révision des lois bioéthiques, présenté par Jean Leonetti, dont Alain Claeys était le président et Jean-Sébastien Vialatte l’un des vice-présidents : c’est dire si l’Office a été associé aux débats.

L’Office parlementaire se situe à la croisée du scientifique, du politique, du juridique et du médiatique. C’est donc une instance parlementaire de réflexion et d’évaluation, dont le travail est conduit à partir de liens qu’elle a tissés depuis sa création en 1983 avec la communauté scientifique. Ses trente-six membres sont des députés et des sénateurs désignés à la proportionnelle des groupes politiques dans chacune des deux assemblées. Son conseil scientifique lui permet de recueillir l’avis des experts les plus renommés. Le comité de pilotage constitué lors de chaque étude a le même objectif : permettre à des scientifiques d’éclairer les travaux des parlementaires.

Les propositions présentées par les rapporteurs de l’Office parlementaire sont généralement le fruit d’un large consensus entre ses membres, par-delà leur

appartenance politique. L’Office permet d’organiser un débat raisonné, apaisé et serein sur des sujets qui soulèvent des interrogations parmi nos concitoyens. Il doit être en mesure de présenter en termes accessibles au grand public les questions scientifiques les plus complexes. Il peut également faire progresser le débat en reformulant des questions ou en faisant le lien entre plusieurs réponses.

Les auditions publiques d’aujourd’hui sur la recherche sur les cellules souches relèvent de cette démarche. Elles s’inscrivent dans le prolongement de la longue série de travaux conduits dans le cadre de l’Office sur la bioéthique dès 1992. À cet égard, je tiens à rappeler le rapport de feu le sénateur Franck Sérusclat, « Les sciences de la vie et les droits de l’Homme : bouleversement sans contrôle ou législation à la française ? », qui est la première incursion de l’Office parlementaire dans le domaine de la bioéthique. La démarche adoptée par son auteur est restée d’une rare pertinence car ce rapport comportait une série de fascicules consacrés successivement aux différentes approches en matière de réflexion éthique, à la procréation médicalement assistée, aux premières étapes de la vie et au statut des recherches sur l’embryon, aux diagnostics anténataux et à leurs conséquences, aux conséquences des progrès de la génétique, au statut du corps humain et de la personne humaine, à l’euthanasie et aux soins palliatifs. Le regroupement de ces différents fascicules portait le titre évocateur : « Questions clés et réponses contradictoires ». Pour Franck Sérusclat, il appartenait à chacun d’apporter ses réponses en fonction de ses convictions politiques ou philosophiques.

Depuis, les études réalisées sur la bioéthique dans le cadre de l’Office, sur le thème qui nous réunit aujourd’hui, se sont succédé afin de répondre aux défis nouveaux que la science lance au législateur, voire de les anticiper. Pour mémoire, je citerai le rapport de l’Office sur l’application de la loi de bioéthique de 1994, présenté en 1999 par Claude Huriet et Alain Claeys, celui qu’ils ont présenté de concert, en 2000, sur le clonage, la thérapie cellulaire et l'utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires, ou le rapport, en 2001, d’Alain Claeys sur la brevetabilité du vivant. Au fil des années l’Office est devenu une instance reconnue du débat sur la bioéthique, et plus largement des débats sur les problèmes éthiques que posent à notre société les avancées scientifiques et technologiques, dont la rapidité et la médiatisation soulèvent des interrogations, voire des controverses.

C’est la raison pour laquelle la loi du 6 août 2004 confie à l’Office parlementaire deux missions. Elle lui demande tout d'abord d’en évaluer l’application dans un délai de quatre ans, première mission dont Alain Claeys et Jean Sébastien Vialatte se sont fort bien acquittés en présentant il y a un an un rapport intitulé « La loi bioéthique de demain », après avoir organisé trois auditions publiques dans le cadre de l’Office et de très nombreuses auditions privées sur les futurs thèmes en débat. Les questionnements et propositions qu’ils ont présentés fin 2008 ont pour la plupart nourri les réflexions sur la révision de la loi bioéthique, voire anticipé nombre de débats qui ont eu lieu depuis.

L’objet de l’audition publique d’aujourd’hui répond à la deuxième mission que la loi de 2004 confie à l’Office parlementaire. La loi de 2004 interdit la recherche sur l'embryon humain mais l’autorise, à titre dérogatoire pendant cinq ans et à certaines conditions. La loi demande à l’Office d’établir un rapport évaluant les résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches adultes six mois avant la fin du moratoire de cinq ans. Celui-ci a commencé à courir lors de la publication du décret en Conseil d'État en février 2006, il expirera en février 2011.

Fin 2006, Alain Claeys avait présenté un rapport dans le cadre de l’Office sur les recherches sur le fonctionnement des cellules humaines qui, comme le rapport de Pierre-Louis Fagniez remis à la même époque au Premier Ministre, se prononçait pour une évolution du cadre législatif de ces recherches. Ces conclusions ont été reprises par les rapporteurs dans le rapport sur la loi bioéthique de demain.

Aussi l’objet de l’audition publique d’aujourd’hui vise-t-elle surtout à dresser un état des lieux des recherches sur les cellules souches qui sont en pleine évolution actuellement, sans les opposer les unes aux autres pour mieux comprendre leurs divers enjeux et les perspectives que chacune d’entre elles ouvre.

M. Alain Claeys, député de la Vienne, rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation. Je tiens à remercier plus particulièrement notre président qui accomplit un travail remarquable pour mettre en relation l’Assemblée nationale et le monde de la recherche. À l’heure où chacun s’interroge sur la notion de progrès, il est essentiel qu’un tel lien puisse se nouer : à ce titre, l’Office remplit parfaitement ses missions. Nous sommes à l’heure où doit être dressé un bilan comparé des recherches menées sur les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes, conformément aux prescriptions du législateur de 2004. Si nous devions rédiger aujourd’hui cette saisine, nous n’utiliserions pas la même formulation.

Comme nous l’avons écrit, Jean-Sébastien Vialatte et moi-même, dans le rapport de l’Office sur l’évaluation de la loi de 2004, cette législation n’est pas satisfaisante en raison de son ambiguïté : d’une part, elle interdit les recherches sur les cellules souches embryonnaires tout en prescrivant un moratoire de cinq ans – pourquoi cinq ans ? – et, d’autre part, elle recourt à des termes qui posent problème. Ces recherches, en effet, ne sont autorisées que si elles ont des finalités thérapeutiques et ne peuvent être réalisées par d’autres voies. Ces dispositions sont quelque peu hypocrites, et il a fallu la sagesse et le talent de l’Agence de la biomédecine pour que les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires soient autorisés durant cette période.

Aujourd'hui le débat est de nouveau ouvert. Avant que la Mission d’information, dont Jean Leonetti a été le rapporteur, ne se mette au travail, Jean-Sébastien Vialatte et moi-même nous étions déjà exprimés en faveur d’une

nouvelle rédaction de la loi sur ces recherches. L’encadrement de l’Agence de la biomédecine étant satisfaisant, le législateur doit autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires en l’encadrant. L’Office en avait du reste déjà fait plusieurs fois la proposition. La position française en sera rendue plus lisible au plan international. Il nous restera à convaincre certains de nos collègues.

Le paysage scientifique s’est modifié depuis 2004. Toutefois, mesdames et messieurs, l’objet de notre rencontre d’aujourd'hui n’est pas de modifier la loi mais de présenter devant la représentation nationale et devant nos concitoyens, l’état des lieux, au plan national comme au plan international, de la recherche fondamentale sur les cellules souches adultes, les cellules souches embryonnaires et les cellules pluripotentes induites iPS. Lorsque les premiers travaux sur les cellules souches iPS ont été publiés, certains qui étaient opposés à la recherche sur les cellules souches embryonnaires ont été soulagés. Or il se révèle que c’est bien plus compliqué ! C’est pourquoi, nous vous demandons de nous éclairer sur la question.

Le projet de loi devrait être déposé avant l’été 2010, afin que la révision de la loi actuelle puisse aboutir avant la fin de l’année. Si tel n’était pas le cas, il conviendrait toutefois que les recherches sur les cellules souches embryonnaires fassent l’objet d’une décision avant février 2011. C’est la raison pour laquelle l’Office a été saisi : le Parlement doit se prononcer sur le sujet.

M. Jean-Sébastien Vialatte, député du Var, rapporteur. Je m’associe aux remerciements qui ont été adressés à Claude Birraux, dont le soutien à nos initiatives fut très précieux. Je remercie également les membres du conseil scientifique et du comité de pilotage, ainsi que tous ceux qui nous permettront aujourd'hui de compléter notre information sur la recherche sur les cellules souches. Nos positions, qu’a rappelées Alain Claeys, sont connues.

Il ne s’agira pas dans cette étude comparative d’opposer les recherches les unes aux autres. Nous savons que les cellules souches adultes sont depuis longtemps utilisées pour traiter certaines pathologies graves. Nous n’ignorons pas les bénéfices présents et futurs du recueil et de la conservation du sang de cordons dans des banques allogéniques, lorsqu'ils sont riches en cellules souches. Alain Claeys et moi-même soutenons la création de telles banques en France ainsi que toutes les initiatives visant à développer dans de bonnes conditions le recueil et la conservation de ce produit.

Nos travaux ne seront donc pas un plaidoyer en faveur de telles ou telles recherches au détriment des autres. Il faut être très vigilant. On assiste actuellement à une inflation d’articles destinés au grand public contenant des promesses de plus en plus considérables sur les bienfaits de telles ou telles thérapeutiques issues de telles ou telles recherches sur les cellules souches.

L’accumulation des découvertes scientifiques et technologiques et leur médiatisation, quelquefois avant même que des essais thérapeutiques n’aient été pratiqués chez l’homme, créent autant d'espoirs que de déceptions. C’est pourquoi

il est plus honnête de bannir le mot « thérapeutique » quand on évoque les conditions d’encadrement d’une recherche soumise à autorisation. En revanche sa pertinence scientifique comme son impact cognitif ou ses possibilités d’utilisation médicale doivent faire partie des conditions d’obtention de l’autorisation.

Les auditions publiques d’aujourd’hui, qui sont les quatrièmes que l’Office organise dans le cadre de la révision des lois bioéthiques, visent à dresser un état des lieux des recherches sur les cellules souches et à réfléchir aux bouleversements que les cellules pluripotentes induites iPS provoquent et continueront de provoquer non seulement dans la connaissance des mécanismes de la pluripotence, mais également au plan éthique, dès lors qu’on les utilisera, si cela se révèle possible, chez l’homme en vue d'améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation.

Lors de nos missions aux États-Unis et au Royaume-Uni, nous avons été frappés par l’importance accordée à ces recherches et par la spécificité des matériels, gros appareils ou marqueurs, nécessaires à toutes les opérations de purification des cellules. Au-delà des contrôles exercés par les autorités chargées de la délivrance des autorisations de projets de recherche, contrôles que les chercheurs jugent parfois tatillons, nous avons constaté que dans ces pays, comme d’ailleurs en France, existe un contrôle indirect des recherches par les pairs eux-mêmes. Toute demande d’importation de lignées de cellules souches embryonnaires déjà autorisée doit être justifiée par un projet de recherche pertinent auprès du laboratoire ou de l’université qui délivre ce produit, ce qui témoigne d’une réelle volonté d’encadrement de la communauté scientifique, laquelle a conduit à l’élaboration de guidelines, de lignes directrices internationales.

Toutefois, certaines questions demeurent.

Quels sont les acquis et les perspectives des recherches en cours ? Quels en sont les enjeux scientifiques et éthiques ? Est-il encore pertinent d’opposer cellules souches adultes et cellules souches embryonnaires à la lumière des travaux sur la pluripotence induite ? Quelles perspectives ces recherches offrent-elles dans la compréhension de l’apparition et du développement de certains cancers ? Faut-il ouvrir d’autres voies de recherche, notamment au profit de l’embryon lui-même, en vue de favoriser la réussite d’une assistance médicale à la procréation ? D’autres procédés, tels que l’utilisation de cybrides, sont-ils utiles ? Tels seront les thèmes de la première table ronde.

Au cours d’une deuxième table ronde, nos questions porteront sur les essais cliniques déjà réalisés et les projets de demande d’autorisation. Quelles sont les avancées thérapeutiques actuelles découlant des promesses de la médecine régénérative et de celles des thérapies cellulaires ? Que peut-on en attendre, dans quels délais et sur quelles pathologies? Quels bouleversements des politiques de santé et de l’attitude des grands groupes pharmaceutiques privés l’utilisation de cellules souches est-elle susceptible de provoquer ? En effet, lorsqu’elle réussit,

cette médecine personnalisée réduit considérablement la prise de médicaments fabriqués à grande échelle, ce qui ne sera pas sans entraîner un changement radical. Ces sujets seront abordés au cours d’une deuxième table ronde.

Enfin, au cours d’une troisième table ronde, nous nous interrogerons sur le foisonnement des découvertes et sur les thérapies du futur. Ces avancées seront-elles à la portée de tous ou freinées par des dépôts de brevets trop nombreux et trop coûteux ?

Telles sont les thématiques qui, au cours des tables rondes de cette journée, seront évoquées en recourant à des exemples concrets.

Il nous appartiendra ensuite de réfléchir aux régulations possibles qui permettront de dépasser la tension entre la liberté de la recherche, qui est essentielle aux progrès de la science, et le respect de la dignité humaine, principe fondamental auquel nous sommes tous très attachés.

Dans le document ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT N° 2718 N° 652 (Page 191-200)