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La mise en œuvre d’outils et de procédures adaptés et performants

1. La robotisation

Au cours de nombreuses visites de laboratoires en France et aux États-Unis, en Israël, nous avons constaté un changement d’échelle dans les procédures.

Au Génopole d’Evry, l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem) dispose d’un bioréacteur qui permet de cultiver non plus quelques centaines de milliers ou quelques millions de cellules, mais jusqu’à un milliard de cellules en une quinzaine de jours. Ce changement d’échelle majeur ouvre de nouvelles perspectives, bien au-delà des besoins des laboratoires de recherche académique. « Une telle production industrialisée permet d’envisager une utilisation elle-même industrielle de ces cellules, des robots permettant de trier des dizaines de milliers de composés et d’en tester en parallèle les effets sur des populations cellulaires », selon M. Marc Peschanski51.

50 Entretien lors de la mission au Royaume-Uni (voir annexe)

51 Audition publique du 27 janvier 2010

Les cellules souches embryonnaires permettent d’avoir accès à des quantités de cellules assez importantes pour envisager, grâce à la miniaturisation et à la robotisation, de remplacer les cibles chimiques par des cibles biologiques, c'est-à-dire du vivant. « Les applications industrielles de l’utilisation des cellules souches embryonnaires sont porteuses d’un grand espoir. La maîtrise de cette production de biomasse et celle de la pluripotence sont devenues des enjeux industriels. Au point que l’activité I-Stem, qui est consacrée pour deux tiers à la recherche classique relative aux cellules souches embryonnaires, l’est déjà pour un tiers à la recherche technologique, pour laquelle des robots sont utilisés pour travailler sur des milliards de cellules en même temps. On peut tester en parallèle, dans tout essai de criblage, jusqu’à 70 000 molécules potentiellement thérapeutiques ».

Il précise : « Nous entrons sur le terrain industriel des tests de médicaments, qu’il s’agisse de toxicologie, où nous avons déjà obtenu des résultats intéressants, ou de tests de criblage sur des cellules porteuses de maladies génétiques. Il s’agit encore de preuve de concept, mais elle intéresse déjà les industriels, comme nous l’ont fait savoir les représentants des directions des laboratoires Servier, Sanofi, GSK et Roche ».

Selon M. Marc Peschanski, ce changement d’échelle offre des possibilités nouvelles d’applications en thérapie cellulaire. La production d’épiderme pour traiter par thérapie cellulaire est une indication majeure non seulement pour les lésions cutanées des grands brûlés dont le nombre de bénéficiaires potentiels est limité, mais aussi pour les ulcérations cutanées des patients atteints de drépanocytose ou de diabète, des dizaines de millions de personnes étant là potentiellement concernées. Il serait également possible de traiter certains accidents vasculaires cérébraux.

2. Les technologies avancées de tri

Pour M. Daniel Louvard52, il est possible d’identifier, au sein d’un tissu tumoral, une population minoritaire de cellules que l’on peut transplanter d’un animal à un autre pour régénérer une tumeur, ce qui a des conséquences considérables sur la façon d’envisager le traitement des cancers. Or, « ce type de recherches et d’analyses n’aurait pas pu être conduit sans deux avancées majeures, issues de la recherche fondamentale sur les cellules souches normales : d’une part, l’identification de marqueurs de surface par les hématologistes et les immunologistes, et d’autre part, l’apparition de technologies avancées de tri et d’identification cellulaires, la cytométrie de flux, encore appelée analyse par FACS (Fluorescence Activated Cell Sorting) ».

La mission a pu observer ces outils en fonctionnement lors des visites de laboratoires qu’elle a effectuées en France et à l’étranger.

52 Audition publique du 27 janvier 2010

3. La création de bio banques et de banques de sang de cordon

a) La création de bio banques pour la recherche

Le nombre de lignées de cellules souches humaines fiables utilisées pour la recherche est actuellement limité. Depuis près de dix ans, les scientifiques ont essayé d’en créer de nouvelles par clonage thérapeutique sans beaucoup de succès.

Cette technique, relativement efficace dans un certain nombre d’espèces animales, se heurte à des difficultés inattendues avec les cellules humaines.

Grâce à la nouvelle technologie de reprogrammation cellulaire (les iPS), les espoirs de créer de nouvelles lignées de cellules souches d’origine humaine renaissent.

Pour autant même si la recherche avance, il reste encore bien des obstacles à surmonter avant d’entrer dans les phases pré-cliniques et cliniques préalables à la commercialisation de produits à base de cellules souches.

Une banque centralisant et distribuant les cellules souches, accessible aux chercheurs et qui serait un interlocuteur pour les instances nationales et internationales, simplifierait les démarches administratives et offrirait d’intéressantes possibilités de prospective. Plusieurs pays se sont dotés de banques de cellules pour faciliter la recherche et accroître les synergies entre les équipes.

La plupart des chercheurs souhaitent disposer, grâce à ces banques nationales ou internationales, de données cellulaires recensant le patrimoine génétique de milliers de maladies que l’on ne peut à ce jour étudier faute de cellules en nombre suffisant.

b) La création de banques de sang de cordon allogénique

Comme l’ont souligné le rapport précité de l’OPECST sur la loi bioéthique de demain et celui de la Mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi relative à la bioéthique, la collecte de sang de cordon est encore insuffisante en France. Bien qu’en constante augmentation depuis 2005, collecte et stockage restent faibles (6 400 unités en cumulé en 2007). La France est encore en retard en termes d’unités stockées par habitant (16ème rang mondial en 2007).

Seulement 25 à 30% des échantillons prélevés seront utilisables (c’est-à-dire validés et stockés), car le volume obtenu par échantillon est trop réduit. En outre, plus de la moitié des cordons ne contiennent pas de cellules souches.

Les greffons peuvent aussi provenir de l’étranger ; le principal problème en ce cas est financier, car les greffons importés de l’étranger sont deux fois plus onéreux que les greffons français, pour des raisons logistiques. Or, plusieurs greffons doivent être administrés à un même patient, comme l’a rappelé M.

Jacques Caen53. Les «bigreffes» sont courantes en routine. En 2007, 55% des greffes étaient réalisées avec deux greffons. Le nombre de greffons maximal utilisés est de 7 (en recherche).

On compte 8 banques de sang de cordons en France contre 3 en 2008 ; elles sont gérées soit par les Établissements français du sang (EFS) ; soit par des structures hospitalières (AP-HP ou CHU), créées en 2008 et 2009.

Nous ne pouvons que souscrire à la recommandation de l’Académie nationale de médecine54 qui prévoit d’organiser la collecte, la conservation, la distribution des cordons, des placentas et de leurs dérivés, en créant des centres de ressources biologiques spécifiquement dédiés à ces missions. Elle suggère judicieusement d’informer largement les parents dans les maternités de l’utilité du don de cordon et de placenta pour poursuivre et amplifier la recherche sur les cellules souches humaines, avant de leur demander l’autorisation de procéder à la collecte.

En revanche, l’interdiction du prélèvement et de la conservation du sang de cordon à des fins autologues doit être maintenue, voire renforcée. En effet l’Agence de la biomédecine a constaté des dérives mercantiles inquiétantes que nous dénonçons fermement. Des promesses sont faites à des femmes dans des conditions douteuses, alors qu’elles viennent d’accoucher.

Il n’y a aucune garantie de conservation dans des conditions satisfaisantes des cordons ainsi prélevés. Lors de notre mission en Israël, où cette pratique est répandue, les personnalités que nous avons interrogées se sont montrées très réservées, parfois gênées. Elles ont estimé qu’il s’agissait de dérives mercantiles.

Quant à la solution des banques mixtes liant conservation autologue et allogénique, elle paraît a priori intéressante, mais n’est pas adéquate car un seul cordon suffit rarement pour procéder à une greffe, et il est peu réaliste d’envisager un partage.

RECOMMANDATION N° 2:

Il convient :

– de maintenir l’interdiction du prélèvement et de la conservation du sang de cordon à des fins autologues ;

– d’informer les parents dans les maternités de l’utilité du don de cordon et de placenta pour poursuivre des recherches, avant de demander le consentement à la collecte ;

– de veiller à assurer la gratuité de la collecte et de la conservation de ces produits ;

53 Audition des rapporteurs du 15 mai 2010

54 Rapport du groupe de travail de l’Académie nationale de médecine du 26 janvier 2010

– d’organiser la collecte, la conservation, la distribution des cordons et de leurs dérivés ;

– de créer des bio banques et des centres de références accessibles aux chercheurs, pour favoriser les recherches menées en France, ainsi que la coopération internationale.

4. L’implication des industriels a) Une réticence certaine

Il est apparu que l’industrie pharmaceutique était très en retrait par rapport aux recherches sur les cellules souches en dehors du criblage. Il leur apparaissait même qu’elle rachetait certains brevets pour les mettre en réserve afin d’éviter que des développements ne se produisent trop rapidement. Ce point n’a été démenti ni par les personnalités rencontrées aux États-Unis, ni par celles rencontrées en Israël, ni par celles rencontrées au Royaume-Uni.

La démarche actuelle des industriels pharmaceutiques décrite par nos interlocuteurs, à l’étranger comme en France, implique principalement des partenariats plutôt que des développements en interne. Les industriels pharmaceutiques attendent un succès clinique concret d’une société de biotechnologie (biotech) de thérapie cellulaire avec un modèle économique proche de celui de l’industrie pharmaceutique. Ils suivent particulièrement les sociétés développant des produits cellulaires allogéniques, permettant une distribution large et simplifiée, n’exigeant pas d’installations techniques complexes et pouvant être administrés à un grand nombre de patients, contrairement aux produits cellulaires autologues qui suivent le paradigme « un produit pour un patient ».

Coûteux à court terme, de tels produits pourraient être rentables, s’ils guérissent définitivement le patient sans recours à des traitements tout au long de la vie.

b) Des tentatives d’investissements

D’après les entreprises du médicament, le LEEM55, les industriels pharmaceutiques investissent de plus en plus dans la thérapie cellulaire, mais les montants dédiés sont encore limités. À titre d’exemple, Pfizer investit 100 millions de dollars dans son unité Pfizer Regenerative Medicine. Cette unité est spécialisée dans les pathologies cardiaques et dégénératives du système nerveux central, pour un budget total de recherche et développement (R&D) annuel d’environ 8 milliards de dollars pour l’ensemble de la société, alors que le budget total de développement d’un produit pharmaceutique « conventionnel » est estimé à 1 milliard de dollars.

Il existe maintenant des divisions clairement labellisées « médecine régénérative » chez Sanofi Aventis et Roche. Ces sociétés s’intéressent aux iPS,

55 Audition des rapporteurs du 11 mai 2010

mais aussi aux cellules mésenchymateuses, en raison de leurs éventuelles propriétés immuno modulatrices.

Tous les industriels pharmaceutiques sont à la recherche de modèles cellulaires plus prédictifs, c’est-à-dire plus proches de la réalité biologique, et donc permettant de mieux comprendre les mécanismes biologiques liés à l’action des molécules actives. Les modèles issus de cellules souches permettent d’avancer sur cette voie, mais des efforts de R&D importants sont encore à fournir.

Un exemple de partenariat en France est l’accord signé en juin 2009 entre I-Stem et Roche (d’un montant de 7,5 millions d’euros sur deux ans) pour le criblage des molécules de Roche sur les modèles cellulaires de pathologies neuronales d’I-Stem.