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Une gestion patrimoniale structurée par l’enjeu sanitaire

Chapitre 6. Les doctrines de la gestion patrimoniale

6.1. Une gestion patrimoniale structurée par l’enjeu sanitaire

Le département des Deux Sèvres, au sein de la Région Nouvelle Aquitaine, offre une entrée dans les questions de gestion patrimoniale et de transformation des périmètres des différents opérateurs cadrée non par des enjeux administratifs et politiques mais par la question de la santé environnementale.

Le département est en effet précurseur au niveau national pour le développement des Plans de Gestion de la Sécurité Sanitaire de l’Eau (PGSSE), qui sont la déclinaison française d’un dispositif lancé par l’Organisation Mondiale de la Santé sous le terme de Water Safety Plan depuis 2004, et qui sera vraisemblablement inscrit dans la future directive-cadre européenne sur l’eau actuellement en préparation. La mise en place de ce PGSSE a été portée par l’ARS, et a permis de conduire une politique de gestion patrimoniale originale, où, dès le départ, sont mêlés des enjeux liés à l’ensemble des composants du cycle de l’eau, aussi bien ressource que service d’eau potable.

Le point de départ de la réflexion, en 2010, repose sur un constat, selon lequel la réglementation en vigueur ne permettait pas une amélioration continue et acceptable de la santé publique via l’eau. Les huit plus gros syndicats producteurs d’eau (sur les 49 services au sein du département) et l’ARS ont ainsi accepté de mettre à plat leurs pratiques pour développer des études de danger sanitaire au niveau des différents services. L’agence de l’eau tout comme le département n’ont pas souhaité subventionner le projet, qui a donc été financé directement via la facture d’eau.

L’étude, réalisée en 2011 par des équipes de Verdi, G2C et Eau de Paris, avait pour but de décrire le fonctionnement des filières à partir de l’entrée sanitaire, en cherchant à détailler les ressources, les problèmes au niveau des périmètres de protection, les problèmes liés aux analyses, les enjeux de mélange des ressources. Elle prenait en compte également des aspects liés au service d’eau, en s’intéressant au fonctionnement des unités de traitement, aux lacunes potentielles de la distribution, aux territoires qui seraient éventuellement mal desservis, tout autant qu’aux modalités de gouvernance des différents syndicats d’eau.

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Cette étape a permis de réaliser des schémas par unité de gestion, pour l’ensemble des 49 services, qui ont ensuite été validés sur les 8 territoires concernés, pour assurer l’appropriation de la démarche localement. L’ensemble a demandé une forte animation territoriale, avec de nombreuses réunions d’explicitation et de discussion avec les 49 services répartis sur les 8 territoires.

La deuxième phase, courant 2011, a consisté à décliner cette étude en programme d’actions. Des similitudes existaient sur certains points, liés aux traitements, aux mélanges, aux stockages, etc. Mais on pouvait également trouver des spécificités par installation, afin d’avoir une approche territorialisée et non standardisée. Là encore, ces programmes font l’objet d’une validation localement.

Une troisième phase déborde sur 2012, avec le chiffrage de ces programmes d’action. Cela a débouché sur des négociations concernant les coûts, les implications sur le prix de l’eau. Pour améliorer la situation sanitaire, il était nécessaire que ce programme soit mis en oeuvre par tous les acteurs. Les différents responsables ont choisi une modalité commune : plutôt qu’un contrat annuel pluriobjectif, ils ont préféré un arrêté préfectoral, qui permettait selon eux d’imposer un schéma égalitaire à tout le monde. Pendant l’été 2012, 49 projets d’arrêtés préfectoraux ont été ainsi construits, présentés et discutés dans les 49 territoires, dont certains comptaient quelques dizaines d’habitants, et d’autres jusqu’à 100 000 habitants.

Certains services (syndicats ruraux, petites régies), souvent peu outillés43 ou offrant un service minimal, devant l’ampleur des travaux demandés, ont demandé à être intégrés dans un des huit gros syndicats. De 49 unités de service, on est ainsi passé à 36. Fin décembre 2012, 36 arrêtés préfectoraux sont signés, avec l’obligation de mise en oeuvre des programmes d’action. Ces programmes d’action doivent s’étaler entre 2013 et 2016. Dans les services les plus importants, on compte jusqu’à 72 actions, 30 à 40 pour les plus petits. Parmi ces actions, certaines constituent en fait le socle minimal de connaissance pour faire de la gestion patrimoniale, avec élaboration d’un RPQS, bilan de fonctionnement, fichiers sanitaires. L’ensemble du programme fait l’objet d’un suivi détaillé de la part de l’ARS, pour s’assurer de son bon déploiement. Progressivement se mettent en place des plans d’actions révisables d’une année sur l’autre, des plans de surveillance de la qualité de l’eau. Tous ces éléments permettent graduellement d’améliorer la connaissance et in fine la gestion des pratiques sanitaires sur le territoire. Les règlements d’eau sont adaptés pour pouvoir à la fois identifier les branchements pouvant porter préjudice aux réseaux via des phénomènes de retour d’eau, ou détecter les forages non déclarés et intervenir.

43 Ce sont des services où “je relève des compteurs, je fais deux, trois trucs. Je regarde si le château d'eau

fonctionne bien, je regarde si ma chloration fonctionne bien et point, trait. Je ne fais rien de plus.” (ARS Nouvelle Aquitaine, direction)

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Le déploiement de ces actions a accéléré les regroupements des services au sein des huit gros producteurs, non sans parfois quelques réticences de certains maires, mais en continuant la logique d’une amélioration sanitaire. Les 49 unités initiales sont désormais regroupées en 17 unités et leur nombre est amené à augmenter.

En 2016, les actions ont continué à se complexifier, avec des demandes d’élaboration d’études patrimoniales.

« De la ressource jusqu'au robinet des abonnés, on décrit complètement les systèmes. On voit leur vétusté, leur fonctionnalité. Les problèmes rencontrés, on les détaille et on définit derrière ça des programmes d'actions chiffrés pluriannuels pour bien voir sur la ressource, sur la production, sur le traitement, sur la distribution. Tout y passe. Et donc, il fallait savoir qu'on avait quand même des réseaux pour certains territoires qui dataient d'un siècle et pour lesquels les renouvellements devenaient un petit peu importants dans le domaine rural » (ARS Nouvelle Aquitaine, direction).

Devant les réalisations accomplies grâce à l’animation de l’ARS et au portage par les huit gros syndicats, le département a révisé son schéma directeur de l’eau, pour l’inscrire dans l’idée d’une sécurisation globale de l’alimentation en eau, aussi bien quantitative que qualitative. En parallèle et en concertation, les huit territoires ont détaillé des plans de secours pour cette sécurisation.

Cette entrée sanitaire a permis de mettre la ressource au premier rang du patrimoine à préserver et à entretenir, tout en allant jusqu’au robinet des usagers. Elle a créé également des synergies interterritoriales. Désormais, les huit présidents des gros syndicats ont créé une association, dans laquelle ils échangent sur leurs pratiques, mais aussi qu’ils utilisent pour faire des groupements de commande. Sur certaines commandes, ils économisent ainsi 20 à 25%. L’approche par la santé environnementale permet ici de solidariser un territoire et de structurer progressivement un territoire autour de ce projet de qualité sanitaire. Elle obtient, par une approche thématique et territorialisée des résultats similaires à l’ambition de la loi Notre en termes de réduction du nombre d’autorités organisatrices, tout en garantissant une appropriation locale. La déclinaison stricte de la loi Notre autour des intercommunalités constituées pourrait cependant fragiliser ce système, puisque les périmètres des syndicats ne correspondent pas à ceux des intercommunalités. Ce type de démarche, partant des besoins territoriaux et animée principalement par les services de l’État déconcentré, montre l’intérêt d’une gestion patrimoniale thématisée pour être territorialisée.

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6.2. Une gestion patrimoniale structurée par les enjeux de changement climatique: