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Les enjeux d’ingénierie / les besoins d’accompagnement

Chapitre 4 Stratégies et enjeux émergents autour de la gestion patrimoniale

4.1 Les enjeux d’ingénierie / les besoins d’accompagnement

La mise en place de programmes d’actions de maintenance et de renouvellement est traversée par deux enjeux cruciaux, celui de la maîtrise d’œuvre des travaux d’un côté, et celui d’une autonomisation des services d’eau par rapport à la voirie.

L’enjeu de la maîtrise d’œuvre sur les travaux de renouvellement

La plupart des acteurs rencontrés ont souligné le rôle-clé de la maîtrise d’œuvre concernant

les travaux de renouvellement et, plus généralement de pose des canalisations. Dans de

nombreuses collectivités, ce travail est souvent négligé. Certaines entreprises de canalisation militent d’ailleurs pour la pose de matériaux dits nobles pour renforcer la technicité de la pose, et limiter ainsi les possibles entrées sur ces prestations de concurrents non habilités.

« Le maître d’œuvre, c’est lui la clé : s’il est bien présent et vérifie bien, les canalisations peuvent être bien posées et durer plus longtemps. Le problème, c’est que les collectivités mettent souvent le moins-disant économique, la plupart du temps. Notre patrimoine, c’est dès l’amont qu’il faut l’envisager. » (entretien responsable innovation d’une entreprise de canalisations)

Dans les collectivités les moins structurées pour leurs services d’eau et d’assainissement, ce type de mission a historiquement incombé à l’ingénierie publique. Sa disparition entre 2011 et 2014 a laissé un vide qui n’a pas été comblé par les entreprises d’ingénierie privée. De façon paradoxale, on note d’ailleurs que ce sont les mêmes acteurs (collectivités et canalisateurs) qui souhaitaient la suppression de l’ingénierie d’État, jugée trop rigide et contrainte, qui demandent désormais le retour d’un accompagnement et d’une ingénierie structurée, pour assurer une maîtrise d’œuvre ordonnée (entretien présidence des Canalisateurs).

Il n’est de ce fait pas étonnant de voir un certain nombre de collectivités assez grandes avoir opté pour l’internalisation des opérations de maîtrise d’œuvre. L’agglomération de Lens-Liévin a par exemple développé en interne un bureau d’études travaux, dans l’objectif de garder une maîtrise sur le déroulement des travaux grâce à la maîtrise d’œuvre interne. Ils y voient un

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avantage économique, en évitant les marchés concernant la maîtrise d’œuvre, mais aussi technique sur le contrôle des travaux (entretien responsable eau de la CALL). Eau de Paris fonctionne sur le même schéma, où les activités de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre sont internalisées, pour avoir une entreprise intégrée et une meilleure approche de la qualité des travaux. C’est dans cet esprit également que Lorient Agglomération a par exemple décidé de progressivement mettre fin aux délégations de service public sur l’eau et l’assainissement, pour maîtriser les travaux en direct, en structurant un service d’ingénierie en interne et en imposant aux aménageurs via les cahiers de prescription l’utilisation de matériaux nobles pour les canalisations (ces éléments seront détaillés plus fortement dans le Chapitre 4. L’enjeu de la structuration d’une maîtrise d’ouvrage de la deuxième partie du rapport, sur la structuration de la maîtrise d’ouvrage).

Dans la perspective d’un soutien financier à un programme de renouvellement (par la Caisse de Dépôts), il est donc important de bien conditionner ce soutien à un strict encadrement

des conditions d’exercice de la maîtrise d’œuvre, qu’elle soit exercée par

l’intercommunalité, le département, l’État ou toute autre entité, dans un souci d’efficacité de l’investissement public pris sur le long terme, à savoir sur l’ensemble du cycle de vie des canalisations et des autres parties du réseau. L’enjeu est de première importance pour les collectivités (notamment les plus rurales, mais pas uniquement) ne bénéficiant pas de services suffisamment structurés pour assurer soit directement une bonne maîtrise d’œuvre soit une maîtrise d’ouvrage suffisamment puissante et compétente pour cadrer de façon adéquate la maîtrise d’œuvre.

L’enjeu de l’autonomisation des services d’eau par rapport à la voirie

Au cours de la première phase de notre enquête, il est apparu que la majeure partie des travaux de renouvellement de canalisations semble guidée par des opérations sur la voirie : en dehors des casses ponctuelles, c’est à l’occasion d’une réfection ou d’un changement affectant la voirie que de nombreuses collectivités décident de renouveler les canalisations d’eau, d’assainissement ou d’autres services urbains.

Cette approche conduit à renouveler parfois des canalisations n’étant pas les plus critiques. C’est ce que les opérateurs reprochent parfois aux collectivités, critiquant un traitement des réseaux d’eau complètement dépendant des politiques de voirie (entretien responsables opérateurs d’eau).

Certaines collectivités commencent à « autonomiser » progressivement leurs services d’eau et d’assainissement des services de voirie, afin de développer des programmes en fonction des urgences non pas de voirie mais du service d’eau. Parmi les collectivités rencontrées pendant l’enquête, seule l’agglomération de Lorient avait déjà opéré cette transition.

« On a beaucoup subi les programmes de voiries. Puis on a fait des schémas directeurs d’assainissement. Les communes acceptent désormais les travaux, au point que cela s’inverse désormais parfois dans certaines communes : la voirie passera après.

L’activité de planification, via les schémas directeurs, nous a légitimés et crédibilisés. Les élus ont été très satisfaits, même si ce sont des sujets très techniques. Ils ont compris les principaux

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enjeux, qu’il faut beaucoup d’investissements et que cela a un impact sur le prix de l’eau. » (entretien direction des services Lorient Agglomération)

Ce travail de structuration des services d’eau indépendants de la voirie est une condition importante de la pertinence des programmes de gestion patrimoniale. Ils sont une première

garantie de la prise en compte des enjeux spécifiques à ces réseaux et à leur entretien. Sans

cela, les montants accordés pour le renouvellement des canalisations peuvent aussi bien être doublés, triplés ou quadruplés, ils courront le risque de ne pas s’occuper des canalisations les plus nécessiteuses et de correspondre à des investissements profondément inefficaces.