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Le SIG au cœur d’une gestion patrimoniale ambitieuse

Chapitre 2. Quelles données pour quelle connaissance ?

2.3. Le SIG au cœur d’une gestion patrimoniale ambitieuse

Outre cet investissement considérable dans la génération de connaissances et de données à laquelle ont été confrontées les intercommunalités, cette étude a été l’occasion de découvrir l’importance d’un outil déjà ancien, bien loin des solutions les plus innovantes, mais dont les usages renouvelés semblent aujourd’hui s’inscrire au cœur de la gestion patrimoniale : le SIG. D’un outil de cartographie relativement spécialisé, il change progressivement de place pour devenir un opérateur puissant à la fois de production et de circulation de données, et d'organisation et de coordination des services autour de la gestion patrimoniale.

L’équipement en SIG est très variable selon les collectivités. Certaines en font un usage expert, partagé entre les services, tandis que d’autres sont à peine outillées. La dynamique d’intercommunalité a été l’occasion d’éprouver ces disparités, les différences dans les utilisations, jusqu’à l’absence de toute cartographie informatisée dans certaines communes, qui confirme les difficultés évoquées dans le point précédent. Mais au-delà de la question de

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l’équipement en SIG, c’est la question de l’usage qui apparaît essentielle. Nous recensons ici quelques modalités de fonctionnement qui s’inscrivent dans des politiques de gestion patrimoniale ambitieuses. Celles-ci donnent à voir une dimension du rôle des données sensiblement différentes, et plus terre-à-terre, des initiatives innovantes, voire expérimentales que nous avons pu découvrir au début de ce chapitre.

Consolider les connaissances

Le SIG semble d’abord le lieu central vers lequel peuvent converger les données qui sont progressivement produites et reproduites dans le temps de “génération” de connaissance que nous avons évoqué dans le point précédent.

C’est évidemment le cas pour la localisation des canalisations et des ouvrages. Nous l’avons vu, l’information n’est pas toujours simple à obtenir, mais une fois récupérée, ou confirmée, c’est bien entendu sur le SIG qu’elle est présente.

Mais au-delà de cet enjeu de représentation spatiale, les SIG offrent aussi la possibilité d’ajouter à chaque élément présent des attributs directement consultables sur les cartes. Pour la gestion patrimoniale, cela permet par exemple d’indiquer pour chaque canalisation, chaque branchement et chaque ouvrage le matériau dont il est composé, la date de sa pose ou de sa construction, etc. (Figure 16). Ce sont ces informations qui sont glanées pendant les campagnes d’inventaire et de récolte auprès des petites communes.

Figure 16 Extrait du SIG de Régie Eau d’Azur, avec informations sur les matériaux, dates de pose, interventions sur les canalisations (Photo Équipe Gespare 2018)

Le SIG se situe ainsi au cœur de la mise en données d’informations qui existent, avant leur traduction, sous la forme d’archives, de plans en dessins numériques ou papiers, voire dans la mémoire des fontainiers.

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Certaines entreprises se sont spécialisées dans cette opération. c’est le cas par exemple de Scodify (Figure 17), avec qui travaille la SPL O des Aravis, qui propose des services pour faire converger des informations aux formats variés vers le SIG de l’entreprise.

Figure 17 Offre de la société Scodify (site Web)

Cet investissement dans la centralisation d’informations de natures variées sous la forme de données riches et historicisées, pour lequel les SIG sont, parmi d’autres outils, des instruments centraux montre que la gestion patrimoniale passe par une patrimonialisation de la connaissance. Si dans de grands nombres de cas, des pans de connaissance sont définitivement perdus, la période semble encore propice à la reconstruction de ce patrimoine de second ordre. Dans quelques années, au gré des mutualisations, du passage des documents d’exploitation encore accessibles au statut d’archives départementales, il est à craindre que le travail nécessaire pour la mise en données de ce passé soit beaucoup plus coûteux.

Mises à jour

L’autre grande mutation des usages des SIG que nous avons pu constater concerne le rythme de leur alimentation. Jusqu’à récemment, dans la plupart des services, les cartes numérisées, et donc les systèmes d’information qui les fournissaient, faisaient l’objet de campagnes de mises à jour programmées, une à deux fois par an, réalisées par des géomaticiens professionnels. C’est au contraire un régime de mises à jour permanentes qui se met en place aujourd’hui. L’enjeu, pour celles et ceux qui s’y engagent, est celui de la production, au fil de l’eau, de ce que Didier Torny appelait, à propos de la traçabilité industrielle, une “mémoire pour le futur” (Torny, 2003). Au rythme des interventions quotidiennes, les attributs de chaque entité présente dans le système d’information s’enrichissent, qu’il s’agisse de simplement inscrire la date de l’intervention en question, ou que celle-ci soit l’occasion d’acquérir de nouvelles connaissances

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(cause de la casse, par exemple, ou matériau s’il n’est pas connu, particularité de la pose, de l’environnement, etc.)

Cette volonté d’enrichir les données du SIG de manière significative, et de les maintenir à jour quasi quotidiennement suppose, bien entendu, que soit organisé le travail de saisie. Chez O des Aravis, par exemple, une politique de cet ordre a mené à l’inscription dans les contrats signés avec les entreprises prestataires d’une exigence de fourniture de plans de récolement un mois après réception des travaux, processus qui pouvait prendre auparavant jusqu’à deux ans. Cette exigence est aussi faite au personnel d’exploitation des régies, SPL et directions de l’eau. Le défi est celui de la numérisation de leur activité de terrain. Si la plupart des agents sont depuis longtemps soucieux de faire remonter des erreurs sur les plans papier, ou de signaler à l’oral des éléments qu’ils ont constatés sur le terrain, systématiser ces pratiques en les transformant en production et circulation de données n’est pas une mince affaire. Cela nécessite que soit mis en place, non seulement un circuit de validation et de mise en qualité des données, mais aussi une politique ambitieuse de formation, et le développement de solutions techniques les plus fluides et les plus pertinentes en situation d’intervention que possible.

À Nice Métropole, la personne qui est chargée, au sein de la régie, d’inventorier et d’inspecter les ouvrages fait systématiquement des relevés GPS qui lui permettent de transmettre, après chaque visite, des éléments de correction, de précision, ou d’information inédite à l’équipe chargée de la gestion du SIG.

Si l’adoption de ce type de solutions semble se généraliser au sein des grands groupes, certaines entreprises se positionnent également sur ce créneau pour fournir ce service aux opérateurs. Ainsi, GiSmartware, spin-off de Veolia développe une offre (SmartGeo) qui combine applications sur tablettes et SIG, dédiée à la gestion patrimoniale.

On le voit, les SIG peuvent donc devenir des instruments efficaces et peu coûteux à développer pour d’une part opérationnaliser une gestion patrimoniale de la connaissance par les données (des archives jusqu’aux mises à jour quotidiennes) et d’autre part consolider la coordination entre les équipes, en particulier entre la gestion patrimoniale et l’exploitation.