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Une dynamique d’extraversion tournée vers l’Europe

Dans le document Les pays émergents (Page 123-126)

La Turquie a amorcé son processus d’émergence dans les années 1980. Le programme de libéralisa-tion mis en œuvre à l’ombre du coup d’État mili-taire de 1980 adoptait les politiques d’ajustements structurels que préconisaient les institutions finan-cières internationales. En pratiquant une politique monétariste et une politique de libéralisation accompagnée de mesures de soutiens directs aux exportations, le gouvernement de Turgut Özal incita les entreprises, qui avaient grandi avec des politiques de substitution aux importations, à chercher des débouchés à l’extérieur du pays. Ces politiques de libéralisation ont rendu effectives les potentialités d’émergence qui avaient été accu-mulées lors des décennies protectionnistes et des politiques de développement par l’État. Insérées dans un tissu industriel relativement diversifié, disposant d’un certain niveau de savoir-faire et des capacités de production, les entreprises turques ont pu pénétrer les marchés des pays arabes exporta-teurs de pétrole dans les années 1980, et ceux des pays de la CEI dans les années 1990. Avec l’entrée en vigueur de l’union douanière avec Bruxelles, le commerce extérieur turc a fait un deuxième bond en avant et l’Union européenne est devenue son principal partenaire commercial (plus de la moitié des exportations et des importations).

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Le dynamisme de la société, aussi bien au niveau des mouvements de popu-lation (émigration vers l’Europe, émigration des campagnes vers les villes et de l’Est vers l’Ouest) qu’au niveau économique, s’est accéléré dans les années 1980.

Profitant de l’existence d’une main-d’œuvre disponible et bon marché, des PME se sont lancées à la conquête des marchés extérieurs environnants, de nouveaux groupes industriels et financiers sont apparus sur la scène économique turque et certaines villes de province sont devenues des pôles industriels. La réduction du pouvoir de négociation des salariés par le nouveau code du travail, la plus grande flexibilité accordée aux employeurs dans leur politique de recrutement et une politique publique permettant au secteur informel de se développer ont rendu les entreprises turques beaucoup plus compétitives. Le choix d’une économie de marché peu régulée fut le principal facteur accélérateur de l’émergence en Turquie.

Il a aussi été responsable de crises financières à répétition dans les années 1990.

Le signe le plus manifeste de l’entrée de la Turquie dans le processus d’émer-gence est le décollage de son commerce extérieur dont le volume a été multiplié par 15 durant les vingt-cinq dernières années et dont la composition s’est profondé-ment modifiée. Exportatrice de produits agricoles et miniers au début des années 1980 (57 % des exportations provenaient des produits agricoles et de l’élevage), 90 % des exportations de l’économie turque sont désormais composées de produits industriels (textile et habillement, biens intermédiaires, biens de consommation durable dont voitures et produits

électromé-nagers). Malgré cette performance, la Turquie a une balance commerciale toujours déficitaire (encore une situation atypique parmi les pays émergents) à cause de ces importations concen-trées dans l’énergie, les biens intermédiaires manufacturés et les biens d’investissement. La valeur des exportations couvre d’environ 60 % celle des importations. La croissance est struc-turellement dépendante des importations. En revanche, les biens de consommation finale y occupent une place plus modeste, et la Turquie continue à être en grande partie autosuffisante pour les produits alimentaires.

D’un niveau assez faible dans les années 1980, les investissements directs étrangers (IDE) ont suivi l’émergence, mais avec un déca-lage d’environ une décennie. L’acceptation de la candidature de la Turquie à l’Union euro-péenne lors de la conférence d’Helsinki en 1999 et l’ouverture officielle des négociations

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d’adhésion en 2005 ont entraîné leur hausse. Le volume d’IDE effectivement réalisés en 2006 était équivalent à la somme de ceux reçus durant six ans entre 2000 et 2005 et largement supérieur à la somme de ceux reçus entre 1980 et 2000. Répondant à cette ouverture, les entreprises turques sont devenues des investisseurs dans les pays de la CEI, du Moyen-Orient et, de plus en plus, de l’Union européenne.

En 2006, le stock de leurs investissements à l’étranger reste néanmoins modeste (8 milliards de dollars dont 60 % dans les vingt-cinq membres de l’Union euro-péenne) comparé au stock d’IDE réalisés en Turquie (88 milliards de dollars).

Avec la libéralisation du contrôle de change et la mise en place de la converti-bilité de la livre turque en 1989, Istanbul est devenue progressivement une place financière en vue parmi les pays émergents. Offrant des taux d’intérêt réels posi-tifs parmi les plus élevés au monde, la Turquie a attiré un important flux d’inves-tissements de portefeuille dont le stock était sensiblement proche de celui des

IDE en 2006. Cette ressource en devise permet de couvrir un inquiétant déficit des opérations courantes qui a atteint un volume équivalent à 7,5 % du PIB. La volatilité structurelle des inves-tissements de portefeuille augmente la fragilité de l’économie face aux chocs financiers et poli-tiques. Néanmoins, en 2007, lors des secousses financières internationales et des crises politi-ques internes, la sortie des capitaux a été faible et la livre turque a résisté. La crise du dollar et des taux d’intérêt réels élevés, associés aux place-ments en livres turques, ont renforcé la stabilité, avec pour contrecoup le coût de l’endettement public : en 2007, le service de la dette continue à mobiliser 32 % des ressources budgétaires, contre 78 % en 2000.

Les résultats économiques de la décennie 1990, marquée par des crises financières récur-rentes et un taux annuel d’inflation oscillant entre 50 et 100 %, ont été bien modestes. Après la dernière crise, en 2001 (- 5,7 % du PIB), la mise en place d’une politique budgétaire rigoureuse avec un excédent primaire du budget de l’État (avant le paiement des intérêts) équivalant à 6,5 % du PIB et l’assainissement du système bancaire ont brisé le cycle vicieux des années 1990.

L’économie turque est entrée depuis 2002 dans une phase de croissance soutenue, accompagnée

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d’une désinflation progressive, qui lui a permis d’augmenter le volume de son PIB de 50 % en six ans. Dans le même intervalle, le rythme annuel de l’inflation est passé de 80-100 % à 8-10 %.

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