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Une croissance démographique exceptionnelle

Dans le document L'ORGANISATION DE L'ESPACE ~ (Page 139-142)

III - Le cas particulier de Touba

A) Une croissance démographique exceptionnelle

Sortant des logiques antérieures de création urbaine, Touba s'individualise dans un réseau urbain dans lequel les villes secondaires, victimes de leur

"intermédiarité" et lieux de transposition de modèles de décentralisation souvent forgés de l'extérieur, stagnent pour la plupart. L'explosion urbaine de Touba est une nouvelle donne pour l'armature urbaine sénégalaise qui voit naître depuis quelques années au centre du pays une autre grande agglomération. La croissance démographique exceptionnelle et spectaculaire de la capitale des Mourides en fait aujourd'hui la deuxième ville du Sénégal après l'agglomération Dakar-Pikine-Guédiawaye, alors qu'elle n'est considérée officiellement que comme un simple village, chef-lieu de Communauté rurale. Cet accroissement fulgurant a surpris chercheurs et décideurs: on tablait en 1974 sur une population toubienne de 39 000 habitants218 pour 1990. Même les prévisions pourtant récentes du Plan National d'Aménagement du Territoire (PNAT, 1992) ne plaçaient Touba au second rang des villes sénégalaises qu'en 2021. Un peuplement réel et continu de la localité a certainement commencé après le décès et l'enterrement de Cheikh Ahmadou Bamba, ou en 1931, au moment du début du chantier de la grande mosquée. Mais plusieurs autres dates sont décisives: le début du second khalifat, le lotissement de 1960, l'inauguration de la grande mosquée en 1963, l'accession au Khalifat de Serigne Fallou en 1945, celle de Serigne Abdoul Ahad et son appel au peuplement lancé en

1985, etc.

La ville de Touba a connu, depuis 1958, de forts taux de croissance qui rompent avec ceux exprimant la faible dynamique qui a longtemps marqué les villes secondaires sénégalaises. Entre 1958 et 1988, différentes sources permettent de faire une analyse diachronique de la population toubienne qui est passée de 2 127

218 Étude duB.c.E.a.M,Direction de l'Urbanisme et de l'Habitat (Sénégal), 1974.

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habitants à 125 127 habitants, soit un taux de 14,5 % par an pendant trente ans. Le choix de ces deux années n'est pas fortuit. 1958 correspond à l'année pendant laquelle le plus ancien répertoire de villages dont je dispose a été établi, tandis que 1988 est tout simplement la date du dernier Recensement Général de la Population et de l'Habitat (R.G.P.H). Ce sont les dernières estimations fiables qui datent de 1993, qui avancent le chiffre de 300 000 habitants. Sur cette base, le calcul du taux d'accroissement donne 15% par an depuis 1958 (pendant 35 ans). Ce qui constitue une confirmation, voire une accentuation, de la tendance.

Ce taux de croissance élevé sur une longue période a cependant la particularité d'occulter les variations annuelles qui pourtant, mettent à jour des dynamiques particulières de la ville. Entre 1958 et 1960, donc en deux années seulement, la population a doublé, passant de 2 127 habitantsà4353 habitants, soit un taux de 43

%par an. Cette croissance brutale est liée àtrois facteurs concomitants.

Le premier est sans doute la construction de la grande mosquée qui a été achevée dans cette période, avec l'appui de centaines d'ouvriers et de manoeuvres mourides, travaillant plus ou moins bénévolement. Cette participation à la construction revêtait une signification symbolique certaine, et explique l'installation à Touba de certains d'entre eux. De même, l'ambiance générale d'euphorie et de réconciliation dans laquelle la confrérie a baigné, et le succès populaire du magal, qui, du fait du quasi achèvement de la mosquée attirait de plus en plus de pèlerins et de curieux, doit être prise en compte.

Le premier lotissement de Touba est le deuxième facteur important du doublement de la population toubienne entre 1958 et 1960.

Le troisième facteur est.Ia naissance en 1956 du marché Ocass et son développement à partir de 1958 ; il devint ainsi un important marché rural, attirant très vite des flux de Mourides du vieux bassin arachidier, venus écouler leurs produits ou en quête de diversification de leurs activités.

C'est dans la période 1960-1970 que le taux de croissance a été le plus bas, tombant à 4% par an. Cette faible augmentation de la population, qui est passée de 4

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353 à 6427 habitants semble surtout liée à l'affaiblissement puisàla fin du règne de Serigne Fallou. Mais c'est surtout la fin de la construction de la mosquée qui a freiné l'afflux de population. Cette période apparaît comme une parenthèse dans le processus d'urbanisation.

Entre 1970 et 1976, la population est passée de 6 427 à 29 738 habitants, soit un taux de 29 % par an pendant six années. Cette croissance exceptionnelle exprime un autre tournant décisif, l'accession au khalifat de Serigne Abdoul Ahad qui voit l'explosion urbaine de Touba, après ses appels répétés au peuplement. Dans cet ordre d'idée, la mise en place d'infrastructures a également joué un rôle important.

Leur construction, ont rendu la ville "vivable", et attiré de manière permanente ou saisonnière les populations du pays toubien. Serigne Abdoul Ahad est sous ce rapport l'initiateur du peuplement massif de la ville dans sa configuration actuelle.

Entre les deux recensements généraux de 1976 et de 1988, la population de Touba s'est accrue de 12,7% par an, passant de 29738 à 125 127 habitants. Cette période correspond à l'une des phases majeures de l'explosion urbaine malgré la baisse relative du taux d'accroissement par rapport àl'ensemble de la période 1958-1988. Elle a vu la ville acquérir ses principales infrastructures, s'étaler par des lotissements massifs, intégrant plusieurs villages satellites. L'accroissement naturel, l'immigration et l'apport des villages intégrés en sont les principaux détenninants. Ce taux d'accroissement bien que très élevé est toutefois dépassé par celui de Richard ToU, qui avec 16,1% détient le record national entre 1976 et 1988. Une estimation de la population de Touba en 1982 (45 229 habitants) permet de calculer un taux d'accroissement de 18,3 % par an en six ans. Ce taux n'a pas faibli depuis 1988, passant même à 19,1%, si l'on v,alide la dernière estimation (1993) qui donne à Touba une population de 300 000 habitants.

La croissance démographique toubienne s'est faite par plusieurs mouvements brutaux liés à des actions volontaristes des autorités. Depuis 1989, cet accroissement ne s'est pas ralenti mais est devenu plus constant. Il n'a toutefois pas été uniforme, les quartiers ayant connu des évolutions différentes selon les années.

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