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Des sources diverses et souvent contradictoires

Dans le document L'ORGANISATION DE L'ESPACE ~ (Page 152-158)

III - Le cas particulier de Touba

C) Des sources d'information précaires

2) Des sources diverses et souvent contradictoires

Les données de population à Touba proviennent de trois sources différentes qui se sont constituées à partir d'objectifs, de moyens, et de méthodes divers. Il s'agit des recensements généraux, des enquêtes démographiques et des recensements administratifs qui ont été effectués depuis 1958. Recensements généraux et enquêres démographiques sont des opérations d'envergure plus importante, organisés régulièrement ou ponctuellement par l'État, tandis que les recensements administratifs sont des opérations localisées et décentralisées, exécutées toutes les années.

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a) Les recensements généraux

Le premier recensement au Sénégal a eu lieu en 1976 et accordait à Touba une population de 29 634 habitants. Cela me paraît très en deçà de la réalité au vu de la taille qu'avait la ville à cette époque, selon les photographies aériennes. Quel périmètre a été recensé? Difficile de le savoir étant donnée la difficultéàretrouver les agents recenseurs de l'époque ou même les archives qui ont été perdues, empêchant toute nouvelle exploitation fine de ce premier recensement. Plusieurs villages, qui sont sur le listing consulté à la Direction de l'Aménagement du Territoire, sont associés au chiffre zéro et sont donc considérés comme sans habitants: c'est le cas de Darou Miname (14 640 habitants en 1988), Keur Niang (7 013 en 1988), Guédé Bousso (4 185), Gouye Mbind (6123), Khaïra (8 728), Touba Guédé (3 042 ).

L'absence d'habitant dans ces villages étant tout à fait invraisemblable à cette date, on ne peut manquer de poser la question de la fiabilité des données obtenues. Il s'est avéré après enquête auprès du Bureau du Recensement que ces villages ou quartiers n'avaient pas du tout été recensés. Cela remet en cause les résultats analysés plus loin. Plusieurs autres quartiers ont été recensés individuellement en 1976. C'est le cas de Darou Marnane (118 habitants en 1976 et 4 326 en 1988) et de Ndame que je considère aujourd'hui dans l'espace urbain alors qu'à l'époque, ils n'étaient pas encore intégrés.

Le second recensement a eu lieu en 1988, sur la base d'un découpage en districts prenant en compte la partie délimitée par la rocade et les extensions. Le répertoire des villages publié, montre, entre autres, la naissance entre les deux recensements de Madiyana, Toub.a Bagdad, et Darou Miname 2, et épouse dans une certaine mesure le découpage administratif qui reconnaît non pas des quartiers d'une même ville mais des villages à part entière regroupés au sein d'une Communauté Rurale. Ce découpage ne correspond pas souvent à celui reconnu par les populations de Touba ou les autorités maraboutiques. Le découpage en districts de recensement (D.R) effectué par le Bureau National du Recensement accentue la confusion qui

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règne autour du nombre de quartiers reconnus et de la hiérarchie des quartiers et sous-quartiers de Touba. Certains quartiers considérés n'ont aucune réalité administrative. C'est le cas de Touba Mbal, Sourah. etc. l'ai effectué un regroupement de ces districts selon leur quartier d'appartenance pour pouvoir disposer de données de population par quartier plus fiables.

Outre les données concernant les effectifs de population de la ville et de ses quartiers, les recensements généraux permettent d'appréhender les structures de cette population et ses caractéristiques socio-démographiques. L'analyse des données du recensement de 1988 pour Touba a donné la répartition de la population par âge. par sexe, par religion, par ethnie, par type d'activité et les chiffres exprimant le niveau d'instruction, la localité de naissance, celle de la dernière résidence et certaines caractéristiques de l'habitat. Mais l'intérêt de ces informations réside également dans le fait qu'elles sont libellées au niveau du village. Cela permet de sérier et de comparer ces villages selon leurs comportements socio-démographiques très corrélés à leur degré d'intégration dans l'espace urbain. De l'analyse de ces résultats du recensement de 1988, une conclusion principale s'impose: Touba, qui fut pendant longtemps une ville du pèlerinage annuel avec une population très mobile et relativement âgée, est en train de s'aligner sur les autres villes du Sénégal. avec de plus en plus de non-Wolofs et de non-Mourides, mais aussi et surtout avec une féminisation des ménages qui s'installent et participent au rajeunissement de la population.

b) Les enquêtes démographiques

Afin de trouver des articulations entre les phases historiques du développement de la ville définies à travers nos enquêtes et par les photographies aériennes, et celles que révèlent les recensements successifs, il a fallu retrouver aux Archives, des données de population plus anciennes. C'est ainsi que des répertoires de villages datant de 1958, 1964 et 1972 mais issus d'enquêtes démographiques, ont

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été découverts. La comparaison avec les recensements généraux est-elle possible?

Comment ces données ont-elles été collectées? Ont-elles une valeur scientifique?

L'intérêt de ces données réside dans le fait qu'elles ont été obtenues dan .... des année~

charnières du processus d'urbanisation. En réalité, les répertoires de 196-+ et de 1972 expriment des situations de 1960 et 1970.

- 1958 est l'année pendant laquelle une mobilisation des grands marabouts pour la construction d'une ville unifiée a commencé et celle qui précède le premier lotissement de la ville.

- L' année 1960 est celle de la proclamation de l'indépendance du pays et celle des premiers lotissements et de l'achèvement de la grande mosquée.

- L'année 1970 est comprise dans une phase de transition entre deux périodes majeures de la vie confrérique et toubienne, le khalifat de Serigne Falilou qui a achevé la mosquée et celui de Serigne Abdoul Ahad, à qui on a attribué le surnom de

" bâtisseur" pour son rôle dans la " fabrication" de la ville. C'est en 1970 que le forage le plus puissant de la ville a été inauguré et a commencé à assurer la fourniture continue et entière de la ville en eau; ce qui est un facteur important d'appel de population ou de facilitation de l'implantation. 1970 est également une année à partir de laquelle démarre une période de sécheresse et par voie de conséquence. un appauvrissement important de la population paysanne et le début de la migration massive vers Touba.

Tout chiffre global de la population de Touba est lié au périmètre considéré.

Le caractère fulgurant et envahissant de l'urbanisation implique que les dénombrements et estimations considèrent chaque fois des quartiers différents. La particularité des recensements et enquêtes, c'est que les résultats sont publiés à travers des répertoires de villages qui ne donnent pas des chiffres globaux de la population toubienne et ne précisent pas quels villages font partie de l'espace urbain à ces dates. Ceci souligne une fois encore la particularité de Touba que les recensements considèrent comme une Communauté Rurale (regroupement de villages) et non comme une ville composée de différents quartiers. Pour avoir des

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chiffres globaux de population à partir des répertoires, j'ai opéré un choix des villages intégrés à l'espace urbain à partir d'informations personnelles et de l'observation de photographies aériennes.

- En 1958 et en 1960, les 2 127 habitants de la ville sont répartis entre Oarou Khoudoss, Touba Mosquée et Darou Minane.

- En 1970, s'ajoutent Darou Marnane, Guédé Bousso et Keur Niang.

- En 1982, ce sont dix villages qui forment l'espace urbain ; aux SIX précédents, se sont ajoutés Touba Guédé, Gouye Mbind. Khaïra et Touba Bagdad.

- Pour 1988, douze villages sont pris en compte. mais l'un deux, N dame, ne figure pas sur le répertoire et n'est donc pas comptabilisé. Si l'on postule qu'un quartier loti fait partie de l'espace urbain, plusieurs villages peuvent être ajoutés:

Same Lâ, Dianatoul Mahwa (qui n'est pas sur le répertoire), Tindody, et Ndindy Abdou. Le prochain recensement devrait montrer que le nombre de villages intégrés n'a jamais autant augmenté après les lotissements massifs de ces trois dernières années.

c) Les recensements administratifs

C'est le vocable utilisé pour qualifier le comptage de la population imposable effectué dans toutes les Communautés Rurales du Sénégal. Depuis la gestion décentralisée de la taxe rurale par ces collectivités locales, ces recensements sont effectués par les chefs de village. Ceux-ci sont motivés par une ristourne de 7 % mais surtout par la possibilité de reprendre les parcelles dont les propriétaires n'ont pas payé l'impôt. Ce comptage est devenu au demeurant moins régulier du fait de l'importance des effectifs concernés et du peu de moyens dont disposent les responsables. Souvent, les chiffres de l'année précédente sont reconduits. Même quand des investigations sont effectuées, les résultats sont largement biaisés par le fait que des populations ont le choix pour le quartier où ils aimeraient être recensés.

La Communauté Rurale semble se résoudre à considérer un effectif de deux habitants

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par maison et l'impôtper capitadevient ainsi une taxe fixe annuelle payée par chaque maison. Pour toutes ces raisons, je ne peux considérer ces données comme fiables:

les comparer à des recensements généraux me semble également aléatoire.

Conclusion

Touba s'individualise par la rapidité avec laquelle. elle a émergé au sein des villes sénégalaises. La capitale des Mourides exprime ainsi le renouveau du réseau urbain, porté par la croissance des villes religieuses et la communalisation de localités qui à défaut d'atteindre les seuils de population requis, sont cooptées par l'État, pour satisfaire la clientèle politique locale. A travers cette analyse, j'ai voulu d'abord brièvement faire le point sur la manière dont cette nouvelle dynamique s'inscrit dans un réseau urbain déjà formé et fonctionnel. Ensuite, il s'est agi de faire la part de chacun des leviers de la nouvelle urbanisation, en mettant notamment en exergue la place prépondérante de Touba qui devrait in fine entraîner dans sa mouvance les autres centres importants du territoire mouride qui tendent à constituer autour de lui un réseau parallèle à celui des 60 communes érigées par l'État. Mais ceci n'est qu'une hypothèse, qui ne semble nullement être prises en compte par les décideurs.

et c'est certainement pour cette raison qu'il a été difficile d'appréhender l'accroissement démographique de Touba tant les données officielles sont peu sûres.

Malgré toutes leurs limites et les nombreuses interrogations qu'elles suscitent, ces données de population sont intéressantes parce qu'elles sont des indicateurs des mutations démographiques qui accompagnent l'urbanisation de Touba.

Dans le document L'ORGANISATION DE L'ESPACE ~ (Page 152-158)