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Les villes hybrides : encadrement religieux et municipal

Dans le document L'ORGANISATION DE L'ESPACE ~ (Page 131-135)

des articulations

B) Les villes hybrides : encadrement religieux et municipal

Plusieurs des 60 communes que compte le Sénégal portent l'empreinte de marabouts ou de confréries. Les fondations individuelles par des personnalités religieuses en dehors des confréries sont sans doute plus importantes qu'il n'y paraît.

Louga et Dakar sont les plus en vue mais il en existe d'autres. Toutefois les motifs et les circonstances de ces fondations ne sont pas toujours bien connus, une mémoire individuelle étant généralement moins bien conservée que celle des confréries.

Diourbel, Mbacké et Tivaouane sont les villes religieuses-communes. Les processus qui ont imprimé le fait religieux sur leur espace réel ou perçu diffèrent.

Diourbel est une escale que les autorités coloniales avaient choisi en 1912 pour abriter la "résidence surveillée" de Cheikh Ahmadou Bamba. L'escale est donc antérieureà la fonction religieus~,et cette double fonction est lisible dans l'espace.

On peut pratiquement parler de deux villes. L'une qui s'est développée autour de l'escale avec ses bâtiments administratifs, ses entrepôts, ses gares routière et ferroviaire, ses marchés, ses HLM. Et l'autre qui a une emprise sur la colline qui abrite 1'ancienne concession de Cheikh Ahmadou Bamba(Keur Gou mak), autour de laquelle une autre ville se développe avec sa belle mosquée, ses espaces publics

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plantés d'arbres bien entretenus, ses grandes concessions maraboutiques, son cimetière, et ses quartiers mourides.

Tivaouane est aussi une escale qui a accueilli un grand marabout leader d'un sous-groupe de la confrérie tidjane. En effet, El Hadj Malick Sy, qui a reçu le wird tidjane en 1873 à l'âge de 18 ans, se fixa définitivement en 1902 à Tivaouane, où il ouvrit une école coranique, sorte d'université populaire. La ville qui s'est constituée avec le chemin de fer double elle aussi sa fonction.

Contrairement à Diourbel et Tivaouane., la fonction religieuse est antérieure pour NIbacké. Je rappelle qu'il a été fondé par Marne Mârame au 18ème siècle et qu'il a été le berceau de la confrérie mouride dont il a vu naître le fondateur. À sa fonction religieuse, Mbacké ajouta en 1932 une importante fonction commerciale avec le lotissement d'une escale, le long des rails à l'ouest de la vieille ville: gare ferroviaire, marché, bureau de poste, bâtiments administratifs suivirent très vite. C'est en 1952 que l'escale de Mbacké fut admise comme commune mixte, et de nouveaux quartiers furent lotis. La vieille ville devient progressivement minoritaire avec l'afflux de populations commerçantes: 4 700 habitants en 1953,6300 en 1956. En 1955, la ville entière est érigée en commune de moyen exercice, avant d'acquérir en 1958 le statut de commune de plein exercice.

Ces trois villes religieuses, à statut communal, ont connu une croissance régulière dans la période postérieure à la proclamation de l'indépendance, mais stagnent depuis une vingtaine d'années. Diourbel, chef-lieu de la région du même nom a doublé sa population entre 1958 et 1970 avec 5,9% par an (de 18030 à 36 010), puis a piétiné entre 1976 et 1988 en passant de 53 754 et 76 548 habitants (2,9% par an). Tivaouane a connu pratiquement la même courbe de croissance, avec, là aussi, une forte poussée entre 1958 et 1970 (8,2% par an, la population ayant presque triplé), puis une croissance plus modérée entre 1976 et 1988 (3,9% par la population passant de 16 999 à 27 117 habitants). Mbacké qui est devenu depuis 1960 chef-lieu de département, a presque triplé sa population entre 1958 et 1970(7 353 en 1958 et 20 065 en 1970 soit 8,7% par an), du fait de la prospérité liée à

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l'arachide et de la proximité de Touba. Paradoxalement, c'est cette proximité de Touba et la croissance extraordinaire de celui-ci depuis 1970, qui ont imposé la forte concurrence qui est à l'origine de sa stagnation démographique dans la période suivante (3,6% entre 1976 et 1988) et de sa régression économique.

Ces trois localités sont des villes religieuses à leur manière. Elles abritent le sacré et le profane, chacun d'eux jouant son rôle, et s'exprimant sur l'espace et par l'espace. On n'y retrouve que partiellement la configuration des villes islamiques en général, avec le rôle central de la mosquée et les implications de cette centralité sur les .•

structures spatiales de la ville. Il semble que c'est la bipolarisation et l'hybride qui sont de mise. À l'exception de Mbacké qui avait un caractère religieux avant d'acquérir sa fonction économique, les espaces sacrés et profanes sont bien différenciés du fait de l'installation postérieure des marabouts à distance respectable de l'escale. Du fait de la concurrence de Touba, Diourbel et Mbacké jouent un rôle relativement négligeable dans la vie confrérique, dans les rites et manifestations qui font la vie de la confrérie. Ils conservent toutefois une valeur symbolique certaine et abritent plusieurs lieux sacrés majeurs.

À Diourbel, la grande mosquée, la grande concession de Cheikh Ahmadou Bamba qui abrite la petite mosquée où il priait, la chambre où il a quitté ce monde, ces lieux de retraite intérieurs, les maisons maraboutiques autour de la mosquée sont les lieux les plus en vue.

À Mbacké, le quartier où est né Cheikh Ahmadou Bamba, les maisons Mbacké-Mbacké; les grandes concessions des marabouts baye-JaU dont celle du khalife située dans le quartier de Palène.

ÀTivaouane, mosquées ef mausolées de El Hadj Malick et de ses successeurs regroupés sur la grande place constituent l'essentiel du sacré. L'importance de Tivaouane dans la confrérie tidjane est sans doute liée àson pèlerinage qui en réalité n'est pas une manifestation confrérique mais la commémoration de la naissance du prophète, communément appelée Maouloud, et est également célébrée par les autres confréries. Il s'agit malgré tout du second grand rassemblement annuel du pays après

celui de Touba. C'est essentiellement ce pèlerinage et l'implantation du khalife dans la ville qui continuentà structurer l'espace urbain et à lui imprimer sa dynamique. La vie économique, l'importance et la composition de la population y sont également très liées à la périodicité du Maouloud. L'indifférence ou non par rapport au sacré détermine la répartition de la population et le fonctionnement de la société urbaine sur l'espace.

L'institution communale n'échappe pas au contrôle des confréries dont les membres dominent souvent, ouvertement ou non les jeux politiques internes. Elle devient ainsi l'instrument du pouvoir maraboutique dans la ville, ou un contre-pouvoir local, mais souvent allié à un segment de la confrérie qui lui donne sa légitimité aux yeux de celle-ci. Les deux facteurs nouvellement urbanisants du Sénégal, politique de communalisation et phénomène confrérique, ne sont ainsi nullement en opposition.

Quant à la présence de l'église dans les trois villes, elle marque la laïcisation inéluctable liée au rôle économique et modernisant des anciennes escales et àune désacralisation spatiale du fait de la dynamique commerciale qui s'exprime sur l'espace. Il est sans doute curieux pour un lecteur non averti de lier la présence de l'église àune quelconque laïcisation ou une désacralisation. Mais dans un pays où l'emprise islamique est si forte qu'elle crée des villes, le rôle d'un lieu de culte étranger à l'islam peut être interprété comme le signe d'une sécularisation. Par ailleurs, la pression de lobby ou l'action d'autorités politiques appartenant àl'église catholique ne sont sans doute pas étrangères à l'implantation d'églises dans des villes

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209 L'épouse du président Abdou Diouf a été soupçonnée d'avoir joué un rôle pour la construction de celle de Tivaouane.

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C) Les villages maraboutiques frappent à la porte du

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