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LA HIÉRARCHIE DES TERRITOIRES

1.2. Une analyse des concentrations commerciales en géographie

Les méthodes de construction de polarités commerciales sont multiples dans la géographie du commerce. L’analyse de la littérature permet d’aboutir à la construction d’une méthode de déinition et de classiication de ces pôles applicable à notre terrain d’étude.

Figure 59 | Extrait du site des Pages Jaunes. Exemple de localisation des boulangeries à l’adresse dans des communes du Loir-et-Cher (avril 2017)

1.2.1. De la notion de « core » à celle de « pôle » : retour sur les approches existantes

Qu’elles soient liées à des ressources, à des populations, à des activités économiques, ou à tout autre critère, l’analyse de concentrations est ancienne en géographie. Dès les années 1950, aux États-Unis des études urbaines se développent et ont pour objet la constitution de pôles ou de noyaux (Murphy et Vance 1954, Horwood et R. Boyce 1959). À travers la notion de « core », ces études analysent la composition de ces concentrations, leur localisation et les comparents entre-elles. Dans leurs travaux, les auteurs étudient les Central Business District américains et les diférencient par rapport à leur périphérie, mais également entre eux.

Au début des années 1960, les premiers travaux voient le jour en France où la notion de « core » est transposée et devient « pôle » ou « noyau ». Ils renvoient à des concentrations commerciales dans un espace circonscrit. Jacqueline Beaujeu-Garnier réutilise ces méthodes d’analyse pour étudier la structure urbaine de Paris et notamment la distribution des commerces (Beaujeu-Garnier 1965). Dans ses analyses les pôles de commerces s’inscrivent dans une maille spatiale préexistante, celle de l’îlot urbain23. Dans la continuité de ces travaux, Alain Metton délimite des « Nodules », c’est-à-dire des groupements de commerces selon une démarche exploratoire. Suite à un repérage à l’adresse de commerces, il opère des regroupements en fonction de la proximité spatiale pour déinir des polarités commerciales dans la banlieue parisienne. Pour déinir nodules, il retient un seuil de 5 commerces minimum distant de 100 mètres au maximum entre eux, ce qui correspond à une continuité visuelle immédiate pour le consommateur permettant d’identiier les commerces (Metton 1980). Plus récemment, Matthieu Delage a étudié la composition et la répartition des « noyaux commerciaux » dans la métropole parisienne. À partir de localisations à l’adresse des établissements commerciaux, et a priori, sans se baser sur un maillage spatial, il détermine des concentrations grâce à une méthode fondée sur des outils d’analyse spatiale du voisin le plus proche. À partir des coordonnées de chacun des commerces, les points les plus proches sont agrégés. À chaque itération, le centre de gravité des points agrégés est calculé. Puis celui-ci est de nouveau mis en relation avec le point le plus proche. Ces itérations successives permettent alors de former des noyaux commerciaux. Il fait ainsi émerger un fonctionnement multipolaire de l’unité urbaine de Paris (Delage 2012).

1.2.2. De la distribution des commerces aux pôles de commerces : méthode Ces diférents travaux montrent l’intérêt d’utiliser les concentrations commerciales comme support d’analyse de la structuration du territoire. Le degré de concentration de l’ofre commerciale recherchée est variable selon les auteurs, renvoyant à des choix subjectifs ou guidés par des méthodes d’aide à la décision. Nous utilisons par la suite le terme de pôle de commerce pour déinir les concentrations commerciales à dominante alimentaire présentes au sein des espaces d’urbanisation dispersée de notre périmètre d’étude.

Les pôles de commerces sont construits à partir de la localisation des commerces de proximité issue des Pages Jaunes et de la co-proximité spatiale des entreprises et magasins. Se basant sur les approches proposées dans la littérature scientiique, plusieurs méthodes ont été testées. Tout d’abord, nous avons essayé celle proposée par Matthieu Delage, détaillée dans sa thèse (Delage 2012), en utilisant le logiciel CrimeStat. Repartant de ses analyses et de ses remarques, diférentes variables ont été testées sur notre périmètre d’étude. Le type d’ofre étudié ainsi que la localisation des commerces difèrent fortement dans nos travaux de ceux rencontrés par Matthieu Delage. Dans ses travaux Matthieu Delage se situe davantage dans des espaces urbanisés où les conigurations commerciales concentrées observées correspondant à des zones commerciales. Au contraire, dans notre périmètre, l’ofre commerciale est principalement composée de petits commerces localisés dans un tissu bâti ancien où l’organisation spatiale est parfois linéaire et dépendante du maillage viaire et de la coniguration de l’espace public. La méthode des voisins les plus proches ne permet pas de faire émerger les linéaires commerciaux des centres-villes, car à chaque itération les centres de gravité calculés s’éloignent les uns des autres et inissent par former des pôles dissociés.

Nous avons donc proposé une méthode inédite pour déterminer les polarités commerciales en nous basant sur la proximité spatiale des commerces sans calculer le centre de gravité des deux voisins les plus proches. Ici, chaque commerce est agrégé avec son ou ses voisins les plus proches en fonction de leur proximité spatiale. Pour ce faire, nous réalisons sur SIG une analyse de proximité. Une zone tampon est délimitée autour de chaque commerce, les zones qui se juxtaposent formant les pôles de commerce. Cette méthode permet de construire des linéaires commerciaux correspondants aux formes traditionnelles des centres-villes (la méthode est présentée igure 60). Ensuite, pour chacun d’entre eux, nous déterminons les

caractéristiques du ou des commerces qui les composent. Trois métriques euclidiennes ont été testées pour préciser la notion de proximité entre les commerces : 50 mètres, 100 mètres (Metton 1980) et 200 mètres. Les résultats obtenus difèrent fortement, notamment dans la spéciication de ces linéaires commerciaux. Ainsi, en prenant 50 mètres, nous observons un fort éclatement des polarités commerciales, observation non conirmée par la perception de la situation que nous procure la visite sur le terrain. À l’inverse, en retenant une distance de 200 mètres, des polarités de deux commerces situés dans deux rues diférentes et éloignées viennent parfois à se constituer. La formalisation de ces pôles ne répond donc pas réellement et ne se nourrit pas de la co-présence des magasins. Aussi, nous avons inalement retenu un seuil maximal de 100 mètres séparant chacun des commerces pris en compte qui permet d’ofrir aux consommateurs une continuité ou semi-continuité visuelle des boutiques (Metton 1980), et de maintenir une organisation des pôles commerciaux autour d’une structure viaire. 14 300 établissements ont été identiiés par leurs coordonnées géographiques dans les espaces d’urbanisation dispersée de la métropole parisienne (à moins de deux heures de Paris).

1.3. Des pôles de commerces diférenciés en fonction de leur taille