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UN TRANSPORT URBAIN CONSÉQUENT, MAIS ANARCHIQUE

Dans le document Recherches pour un atlas de Constantine (Page 151-159)

Le réseau de transport est considéré comme un « ensemble de voies de transport interconnectées, il est défini par ses composantes, c’est-à-dire des lieux et par les liaisons les joignant pour un mode de transport donné. » (A. BAILLY 1995).

En milieu urbain, ces lieux où se rendent habituellement les citadins se multiplient et le besoin en transport ne cesse par conséquent de croître. En effet, si la ville repose sur trois fonctions : habitat, travail et récréation (Charte d’Athènes), le déplacement des personnes a pour objectif d’harmoniser ces fonctions en permettant leur plein exercice à travers cet acte social qui tend à mettre les individus en relation. De fait, la disponibilité des moyens de transport s’avère primordiale dans la vie d’aujourd’hui. Mais pour être satisfaisant, ce service doit impérativement s’appuyer sur un réseau routier approprié, en plus d’un matériel roulant performant et régulièrement entretenu. Et le reflet de la performance des systèmes de transport et de la qualité des services se mesure désormais par l’espace-temps qui indique le degré de développement.

Avant de développer ce thème, il est utile de donner un aperçu sur l’évolution des transports en commun au niveau de Constantine où le transport collectif est apparu très tôt. En effet, la ville a hérité de l’ère coloniale, un réseau de transport majoritairement électrique qui desservait les faubourgs aisés (Bellevue, Sidi Mabrouk…). Le premier service public de transports urbains a pris la relève après l’indépendance, rôle qui a été confié à la régie municipale (RMTC). Avec l’extension démesurée de la ville, conjuguée à un site contraignant et un parc roulant vieillissant et non entretenu, plusieurs dysfonctionnements sont apparus et la situation se dégradait de jour en jour. L’ouverture économique de 1989 est venue à point pour « balancer » ce secteur stratégique aux mains des opérateurs privés.

L’apport salutaire du secteur privé

En 2003, le nombre d’opérateurs a atteint 642 (avec 706 bus)* pour l’ensemble de la wilaya dont plus de 60% activent au niveau de la ville de Constantine. Mais le nombre de bus mis en service n’est pas loin de celui des opérateurs, cela se confirme à travers le ratio nombre de bus/nombre d’opérateurs qui se limite à 1.1.

______________________________________________________________________________ * En 2008, le nombre de bus s’élève à 803 (d’une capacité de 46 000 places) assurant la desserte de 96 lignes (Direction des transports)

Ce qui laisse présager des difficultés certaines pour gérer ce secteur où la pérennité de l’activité est entachée d’une certaine irrégularité, au vu des moyens de transport modestes mis en oeuvre par chaque opérateur. Ce changement organique a résolu quelques problèmes grâce à un apport conséquent en matériel roulant et la création de nouvelles lignes. Ce qui a entraîné une meilleure desserte des quartiers particulièrement ceux de la périphérie qui présentent des contraintes d’accessibilité (Benchergui, Emir Abdelkader...). À l’inverse, d’autres difficultés ont vu le jour, conséquences de l’anarchie qui règne dans ce secteur. Elle est traduite par le non respect des horaires, le manque d’hygiène, les pannes répétées, l’insécurité…qui s’impliquent désormais dans le vécu quotidien des usagers. Ce qui nécessite une prise en charge sérieuse de ce secteur.

En dépit de l’idée reçue préconisant qu’une entreprise publique ne peut aucunement être performante et compétitive, la mise en service récente de l’entreprise publique du transport urbain (EPTU), a sensiblement amélioré le service du transport urbain. Ainsi, grâce à la cinquantaine de bus (d’une capacité globale de 5 050 places) flambant neufs mis en circulation, cette entreprise est entrain d’instaurer, du moins sur les neuf lignes qu’elle dessert, une sérieuse concurrence dans l’intérêt des utilisateurs qui reprennent goût à prendre le bus. Dans notre étude, cette entreprise ne sera pas prise en compte et l’analyse se limitera à la situation (2002-2003) précédent l’apparition de cette régie. Nous tenterons ainsi, de cerner l’organisation du transport collectif à travers l’étude des déplacements des constantinois, où vont-ils et par quel itinéraire ?

Pour aborder cet aspect, la démarche suivie s’est basée sur des données exprimant la fréquence d’usage de ces moyens de transport et leurs différents itinéraires à travers une cartographie linéaire schématisant l’organisation urbaine des transports, en essayant de traduire la relation des flux avec les unités urbaines. Les statistiques utilisées, proviennent de diverses sources (Direction des transports, le service des transports de l’A.P.C, mais également à partir des mémoires de Magister qui ont traité le thème en question).

Quatre stations pour dispatcher le trafic

Au niveau de l’agglomération, le transport collectif est assuré grâce aux 28 lignes réparties entre les quatre stations urbaines (Tab. n°22). Le nombre moyen de personnes transportées quotidiennement s’élève à 143 150. Ce qui représente environ 30% de la population constantinoise. Il faut toutefois pondérer cette valeur et prendre en compte le fait qu’une part revient aux passagers et visiteurs de la ville pendant la journée.

Tab. n°22 Ville de Constantine Caractéristiques des stations des transports en

commun Stations Nombre de lignes voyageurs /jour Benabdelmalek(¹) 8 46 380 Boumezzou (²) 7 45 040 El Kantara 5 21 730 Krikri (³) 7 25 200

Source : Direction des transports, Constantine (2003)

(¹) Future station du tramway (²) Réservée à la construction de deux hôtels (³) Transformée en square multiservices

Avec la création d’autres stations (Djouad Tahar, Bardo, Bel Air, Sidi Rached)

Si le nombre de lignes présente un certain équilibre selon les différentes stations, les effectifs d’usagers les scindent en deux groupes. Ainsi les stations de Benabdelmalek et de Boumezzou se détachent nettement en couvrant respectivement 33.5% et 32.5% du transport collectif de la ville, ne laissant qu’un tiers des voyageurs à répartir entre les stations de Krikri avec 18.2% et celle d’El Kantara avec 15.8%. Il faut noter aussi l’existence d’une ligne transversale qui prend en charge la liaison directe entre les quartiers de Boussouf et Djebel El Ouahch en assurant quotidiennement le transport à 4 800 passagers.

Un réseau étoilé

Spatialement, le réseau de transport n’est véritablement maillé que dans sa partie centrale où les lignes s’enchevêtrent avec une forte concentration des lignes pour se diriger tous azimuts (figure n° 30). D’une manière générale, l’agglomération est partagée en deux zones, suivant le tracé du Rhumel :

- la rive Est d’un côté, très bien desservie à partir de deux axes principaux : le boulevard de la Soummam qui se prolonge sur la R.N. n°3 en direction d’El Khroub et le boulevard de l’Est qui se prolonge vers Djebel Ouahch. Cette zone regroupe à elle seule, 19 lignes contre 9 seulement pour la deuxième zone.

- la rive Ouest de l’autre s’organise autour de trois axes, d’abord la ligne en direction de la zone d’Ain El Bey au Sud, qui se renforce progressivement, suite à la fulgurante urbanisation du plateau, ensuite la deuxième direction se confond avec la nationale n°5 pour desservir les quartiers Sud Ouest (5 juillet, Boussouf…) et enfin la dernière ligne qui traverse les quartiers à forte densité urbaine assure le transport jusqu’aux quartiers de Boudrâa Salah et Benchergui. Mais avec une fréquence de deux lignes qui reste insuffisante pour une zone où la demande est loin d’être négligeable.

On note que certains territoires ne sont pas ou peu desservis, c’est le cas de quelques quartiers sous intégrés de bidonvilles et d’habitat précaire au Nord de l’agglomération ainsi que les quartiers situés à l’Ouest et dont quelques uns sont affectés par les glissements, conjugués à une topographie irrégulière.

Des flux dominants, en direction du Nord Est

La fréquentation des différentes lignes s’exerce fortement selon trois destinations (figure n° 31) dont la plus attractive reste la direction Nord Est vers Djebel Ouahch qui accapare 31.3% des usagers des bus, suivi de la direction Sud vers Zouaghi, quartier de création récente mais qui connaît une forte densification humaine, avec 22.7% et enfin la direction Sud Est vers El Guammas qui attire 20.5% des passagers.

FIGURE n° 31

Vill e de Constantine nbre de voyageurs par jour et par destination (2003)

0 10000 20000 30000 40000 50000 Dj. Ou ahch Zou ag hi El Gu emm as Sid M ab rouk Bo um erzo ug Be nch ergui Zia dia Gar e ro ut. Ou est cit é 20 août Bo ud râa Sal ah El Ry ad Dak si Bou ssouf Ch âab Ers as cit é 5 juill et Quartier vo y a g eu rs

La première zone est remarquablement desservie à partir de trois stations en plus de la ligne transversale à partir de Boussouf. Sa longueur varie selon la station de départ entre 9 et 10 kms. Le long du trajet s’échelonne, le plus grand nombre d’arrêts de bus (de 21 à 23), traversant plusieurs quartiers (Daksi, Frères Abbés, Sakiet Sidi Youcef, Ziadia…) densément peuplés et par conséquent fortement générateurs de déplacements, exacerbés par un niveau social modeste qui privilégie l’utilisation du transport en commun, moins cher.

Ce seuil de fréquentation constitue une aubaine pour les transporteurs, guidés par des impératifs de rentabilité. Ce qui justifie le nombre important d’opérateurs qui assurent ces liaisons.

La destination vers la zone Sud (assurée par deux lignes, que nous avons regroupé du fait qu’elles prennent le même parcours en direction de Zouaghi) s’impose progressivement. Ce « remplissage » semble être le résultat d’une urbanisation dominée par l’habitat collectif, mais également de la présence de structures universitaires, situées tout au long du trajet jusqu’au plateau d’Ain El Bey sur 8 kms pour la première ligne et 9.5 kms pour la seconde.

La troisième zone diffère socialement des deux cas précédemment cités. En effet, plusieurs études socio-économiques confirment le rang social modeste d’une bonne partie de la population d’El Guammas. Ce qui leur laisse peu d’alternative pour le choix du moyen de déplacement. Sur ce plan, le tarif pratiqué dans le transport collectif, reste attrayant (10 DA), ce qui favorise la mobilité des usagers. L’itinéraire de cette destination est long de 7 kms.

Il convient de signaler que les habitants des quartiers situés au Sud de l’agglomération sur les axes qui mènent vers les villes satellites (Ain Smara, El Khroub et Ali Mendjeli) profitent de ce passage pour effectuer leurs déplacements intra-urbains.

Le reste des lignes est de fréquentation modeste, le nombre de passagers transportés varie en moyenne entre 4 000 et 5 000 usagers par jour. On note que certains itinéraires posent problème quant à l’état et à l’accessibilité de leurs routes, il s’agit des zones Nord (Emir Abdelkader, Aouinet El Foul …) et Ouest (El Bir, Sotraco …). En compensation, le transport par taxi réglementaire* assure la mobilité à une population non négligeable, tout comme les « clandestins » qui s’imposent de plus en plus sur certaines destinations (Benchergui, Arafa…). La plus faible fréquentation caractérise la ligne du 5 juillet qui se contente de transporter quotidiennement quelques 500 personnes.

______________________________________________________________________________ * Selonla direction des transports, l’agglomération constantinoise compte en 2008, 2875 taxis intra-urbains et 740 sub-urbains répartis sur 30 stations.

Ce chiffre reflète à l’évidence d’une certaine proximité du centre, mais surtout une relative aisance financière de ses habitants et ceux qui résident dans les quartiers situés le long du parcours de cette ligne (K. Boumeddous, Bellevue, Ciloc...) qui préfèrent effectuer le chemin à pieds quand le lieu de travail est proche ou prendre le véhicule personnel.

La mobilité des usagers s’exprime différemment selon des cycles temporels (heure du jour, jour ouvrable, week end…) et selon les localisations des activités. Ainsi, les déplacements effectués dans l’agglomération engendrent des flux entre les différents quartiers. Ils se font à certains moments et pour certains motifs, en déterminant le comportement de l’usager de transport. Un déplacement de loisir par exemple, induit un comportement différent d’un déplacement de travail. La primauté du motif travail/formation se confirme avec 61.5%, des déplacements des constantinois, déterminés par des cycles temporels précis (Tab. n°23). Par contre, la mobilité « accessoire » présente une certaine indifférence dans le choix du moment du déplacement. Elle représente 28% des causes de transport.

Conclusion

Il ressort de cette étude, la dimension importante du transport en commun dans les déplacements des constantinois, ceci se confirme particulièrement dans les aires à forte densité démographique. Mais ces mouvements intra urbains sont influencés par plusieurs paramètres dont certains sont relativement simples parce que connus, comme la structure de l’agglomération, les densités de la population, les contraintes topographiques. D’autres sont par contre, extrêmement complexes comme le modèle de société, le type de développement ou tout simplement les estimations des migrations temporaires qui contribuent à gonfler l’effectif démographique de l’agglomération pendant un temps non connu, mais qui sont dans la ville. Ainsi, les prévisions de la demande en transport sont parfois faites sur des bases incertaines. Ce qui entraîne des dysfonctionnements dans la gestion de ce secteur clé.

Tab. n°23 Ville de Constantine : Les motifs de déplacements par bus

Motif Travail Etudes Santé/Administ Shopping Visites familiales Autres

% 34 27.5 7 16 12 3.5

Dans une grande ville comme Constantine, la demande de transport relève d’une nécessité, mais l’offre ne suit pas généralement et même si elle se développe, elle est toujours soumise aux impératifs de la rentabilité. Les transporteurs résonne avec la logique du gain, ce qui implique la volonté de ne relier que les grands quartiers et concentrer les flux sur certains axes au dépend d’un maillage territorial cohérent de l’espace urbain.

C’est là qu’intervient, l’État à travers les autorités locales pour assumer son rôle régulateur à travers la création de régies de transport, au niveau intra urbain et métropolitain. Parce que toute amélioration des conditions de transport offre de nouvelles opportunités, de déplacement et entraîne un accroissement de la mobilité, une transformation des pratiques et une réorganisation spatiale des déplacements

La configuration physique de la ville n’a fait qu’aggraver une situation déjà critique, du fait de la centralisation des stations et la concentration du trafic sur certains axes. Ces contraintes de densités peuvent trouver un début de solution grâce à l’utilisation d’un moyen de transport en commun en site propre à condition d’un choix judicieux du tracé.

Dans le document Recherches pour un atlas de Constantine (Page 151-159)