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L’ESPACE INDUSTRIEL : UNE STRUCTURE MÉTROPOLITAINE

Dans le document Recherches pour un atlas de Constantine (Page 113-118)

L’industrialisation est conçue comme la voie nécessaire au progrès et l’élément catalyseur de l’ensemble du processus de développement économique et social. Néanmoins « créer des industries ne signifie pas s’industrialiser, dés lors que cette action ne s’intègre pas dans une stratégie de développement cohérent » (A. KAIOUA 1996).

C’est ce qui semble s’accorder parfaitement à la politique industrielle poursuivie par l’Algérie qui, grâce à la manne pétrolière a lancé à la fin des années 1970, un programme industriel ambitieux, axé essentiellement sur les principaux pôles littoraux du pays par la création de grosses unités. Quelles en sont les répercussions sur une grande ville de l’intérieur ?

Un aménagement intégré

La ville de Constantine n’a pas bénéficié au départ, de projet à sa mesure, et ce en dépit des atouts qu’elle recèle notamment une position géographique remarquable, une main-d’œuvre abondante et qualifiée ainsi qu’un grand marché. En effet, son industrialisation n’est intervenue que quelques années après où elle a été intégrée dans un schéma industrialo - urbain qui dépasse largement les limites de son périmètre urbain.

Entreprise durant les années 1980, cette stratégie de développement visait l’atténuation de l’exode des « suburbains » vers l’agglomération constantinoise en implantant de grosses unités industrielles à proximité des trois centres retenus pour le report de la croissance de la métropole dans le cadre d’une politique intégrée. Les sites choisis, se situent à proximité des principaux axes routiers menant vers les localités à développer (El Khroub, Didouche Mourad et Ain Smara). Ces emplacements ont attiré d’autres usines, contribuant par la même à la création de véritables zones industrielles. Cette structuration triangulaire de l’aire métropolitaine a entravé dans une certaine mesure, le développement des zones industrielles de la périphérie immédiate de la ville de Constantine et encore moins l’essor des unités localisées au sein de l’espace urbain dont certaines ont été délocalisées. Il est toutefois admis que les entreprises de services occupent les espaces centraux, tandis que les entreprises industrielles s’installent le plus souvent dans les espaces péricentraux.

Cette périurbanisation des entreprises est-elle la conséquence du report démographique à la périphérie autrement dit : les emplois ont-ils suivi les habitants ? Ou au contraire, ce sont les travailleurs qui ont suivi les emplois ?

Des zones, sans industries

Actuellement, la wilaya compte 6 zones industrielles et 12 zones d’activité. La part qui revient à la ville de Constantine se résume à deux zones industrielles et une zone d’activité (Tab. n°9) qui occupent environ 214 hectares, qui constitue 3,6 % de la superficie de la ville.

Tab. n°9 Ville de Constantine

Caractéristiques des zones industrielles et d’activités Type Nomination Superficie (ha) Nbe de lots statut Zone

industrielle

Palma 73 72 Privé Public

Zone industrielle

El Rhumel 81 75 46 29

Zone d’activité Boumerzoug 42 18 12 6

Source : Direction de l’industrie (2003)

Les seules grandes unités industrielles sont le complexe du textile (COTITEX) qui s’étend sur une superficie de 11 hectares, employant 362 travailleurs et le complexe laitier qui occupe 5 hectares avec 500 employés et dont l’influence dépasse largement le territoire de la wilaya pour assurer la couverture de plusieurs wilayas limitrophes. Ces deux usines sont implantées à la périphérie Sud de la ville, à proximité de cours d’eau (Boumerzoug) qui leur permet de déverser leurs déchets.

Les zones industrielles destinées en principe à la fonction industrielle sont occupés anarchiquement par un conglomérat d’activités qui regroupe pèle mêle des bâtiments administratifs, des aires de stockage, des dépôts de produits, des magasins et autres, mais très peu d’unités industrielles au sens du terme.

Un secteur qui se limite au montage et au conditionnement

Dés la fin des années 1980 avec la promulgation de nouvelles lois qui ouvrent timidement la voie à la concurrence, le secteur privé a commencé à prendre place, consolidant sa position après les lois d’investissement de 1993. Ces opérateurs se sont intéressés seuls, ou rarement en association avec le capital étranger, à certains secteurs d’activité industrielle, mais en se cantonnant presque exclusivement dans la production des biens de consommation et les rares industries des biens de production existantes se limitent au montage à partir des éléments importés et dont la technologie échappe totalement au secteur national. Ces produits sont destinés majoritairement au marché local du fait de leur faible compétitivité.

Ceci est en totale contradiction avec la notion d’industrie, définie comme la transformation de la matière première et des biens intermédiaires en produits finis et semi-finis.

Le fonctionnement de ces entreprises est marqué par une faiblesse flagrante d’intégration, elles sont presque entièrement tributaires de l’extérieur pour leur approvisionnement en biens d’équipement. Ce qui explique la forte part de la fabrication des produits alimentaires et la transformation des produits plastiques et du papier, avec plus de 46% de l’activité (Tab. n°10). On note également la concentration de 34.6% des unités au niveau de la zone de Didouche Mourad et El Khroub dont la zone d’El Tarf regroupe 30% des entreprises. Mais cela ne peut pas occulté une vérité qui concerne l’importance de la main d’œuvre constantinoise qui représente environ 2/3 de l’effectif au sein de ces « zones satellites ».

Il faut néanmoins signaler la relative faiblesse de la participation de la métropole par rapport au nombre d’unités, en dépit de son poids démographique écrasant parce qu’elle n’atteint 30% qu’avec les unités de ses deux zones réunies.

Tab. n°10 Grand Constantine

Unités industrielles* du secteur privé selon les zones industrielles et d’activités

Palma Boumerzoug El Khroub Ben Badis A. Smara Did. Mourad A.El Bey Thermique Trans.plastique Meuble métall Outils sonores Pd. de lait Machinisme A liquide Chaussures plasti Air liquide Machines élect Prod plastiques Chaussures plastiqu

Fromagerie Transf. papier Peint et colles Fabricat. Beurre Verreries

Fabricat. Matelas Caisses métalli Fabricat. bonbonnes

Céramique Minoterie Minoterie Biscuiterie

Transformat. papier * Unités dont le nombre d’emploi dépasse 10. Source : Direction de l’industrie (2003)

À ces difficultés qui relèvent d’une certaine objectivité, au vu d’un environnement industriel plutôt défavorable, s’ajoutent des entraves liées à une gestion défaillante, dont les conséquences accentuent le délabrement de ces zones délaissées, non aménagées et dépourvues de l’essentiel des équipements de base (assainissement, gaz, clôture…) nécessaires à leur bon fonctionnement. Cette situation a engendré de nouveaux comportements chez les industriels et provoqué d’importantes mutations vers d’autres activités plus lucratives dont les plus invraisemblables restent la prolifération des salles des fêtes, des restaurants et autres superettes dans un espace destiné préalablement à l’industrie et la production.

Une pénétration urbaine informelle

L’industrie est fondamentalement périurbaine du fait des désagréments qu’elle engendre. Elle est grosse consommatrice d’espace, elle entraîne également d’importants flux de circulation et provoque une pollution de toute nature (sonore, atmosphérique, chimique…). De fait, ces activités ont tendance à s’agglomérer en certaines localisations périphériques (zone industrielle) au lieu de se répartir à travers l’espace.

L’espace urbain n’est, plus considéré comme une localisation privilégiée pour l’implantation industrielle pour épargner aux citadins les agréments qui en découlent. Il est vrai que le développement des transports et les avancées technologiques dans les procédés industriels a grandement contribué dans ces mutations.

La répartition des industries dans l’agglomération constantinoise ne se limite pas aux quartiers Sud Ouest et Sud Est que la réglementation (création de zone industrielle) avait réservé aux activités industrielles. Depuis l’ouverture économique, une large diffusion de petites unités qui activent généralement en marge de la légalité de façon informelle, prolifèrent à l’intérieur de l’espace urbain, faudrait-il en connaître le nombre et la répartition spatiale ?

Tab. n°11 Wilaya de Constantine

Bilan des lots industriels attribués dans le cadre du CALPI

LOCALISATION CRÉATION LOT ATTRIBUÉ UNITÉ EN SERVICE EMPLOI

Palma (CNE) 1960 72 61 800 Didouche M 1985 197 29 1750 El Tarf 1977 198 42 2500 Ali Mendjeli 1998 238 15 00 24 fév (CNE) 1950 48 - 550 Boumerzoug 1985 18 - 75 El Rhumel 1981 73 65 - Ain Abid 1995 18 1 - Benbadis 1995 11 - - Ain Smara 1997 108 6 35 Zighoud Y. 1993 130 5 50 Bekira 1990 134 10 65 Boudjeriou 1994 25 1 5 Ibn Ziad I 1990 15 2 12 Ibn Ziad II 1989 25 - - Source : CALPI (2003)

Ces ateliers de fabrication sont en majorité situés aux rez-de-chaussée des constructions au niveau des lotissements réservés à la construction d’habitation et particulièrement ceux cédés par des propriétaires privés, avec des surfaces à bâtir assez importantes.

Cette économie souterraine ne concerne pas uniquement le secteur commercial, le secteur industriel est également affecté, sinon comment expliquer le fait que depuis 1995, date de la création du CALPI, pour favoriser l’investissement, plus de 720 lots industriels sont restés nus sur le territoire wilayal, représentant plus de 54% des lots attribués (Tab. n°11).

Conclusion

Dans cette étude, on dispose d’un certain nombre d’éléments de réflexion sur les conditions de mise en place des activités industrielles à travers l’espace constantinois. Les évolutions économique, technologique et structurelle ont transformé les différents secteurs d’activités, en particulier le secteur de la production industrielle qui a été sérieusement déstructuré. Mais est-ce qu’on peut raisonnablement parler de secteur industriel au niveau de la ville de Constantine voire de toute l’aire métropolitaine ? Si on excepte quelques unités qui continuent difficilement de fonctionner, le tissu industriel constantinois s’est irrémédiablement désagrégé. Plusieurs unités ont carrément cessé leur activité, les autres ont nettement diminué leur effectif. Cette main d’oeuvre qui a acquis une certaine expérience dans le domaine industriel, s’est malheureusement en partie versée dans l’informel.

L’investissement est désormais synonyme d’importation qui a pris des proportions inquiétantes et qui a favorisé la prolifération des activités lucratives. Ce qui a mis en péril, ce qui reste de la production locale. Les zones préalablement destinées à l’implantation des activités de production et de transformation ont pris des allures de zone mixte activité - habitation. Même les constructions, situées dans les lotissements d’habitation sont devenues des ateliers pour les activités artisanales, des entrepôts pour les produits commerciaux et des salles pour les manifestations et les services. Le paysage économique connaît actuellement une véritable anarchie où l’informel et l’affairisme règnent en maîtres.

Dans le document Recherches pour un atlas de Constantine (Page 113-118)