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Partie 2 : Les différends relatifs aux transferts de technologie entre l’Union européenne et

A. Un recours à la médiation privilégié en Chine

La prédilection pour la médiation juridique s’explique en partie par la culture chinoise plutôt réticente au conflit (1). Il s’agit aussi d’un mode de résolution alternatif des conflits, de plus en plus utilisé dans les conflits internationaux (2).

1. La culture de la médiation en Chine

La culture chinoise accorde une place centrale à la médiation en tant que mode de résolution des conflits. La philosophie confucéenne prône le respect de la coutume par un sujet préalablement éduqué. Si l’on développe cette approche le légisme peut se limiter essentiellement au versant pénal du droit. Ainsi, la culture chinoise est influencée par la

recherche de l’harmonie et de la morale. La médiation semble également tout particulièrement adaptée aux mondes des affaires chinois. En effet, ce mode de résolution des différends est plus propice à la poursuite de la relation d’affaire. Comme vu supra, le

Guanxi que l’on peut traduire par relation, accorde une place primordiale au lien

interpersonnel des cocontractants. Cette notion innerve aussi bien la période précontractuelle, l’exécution du contrat que la résolution des différends qui pourraient survenir ensuite. La médiation favorise la poursuite de la relation d’affaire et correspond mieux à la notion de Guanxi262. L’action en justice induit une confrontation de nature à faire

perdre la face à l’une des parties263. La culture de la médiation se place alors en opposition

avec la culture du procès à l’occidentale. Certains auteurs n’hésitent pas à parler d’instrumentalisation de la médiation par la Chine264.

En effet, le développement de la médiation en Chine résulte aussi d’une véritable volonté politique. Dès l’époque maoïste, le Gouvernement chinois encourage largement ce mode de résolution des conflits. Il était perçu comme un moyen de « dissoudre » les conflits et d’atteindre les buts du parti. Il sera encadré par un règlement dès 1954265. Un réseau très

dense de médiateurs a été développé, atteignant 5 557 000 médiateurs actifs à la fin de l’année 1983. La municipalité de Pékin comptait à elle seule plus de 11 600 Comités et 76 000 médiateurs266. La population chinoise a aussi été encouragée à assister à des séances

de médiation afin que chacun en « tire un enseignement » sur la meilleure façon de gérer un différend267. La « rhétorique de l’harmonie » serait alors une justification pour dissoudre

les conflits et maintenir la stabilité sociale, notion mainte fois mise en avant par le Gouvernent chinois ces dernières années268.

262 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.303 263 Ibid p.299

264 Hélène Piquet, Les réformes juridiques chinoise diluées dans l’harmonie, (2013) 84 Droit et société, p. 453 265 Règles générales provisoires pour l’organisation des comités de médiation, République populaire de Chine, 1954

266 Bernadette Demeulenaere, « Les comités de médiation en Chine populaire », (1987) 39 :1, p. 157 267 Jia Bangjun, « Du système de médiation populaire de la Chine », (1996) 37 :3 Les cahiers de droit, p. 739 268 Hélène Piquet, supra note 263 p. 455

Encore aujourd’hui, le recours à la médiation est favorisé dans le système juridique chinois. La loi chinoise relative aux contrats de 1999269 préconise le recours à la médiation à l’article

128. La loi chinoise relative à l’arbitrage de 1994270 consacre elle aussi plusieurs articles à la

médiation. En effet, le recours à la médiation n’est pas favorisé uniquement pour des conflits purement internes à la Chine. Dès les années 80, la loi relative aux contrats internationaux de 1985 encourage les parties à un conflit à trouver un accord. En effet, l’article 37 invite les parties à résoudre leur conflit soit par consultation soit par l’intervention d’un tiers.

Cependant, le médiateur n’est pas appréhendé de la même manière en Chine et dans les pays occidentaux. Le médiateur est le plus souvent choisi pour la confiance qu’on lui accorde mais aussi pour la proximité qu’il entretient déjà avec les parties. L’indépendance du médiateur n’était donc pas abordée de la même manière qu’en France par exemple. Néanmoins, depuis 2011, la loi formalisant la « médiation du peuple » indique à l’article 14 que le médiateur doit être un « citoyen adulte impartial, honnête et dédié à sa fonction de médiateur, avec un certain niveau d’éducation, de compréhension politique et de connaissance juridique ». L’article 15 de cette même loi précise les causes de récusation du médiateur. On y trouve le fait de « montrer du favoritisme à l’égard d’une partie ». En outre, le médiateur en Chine a un rôle de premier plan dans la résolution du conflit. Il agirait comme un éducateur, un conseiller et même un « thérapeute ». Cette conception s‘inscrit toujours dans une optique confucéenne d’harmonie sociale271.

Ainsi, la tradition chinoise de résolution amiable des différends est fortement ancrée. Elle s’inscrit néanmoins dans un contexte très différent de celui de l’Occident. La médiation populaire se distingue de la médiation judiciaire272. Cette tradition continue de

se développer malgré la multiplication des interactions avec l’Occident qui penche plutôt

269 Loi relative aux contrats de la République populaire de Chine, 1999 270 Loi chinoise relative à l’arbitrage de 1994

271 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.305

272 Xiao Lin Fu-Bourgne, « Chine, la médiation de Confucius à 2008 », (7 juillet 2018), https://www.gemme- mediation.eu/2018/07/07/chine-la-mediation-de-confucius-a-2008-par-xiao-lin-fu-bourgne/

pour la confrontation. Cependant, on constate que la médiation est aussi de plus en utilisée dans la résolution des conflits internationaux.

2. La médiation de plus en plus utilisée dans les conflits internationaux

Le recours à la médiation se développe dans les conflits internationaux. Elle est particulièrement utilisée au préalable à tout autre mode de résolution des différends, ou comme « parenthèse » dans le litige. Le droit de l’Union européenne encourage aussi ce mode alternatif de résolution des conflits. La directive de 2008273 sur la médiation en

matière civile et commerciale atteste que le phénomène se développe aussi dans les pays occidentaux.

La médiation a pour objectif de trouver un arrangement par la communication informelle entre les parties. Cette communication doit être facilitée par l’intervention d’un intermédiaire. Contrairement aux pratiques juridictionnelles le processus n’implique pas de respecter le principe du contradictoire. En effet, il ne s’agit pas de convaincre un tiers qui détient le pouvoir contraignant. Le médiateur n’a pas le pouvoir de contraindre les parties. Il va les accompagner vers une solution profitable. En ce sens la médiation permet la transformation de la relation des parties d’une relation conflictuelle en une relation fondée sur la reconnaissance des intérêts de l’autre partie. Des apartés peuvent même être organisées entre le médiateur et une partie sans la présence de l’autre. Les parties peuvent communiquer des informations confidentielles au médiateur sans que l’autre partie soit en mesure de le savoir. Le médiateur peut donc se faire une idée détaillée du conflit et mieux appréhender les objectifs des parties. Il peut aussi comprendre quelles concessions les parties sont capables de faire ou non. Néanmoins. Le médiateur ne pourra pas imposer de solution contraignante à l’issue de la médiation. Le succès de la procédure est subordonné

273 Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, JOUE 24 mai 2008, n°L 136/ 3

à la faculté des parties de trouver un accord. Une fois cet accord trouvé, ce dernier a une force obligatoire comme un contrat274.

La médiation apparait particulièrement bien adaptée à la résolution des conflits relatifs aux transferts de technologie. Lorsque la violation d’un secret ou d’un droit de propriété a été opéré la réparation ne semble pas toujours être la meilleure des manières de résoudre le litige. Comme vu précédemment les montants restent globalement très inférieurs au préjudice subi. La médiation peut alors permettre de trouver des solutions plus adaptées comme la mise en place d’une licence par exemple, suite à une divulgation ou une exploitation non autorisée275.

La médiation est aussi particulièrement adaptée aux enjeux auxquels font face les entreprises. Le médiateur agit en garant de la confidentialité des affaires. L’absence de contradictoire permet aux entreprises de ne pas tout communiquer à l’autre partie. De plus, la solution à laquelle la médiation aboutie n’a pas à être motivée ce qui permet de limiter encore une fois la communication d’informations sensibles. Pour limiter la divulgation d’information les participants au processus de médiation doivent être soumis à une obligation de confidentialité.

Lorsque les parties acceptent d’exécuter volontairement la solution trouvée, la médiation permet que le différend en lui-même reste secret. Cela peut représenter un enjeu important en termes de réputation et tout particulièrement vis-à-vis des concurrents, des clients et des partenaires.

En revanche, lorsque l’une des parties n’exécutent pas volontairement la solution arrêtée par le médiateur, il est possible de d’obtenir l’homologation de la solution par une juridiction. Dans ce contexte, une divulgation partielle de certaines informations est

274 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.305 275 Ibid.

inévitable. Les parties doivent garder en tête que les informations données pendant la procédure de médiation pourront être réutilisées lors d’une procédure contentieuse par la suite276.

La médiation présente aussi d’autres avantages en termes de délais et de coûts. Plus le temps de la procédure est écourté plus le préjudice sera vite compensé. De plus, la limitation des coûts entend aussi celle de l’affectation de personnels de l’entreprise à ce litige. L’entreprise peut ainsi garder un certain contrôle sur la résolution du litige et limiter la durée d’incertitude qui découle du contentieux.

Ainsi, la médiation apparait tout particulièrement adaptée aux différends impliquant des transferts de technologie de par son adéquation avec la culture chinoise et son degré plus élevé de confidentialité. Enfin, elle maximise les chances de poursuivre la relation d’affaire. Cependant pour répondre aux besoins des parties, une combinaison de la médiation avec l’arbitrage peut être nécessaire.

B. Une combinaison utile de la médiation à l’arbitrage pour faire face aux différends de