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La protection des renseignements non divulgués par le droit de la concurrence et le droit

Partie 2 : La protection offerte par le droit chinois aux renseignements non divulgués

B. La protection des renseignements non divulgués par le droit de la concurrence et le droit

La divulgation non autorisée de renseignements non-divulgués peut être sanctionnée par le droit de la concurrence (1) et le droit pénal (2).

1. Le droit de la concurrence

Comme vu supra les transferts de brevet sont généralement accompagnés d’autres actifs incorporels. Il peut s’agir par exemple de bases de données ou de logiciel dont l’utilisation est indispensable pour exploiter le brevet de manière efficiente. Cependant ces actifs sont souvent difficilement protégeables par le droit chinois de la propriété

183 Junmin Ren, supra note 6 p.216

184 Jean-Marie Deleuze, Le contrat de transfert de processus de technologie (know-how), Paris, Masson, 1976, p.32

intellectuelle185. La divulgation ou l’exploitation de ses actifs, sans autorisation, peut être

sanctionnée sur le terrain de la concurrence déloyale. L’action en concurrence déloyale se présente alors comme un complément intéressant pour protéger certains actifs en lien avec la propriété intellectuelle.

L’action en concurrence déloyale vise : « toute utilisation des procédés déloyaux ou interdits portant préjudice aux droits reconnus dans la compétition commerciale, notamment en matière de marque et de secret commercial dont le savoir-faire »186.

La loi chinoise sur la concurrence déloyale du 1er décembre 1993 est une source importante

de droits pour protéger les savoir-faire dans le cadre des relations entre concurrents ou partenaires. Cette législation a été inspirée du droit allemand. Elle a pour particularité de rassembler également des règles relatives à la corruption, à l’administration ou encore à la propriété intellectuelle. Elle présente aussi l’originalité de ne pas avoir été amandée depuis sa publication, ce qui est très rare pour une législation chinoise187.

Dans sa version initiale, la loi « anti-concurrence déloyale » de 1993 interdisait onze types de comportement comme étant constitutifs de concurrence déloyale. L’article 2 de cette loi précise que les entreprises doivent respecter les principes de volontariat, d’égalité, d’équité, de bonne foi et de moralité commerciale. « Les pratiques de concurrence déloyale sont celles qui sont contraires à la loi et portent atteinte aux droits et intérêts légaux d’autres concurrents, perturbant l’ordre économique de la société »188. Cette définition a

été modifiée récemment en 2017 et 2019. La pratique déloyale inclue désormais les actes qui porterait atteinte aux droits et intérêt légaux des consommateurs. Pour autant, cette

185 Shujie Feng, Céline Thirapounnho et Audrey Drummond, « Application du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme : un complément important au droit de la propriété intellectuelle », (Septembre 2019) 9 Propriété industrielle, p. 2

186 Junmin Ren, supra note 6 p.216 187 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.85

définition apparait comme stricte en ce sens que les actes de concurrence déloyale sont ceux qui sont contraire à la loi. Autrement dit aux onze cas énumérés.

Néanmoins, dans la pratique les tribunaux chinois s’adaptent aux nouveaux cas de concurrence déloyale en appliquant la règle générale de l’article 2 de la loi chinoise sur la concurrence déloyale. Cette pratique a pour avantage de rendre plus flexible le droit de la concurrence déloyale en l’adaptant à de nouveaux types de comportements en lien avec internet. En revanche, cette prise de liberté des juges a pour effet de leur octroyer une partie du pourvoir législatif… En 2017, le tribunal de district de Haidian à Pékin compétent pour les affaires relatives à la propriété intellectuelle et à la concurrence déloyale a résolu 278 affaires de concurrence déloyale dont 79% concernait de nouveaux types d’actifs ou comportements liés à internet189.

Cependant, en matière de concurrence déloyale en Chine, la charge de la preuve pèse sur le demandeur. La Cour suprême chinoise a donné une interprétation de cette règle à l’article 14 de son interprétation n° 2 du 30 décembre 2006. Ainsi, le demandeur dont le renseignement a été divulgué sans son consentement devra prouver que son secret répond aux exigences légales, qu’il est identique à celui détenu par le défendeur et que ce dernier a utilisé des méthodes déloyales.190

La Cour suprême chinoise a également précisé dans la même interprétation, à l’article 17 comment le montant des réparations est calculé. Le montant des réparations allouées doit correspondre à la valeur du secret d’affaire, évalué en fonction des coûts de la recherche, des résultats obtenus grâce à l’exploitation, des bénéfices envisagés et de l’avantage concurrentiel que le secret procure à son titulaire191.

189 Shujie Feng, Céline Thirapounnho et Audrey Drummond supra note 185 p.2 190 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.86

En matière de transfert de technologie l’action en concurrence déloyale vient le plus souvent sanctionner des actes d’imitation. Autrement dit le défendeur parvient à imiter des produits en mettant en œuvre les savoir-faire du demandeur. L’imitation a pour but de créer la confusion dans l’esprit de la clientèle. L’action en concurrence déloyale peut aussi viser un cas de parasitisme économique. C’est-à-dire l’utilisation indue d’un avantage détenu par un tiers. Le parasitisme peut toucher les investissements et donc une technique détenue par autrui. Il peut s’agir de méthodes commerciales par exemple.

L’action en concurrence déloyale est une voie civile permettant d’assurer la protection du savoir-faire. Elle est de plus en plus utilisée devant les tribunaux chinois pour protéger des actifs immatériels et est particulièrement adaptée à la divulgation non autorisée de renseignements secrets. Ce type d’action aboutie en principe à l’allocation de dommages et intérêts ou à la cessation de l’acte litigieux192.

En France comme en Chine, une autre voie est ouverte pour sanctionner les atteintes au secret commercial, il s’agit du droit pénal.

2. Le droit pénal chinois en matière de savoir-faire

Le droit pénal chinois permet aussi de sanctionner les atteintes portées aux renseignements non divulgués. Pour cela elle calque les éléments constitutifs d’une violation sur la loi relative à la concurrence déloyale. Une faute intentionnelle est donc nécessaire.

Néanmoins, le droit pénal n’intervient que lorsque des pertes significatives sont avérées193.

En ce sens, depuis 2007, l’article 219 de la loi pénale chinoise prévoit des sanctions proportionnelles aux dommages créés par la divulgation d’une connaissance secrète. La

192 Junmin Ren, supra note 6 p.220 193 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.107

sanction sera alors fonction du préjudice subi. En ce sens, la Cour suprême et le Parquet suprême de la Chine ont publié une interprétation judiciaire. L’article 7 de cette interprétation précise que lorsque le dommage est supérieur à 500 000 Yuans, l’acte illicite doit être puni de trois ans d’emprisonnement maximum et/ou d’une amende. Ensuite, si le préjudice est supérieur à 2 500 000 Yuans, un emprisonnement de trois à sept ans s’impose avec une amende.

La violation d’un secret d’affaire peut être la faute d’un salarié. Dans une affaire de 2008 devant la Cour intermédiaire de Hubei, une ancienne salariée d’une société d’État chinoise avait utilisé des savoir-faire au profit de son nouvel employeur. Ces connaissances secrètes lui avait permis de développer des produits concurrents à ceux de l’entreprise d’État. La perte estimée était de 10000000 Yuans (environ 1 400 000 euros). La salariée a été condamnée à six ans d’emprisonnement et à 50 000 yuans de dommages et intérêts pour la société d’État chinoise194. Cette décision démontre que les dommages et intérêts alloués

restent extrêmement faibles par rapport au préjudice créé par la divulgation de connaissances secrètes195.

En France, le droit pénal permet aussi de sanctionner la divulgation de secret d’affaires. L’article 226-13 du Code pénal énonce que :

« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Ce texte a néanmoins un champ d’application plutôt réduit. Il ne concerne que certains professionnels et ne s’applique pas aux salariés. De plus, l’article 226-14 du Code pénal

194 Hebei Hanjiang Cour intermédiaire, Procureur de Hubei c. Xing Fagen, Hanxingzhongzi No. 9/2008, 20 mai 2008

français introduit certaines exceptions à ce texte La divulgation par des employés d’informations confidentielles relatives à des technologies ou des secrets d’affaires ne sont pas couvertes par ce texte. Par conséquent il sera bien souvent plus opportun de se tourner vers le droit du travail pour sanctionner les divulgations de salariés196. L’article L. 1227-1 du

Code du travail permet de sanctionner l’action pour un directeur ou un employé de divulguer ou de tenter de divulguer un secret de fabrique.

Pour conclure cette première partie, le droit chinois permet en théorie de protéger tant les innovations brevetables que les renseignements non divulgués et non brevetables. Avant même son adhésion à l’OMC et à l’Accord sur les ADPIC le droit chinois de la propriété industrielle s’était particulièrement rapproché du droit français et européen. Ces régimes de protection sont de nature à donner confiance à l’émetteur d’un transfert de technologie domicilié en France ou dans l’Union européenne. Ce dernier aura besoin le plus souvent de protéger à la fois un brevet mais aussi des secrets d’affaires. Les deux régimes peuvent alors se compléter dans le cadre d’un transfert de technologie. Mêler les deux modes de protection s’avère être une stratégie efficace pour contrer les contrefacteurs éventuels197.

Néanmoins, les renseignements non divulgués sont divisés en plusieurs sous catégories poreuses dont le régime reste éparpillé, et cela tout particulièrement en Chine. Comme le démontre la confrontation de ces deux premiers chapitres, en Chine, les régimes juridiques de protection des renseignements non-divulgués restent lacunaires. La protection des droits de brevet est beaucoup plus aboutie et détaillée.

De plus, même en présence d’une régime juridique protecteur, la principale difficulté concernant les transferts de technologie reste le décalage qui existe entre la norme et la pratique réelle du monde des affaires. Cette variable reste une source d’incertitude importante que l’émetteur doit prendre en compte dans la mise en œuvre du transfert de technologie.

196 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.108 197 Ibid. p.119

Chapitre 2 : La mise en œuvre des transferts de technologie entre l’Union européenne et