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Partie 1 : La protection offerte par le droit des brevets en Chine, critère déterminant pour

B. Les conditions de forme

Outre les conditions de fond, l’obtention d’un droit de brevet implique aussi de respecter des conditions de forme. En droit chinois le dépôt (1) et la délivrance (3) du titre de brevet se font dans des conditions tout à fait similaires aux autres systèmes de droit occidentaux. En revanche, la procédure d’instruction démontre certaines particularités du droit chinois (2).

1. Une demande de dépôt classique

L’article 26 de la loi chinoise sur le droit des brevets précise quels sont les éléments constitutifs d’une demande de brevet. Tout d’abord, il est nécessaire d’effectuer la demande par écrit. Cette requête permet de préciser la nature du titre demandé, le nom et l’adresse du demandeur, le nom de l’inventeur, l’identification du mandataire, la revendication de la priorité et la signature ou le tampon du demandeur ou du mandataire. Cette requête est suffisante. Il n’est pas nécessaire d’y ajouter une déclaration comme cela peut être le cas en France par exemple. Ensuite, l’invention doit être décrite. C’est-à-dire que l’invention doit être exposée de manière suffisamment claire et complète afin que l’homme du métier puisse l’exécuter, conformément aux articles 26 paragraphe 3 de la loi chinoise. Les dessins font partie intégrante de la description dans une demande de dépôt chinoise107. L’article 26 paragraphe 3 précise que « La description (…), si nécessaire, doit

contenir les dessins ». En France et en Europe, les dessins sont aussi des éléments de la demande, mais de manière indépendante. Ils ne font pas partie intégrante de la description de l’invention. Ils sont aussi facultatifs, c’est-à-dire qu’ils ne s’imposent que lorsque la description ou les revendications les mentionnent108.

107 Shujie Feng, supra note 2 p.100 108 Paul Mathely, supra note 57 p. 119

En Europe comme en Chine, la demande a pour élément fondamental les revendications qui définissent l’objet de la protection et les caractéristiques de l’invention. Cette partie est d’une importance capitale car elle va définir l’étendue de la protection allouée par le titre. L’article 31 de la loi chinoise précise que la demande ne doit concerner qu’une seule invention. Néanmoins, comme en droit français il est possible que « plusieurs inventions appartenant à un seul concert inventif en général » figurent dans la même demande109. En

ce sens, le droit chinois respecte le principe de l’unité de l’invention110.

Enfin, il convient de préciser que les revendications doivent être exposées de manière précise, d’autant plus que l’imprécision est un motif de rejet de la demande mais aussi d’annulation en droit chinois111.

La demande doit être déposée à l’office des brevets chinois : l’Administration Nationale de la propriété intellectuelle en Chine (CNIPA), qui a récemment élargie son partenariat stratégique avec l’OEB, pour une mise en œuvre prévue en 2020. Cet accord a pour but de permettre aux déposants d’une demande internationale auprès de la CNIPA de désigner l’OEB pour la recherche internationale. La CNIPA agirait alors en qualité d’organisme récepteur112.

L’article 20 de la Loi chinoise sur le droit des brevet précise bien que les étrangers qui souhaitent déposer un brevet en Chine doivent désigner un mandataire. Pour cela les déposants recours aux services d’une « agence de brevet » avec le consentement du « Conseil des affaires d’État ».

La demande de dépôt est également importance car elle permet de prendre date. C’est un point de départ pour les délais de délivrance mais aussi pour le mécanisme de priorité et

109 Article 31 de la loi chinoise sur le droit des brevets du 12 mars 1984 110 Junmin Ren, supra note 6 p.102

111 Article 64 paragraphe 2 du Règlement d’exécution chinois de 1985 de la loi sur le droit des brevets 112 IEEPI, « OEB et CNIPA élargissent leur partenariat stratégique global », (18 novembre 2019),

même pour la protection juridique en elle-même. Comme en France, c’est la date de réception des documents demandés qui sera prise en compte sauf si la demande est réalisée par courrier. Dans ce cas, c’est la date du cachet apposé sur l’enveloppe qui sera retenue113.

2. L’instruction de la demande en Chine, un examen complet dont se rapproche l’INPI L’instruction de la demande de dépôt de brevet donne lieu à un examen de l’invention. Cet examen a pour objet de vérifier si l’invention est conforme aux conditions de fond et de forme précitées. Néanmoins, s’agissant de l’amplitude de cet examen, la France et la Chine ne se positionnent pas de la même manière.

En Chine, il s’agit d’un examen dit « complet ». Il se compose d’une procédure préliminaire qui s’attache à déterminer si la demande contient les documents nécessaires et dans la forme requise. Ensuite, au bout de 18 mois, le brevet est publié. Conformément à l’article 34 de la loi chinoise sur le droit des brevets le point de départ est la date de dépôt. S’en suit un examen des conditions de fond qui doit être demandé par le déposant via une requête et cela dans les trois ans à compter de la date de dépôt. Dans le cas contraire, « la demande est considérée comme ayant été retirée »114.

L’examen sur le fond a pour fonction de vérifier si les conditions de brevetabilité sont respectées, mais aussi de déterminer l’étendue de la demande. Plus précisément, il sera vérifié : « la régularité formelle de la demande, le caractère suffisant de la description, le fondement des revendications dans la description et leur clarté, l’unité de l’invention, la recevabilité de la demande modifiée, des demandes divisionnaires ou des demandes nouvelles, la nouveauté, l’activité inventive, l’application industrielle et la priorité »115.

113 Article 5 du Règlement d’exécution chinois de 1985 de la loi sur le droit des brevets 114 Article 35 de la loi sur le droit des brevets de 1984

Lorsque la demande n’est pas conforme la CNIPA peut demander au déposant de présenter ses observations ou bien de modifier sa demande. Cependant, « Si, sans raison justifiée, le délai fixe pour donner une réponse n 'est pas respecté, la demande est considérée comme ayant été retirée »116. Ensuite, si la demande ne satisfait toujours pas les exigences requises,

elle sera rejetée, conformément à l’article 38 de la loi chinoise sur le droit des brevets. A l’inverse, en l’absence de motif de rejet, la délivrance sera accordée.

Du côté de l’OEB, il s’agit comme en Chine d’un examen dit « complet ». Il se compose également d’un examen préliminaire : l’examen formel puis d’un examen sur le fond que doit demander le déposant. Conformément à l’article 97 paragraphe 2 de la CBE, le demandeur doit se manifester dans un délai de six mois pour poursuivre la procédure avec l’examen sur le fond. A l’inverse, le système d’examen français est dit « incomplet »117.

L’examen de l’INPI est souvent qualifié d’enregistrement quasi automatique. Néanmoins, cet examen tant à se renforcer. Dès 1968 le pouvoir de l’INPI est étendu à la procédure d’avis documentaire. Ensuite, la loi dite « PACTE » relative à la croissance et la transformation des entreprises du 22 mai 2019, prévoit, un an après sa promulgation la modification des motifs pour lesquels l’INPI pourra rejeter une demande de brevet. Plus précisément, depuis le 22 mai 2020, l’INPI prend en considération le critère d’activité inventive de manière approfondie118.

En Chine, le choix d’un examen complet est critiquable. Beaucoup d’affaires ne sont pas traitées dans les délais légaux. Cependant ce type d’examen approfondie pourrait en théorie donner aux titres de brevet plus de crédit119. Il permet, toujours en théorie de

maintenir un certain seuil de brevetabilité.

116 Article 37 de la loi sur le droit des brevets du 12 mars 1984

117 Frédéric Pollaud-Dulian, Droit de la propriété industrielle, Paris, Montchestien, 1999, p. 190

118 Yann Basire, « Loi PACTE et droits de propriété industrielle : vers un changement de paradigme ? », (23 mai 2019) 595 Hebdo Affaires

3. La délivrance du titre chinois

Les conditions de la délivrance de la notification et de la publication du titre sont tout à fait classiques. Avant 2000, en Chine c’était à la date de remise du certificat de brevet que le brevet produisait ses effets. Néanmoins, le système chinois s’est aligné sur le système européen, et les droits du brevet commencent désormais à partir de la publication du titre120. La délivrance oblige le déposant à payer une taxe conformément à l’article 54 du

Règlement d’exécution chinois, et cela dans les deux mois. Le brevet sera inscrit au registre des brevet et publié de manière simultanée121.

La date de délivrance, tout comme celle du dépôt a son importance. C’est à partir de cette première que le titulaire commence à jouir des droits exclusifs sur son invention. Par conséquent c’est à partir de la délivrance que le titulaire peut agir en contrefaçon pour toute exploitation non autorisée.

Différence notoire, il n’existe pas en Chine de procédure d’opposition semblable à celle qui est organisée par l’OEB. En effet, dans sa version initiale de 1984, une procédure d’opposition était envisageable dans les trois mois. Néanmoins, l’opposition devait être effectuée avant la date de délivrance conformément à l’ancien article 41. Ensuite, en 1992, ce système a été remplacé par une faculté de révocation tout à fait similaire au système du droit de l’Union européenne. Après une suppression par la réforme de 2000122, ce système

est de nouveau en vigueur depuis 2008. Ainsi, l’article 41 énonce que :

« Lorsque, dans les six mois à compter de la date de l'annonce de I' Office des brevets concernant l’octroi du droit découlant du brevet, une entité ou un individu considère que le fait d 'avoir accordé ce droit n 'est pas conforme aux dispositions pertinentes

120 Junmin Ren, supra note 6 p.112

121 Article 39 de la loi chinoise sur le droit des brevets de 1984 122 Junmin Ren, supra note 6 p.120

de la présente loi, elle ou il peut demander a 1'Office des brevets la révocation du droit en question ».

Par cette disposition le droit des brevets chinois s’est une nouvelle fois aligné avec le droit de l’Union européenne. L’article 100 de la CBE précise que la procédure d’opposition est possible, mais seulement dans les cas énumérés. Il s’agit du défaut de brevetabilité, de l’insuffisance de la description, ou de l’extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande123. L’opposition est portée devant la chambre des recours de l’OEB, tandis

qu’en Chine, l’Office des brevets constitue une « Commission de réexamen des brevets ». Pour conclure, le droit chinois et le droit français se sont fortement rapprochés ces dernières années. Même si quelques divergences subsistent dans l’appréciation de la condition d’activité inventive, ou dans la procédure d’examen des conditions par les offices étatiques, il n’en demeure pas moins que les deux systèmes juridiques cherchent à encourager les dépôts et à maintenir un certain seuil de brevetabilité.

Dans les deux pays, la contrepartie des efforts de l’inventeur réside dans l’obtention d’un monopole temporaire : des droits exclusifs sur l’invention brevetée.

II. Les prérogatives accordées au titulaire d’un brevet en Chine

Il est bien évidemment essentiel pour l’émetteur d’un transfert de technologie de comprendre la teneur des droits accordés au titulaire d’un brevet en Chine. Il doit comprendre l’étendue de la protection juridique avant d’envisager de transférer une innovation technologique. Le droit des brevets permet de créer un monopole au profit du titulaire tout en rendant public l’invention. Néanmoins, le contenu du monopole semble moins étendu en Chine qu’en France (A) tandis que les caractéristiques générales du droit de brevet restent similaires (B).