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Partie 2 : Les différends relatifs aux transferts de technologie entre l’Union européenne et

A. La phase pré-arbitrale

La phase pré-arbitrale d’un litige relatif à un transfert de technologie présente deux enjeux principaux pour les parties au litige : l’un est relatif à l’arbitrabilité du litige (1) l’autre à la confidentialité (2).

1. L’arbitrabilité des composantes d’un transfert de technologie

L’arbitrabilité de la majorité des éléments d’un transfert de technologie et des questions qu’il induit a été progressivement admise. La question n’est pas problématique pour les connaissances secrètes. A l’inverse elle le reste pour le brevet284.

283 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.321 284 Ibid., p.338

L’arbitrabilité peut se définir de manière « objective » comme « la qualité qui s’applique à une matière, une question ou à un litige, d’être soumis au pouvoir juridictionnel des arbitres »285. Si l’on applique cette qualité au brevet on constate que sa soumission au

pouvoir juridictionnel d’un arbitre s’est largement répandue, en France comme en Chine286.

C’est par la loi du 13 juillet 1978 que l’arbitrabilité du droit des brevet sera reconnue légalement. Dès 1981 l’arbitrabilité est aussi admise par la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris dans un arrêt Deko c. G. Dingler et société Meva287. L’un des obstacles à

l’arbitrabilité du brevet a été son caractère territorial. Le brevet reste un titre délivré par une autorité administrative. Néanmoins, lorsque le litige n’a pas pour objet la validité du titre ni à titre principal ni à titre incident, il et le plus souvent relatif à des questions de droit purement contractuelles et commerciales. En ce sens, la Cour d’appel de Paris précisait pour valider la sentence arbitrale que le tribunal arbitrale n’a fait qu’« analyser le comportement des parties par rapport à leurs obligations contractuelles et n’a pas violé une règles d’ordre public tenant à la loi relative aux brevets d’invention »288. Ainsi en 1994 il apparait que

l’arbitre peut statuer sur les contrats relatifs à l’exploitation du brevet mais pas sur le brevet lui-même en tant que titre.

En droit chinois la loi relative à l’arbitrage de 1994289 précise à son article 2 que les litiges

contractuels et ceux portant que des droits de propriété peuvent être arbitrés. En revanche, l’article 3 précise que les litiges administratifs et relatifs au droit de la famille doivent être soumis à des organisme administratifs. Pourtant le sujet reste équivoque, la loi sur le droit des brevets ne reconnait pas de manière explicite, l’arbitrabilité des brevets. La loi relative à l’arbitrage ouvre cette possibilité relativement à l’exploitation du brevet, néanmoins le titre du brevet étant délivré par une autorité administrative le litige risque toujours de basculer dans l’article 3 de la même loi.

285 Patrice LEVEL, « Larbitrabilité », (1992) Rev. Arb. p.213 286 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.338

287 CA Paris 24 mars 1994, Société Deko c. G Dingler et société Meva

288 Ibid.

Malgré ce manque de précision, il apparait comme souvent un certain décalage entre la pratique et les textes en Chine. Depuis 2006 plusieurs centres d’arbitrage spécialisés dans le domaine des brevets ont été créés. Ainsi, on trouve depuis cette date des commissions d’arbitrage à Wuhan, Guangzhou, Shanghai290.

S’agissant des litiges relatifs à l’action en contrefaçon de brevet et non plus à l’exploitation, l’arbitrabilité semblait déjà admise par l’article 2 de la loi chinoise sur l’arbitrage. En effet, cet article admet l’arbitrabilité des litiges contractuels et des autres litiges concernant des droits de propriété ». De plus le droit de la procédure civile a été modifié par la réforme de 2013. Suite à cette réforme la possibilité pour les tribunaux chinois de se déclarer incompétent ne se limite plus simplement aux « litiges contractuels »291. A cela s’ajoute les

précisions du Règlement d’arbitrage édicté par la CIETAC292 qui précise que l’institution

d’arbitrage peut accepter des litiges de nature non contractuelle.

Ainsi les litiges relatifs à la contrefaçon dans sa dimension civile peuvent faire l’objet d’un arbitrage, en théorie du moins. Cependant, la question de la validité du brevet lui- même, c’est-à-dire du titre est régulièrement invoquée par les défendeurs et présente un risque pour les parties à un transfert de technologie qui souhaiteraient s’assurer de l’arbitrabilité d’un litige éventuel293.

2. La confidentialité de la procédure d’arbitrage

Un autre des enjeux de l’arbitrage est comme pour la médiation, sa capacité à garantir aux parties la confidentialité sur des connaissances secrètes, parties prenantes des transferts de technologie. En effet, comme vu supra, les secrets d’affaires ou savoir-faire ne conservent leur valeur économique qu’en raison de leur caractère secret. Cependant les

290 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.345

291 Article 124 de la loi chinoise relative à la procédure civile de 2012

292 Commission chinoise d’arbitrage de l’économie et du commerce international 293 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.350

exigences nationales d’administration de la justice ne peuvent pas contraindre les tribunaux arbitraux de la même façon que les tribunaux nationaux. La confidentialité semble être inhérente à l’arbitrage, pour certains auteurs « la confidentialité de l’arbitrage n’est souvent qu’une illusion »294.

Il n’en demeure pas moins que la Commission des Nations Unies pour le Droit commercial International précise que « la confidentialité est l’un des aspects les plus avantageux et les plus utile de l’arbitrage ». En ce sens, plusieurs États membres de l’Union européenne ont intégré dans leur droit national des dispositions relatives à la confidentialité lors d’une procédure d’arbitrage. Par exemple, la loi espagnole a créé une obligation de confidentialité pour les parties, l’arbitre et l’institution arbitrale en général295.

En droit chinois, la loi relative à l’arbitrage de 1994296 prévoit à son article 40 que l’arbitrage

est réalisé en privé sauf lorsque les parties en ont décidé autrement. Encore une fois cette disposition reste ambigüe. Elle prévoit une exception à la volonté des parties pour les secrets d’État ce qui reste surprenant dans une loi relative à l’arbitrage. Ensuite, l’article 68 et 134 de la loi relative à la procédure civile de 2012 prévoit que des preuves relatives à des secrets d’État ou des secrets d’affaires ne pourront pas être présentées au cours d’une audience publique297.

Ainsi le droit chinois reste favorable à la confidentialité des procédures d’arbitrage, néanmoins il est plus protecteur envers les secrets d’État qu’envers les secrets d’affaires. L’Accord sur les ADPIC pourrait alors être utilisé pour pallier les fragilités éventuelles des textes. L’article 39 de l’Accord sur les ADPIC impose aux États membres de protéger de manière « effective » les renseignements non divulgués, autrement dit les secrets à condition qu’ils aient une valeur commerciale, et que leur divulgation soit contrôlée par leur

294 Jan Paulsson et Nigel Rawding, « Les aléas de la confidentialité », (mai 1994) 5 :1 Bulletin de la Cour

internationale d’Arbitrage de la CCI, p.1

295 Article 24 de la loi espagnole sur l’arbitrage entrée en vigueur le 26 ars 2004

296 Loi relative à l’arbitrage de la République populaire de Chine, adoptée le 31 août 1994 297 Matthieu Quiniou, supra note 5 p.423

détenteur. Ainsi, les États membres de l’OMC sont engagés à protéger les renseignements non divulgués au travers de leur droit mais aussi devant les juridictions. Si l’on suppose que cet article bénéficie de l’effet direct on pourrait envisager qu’une partie invoque cette disposition afin de l’étendre à l’arbitre.

En droit chinois, si l’on se penche sur le règlement d’arbitrage de la CIETAC298 l’exigence

d’audience privée créé une obligation à la charge des parties et des différents intervenant à l’arbitrage. Ainsi, les arbitres, témoins, interprètes, experts ne doivent pas révéler les aspects de fond et de procédure de l’affaire. Cependant, en dépit de ces normes il n’existe pas de méthode à proprement parler qui viseraient à éviter la divulgation pendant la procédure d’arbitrage.

Il existe aussi des règlements d’arbitrage spécifiques aux litiges relatifs à la propriété intellectuelle comme le Règlement d’arbitrage de l’OMPI. L’article 54 est intitulé : « Divulgation de Secret de Fabrication et d’Affaires et autres Information Confidentielle ». Il propose une classification des informations confidentielles par le tribunal arbitral. De plus, ce même article mentionne la possibilité d’être conseillé par un expert en confidentialité nommé par le tribunal arbitral.

Malgré ces garanties que l’on retrouve à la fois en droit chinois et en droit international le litige devant un tribunal arbitral reste un risque pour les parties face à la protection des renseignements non divulgués en Chine.

298 Article 36 du Règlement d’application de la China International Economic and trade Arbitration

B. La phase post-arbitrale, la question du contrôle étatique des sentences arbitrales