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Les caractéristiques du droit exclusif du breveté en Chine

Partie 1 : La protection offerte par le droit des brevets en Chine, critère déterminant pour

B. Les caractéristiques du droit exclusif du breveté en Chine

127 Paul Mathely, supra note 57 p. 284 128 Shujie Feng, supra note 2 p.144 129 Ibid.

En France comme en Chine, les droits accordés au titulaire d’un brevet sont relatifs. Ils ont pour caractéristique d’avoir un caractère temporaire (1) et territorial (2).

1. Un droit exclusif au caractère temporaire

Les droits exclusifs accordés au breveté sont représentatifs d’une recherche d’équilibre entre les intérêts du titulaire et ceux de la société. Les droits accordés au titulaire doivent lui permettre de tirer les fruits de son investissement mais sans monopoliser pour toujours l’invention. En ce sens, certains auteurs parlent d’un droit de brevet assimilable à une forme de contrat entre l’inventeur et la société. Le premier révèle son invention au public en échange d’un droit exclusif mais d’une durée limitée131.

Le législateur devait alors déterminer une durée ni trop courte ni trop longue. L’article 42 de la loi chinoise sur le droit des brevets démontre encore une fois l’alignement de la législation chinoise sur les accords internationaux. Le droit de brevet a une durée de vingt ans à compter de la date de dépôt de la demande. La France consacre également la même durée à l’article L. 613-1 du Code de la propriété intellectuelle conformément à l’article 63 paragraphe 1 de la CBE132.

Néanmoins, il s‘agit d’une durée légale, il est possible pour les États membres de l’OMC, d’accorder une protection plus longue. En effet l’article 33 de l’Accord sur les ADPIC ne fait qu’imposer une durée minimale133. En ce sens, la durée du droit de brevet est un indice qui

démontre dans quelle politique s’inscrit l’État en question. Un droit court montre la volonté de favoriser la société tandis qu’un droit long illustre celle de favoriser l’inventeur.

131 Shujie Feng, supra note 2 p. 154 132 Junmin Ren, supra note 6 p.161

Néanmoins, même si les pays ayant adhérés à l’Accord sur les ADPIC ont une obligation de garantir le titre pour un durée de 20 ans, il n’en demeure pas moins que la protection par le brevet peut tout de même cesser. Le brevet peut subir une action en révocation ou en déchéance comme le prévoit les articles 32, 62.4 et 62.5 de l’Accord sur les ADPIC. Dès 1984, la loi chinoise prévoit aussi des procédures en annulation et en déchéance lorsque le titulaire ne paie pas ses annuités. L’article 45 de la loi sur le droit des brevets permet à toute personne ou entité de mener une action en annulation d’un brevet auprès d’un organe spécialisé au sein de l’ONPI : le comité de révision des brevets134. Les causes d’annulation

sont énumérées par l’article 64 du Règlement d’application de cette même loi. Le brevet chinois peut être annulé s’il ne remplit pas les conditions de la brevetabilité, s’il est contraire à la loi, à la morale ou à l’intérêt public, si l’invention n’est pas décrite de manière suffisante dans la description, si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande, s’il ne s’agit pas de la première demande pour cette invention, et enfin si le breveté n’est pas le premier demandeur pour cette invention.

La décision d’annulation est prise par le « Comité des révisions des brevets ». Il s’agit d’une décision administrative qui peut faire l’objet d’un recours devant la première Cour intermédiaire de Pékin. Cette dernière peut également faire l’objet d’un appel devant la Cour supérieure de Pékin135.

S’agissant de l’action en déchéance, il est énoncé à l’article 44 de la loi sur le droit des brevets que le droit est déchu en cas de non-paiement des annuités par le titulaire du droit. Cette déchéance a un caractère « automatique » en Chine puisqu’elle n’est pas soumise à une décision judiciaire ou administrative. Il n’existe pas en Chine de délai de grâce bénéficiant au titulaire qui n’aurait pas payé ses anuités comme en droit français par exemple. Il s’agit pourtant d’une obligation figurant à l’article 5 bis (1) de la Convention Union de Paris (CUP). De plus, le titulaire ne peut pas non plus entreprendre de procédure

134 Shujie Feng, supra note 2 p. 159 135 Ibid.

d’action en restauration du brevet. Il s’agit là d’une faculté pour les pays parties de la CUP. Par ses choix la Chine illustre une politique qui ne prend pas forcément le parti de l’inventeur, mais plutôt celui de la société, et cela conformément à l’influence du communisme.

Ensuite, en plus d’être limitée dans le temps la protection conférée par le droit des brevets est limitée dans l’espace.

2. Un droit à caractère territorial

En Chine encore plus qu’ailleurs, le droit de brevet est un droit exclusif ayant un caractère territorial. Autrement dit le titre est dit « national », il confère une protection attachée à un territoire donné. Ce principe est conforme à celui d’indépendance de la propriété industrielle, affirmé à l’article 4 bis de la Convention Union de Paris.

La France comme la Chine adopte ce principe en limitant le droit de brevet à leur territoire. En Europe, même lorsque l’on dirige sa demande vers l’Office européen des brevets, le titre va produire ses effets de manière indépendant dans chaque pays. En ce sens, l’annulation éventuelle d’un titre dans un pays membre n’affectera pas la validité du titre dans les autres pays136.

En Chine, les limites du territoire sont d’un point de vue politique parfois plus difficile à déterminer. Taïwan, Macao et Hong Kong relèvent de systèmes juridiques indépendant. Ainsi, le brevet qui aura été déposé en Chine continentale n’aura pas de validité sur ces autres territoires. Hong Kong par exemple dispose de sa propre loi sur le droit des brevets, récemment modifiée en 2019. De plus le Gouvernement d’Hong Kong a mis en place son propre Office des brevets. Néanmoins, le système reste fortement en lien avec celui de

Chine continentale puisque pour obtenir certains brevets, le déposant doit d’abord réaliser une demande en Chine continentale ou au Royaume-Uni137.

Ainsi, la notion de territorialité du brevet connait quelques spécificités en Chine continentale et ses différentes régions administratives dites « spéciales ».

Pour conclure cette partie, depuis son adhésion à l’OMC la Chine a fait l’effort d’aligner son droit des brevets en se conformant aux Accords sur les ADPIC. Même si quelques différences demeurent, et cela tout particulièrement dans la procédure d’examen de la brevetabilité, on peut tout de même conclure que les deux systèmes européen et chinois s’inscrivent dans la même dynamique du moins lorsque l’on s’attache à la lettre de la loi. Cette comparaison est de nature à donner confiance aux éventuels émetteurs occidentaux d’un transfert de technologie. Néanmoins, dans la pratique, le respect des droits de brevet reste perfectible. La chine demeure le pays avec le plus de contentieux relatif au brevet au monde138. De plus, les transferts de technologie ne concernent pas que

des actifs protégeables par le droit de la propriété intellectuelle.

137 Vincent Remy, « Hong-Kong modifie sa loi sur les brevets », (14 novembre 2019), https://chinepi.com/hong-kong-modifie-sa-loi-sur-les-brevets/

138 Philippe Li, Les investissements internationaux – Chine et Corée du Sud : des transferts de technologie vers la coopération industrielle, (Février 2012) 10 Revue Droit & Affaires, p. 9