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Chapitre 3 Coexister après les violences : pratiques de l’évitement et du non-dit

1. Un quotidien transformé par les violences contre les Kasaïens

Le quotidien dans lequel se produisent les relations sociales ordinaires entre Katangais et Kasaïens a été transformé par les violences de masse commises contre ces derniers au début des années 1990. Le départ de Likasi et de Kolwezi de la plupart des Kasaïens et le retour de nombre d’entre eux dans les mois et les années qui ont suivi les violences, a eu pour effet une réorganisation de l’espace dans ces deux villes, dans le sens d’une disparition de la mixité spatiale. Les violences n’ont pas mis fin à la mixité sociale, mais elle a depuis lors une forme différente : celle d’une coexistence fondée sur l’évitement, le silence et les non-dits. Les violences ont également fait apparaître deux nouvelles représentations collectives concernant les relations entre Katangais et Kasaïens : celle de représentations superficielles et celle d’être « condamnés à vivre ensemble. »

Distance spatiale et mixité sociale

Les premiers retours de Kasaïens, qui s’étaient réfugiés dans les deux provinces du Kasaï, ont eu lieu dans les mois qui ont suivi les violences. Les Kasaïens, qui rentrèrent alors au Katanga – principalement à Lubumbashi et dans une moindre mesure à Likasi – étaient ceux qui n’avaient pas eu la possibilité de s’intégrer au Kasaï. Entre le 14 octobre 1992 et le 5 septembre 1994, 216 748 déplacés seraient arrivés par train à la gare de Kananga, au Kasaï occidental, et 388 671 auraient rejoint le Kasaï oriental463. Nombre d’entre eux ont d’abord été hébergés dans des camps provisoires installés à proximité des gares. Du fait des mauvaises

463 Donatien DIBWE DIA MWEMBU, Bana Shaba abandonnés par leur père. Structure de l’autorité et histoire

sociale de la famille ouvrière au Katanga 1910-1997, op. cit., p. 204. Pour rédiger ce paragraphe, je m’appuie principalement sur le chapitre 5 de ce livre de Dibwe dia Mwembu qui traite de « la situation des familles des travailleurs déplacés au Kasaï » (p. 201-232).

conditions d’hygiène, de la surpopulation et des épidémies dans les camps – ceux du Katanga, où ils sont restés parfois de long mois, et ceux du Kasaï – et dans les trains, de nombreux Kasaïens sont morts peu de temps après leur arrivée au Kasaï. Ainsi, le nombre de déplacés kasaïens morts à Kananga entre octobre 1992 et mars 1993 est estimé à 7 392464. L’installation dans les villes et les villages du Kasaï des Kasaïens, qui avaient fui le Katanga, a suscité des tensions avec les populations locales. Avant leur arrivée, les conditions socio- économiques des populations locales étaient déjà très difficiles, suite notamment aux pillages de 1991465 ; l’arrivée massive de Kasaïens en provenance du Katanga a causé une pression supplémentaire sur les ressources disponibles. Par exemple, le district de Kabinda au Kasaï oriental, qui est frontalier avec la province du Katanga, a accueilli environ 50 000 déplacés, entraînant une augmentation de 20 % de sa population466 ; dans certains villages de ce district, la population a doublé avec l’arrivée des déplacés467. Par ailleurs, les populations locales reprochaient à ceux qu’ils appelaient les « Bena Katanga »468 (les « gens du Katanga » en tshiluba) de ne pas avoir construit et investi au Kasaï, de ne pas avoir conservé des relations avec leur famille élargie et de ne pas respecter les coutumes et la tradition, bref de ne pas avoir fait la démonstration de leur « amour du village »469.

Ceci explique que de nombreux Kasaïens qui avaient fui le Katanga, en particulier parmi ceux qui n’avaient pas conservé des relations avec leur famille élargie et qui craignaient d’être victimes de sorcellerie dans leur village natal ou d’origine470, aient préféré soit s’installer à Mbuji Mayi ou à Kananga, les chefs-lieux du Kasaï oriental et du Kasaï occidental, et dans les autres villes de ces deux provinces, soit rentrer au Katanga. L’extrait suivant, tiré d’un

464 Idem, p. 205.

465 A l’automne 1991, les militaires se livrèrent à des pillages d’abord à Kinshasa puis dans les principales villes,

ce qui contribua à l’effondrement de l’économie du pays.

466 Roland POURTIER, « Les refoulés du Zaïre : identité, autochtonie et enjeux politiques », art. cit., p. 151. 467 Médecins Sans Frontière, Etude de cas. Réinsertion des refoulés du Katanga (ex-Shaba) au Kasaï oriental,

RDC (ex-Zaïre) 1994-1998, date inconnue, p. 3 – disponible in www.urd.org/documents/fichiers/formation/Lien_ UD_AP1.doc – consulté le 14 octobre 2009.

468 Dibwe dia Mwembu a recensé d’autrestermes utilisés par les populations locales pour désigner ou prendre à

partie les déplacés : les « Bena Kyungu wa Kumwanza » (les « gens de Kyungu wa Kumwanza ») et les

« bilulu » (« insectes » en swahili), terme, qui était utilisé par les leaders katangais de l’UFERI et les Katangais qui participaient aux violences ou les soutenaient.

469 Claudine VIDAL, Sociologie des passions (Côte d’Ivoire, Rwanda), op. cit., p. 99-130. Bien que les contextes

soient différents, l’analyse de Claudine Vidal des relations entre les habitants du village de Koulikro et des citadins originaires de ce village (p. 110) pourrait s’appliquer aux relations entre les villageois kasaïens et les déplacés : « Quant au tour violent des relations entre villageois et citadins, il n’a rien que de très courant. La

séparation pratique des uns et des autres n’a nullement liquidé leur communauté symbolique et ses exigences si bien que, considérés, même abusivement, comme plus riches, plus proches des puissants, les citadins encourent fatalement l’accusation d’égoïsme, d’ingratitude, voire de trahison à l’égard des membres villageois de la communauté et subissent les représailles réelles ou imaginaires que leur vaut une inéluctable culpabilité. »

470 Sur les rapports entre sorcellerie et parenté, voir Peter GESCHIERE, Sorcellerie et politique en Afrique. La

entretien avec le responsable local d’une ONG américaine de pacification « par le bas », résume la logique qui a conduit au retour de Kasaïens au Katanga, dans les mois qui ont suivi leur départ au Kasaï :

« Les gens avaient quand même une idée de ce qu’était leur vie au Katanga. Ils sont partis au Kasaï et ce qu’on doit dire aussi c’est qu’ils ont été, moi je peux dire, victimes deux fois, parce qu’au Katanga, on les a chassés et quand ils sont arrivés au Kasaï, ils n’ont pas été toujours acceptés. Les gens du Kasaï, les Kasaïens qui sont venus du Katanga, ils les appellent les Bena Katanga, comme les fils du Katanga. Donc pour eux, c’est des Katangais… ce qui fait qu’ils ne les ont pas toujours bien acceptés. Il y a aussi bien sûr un peu… Chez l’Africain et chez le Congolais, la sorcellerie, ça a encore beaucoup de pouvoir. Alors déjà que les Kasaïens qui étaient ici ne rentraient pas chez eux au village, parce que vous rentrez là-bas, on va vous bouffer entre guillemets. Pourquoi ? Parce qu’on estime que vous êtes en ville, vous travaillez, vous gagnez de l’argent, et souvent les gens se coupent de leurs racines aussi. Ils ne rentrent jamais au village, donc ils sont sûrs que ceux qui sont là-bas, ils vont être jaloux, ils vont les tuer. Et donc beaucoup de gens qui étaient ici [au Katanga] n’étaient jamais rentrés au village, ce qui fait que l’intégration était très difficile. Les gens qui étaient là [au Kasaï] étaient aussi aigris : « Quand vous étiez là [au Katanga], vous travailliez à l’Union minière, vous gagniez de l’argent, vous ne nous avez jamais assistés. Maintenant c’est vrai qu’on vous a chassés maintenant et c’est maintenant que vous songez que vous avez des frères ici [au Kasaï]. O.K., vous venez, on ne vous chasse pas mais vous allez apprendre à vous débrouiller. » Et donc je crois que ça a été une traversée du désert. Et donc des gens comme ça, dès que les conditions ont été possibles pour qu’ils rentrent sur le Katanga, il y en a beaucoup qui sont rentrés. »471

D’autres Kasaïens sont rentrés au Katanga après le limogeage de Kyungu wa Kumwanza472 en avril 1995 et son remplacement par Ngoy Mulume, la principale mission du nouveau gouverneur étant, selon Pourtier, de « démystifier l’action de Kyungu et (…) rétablir un climat

d’apaisement entre les communautés »473. D’autres Kasaïens, plus nombreux, sont rentrés après le renversement de Mobutu par l’AFDL (Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo/Zaïre) et la prise de pouvoir par Laurent-Désiré Kabila en mai 1997. Le régime mis en place par l’AFDL prônait la reconstruction et l’unité nationale du Congo ainsi que la réconciliation entre tous les Congolais. Une application au niveau local de cette politique nationale fut la politique menée par le maire Adrien Nawez-a-Chikwand, qui a

471 Entretien avec le responsable de l’antenne de l’ONG américaine Pact Congo à Kolwezi, Kolwezi, 2 mars

2009.

472 En mars 1997, pour tenter de contrer l’avancée des troupes de l’AFDL au Katanga, Mobutu nomma à

nouveau Kyungu wa Kumwanza comme gouverneur du Katanga. Après la prise de Lubumbashi par l’AFDL, le 9 avril 1997, Kyungu wa Kumwanza fut placé en résidence surveillée, où il resta jusqu’à sa nomination comme ambassadeur à Nairobi en novembre 1998.

facilité la réinstallation des Kasaïens qui rentraient à Kolwezi. Ainsi, selon Musau Tshibuyi Shambuyi, le président de la Communauté kasaïenne de Kolwezi :

« Depuis sa nomination en mai 1997, le maire Adrien se met en quatre pour améliorer les rapports entre Kasaïens et Katangais. Et chaque fois qu’il y a un décès dans nos rangs, il compatit à nos malheurs et il nous assiste financièrement et matériellement. Mes frères qui rentrent ne rencontrent aucune difficulté pour récupérer leurs biens, notamment les immeubles (…). Les quelques extrémistes katangais qui essaient de s’y opposer, sont neutralisés grâce à l’intervention du maire. De plus, notre Comité est chaque fois invité par la mairie aux manifestations publiques et culturelles. »474

Il est probable que si la politique menée par le maire de Kolwezi a permis que le retour de Kasaïens se fasse dans de bonnes conditions, et notamment la restitution de leurs maisons, c’est parce qu’à l’époque, les Kasaïens, qui rentraient au Katanga, s’installaient surtout à Lubumbashi et à Likasi. Ainsi, toujours selon Musau Tshibuyi Shambuyi, sur les 120 000 Kasaïens - soit près de 47 % de la population totale - qui vivaient à Kolwezi avant les violences, moins de 20 Kasaïens étaient restés ou rentrés à Kolwezi, avant la prise de pouvoir par l’AFDL ; et, en 2003, on comptait seulement 1 630 Kasaïens à Kolwezi475.

Du 29 février au 11 mars 2000, une conférence dite de « Consultation Nationale » a été organisée à Kinshasa, à l’initiative des Eglises catholiques et protestantes. Le thème de cette conférence était l’agression de la République démocratique du Congo par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, mais « les dissensions internes qui minaient le pays de l’intérieur et

creusaient le fossé entre les différentes populations congolaises »476 y furent également évoquées. Lors de cette conférence, Kyungu wa Kumwanza demanda publiquement pardon

« pour les incidents interethniques qui avaient eu lieu au Katanga »477. Cette demande de pardon a été interprétée par les Kasaïens vivant au Katanga – qu’ils y soient restés au moment des violences ou rentrés depuis lors – et ceux qui n’étaient pas rentrés après les violences, de même que par nombre de Katangais, comme « une simple stratégie de repositionnement du

474 Bethuel KASAMWA-TUSEKO, « Les Katangais accueillent à bras ouverts les Kasaïens qu’ils avaient

chassés », ANB-BIA, Supplément, Issue/Edition n° 449, 1er février 2003, cité in Donatien DIBWE DIA MWEMBU, « Relectures de l’histoire et transformation des rapports entre les Katangais et les Kasaïens du Katanga », op. cit., p. 105.

475 Bethuel KASAMWA-TUSEKO, « Les Katangais accueillent à bras ouverts les Kasaïens qu’ils avaient

chassés », ANB-BIA, Supplément, Issue/Edition, n° 449, 1er février 2003.

476 Donatien DIBWE DIA MWEMBU, « État de la question sur le conflit Katangais-Kasaïen dans la province du

Katanga (1990-1994) », op. cit., p. 34.

leader katangais »478, dans un contexte où la rhétorique du régime de Laurent-Désiré Kabila était celle de l’unité nationale et de la réconciliation.

Par ailleurs, Laurent-Désiré Kabila, un Muluba du Nord-Katanga, s’était rapidement entouré de collaborateurs katangais479, pour la plupart issus de la diaspora et/ou choisis parmi ses anciens compagnons de lutte ou ses proches480. Ainsi, Gaëtan Kakudji, le cousin de Laurent- Désiré Kabila, qui avait été nommé gouverneur du Katanga en avril 1997, fut nommé, le 3 janvier 1998, ministre d’Etat chargé des Affaires intérieures et, en tant que tel, chef des services de renseignement congolais. Il devint ainsi le numéro deux du régime et fut par là même consacré comme chef de file du « clan des Katangais ». C’était également lui qui dirigeait le Conseil des ministres en l’absence de Laurent-Désiré Kabila. Un autre Muluba du Nord-Katanga, Mwenze Kongolo, occupa les fonctions de ministre de l’Intérieur (jusqu’à la nomination de Gaëtan Kakudji à ce poste en janvier 1998), puis de ministre de la Justice481.

Les Katangais étaient également majoritaires au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des services de sécurité ; et le swahili remplaça le lingala482 comme langue de commandement. Le commandement de l’armée congolaise, qui, lors de l’accession au pouvoir de Kabila, était entre les mains des Tutsi, a été rapidement transféré à des Katangais : des Baluba du Nord-Katanga, tels Joseph Kabila, le fils de Laurent-Désiré Kabila, qui fut nommé chef adjoint de l’état-major et commandant des forces terrestres de l’armée congolaise, et surtout des Lunda du Sud-Katanga483. Parmi ces derniers,

478 Pascal NYUNDA YA RUBANGO, « Analyse comparée des discours régionaux au Congo », op. cit., p. 150. 479 Dans les premiers temps du régime, outre ce cercle composé de Katangais, deux autres cercles de pouvoir

rivalisaient d’influence dans l’entourage de Laurent-Désiré Kabila : le « lobby tutsi » (expression de Jean-Claude WILLAME, citée in L’Odyssée Kabila. Trajectoire pour un Congo nouveau ?, Paris, Karthala, Collection « Les Afriques », 1999, p. 69), qui fut écarté des instances dirigeantes après le déclenchement de la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) en août 1998, et le « cercle des Kasaïens », qui était surtout composé de Kasaïens issus de la diaspora, qui étaient nés ou avaient grandi au Katanga.

480 Comme la majorité des responsables politiques et militaires, qui n’étaient pas Katangais. Cette tendance à

s’entourer de collaborateurs issus de la diaspora et/ou de proches s’explique par la faible légitimité du régime et son corollaire, la méfiance de Laurent-Désiré Kabila envers les leaders politiques disposant d’une base régionale. Sur ce point, voir, par exemple : International Crisis Group, Le partage du Congo. Anatomie d’une sale guerre, Rapport Afrique n° 26, 20 décembre 2000, notamment p. 33-42 – disponible in http://www. crisisgroup.org/~/media/Files/africa/central-africa/dr-

congo/Frenc%20Translations/Scramble%20for%20the%20Con

go%20Anatomy%20of%20an%20Ugly%20War%20FRENCH.pdf – consulté le 15/03/2016 ; Fweley DIANGITUKWA, Pouvoir et clientélisme au Congo-Zaire-RDC, Paris, L’Harmattan, 2001, notamment p. 206- 208 et 212-217.

481 Dans le gouvernement dit de Salut public mis en place par le décret présidentiel du 1er septembre 2000,

Mwenze Kongolo se vit confier, outre le ministère de la Justice, celui des Affaires parlementaires.

482 La langue parlée à Kinshasa.

beaucoup se présentaient comme les héritiers des anciens « gendarmes katangais »484 et avaient été formés en Angola. C’était notamment le cas du colonel Eddy Kapend, l’aide de camp de Laurent-Désiré Kabila, et du général de brigade Yav Nawesh. Sur les treize services de sécurité485, trois étaient des bastions des Baluba du Nord-Katanga. Le premier service de sécurité contrôlé par des Baluba du Nord-Katanga était la Détection militaire des activités anti-patrie (DMIAP). La DMIAP était dirigée par deux Baluba du Nord-Katanga, les colonels Damas Kabulo et Mulimbi, qui étaient respectivement les chefs de l’aile interne et de l’aile externe de la DMIAP. Le général Celestin Kifwa, un Muluba du Nord-Katanga, ancien général de l’armée angolaise, assurait quant à lui la fonction d’inspecteur général de la police, y compris de la Police d’intervention rapide (PIR). Cette force paramilitaire à dominante lunda – des Lunda du Bandundu, qui avaient été entraînés en Angola – était chargée de surveiller les rues de Kinshasa. Le fils de Celestin Kifwa, le Commandant Jean-Claude Kifwa, était l’adjoint du général de brigade Yav Nawesh, qui dirigeait la Force d’intervention militaire pour la capitale (FIC). Créé à la fin de l’année 1999, ce service de sécurité, qui avait pour mission la lutte contre toutes les tentatives d’insurrection, était composé à 80 % environ d’éléments baluba du Nord-Katanga486. La FIC regroupait le Groupe spécial de sécurité présidentielle (GSSP) - placé sous le commandement de Jean-Claude Kifwa - et la 7e brigade de l’armée basée à Kinshasa. La garde présidentielle, l’Unité spéciale présidentielle (USP), était quant à elle composée uniquement de Baluba du Nord-Katanga originaires de Manono, la ville natale de Laurent-Désiré Kabila. Par ailleurs, en avril et juin 2000, la direction de plusieurs des principales entreprises publiques congolaises – la Gécamines, l’Ofida, la Société nationale des chemins de fer congolais (SNCC) et l’Office national du transport487 – fut confiée à des Katangais. La participation des élites katangaises, et baluba du Nord-Katanga en particulier, au pouvoir central contribua à diminuer le sentiment partagé – encore aujourd’hui – par de nombreux Katangais que les ressources de la province ne profitent pas aux Katangais mais sont exploitées au bénéfice du pouvoir central, d’une part, et des non originaires, d’autre

484 Après la fin de la sécession du Katanga (1960-1963), les ex « gendarmes katangais », qui se sont faits ensuite

appeler les « Tigres », ont fui vers l’Angola et rejoint le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). Ils ontpoursuivi leur lutte contre Mobutu dans les années 1970 et 1980, avec comme point d’orgueles

deux attaques dites Shaba I et Shaba II en 1977 et 1978. Ils ont par la suite contribué de manière décisive à l’avancée de l’AFDL et à la prise de Kinshasa en mai 1997.

485 Recensés par Roberto Garreton, le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme en

République démocratique du Congo, in Rapport sur la Situation des Droits de l’Homme dans la République

Démocratique du Congo, Commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, 18 janvier 2000 [E/CN.4/2000/42], cité in International Crisis Group, Le partage du Congo. Anatomie d’une sale guerre, op. cit., p. 42.

486 Le partage du Congo. Anatomie d’une sale guerre, op. cit., p. 40.

487 Le PDG de l’Office national du transport, Mabaya Gizi, était originaire du Bandundu, mais son directeur

part488. Le fait d’être représentés au niveau du pouvoir central fut en effet perçu comme la garantie de la prise en compte des intérêts du groupe ethno-régional et d’une redistribution des ressources489. De ce fait, les élites katangaises, en particulier baluba, n’avaient plus d’intérêt à mobiliser le stéréotype des Kasaïens spoliateurs des richesses du Katanga et responsables de la marginalisation socio-économique des Katangais originaires490. Le retour des Kasaïens au Katanga se fit donc dans un climat où où la figure du Kasaïen ne faisait plus office de bouc-émissaires.

Depuis 2007, de nombreux Kasaïens se sont installés dans les centres miniers du Sud- Katanga, surtout à Kolwezi. Parmi eux, on trouve à la fois des Kasaïens, qui avaient fui le Katanga au moment des violences du début des années 1990, et d’autres n’ayant jamais vécu au Katanga. Ces déplacements massifs sont liés à un double phénomène : d’une part, la relance de l’exploitation minière dans le Sud du Katanga, amorcée depuis 2003, et son intensification au cours du premier semestre 2008 ; et d’autre part, les difficultés financières