• Aucun résultat trouvé

Les associations socio-culturelles et la cristallisation des identités katangaise et kasaïenne

Chapitre 1 La formation des consciences ethno-régionales katangaise et kasaïenne dans

2. Les associations socio-culturelles et la cristallisation des identités katangaise et kasaïenne

Les associations socio-culturelles et la montée des consciences ethno-régionales

Dans les années 1910-1920, les camps de l’UMHK étaient organisés en quartiers, dans lesquels les travailleurs étaient logés en fonction de leur origine ethnique ou géographique. Dibwe dia Mwembu montre que l’UMHK avait adopté cette politique d’habitat pour améliorer le rendement de sa main-d’œuvre :

« (…) les travailleurs originaires d'un même milieu natal étaient logés dans un même quartier en vue de les rendre moins nostalgiques et de sauvegarder leur moral. Ce qui avait un effet positif sur leur rendement et sur leur état de santé. D’un autre côté, le regroupement des populations par affinité ethnique ou par origine de provenance permettait à l’employeur de limiter la morbidité et la mortalité des travailleurs en cas d’éclosion d’une épidémie dont un groupe de recrues était porteur de germe. »230

Le regroupement des travailleurs par origine ethnique ou géographique favorisa également la création des associations socio-culturelles. Les premières associations apparurent dans les années 1910. Ces associations se sont multipliées vers le milieu des années 1920, du fait de la politique de stabilisation de la main-d’œuvre menée par l’UMHK et de l’augmentation rapide du nombre des ouvriers. Jusqu’au milieu des années 1950, leur rôle était celui de groupements d’accueil et d’intégration des travailleurs, d’entraide mutuelle et de préservation de la culture231. Comme le précise M’Bokolo, ces associations avaient alors un caractère ethnique peu prononcé :

« A une époque où les compagnies européennes ne recrutaient que des travailleurs migrants, soumis à une exploitation forcenée et à des conditions d’existence précaires, il s’agissait avant tout pour ceux-ci de survivre matériellement et moralement : les associations d’alors ont été purement et simplement transférées des villages avec leurs

230 Donatien DIBWE DIA MWEMBU, Jan Vansina et l’histoire orale dans l’univers postscriptural de l’Afrique

urbaine. Le cas de la ville de Lubumbashi, op. cit.., p. 11.

231 Pour une présentation détaillée des rôles joués par les associations socio-culturelles jusqu’au milieu des

fonctions anciennes (solidarité entre les membres, organisation de cultes religieux, cohésion et contrôle politiques), et des fonctions nouvelles adaptées aux circonstances (préparation de vivres, distractions, opposition totale au christianisme). Le caractère ethnique de ces associations était peu accusé »232.

Les associations socio-culturelles avaient également une utilité pour les autorités coloniales : « Ces associations tribales ou ethniques ou régionales apolitiques étaient devenues une sorte de centres culturels représentant les différentes cultures villageoises implantées dans les villes. Elles furent officieusement reconnues par l’autorité coloniale urbaine qui, par moment, consultait leurs représentants pour recueillir un renseignement ou pour leur transmettre des instructions quelconques. »233

Dès 1926, la multiplication des associations socio-culturelles inquiéta pourtant les autorités coloniales, qui y virent, comme le souligne M’Bokolo, « un moyen d’infiltration des idées

communistes »234. L’ordonnance du 11 février 1926 relative aux associations indigènes a tenté de réglementer les activités des associations socio-culturelles. Les autorités coloniales ont également incité les missionnaires à créer des associations concurrentes.

La crise économique mondiale, au début des années 1930, entraîna le licenciement et le renvoi de nombreux travailleurs dans leur village d’origine. Au cours de l’année 1931, des licenciements massifs au sein de l’UMHK provoquèrent trois émeutes : celle des travailleurs rhodésiens du camp de Ruashi, près d’Elisabethville, en mai ; celle provoquée en septembre, à Mwene Ditu dans la province du Kasaï, par des Kasaïens, alors qu’ils étaient en train d’être reconduits vers leurs villages ; et surtout, les affrontements entre les travailleurs kasaïens et les travailleurs rwandais dans le centre minier de Kipushi en août, suscités par la crainte qu’avait chacun des deux groupes de perdre leur emploi. Suite à ces affrontements, l’UMHK institua ce que Bakajika Banjikila appelle « la politique de brassage ethnique » et qu’il décrit comme suit :

« Les équipes de travail furent démembrées et les recrues provenant de la même région furent intentionnellement disséminées dans des camps différents. Dorénavant l’entreprise voulait que ses ouvriers se considèrent comme membres de la « tribu Union minière ». Les habitants des camps nommèrent le chef de camp du nom swahili tshanga-

tshanga qui signifie « Mélangeur », parce que celui-ci avait sous sa responsabilité des gens d’origines différentes. »235

232 Elikia M’BOKOLO, « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 210. 233 Jan Vansina et l’histoire orale…, op. cit., p. 13.

234 « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 210.

La politique du tshanga-tshanga favorisa les relations de sociabilité (en dehors du travail) entre personnes d’origines ethniques ou géographiques différentes :

« A partir de ce moment, les travailleurs commencent à avoir des amis en dehors des frontières tribales respectives et à parler la même langue, le swahili. Ils vont prendre leur verre de munkoyo, de tshibuku, de lutuku236 ou, plus tard, de bière de simba ensemble au camp, à la cité indigène ou au cercle ; avec le temps, ils vont constituer des équipes de football, de basket-ball, etc. »237

Pour autant, le développement de ces relations ne fit pas obstacle à la montée des consciences ethno-régionales, dans les années qui précédèrent l’indépendance du Congo.

A partir du milieu des années 1950, certaines associations socio-culturelles devinrent de véritables organisations politiques à base ethnique ou régionaliste. La transformation du rôle de ces associations a contribué à la cristallisation des identités katangaise et kasaïenne en tant qu’identités antagonistes. Elle s’est produite dans un contexte économique et politique particulier.

La crise économique de 1957, provoquée par la chute des cours mondiaux des métaux non ferreux, provoqua une montée du chômage dans les centres miniers du Haut-Katanga. Le taux de chômage à Elisabethville est passé de 4,8 % de la population active avant la crise, à 13,6 %, selon les chiffres officielles, ou 20 %, selon d’autres sources238. La plupart des employés licenciés étaient des ouvriers non qualifiés, recrutés depuis peu et, pour nombre d’entre eux, originaires des zones rurales du Katanga. Par exemple, à Elisabethville, les originaires des zones rurales du Katanga, qui occupaient 40 % des emplois dans les entreprises coloniales, représentaient 62 % des licenciements239.

En décembre 1957, les premières élections communales furent organisées dans trois villes du Congo belge : la capitale Léopoldville (actuelle Kinshasa) et deux villes du Katanga, Elisabethville et Jadotville. Comme le montre Elikia M’Bokolo :

« Ces élections eurent des conséquences durables par le poids qu’elles donnèrent aux facteurs ethniques. En effet, non sans habileté, le gouvernement colonial évita

236 Ce sont des boissons alcoolisées fermentées.

237 Donatien DIBWE DIA MWEMBU, « Le travail en milieu ouvrier industriel congolais... », op. cit., p. 102. 238 J. BENOIT, « Contribution à l’étude de la population active d’Elisabethville », op. cit., p. 54, cité in Elikia

M’BOKOLO, « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 214.

239 Edouard BUSTIN, Lunda Under Belgian Rule. The Politics of Ethnicity, Cambridge (Mass.), Harvard

University Press, XX, 1975, note 67, p. 272, cité in Elikia M’BOKOLO, « Le « séparatisme katangais » », op.

d’organiser les élections au niveau des villes et imposa comme cadre de la compétition les communes africaines. Dès lors les Africains eurent à se battre entre eux et non contre la colonisation. Fait significatif, les partis politiques restaient interdits : les diverses associations ethniques se trouvèrent ainsi investies d’un rôle nouveau, directement politique. »240

Trente-huit des cinquante-six sièges, que comptaient les quatre communes d’Elisabethville, furent remportés par des Kasaïens, les Katangais n’obtenant eux que treize sièges. Erik Kennes souligne le fait que si elles ont été reconstruites, au moment des violences contre les Kasaïens au début des années 1990, « comme la manifestation politique de la domination

sociale des Kasaïens », les élections communales de 1957 « n’avaient pas du tout un

caractère ethnique ; les candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix dans un électorat fort limité furent considérés comme « proches des blancs » dans une procédure considérée comme étant « une affaire des blancs ». »241 Kennes ajoute : « Les conflits n’ont

commencé qu’avec la désignation des bourgmestres qui furent, on l’a répété des centaines de fois, non-originaires de la province. »242Trois des bourgmestres étaient, en effet, originaires du Kasaï (deux Baluba du Kasaï et un Songe) et le quatrième était originaire du Kivu.

Dans un tel contexte, les frustrations des populations autochtones du Haut-Katanga, qui avaient le sentiment que les avantages sociaux liés à la politique de stabilisation avaient bénéficié surtout aux Kasaïens « étrangers », se renforcèrent. Ainsi, comme le souligne Bakajika Banjikila :

« la position sociale s’est vite identifiée à l’ethnie, les Kasaïens étant considérés comme les privilégiés de la période coloniale et les nantis, donc exploiteurs, et les Katangais comme appartenant au camp des exploités. »243

C’est, en effet, dans ce contexte que s’est construit le stéréotype des Kasaïens envahisseurs et complices avec les colons de l’exploitation des richesses minières du Haut-Katanga et de la marginalisation socio-économique des populations autochtones. Après la désignation des bourgmestres kasaïens, un autre stéréotype est apparu : celui des Kasaïens tribalistes. Les originaires du Haut-Katanga accusèrent les bourgmestres kasaïens de favoriser « leurs

240 Elikia M’BOKOLO, « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 215.

241 Erik KENNES, « Commentaires sur « l’État de la question sur le conflit Katangais-Kasaïen dans la province

du Katanga (1990-1994) » », in Bogumil Jewsiewicki et Léonard N'Sanda Buleli, dir., Constructions,

négociations et dérives des identités régionales dans les États des Grands Lacs africains : approche comparative, op. cit., p. 206.

242 Ibidem.

frères », en leur accordant notamment des permis de résidence permanente dans les centres extra-coutumiers.

Du fait de la position socio-économique dominante des Kasaïens et des frustrations qu’elle engendrait, les originaires du Haut-Katanga furent sensibles aux discours en faveur des « Katangais authentiques » portés par la Confédération des associations tribales du Katanga (Conakat), une coalition regroupant plusieurs associations socio-culturelles du Haut- Katanga244.

L’exclusion des Kasaïens dans le contexte de la sécession katangaise et la cristallisation des identités katangaise et kasaïenne

La Fédération générale des Baluba-Central Kasaï (Fegebaceka), créée en 1955 pour défendre les intérêts des Baluba du Kasaï, adopta « une stratégie très affirmative et parfois

violente »245 ; elle suscita la peur d’une hégémonie kasaïenne, auprès des élites autochtones du Haut-Katanga. La Conakat a été créée le 4 octobre 1958 pour contrer la domination socio- économique des Baluba du Kasaï. Comme le montre M’Bokolo, la direction de la Conakat

« mettait un soin particulier à se définir par son enracinement dans la chefferie coutumière demeurée puissante au Sud-Katanga »246, en particulier dans les chefferies lunda et yeke. Or, ajoute M’Bokolo :

« La chefferie coutumière ne se contenta pas seulement de soutenir la Conakat, elle infléchit aussi sensiblement ses orientations. (…) L’influence des chefs coutumiers acheva de donner à la Conakat son caractère de mouvement conservateur et réactionnaire, réticent à la revendication de l’indépendance qui gagnait tout le Congo et hostile aux règles du jeu politique démocratique »247.

244 Parmi lesquelles le Groupement des associations mutuelles de l’empire lunda (Gassomel), l’Association des

Basonge du Katanga (Assobakat), la Fédération des tribus du Haut-Katanga (Fetrikat), l’Association des Bena Marunga, l’Association des ressortissants Bahemba (Allibakat), l’Association des Bahema et des Batabwa, l’Union des Bwami des Basumbwa-Bayeke, l’Association des Aminungu, et, entre le 5 février et le 10 novembre 1959, l’Association des Baluba du Katanga (Balubakat).

245 Erik KENNES, « Commentaires sur « l’État de la question sur le conflit Katangais-Kasaïen dans la province

du Katanga (1990-1994) » », op. cit., p. 206.

246 « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 218. 247 Idem, p. 218-219.

Après le remplacement à la tête de la Conakat de Godefroy Munongo par Moïse Tshombe en mai 1959248, l’Union katangaise, le parti des colons qui militait pour le maintien de leur présence au Katanga, adhéra à la Conakat. A cause de cette alliance, la Conakat fut perçue

« comme un instrument de propagande des idées fédéralistes prônées par l’Union katangaise »249. Ce, d’autant plus qu’elle avait été créée un mois seulement avant la dissolution de la Fegebaceka. Le 10 novembre 1958, la Sûreté coloniale prit, en effet, la décision de dissoudre l’association socio-culturelle des Baluba du Kasaï, qu’elle accusait de collusion avec l’Association des Bakongo (ABAKO) de Léopoldville et les « nationalistes » de Rhodésie. L’alliance entre l’Union katangaise et la Conakat s’explique par le fait que les Baluba du Kasaï étaient considérés comme les principaux obstacles à leurs ambitions respectives : la Fegebaceka, qui faisait partie du cartel lumumbiste, s’opposait au fédéralisme promu par l’Union katangaise ; la Conakat voulait mettre fin à la domination socio- économique des Baluba du Kasaï. Cette alliance se traduisit par la reprise par la Conakat du discours de l’Union katangaise. Dans son manifeste du 10 juin 1959, elle déclara ainsi que :

« le Katanga opte pour un état autonome et fédéré où les rênes de commande politique devront être entre les mains des Katangais authentiques et de tous les hommes de bonne volonté qui montrent et ont montré par leurs actes qu’ils collaborent sincèrement avec eux, pour le progrès et l’émancipation rapide du Katanga suivant les conditions qui seront bien déterminées par le futur gouvernement de l’état autonome katangais. (…) Que seuls les Katangais authentiques pourront représenter valablement le Katanga au sein de toutes les assises fédérales »250.

M’Bokolo montre l’évolution de la signification du nom « Katangais » et comment les élites des ethnies du Haut-Katanga se sont appropriées ce nom, qui avait été forgé par les colons pour s’auto-désigner :

« Les Européens les plus actifs, traditionnellement décentralisateurs, avaient popularisé au milieu des années cinquante le mot « katangais », toujours collé à un nom ou un adjectif sonore (« conscience katangaise », « patrie katangaise », « véritables Katangais », etc.) : il s’agissait alors exclusivement de « tous les Européens qui avaient décidé de choisir ce pays comme leur nouvelle patrie »251. (…) Jusque vers 1955, ils

248 Godefroy Munongo fut contraint de quitter la présidence de la Conakat par l’administration coloniale, au

motif qu’il ne pouvait cumuler une fonction d’agent territorial (commis au service des pensions) avec la présidence d’un regroupement d’associations socio-culturelles.

249 Donatien DIBWE DIA MWEMBU, « L’épuration ethnique au Katanga et l’éthique du redressement des torts

du passé », art. cit., p. 487.

250 Extrait du manifeste de la Conakat du 10 juin 1959, cité in Erik KENNES, « Commentaires sur « l’État de la

question sur le conflit Katangais-Kasaïen… », op. cit., p. 206.

251 J. CHOME, Moïse Tshombe et l’escroquerie katangaise, Bruxelles, Fondation Jos Jacquemotte, 1966, p. 71,

s’étaient contentés d’une vision raciste des relations entre Blancs et Noirs qui se référait explicitement à l’Afrique du Sud : les Noirs du Katanga leur apparaissaient comme une masse indifférenciée de sauvages et ils répétaient que « seuls les Européens avaient pu et pourraient mettre au jour et à la disposition de l’humanité les richesses matérielles » de la province. Après 1955, c’est une vision de classe qui commença à s’imposer : par « Katangais », ils entendirent alors « tous les Européens installés à demeure… tous les Congolais originaires du Katanga et tous les Africains des autres provinces ayant définitivement fait corps avec la population katangaise »252. La stratégie dans cette nouvelle vision consistait à organiser une bourgeoisie noire qui serait naturellement solidaire des Européens : « Il n’y aura plus de différence de races mais, comme dans tous les pays du monde, il y aura seulement des différences de classes, celles-ci demeurant ouvertes à tous »253. La Conakat n’exprima sa ligne politique qu’à partir de février 1959. Le mot de Katangais prit un sens restrictif. La Conakat ne reconnaissait que les « Katangais authentiques » : il s’agissait des « Katangais d’origine » à l’exclusion des « étrangers », recrutés par l’administration et les firmes coloniales. La Conakat se définissait comme « un mouvement de réaction » contre ces étrangers : elle s’inquiétait de « leur nombre toujours croissant », les accusait de vouloir « écraser les ressortissants du pays » et s’opposait à leur « séjour définitif » ; ces propos visaient nommément les originaires du Kasaï. »254

La crainte d’une hégémonie kasaïenne et, son corollaire, la volonté d’exclure les Kasaïens de la gestion politique et administrative du Katanga, n’étaient pas partagées par tous les Katangais. Le 10 novembre 1959, l’Association des Baluba du Nord-Katanga (Balubakat), créée à partir du regroupement de plusieurs associations socio-culturelles de Baluba du Nord- Katanga, quitta la Conakat, à laquelle elle avait adhéré en février 1959. La Balubakat manifestait ainsi son refus face à l’alliance entre la Conakat et l’Union katangaise, d’une part, et aux discours autonomistes et anti-kasaïens des leaders de la Conakat, d’autre part. Sa définition des Katangais, énoncée dans son programme de novembre 1959, se distinguait de celle de la Conakat, en ce qu’elle incluait « tous ceux qui sont nés au Katanga ou qui y ont élu

domicile, sans aucune distinction d’appartenance ethnique ou de conviction philosophique ou religieuse »255. La Balubakat reconnaissait donc aux Kasaïens la qualité de Katangais. Cette conception de l’identité katangaise s’expliquait probablement par la proximité, d’une part, des circonstances de l’installation des Baluba du Nord-Katanga dans les centres miniers du Haut-

252 Moïse Tshombe et l’escroquerie katangaise, op. cit., p. 90, cité in « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p.

219.

253 Note du colonat au ministre des Colonies, 3 mars 1955, citée in « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p.

219.

254 « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 218-219.

255 Programme de la Balubakat, novembre 1959, cité in Erik KENNES, « Commentaires sur « l’État de la

Katanga et, d’autre part, de leurs conditions socio-économiques à la veille de l’indépendance du Congo, avec celles des Kasaïens256.

En janvier 1960, la Balubakat fonda le Cartel katangais avec deux autres associations socio- culturelles ; l’Association des Tshokwe du Congo, de l’Angola et de la Rhodésie (Atcar), créée à la fin de l’année 1956 pour promouvoir les intérêts des Tshokwe, une ethnie du Haut- Katanga dont les membres se sentaient marginalisés par les Lunda, qui étaient majoritaires au sein de la Conakat ; et la Fédération des associations tribales du Kasaï (Fedeka), organisation créée le 1er décembre 1958, en remplacement de la Fegebaceka, et qui regroupait des associations socio-culturelles de Kasaïens (Baluba, Luluwa, Basonge…). En avril 1960, le parti de l’Unité Basonge et l’Association des Bena Kanyoka adhérèrent au Cartel katangais. La base sociale du Cartel katangais était composée d’ouvriers originaires du Kasaï, de jeunes urbains et, dans une moindre mesure, de paysans du Nord-Katanga et des chefferies tshokwe. Comme le souligne M’Bokolo, les organisations constituant le Cartel katangais

« partageaient l’idéologie nationaliste, anticolonialiste et unitaire incarnée par Lumumba. Dans le contexte katangais, ils ne rejetaient pas seulement le séparatisme et le fédéralisme ; ils furent les premiers à s’inquiéter des tendances racistes des Européens du Katanga »257, craignant la mise en place d’une politique d’apartheid, sur le modèle de celle en vigueur en Afrique du Sud.

La Conakat remporta les élections communales de décembre 1959 et les élections législatives et provinciales de mai 1960258. Les six premiers mois de l’année 1960 furent marqués par des violences entre les membres des deux coalitions politiques. Ainsi, le 31 janvier 1960, à Jadotville, une émeute éclata suite à l’élection d’un bourgmestre kasaïen dans la commune de Kikula. Le 13 mars 1960, la visite de Patrice Lumumba à Elisabethville suscita des violences à Elisabethville, Jadotville et Kolwezi. Après deux tentatives manquées (les 14 et 28 juin 1960), le gouvernement provincial du Katanga, dominé par la Conakat259 et avec le soutien (notamment financier) de l’UMHK, proclama la sécession du Katanga, le 11 juillet 1960 – soit onze jours après l’indépendance de la République démocratique du Congo et la

256 Cette hypothèse a notamment été formulée par Bakajika Banjikila. Cf., par exemple, Epuration ethnique en

Afrique…, op. cit., en particulier p. 91 et 97.

257 « Le « séparatisme katangais » », op. cit., p. 217.

258 La victoire de la Conakat, lors des élections législatives et provinciales de mai 1960, est relative, puisqu’elle