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Chapitre 3 Coexister après les violences : pratiques de l’évitement et du non-dit

4. Dire autrement les violences

Si le silence et les non-dits sur les violences contre les Kasaïens sont la norme dans les interactions entre Katangais et Kasaïens, il existe en réalité un continuum de pratiques, qui vont de la mise de côté délibérée des violences passées dans la situation d’interaction (cf. supra) aux références explicites à ces violences, en passant par des manières de les dire indirectement. Pour expliquer ces écarts avec la norme, les enquêtés ont recours à deux représentations collectives : d’une part, le caractère anormal du comportement des individus qui se réfèrent ouvertement aux violences ; et d’autre part, la modernité comme mode de dépassement de l’antagonisme entre Katangais et Kasaïens.

Les références explicites aux violences : des « provocations » ou des « menaces »

Il arrive que des Kasaïens ou des Katangais évoquent ouvertement les violences du début des années 1990 soit au cours d’une conversation avec un ou plusieurs membres de l’autre communauté soit à proximité de membres de l’autre communauté et de manière à être entendus par eux. Ces références explicites aux violences ont tendance à être interprétées comme des provocations, lorsqu’elles sont le fait de Kasaïens. Par exemple, le Katangais, qui a rapporté l’anecdote suivante concernant un jeune Kasaïen qui, dans le contexte des élections présidentielle et législatives de novembre 2011611, s’est référé ouvertement aux violences dans un bus, a interprété le comportement du jeune Kasaïen comme une provocation :

« J’ai vu un jour dans un taxi-bus ici : (…) il y avait des étudiants, tout ça, en train de discuter. Alors l’un d’eux, ce monsieur-là, lui il est venu, il disait en swahili, il disait que – je répète… D’abord, il a dit : “Bale bariendanka nibo, tsheye abesi kutu fukisha” [littéralement : “Ceux qui étaient partis, c’est eux, nous on ne peut pas nous chasser”]. Il a dit que “Ceux qui sont partis là [c’est-à-dire les Kasaïens qui avaient fui Kolwezi au moment des violences], c’étaient… eux, c’étaient des peureux. Nous, non.”. Alors quand il a fait cette annonce, quand il a seulement parlé comme ça, les gens se sont énervés dans le transport, jusqu’à tel point que le chauffeur bon, il s’est énervé… Il a même arrêté le véhicule pour faire descendre le monsieur. (…) Il y a des échauffements pareils, quand il y a provocation. »612

Les références aux violences, faites par des Katangais, sont souvent perçues comme des menaces. Joseph, un Muluba du Kasaï, chef de service dans une entreprise de génie civil, a,

611 Sur les référencesdirectesaux violences dans le contexte des élections de novembre 2011, voir chapitre 5, p.

246-251.

par exemple, raconté que lors d’un chantier, alors qu’il était en conflit ouvert avec son adjoint katangais, il se sentait menacé par les agressions verbales des ouvriers katangais qui renvoyaient explicitement aux violences :

« Maintenant nous sommes partis à Fungurume. J’étais seul Kasaïen devant tout le monde (…). Et les autres travailleurs disaient que “Voilà, il a oublié ce qui s’est passé. Il oublie que c’est notre… c’est notre province. Il vient encore jouer ici. Attends, il va voir.” (petit rire gêné) Moi, je gardais le sang froid, je gardais le sang froid. On était dans le même hôtel. Je me suis dit : “Non, je déménage, je pars ailleurs.” Parce qu’un jour, tu peux… tu es en… tu dors dans ta chambre, on vient, on t’enlève, on te coupe la tête. Non, non, je me suis dit “Non, comme ça je déménage”. J’ai déménagé. »613

Les références directes aux violences peuvent mettre en danger ce que Goffman appelle la face des participants à l’interaction et, se faisant, la situation d’interaction elle-même. Pour « sauver la face », les participants disposent d’un « répertoire figuratif » ou « répertoire de pratiques figuratives ». Goffman définit la « figuration (face-work) » comme :

« tout ce qu’entreprend une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne (y compris elle-même). La figuration sert à parer aux « incidents », c’est-à- dire aux évènements dont les implications symboliques sont effectivement un danger pour la face. (…) Tous ces moyens de sauver la face, que la personne qui les emploie en connaisse ou non le résultat réel, deviennent souvent des pratiques habituelles et normalisées : elles ressemblent aux coups traditionnels d’un jeu ou aux pas codifiés d’une danse. »614

Les pratiques figuratives mises en œuvre dans les interactions entre Katangais et Kasaïens sont, elles aussi, fondées sur l’évitement et le silence, du moins dans les situations de non- respect de la norme interactionnelle fondée sur le silence sur les violences passées, qui m’ont été rapportées ou que j’ai pu observer. Ainsi, Joseph, qui se sentait menacé lorsque ses collègues katangais se référaient ouvertement aux violences en sa présence, a tendance, dans ce type de situations, à faire comme si l’ « incident » n’avait pas eu lieu. Ce Kasaïen vivait à Kolwezi au début des années 1990. Il se trouvait en déplacement à Likasi, où il travaillait sur un chantier, lors du déclenchement des violences durant l’été 1992. Il est alors rentré à Kolwezi, auprès de sa famille, et y a passé un mois ; puis il a obtenu une mutation à Kakona dans la province du Kasaï oriental. Sa famille est restée à Kolwezi pendant quatre mois avant de le rejoindre. Ils se sont alors installés à Mbuji-Mayi, le chef-lieu du Kasaï oriental. Ils sont rentrés au Katanga en 2001, à la suite d’une nouvelle mutation, cette fois-ci

613 Entretien avec Joseph, Likasi, 23 février 2009. 614 Les rites d’interaction, op. cit., p. 15-16.

au siège de l’entreprise à Likasi. Au cours d’un premier entretien, en février 2009, ce Kasaïen m’expliqua que lorsqu’il a commencé à travailler à Likasi en 2001, ses collègues katangais employaient en sa présence le terme kilulu, qui est le singulier du nom swahili bilulu signifiant « insectes », terme que les Katangais avaient utilisé, pendant les violences, pour désigner les Kasaïens, et qu’il avait choisi de ne pas réagir :

« - Maintenant quand je suis rentré ici… c’est-à-dire je travaillais à Mbuji-Mayi. Et puis [le directeur de l’entreprise], il avait besoin d’un [il cite sa fonction] ici, pour faire venir ici, comme chef de service ici, à Likasi. (…) Quand je suis venu ici avec ma famille, il y avait toujours des injures, des injures.

- Toujours ? - “Oh, kilulu.”

- Dix ans après, encore ?

- Après… Après ça… Après… “Kilulu. Qu’est-ce qu’il est venu faire ici ? (petit silence) Qu’est-ce qu’il est venu faire ici ?” Bon. Moi, j’étais vraiment calme là, je gardais le sang-froid. »615

Lors d’un second entretien, en janvier 2012, Joseph est revenu sur son installation à Likasi en 2001. Dans l’extrait d’entretien suivant, la pratique consistant à faire comme si ses collègues katangais ne se référaient pas aux violences en sa présence s’exprime à travers l’usage de l’expression « On ferme les oreilles » :

« - Et vous êtes revenu après à Likasi dans les années 2000, je crois.

- Ah, je suis rentré à Likasi dans les années… quand il y a eu les évènements de l’Amérique là.

- D’accord. Oui, au moment des attentats.

- Les attentats, je suis arrivé ici presque dans… la même date… la même date. Je suis arrivé ici. Quand je suis arrivé ici, je restais ici, à côté [de l’entreprise]. Ici, à côté. Quand je passais ici, même le soir : “Qu’est-ce qu’il vient faire ici ? Il rentre encore ici !” Bon, on ferme les oreilles.

- Les gens de [l’entreprise] qui disaient ça ?

- Ouais, ouais. On ferme les oreilles. (soupir) Je supportais hein. - Vous supportiez…

- Je supportais. Je supportais beaucoup de choses. »616

Cette expression a été employée dans un sens proche par un autre Kasaïen, pour décrire le même type de pratique utilisée en réaction à la tendance qu’ont certains Katangais de considérer les Kasaïens comme étant responsables de tous les problèmes (vols, épidémies…) survenant à Likasi :

615 Entretien avec Joseph, Likasi, 23 février 2009. 616 Entretien avec Joseph, Likasi, 9 janvier 2012.

« On nous accuse de tout. Enfin, nous fermons les oreilles, sinon nous arriverions à un scandale. Nous fermons les oreilles. Ils insultent et ils disent du mal de nous. Bon… »617

Une autre pratique figurative observable en cas de références aux violences consiste à prétendre ne pas en être la cible. Cela semble, par exemple, avoir été le cas des ouvriers katangais dans l’anecdote suivante, qui m’a été rapportée par le même Kasaïen :

« Un jour à côté de [l’entreprise], ici, à midi, pendant la pause, il y a de cela six-huit mois comme ça, si j’ai bonne mémoire, un groupe de jeunes Kasaïens, donc quatre au moins avec une femme, ils avaient déjà bu, ils avaient leur voiture (…), ils sont descendus, ils cherchaient à boire quelque part. Ils parlaient tshiluba là, le tshiluba, ils insultaient. Ils disaient : “Oh, ne vous en faites pas. En 92, on était partis bredouilles, mais maintenant nous avons des voitures, nous avons des camions, nous avons... Si eux, ils veulent, ils peuvent commencer même maintenant, nous allons prendre nos biens, nos bus là et nous allons partir. Nous avons l’argent.” Ils disaient ça à côté de [l’entreprise]. Ces gens-là [c’est-à-dire des ouvriers katangais] les regardaient comme ça, bon (rire) sans mot dire. J’ai dit : mais vous voyez ça, ce sont ces genres de problèmes qui créent des incidents. »618

Cet extrait est intéressant pour ce qu’il dit des représentations du Kasaïen qui a rapporté l’anecdote. D’une part, il exprime la représentation collective, présentée plus haut, selon laquelle le non-respect de la norme interactionnelle, qui fait des violences passées un sujet tabou dans les situations d’interaction, constitue en soi un « problème » et est susceptible de créer « des incidents » entre Katangais et Kasaïens. D’autre part, ce Kasaïen exprime l’idée que le comportement des jeunes Kasaïens ne peut s’expliquer que parce qu’ « ils avaient déjà

bu ». Au cours du même entretien, alors qu’il parlait des Kasaïens qui, dans les lieux publics, parlent en tshiluba ou abordent des sujets considérés comme indicibles en présence des membres de l’autre communauté, il a eu recours à un argument similaire – « quand ils

boivent », « Il y a des jeunes qui prennent le chanvre » – pour expliquer le comportement de ces Kasaïens :

« Il y a des Kasaïens qui insultent eux aussi. (…) Il y a des Kasaïens qui à la cité [c’est- à-dire dans la commune de Kikula] là-bas, ils insultent. Ils insultent les gens [c’est-à- dire les Katangais]. Ils disent : “Sans nous, vous ne pouvez rien”. Et qui parlent même le tshiluba là. “Sans nous, vous ne pouvez rien faire. C’est au Kasaï où vous pouvez trouver des grands directeurs, des gens qui ont étudié, tout ça.” Il y en a qui tiennent ce langage là-bas. Ils parlent le tshiluba là et quand ils boivent, ils sont… ils parlent librement (petit rire). C’est comme ça. (…) Il y a des jeunes qui ne veulent pas se faire marcher sur les pieds. On l’attaque, il réagit tout de suite. Il dit : “Mais Monsieur, pas

617 Entretien avec un Kasaïen, Musonge, ouvrier qualifié, Likasi, 6 mars 2009. 618 Idem.

jusque-là.” Il y a des jeunes qui prennent le chanvre et tout ça. Eux non. Parler tshiluba dans les arrêts [de bus] là-bas, ils parlent, ils sont libres. C’est pas tout le monde qui vit caché, il y en a qui sont… qui vivent à découvert, ils insultent même. »619

Deux autres interviewés ont exprimé cette idée que seules des personnes ivres – donc désinhibées – peuvent se référer ouvertement aux violences passées ou aborder d’autres sujets considérés comme tabous en présence de membres de l’autre communauté. Un Katangais, à qui je demandais si il existait toujours des tensions entre Katangais et Kasaïens, a répondu :

« Bon, actuellement pas tellement. Mais de temps à autres, les gens quand ils ont bu, une petite phrase comme ça qui peut attrister quelqu’un, ça ne manque pas. »620L’administrateur d’un des marchés de Likasi a exprimé la même idée :

« - Jusqu’au moment où nous parlons, la cohabitation vraiment existe très très harmonieusement, il n’y a pas de problème. (…) il n’y a pas de discrimination raciale ou quoi. Non. Nous sommes très très calmes.

- Y compris pendant la période électorale [de novembre 2011] ?

- Oui, même dans la période électorale. Vous savez qu’il y a ceux-là qui boivent. Quelqu’un peut boire et venir au marché, il dit n’importe comment, on va le regarder. Nous, qui sommes des responsables, nous sommes là pour calmer la température. S’il est ivre, on le fait partir : “Tu vas te reposer à la maison.”. Et ça passe comme ça. Sinon il n’y avait pas des anomalies. »621

La représentation collective, qui est affirmée dans ces quatre extraits, est celle du caractère anormal du comportement des individus qui n’ont pas recours au silence et à l’évitement dans leurs interactions avec des membres de l’autre communauté.

Une conception de la modernité comme dépassement de l’antagonisme entre Katangais et Kasaïens

Les enquêtés ont fréquemment exprimé une autre représentation collective : celle de la modernité comme mode de dépassement de l’antagonisme entre Katangais et Kasaïens. Cette représentation collective se traduit dans les entretiens et les conversations informelles par une opposition entre « milieux reculés » et « milieux évolués ». Par exemple :

619 Idem.

620 Entretien avec un Katangais, journaliste, Likasi, 27 février 2009.

« Ca dépend aussi… des milieux. Par exemple, je vais vous parler : il y a des milieux qui sont un peu reculés, hein. Là on les appelle, par exemple, les Kanona, Nkolomoni622. Bon, vous voyez, par-là, les gens en tous cas dans leur tête, ils ont encore d’abord les évènements [c’est-à-dire les violences du début des années 1990], qui continuent encore à rester dans leur tête. Mais dans des milieux quand même qui sont un peu évolués, là en tous cas, c’est déjà passé. Les milieux reculés, oui. Quand on fait… quand il y a quelque chose qui ne va pas, il dit “Non, il a fait ça parce qu’il est tel [c’est-à-dire de telle origine ethno-régionale], il a fait ça parce qu’il est tel. L’autre, il a fait ça parce qu’il est tel”. Des histoires comme ça. Vous voyez ? Alors, ce n’est pas du tout bien, dans des milieux reculés, oui. Mais là où il y a des gens quand même des… des intellectuels, des gens qui évoluent bien, non, ça ne vient plus. »623

Cette opposition entre « milieux reculés » et « milieux évolués » recouvre une double distinction. D’une part, les interviewés insistent sur le statut socio-économique des personnes vivant dans les milieux dits « reculés », qui expliquerait le fait qu’ils seraient moins aptes à dépasser l’antagonisme entre Katangais et Kasaïens. La distinction en fonction du statut socio-économique s’exprime d’abord sous la forme d’une opposition – qui apparaît dans la citation précédente – entre d’un côté, « ceux qui ont étudié » ou « qui sont instruits » ou

« éduqués » ou encore « les intellectuels » et de l’autre, « ceux qui n’ont pas étudié » ou les

« analphabètes » ou « les gens moins instruits » ou encore « des gens qui ne sont

intellectuellement pas bien assis »624. Cette première opposition en fonction du niveau d’études se double fréquemment, dans les entretiens, d’une opposition entre « la classe

aisée » et « les gens qui sont dans la misère » ou « dans la pauvreté ». Par exemple :

« La plupart de ceux [parmi les Katangais] qui disent ça [c’est-à-dire que les Kasaïens les envahissent à nouveau], ce sont les gens de bas niveau, hein, de bas niveau. Ils se complaisent à dire ça. Mais la classe… la classe évoluée, la classe professionnelle, qui est passée par l’école, par l’université, pour la plupart, par des écoles techniques, eux, ils ne parlent pas ce langage. Eux, ils ne parlent pas ce langage. Quand on parle des Katangais, c’est plus la… la basse classe, qui envenime la situation, ce n’est pas la classe aisée. Ce n’est pas cette classe-là, il faut discerner les choses. »625

622 Kanona et Nkolomoni sont deux quartiers de la commune de Kikula. 623 Entretien avec un Katangais, Rund, ouvrier, Likasi, 24 février 2009.

624 Entretien avec un Katangais, Rund, ouvrier, marié à une Kasaïenne, la trentaine, habitant dans le quartier

Zoute dans la commune de Likasi à Likasi, Likasi, 24 février 2009 ; conversation informelle avec un Kasaïen, Muluba, employé à la Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC) à Likasi, la cinquantaine, Likasi, 4 décembre 2011 ; conversation informelle avec une Kasaïenne, Muluba, qui cultive un champ et fait divers travaux, la trentaine, locataire d’une dépendance d’une maison dans le quartier Mission dans la commune de Likasi à Likasi, rentrée à Likasi en 1994, Likasi, 10 décembre 2011 ; entretien avec un Kasaïen, né au Kasaï occidental, homme d’affaires ayant occupé des fonctions administratives, marié à une Katangaise, la soixantaine, habitant la commune de Likasi, resté à Likasi au moment des violences, Likasi, 15 décembre 2011.

625 Entretien avec un Kasaïen, né au Kasaï occidental, homme d’affaires ayant occupé des fonctions

« 1er interviewé - C’est pour dire finalement que par rapport à ça, il y a quand même quelque part la pauvreté.

2e interviewé - La misère.

1er interviewé - La misère. Le jour que le Congolais va sortir de sa misère ici… 2e interviewé - Et il va se libérer.

1er interviewé - Il va se libérer. Et je crois que les politiciens font en sorte que la population reste longtemps croupie dans la misère. Dans la misère. Parce qu’il y a des gens qui vont par exemple aller… parce qu’ils n’ont rien à perdre en fait. Ils n’ont rien à perdre. Il n’a ni maison. Déjà pour manger, c’est pas… c’est pas évident. Pour scolariser les enfants, pire. (…) Avec toutes ces richesses qui entourent notre pays ici, on peut encore voir des gens pauvres. C’est comme si on veut mettre ces Congolais-là dans cette pauvreté afin de mieux les diviser. Parce que le jour qu’il y aura Katangais – Kasaïens, une belle vie, une bonne vie, tout le monde éduqué…

2e interviewé - Une belle voiture.

1er interviewé - … chacun sa maison, là ceci, tout cela : « Vous voulez détruire ? » « Ah non, dis ! Là, nous avons intérêt à ne pas détruire. » Mais celui qui n’a rien, celui qui n’a rien, il lui est facile de détruire. »626

D’autre part, l’opposition entre « milieux évolués » et « milieux reculés » comprend une distinction entre citadins et villageois. Dans ce sens, l’expression « milieux reculés » est d’abord utilisée pour qualifier certains quartiers, qui bien que situés en ville, sont assimilés à des « milieux ruraux » ou à des « villages » :

« Le problème, c’est quoi ? Il y a… un fort exode [de Kasaïens en provenance du Kasaï] ces derniers temps. A la cité [c’est-à-dire dans la commune de Kikula], là-bas, c’est déjà plein. C’est déjà plein. Quand un Kasaïen peut trouver une maison… Bon, pour être en sécurité, ils ne veulent pas aller dans le fond, fond, fond là-bas, là où il y a… Là c’est presque leurs milieux… ruraux, là on dirait. Pour eux, les Kanona, là-bas reculé là- bas… (…) Là-bas, là-bas, c’est comme… On dirait presque un village là-bas. Un Kasaïen ne peut pas quitter le Kasaï, donc un village, pour aller vivre dans un autre village. Quand ils partent de là-bas, ils pensent aller en ville, chercher du travail (petit rire). Voilà. Et quand ils viennent, ils cherchent des maisons à la cité, dans les quartiers. Dans le fond, là ils ont… peur parce que là-bas, cet esprit existe encore. »627

« 1er interviewé - A Kanona, Tshatshi. 2e interviewé - Tshatshi là où…

1er interviewé - Kanona, Tshatshi, là où c’est son fief [c’est-à-dire celui de Kyungu wa Kumwanza].

2e interviewé - Vraiment son fief là-bas. Vous ne savez pas quelles réactions ont les gens là-bas. Et surtout ce sont… Et c’est dangereux, parce qu’à ce moment-là, les gens