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§2 Les interventions des collectivités territoriales en faveur de la gestion des collections des musées

Section 1. Le contrôle de l’État sur les musées territoriaux : la loi relative aux musées de France

B. Le respect de contraintes scientifiques et techniques

1. Un personnel doté de compétences scientifiques propres

243. L’article 6 de la loi du 4 janvier 2002 dispose que « les activités scientifiques des musées

sont assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d’État »627 . Ces professionnels sont largement représentés par les conservateurs nationaux ou territoriaux du patrimoine, dont les modalités de recrutement et de formation (a) et les missions (b) illustrent le contrôle scientifique et technique de l’État sur les musées territoriaux.

a. Les modalités de recrutement et de formation des conservateurs des musées

244. Le terme même de « conservateur » souligne l’essence du musée. La profession de

conservateur a commencé à s’imposer face aux artistes, érudits, amateurs et collectionneurs qui incarnaient parfois la mémoire locale à la tête des musées durant l’entre-deux guerres. Sa légitimation est pleinement liée à l’affirmation et au développement des préceptes liés à la muséographie.

245. La question de la professionnalisation des musées s’est posée cependant dès la

Révolution française. Le Comité d’Instruction publique a ainsi adopté, le 15 mars 1794, une instruction sur la manière d’inventorier et de conserver tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement. Des principes de gestion des collections ont également été définis sous la IIème République et en 1874, un décret portant organisation des musées nationaux a précisé et formalisé les missions du personnel des musées de l’État628.

En 1882, Antonin Proust, ministre des Arts629 a créé l’École du Louvre, qui avait pour vocation première de former les conservateurs et autres professionnels du monde des musées. Parcours incontournable pour tout conservateur encore aujourd’hui, elle dispensait un enseignement qui permettait aux élèves diplômés de devenir conservateur de musée. Leur recrutement passait par une inscription sur une liste d’aptitude dressée par une commission de classement des

627Article 6 de la loi relative aux musées de France, codifié à l’article L. 442-8 du code du patrimoine.

628 Décret du 6 mars 1974 complété par le décret du 1er mars 1879. Voir POULARD Frédéric, Conservateurs de

musées et politiques culturelles : l’impulsion territoriale, précité p. 19.

629 Homme politique, journaliste, critique d’art et ami du peintre MANET, Antonin PROUST (1832-1905), est considéré comme le tout premier ministre de la culture en France. Sous la IIIème République, Léon GAMBETTA, président du conseil, a fait appel à lui pour la constitution de son « grand ministère » : Antonin PROUST est devenu ministre des beaux-arts du 14 novembre 1881 au 26 janvier 1882.

180 personnels scientifiques (article 5 de l’ordonnance de 1945 portant organisation provisoire des musées de beaux-arts). Les premiers concours pour le recrutement des conservateurs des musées nationaux ont été organisés en 1963, en application du nouveau statut des fonctionnaires fixé par l’ordonnance du 4 février 1959630 et des dispositions propres au statut des conservateurs631.

246. Dès son origine, l’École du Louvre avait également pour mission de former les

conservateurs des musées territoriaux. En effet, bien avant l’institutionnalisation du système de recrutement par concours, voire de la création de l’École du Louvre, le pouvoir central a cherché à contrôler le recrutement des responsables de musées territoriaux. L’argument principal en faveur de l’intervention de l’État sur les musées territoriaux était fondé sur la volonté de l’État de contrôler la bonne conservation des dépôts qu’il avait fait dans les musées tout au long du siècle632. Les conservateurs étaient alors recrutés par le préfet, sur proposition du maire. Seuls les musées de la Fondation Calvet dérogeaient à ce système : en reconnaissant à cette structure une spécificité et un caractère indépendant, le Conseil d’État avait en effet considéré que le préfet n’avait aucune compétence concernant le recrutement des conservateurs et que cette compétence revenait au maire de la ville d’Avignon633.

Ce système de recrutement a pu conduire à une forme d’instrumentalisation politique du musée, et l’État a encouragé à plusieurs reprises les préfets à satisfaire les demandes des communes en fonction de la couleur politique des élus locaux634, ou à refuser de valider les clauses liées au salaires des responsables de musées qui n’étaient pas conservateurs d’État dans le budget des communes. Par la suite, et avec la création de l’École du Louvre, les conservateurs des musées classés et contrôlés devaient être diplômés de l’École du Louvre et inscrits sur une liste d’aptitude, de la même manière que pour les conservateurs des musées nationaux.

247. Le principe de l’inscription sur une liste d’aptitude a perduré après l’institution du

principe du concours en 1963, mais il ne concernait plus que le recrutement des conservateurs

630 Ordonnance 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, JORF du 8 février 1959, p. 1747 (article 18).

631 Décret 63-973 du 17 septembre 1963 relatif au statut particulier des membres de la conservation des musées de

France, JORF du 23 septembre 1963, p. 8620.

632 Cette pratique est « officialisée » par les premiers textes relatifs aux dépôts des collections de l’État dans les musées de province qui rappellent que la conservation et la restauration des collections de l’État déposées dans les musées locaux se font par des conservateurs nommés par le ministre (voir notamment le décret du 24 juillet 1910

relatif aux dépôts d'œuvres des collections nationales, JORF du 7 octobre 1910, p. 8299).

633 Conseil d’État, 19 mai 1893, Musée Calvet, précité.

634 GEORGEL Chantal, « L’État et ses musées de province ou comment concilier la liberté d’initiative des villes et les devoirs de l’État », Le mouvement social, 160, 1992, p. 65.

181 des musées contrôlés. Les conservateurs des musées classés étaient donc, finalement, des conservateurs d’État recrutés sur concours635. Ils se retrouvaient dans une situation assez particulière : recrutés par le ministre chargé de la Culture, ils étaient considérés comme des agents relevant de la collectivité territoriale propriétaire du musée, et rémunérés par elle. Dans une décision du 16 juillet 1976, Ville de Dunkerque, le Conseil d’État a relevé cette spécificité, qui implique qu’il revenait aux communes de fixer les conditions de rémunération et d’avancement de ces agents636.

Au cours des années 1970, la Direction des musées de France a envisagé une réforme de la formation des conservateurs. Elle subissait également les pressions des professionnels de musées qui souhaitaient une révision des modalités de recrutement des conservateurs des musées classés. Celles-ci ont été transformées au moment de l’adoption de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale637. Le principe de l’inscription des conservateurs sur une liste d’aptitude a pris fin en 1986, date à laquelle a aussi été créée une institution spécialisée chargée leur formation : l’École du patrimoine. Rattachée à l’École du Louvre, cette institution avait pour mission de prendre en charge le recrutement par concours et la formation de tous les conservateurs, y compris ceux des musées contrôlés. Il a néanmoins fallu attendre 1992 pour que les conservateurs territoriaux soient dotés d’un statut propre638, en grande partie calqué sur statut du corps des conservateurs du patrimoine relevant de la fonction publique d’État639.

Aujourd’hui, la profession des agents de musées est encadrée par un ensemble de dispositions règlementaires suffisamment important pour que l’article R.442-5 du code du patrimoine ne fasse que rappeler que « présentent les qualifications requises pour exercer la responsabilité

635 Ancien article 10 de l’ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées de beaux-arts, rappelé à l’article 62 de la loi 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la

répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, JORF du 23 juillet 1983,

p. 2286.

636 C’est ce que rappelle le Conseil d’État dans une décision du 16 juillet 1976, Ville de Dunkerque (Rec., p. 409 ) : « Considérant qu’il ressort de l’article 13 de l’ordonnance 45-1546 du 13 juillet 1945, portant organisation

provisoire des musées des beaux-arts, que les conservateurs des musées appartenant aux communes, bien qu’ils soient recrutés et nommés par arrêté du ministre chargé des affaires culturelles, ont la qualité d’agents communaux ; (par suite), il n’appartient qu’au maire de déterminer le grade et l’échelon qui doit leur être attribué, eu égard, notamment, à la catégorie de l’établissement et à leur ancienneté dans la fonction ; qu’ainsi le maire de Dunkerque était compétent pour tirer les conséquences qu’entrainait, sur la situation de carrière du sieur x..., conservateur du musée de cette ville, le passage de l’établissement de la 2ème à la 1ère catégorie des musées contrôlés ».

637 Loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,

JORF du 27 janvier 1984, p. 441.

638

Décret 91-839 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d’emplois des conservateurs

territoriaux du patrimoine, JORF du 4 septembre 1991, p.11572.

639 Décret 90-404 du 16 mai 1990, portant statut particulier du corps des conservateurs du patrimoine, JORF du 17 mai 1990, p. 5904 ; décret 90-405 du 16 mai 1990 portant statut particulier des conservateurs généraux du

182 des activités scientifiques d’un musée de France dont les collections appartiennent à une personne publique : 1° Les fonctionnaires appartenant à des corps ou cadres d’emplois ayant vocation statutaire à exercer des missions de conservation ou d’autres missions scientifiques liées aux collections dans les musées publics (…) » 640.

248. Une collectivité territoriale peut recruter, pour assurer les activités scientifiques de son

musée, un conservateur du patrimoine, mais également un attaché de conservation du patrimoine641, un assistant de conservation du patrimoine642 ou un bibliothécaire643. Elle peut aussi recourir aux agents de l’État (chargés d’études documentaires, secrétaires de documentation) par la voie du détachement.

Les agents territoriaux sont recrutés dans le respect des règles générales relatives à la fonction publique territoriale, c’est-à-dire par concours avec inscription des lauréats sur une liste d’aptitude pendant trois ans. Il en est de même pour les conservateurs, qui suivent cependant toujours la formation dispensée par l’École du patrimoine. En 1990, celle-ci a été transformée en établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication644. Devenu Institut national du patrimoine en 2001, celui-ci a pour mission d’organiser le concours de conservateur du patrimoine et de former « des personnes qui se destinent aux activités de la conservation du patrimoine. (…) Il dispense d’autre part en cours de carrière, dans toutes les spécialités de la conservation, aux conservateurs et aux conservateurs généraux du patrimoine la formation prévue par les décrets 90-404 et 90-405 du 16 mai 1990 (…) »645

. L’ Institut national du patrimoine organise le concours et la formation de tous les conservateurs du patrimoine (spécialité musée bien sûr, mais aussi archives, archéologie, bibliothèque, inventaire et monuments historiques), quelle que soit la fonction publique à laquelle ils sont rattachés : la spécificité du métier de conservateur est telle que le Centre National de la Fonction Publique et la ville de Paris, qui dispose pourtant d’une fonction

640 La circulaire interministérielle du 9 juin 2004 relatives aux qualifications requises de certains personnels des

musées de France (précitée) énumère les différents corps et cadres d’emplois ayant vocation à exercer des

missions liées aux collections dans les musées publics (elle traite également des qualifications requises pour assurer la gestion de « musées de France » dont les collections appartiennent à une personne morale de droit privé).

641

Décret 91-843 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d’emplois des attachés territoriaux de

conservation du patrimoine, JORF du 4 septembre 1991, p. 11584.

642 Décret 95-33 du 10 janvier 1995 portant statut particulier du cadre d’emplois des assistants territoriaux de

conservation du patrimoine et des bibliothèques, JORF du 12 janvier 1995, p. 579.

643Décret 91-845 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d’emplois des bibliothécaires

territoriaux, JORF du 4 septembre 1991, p. 11589.

644 Décret 90-406 du 16 mai 1990 créant et organisant l’École nationale du patrimoine, JORF du 17 mai 1990, p. 5911.

645 Article 2 du décret 90-406 du 16 mai 1990 créant et organisant l’École nationale du patrimoine précité, modifié le 22 décembre 2001.

183 publique propre, passent des conventions avec cette institution646. Les conservateurs sont ainsi tous recrutés et formés de la même façon.

Les lauréats du concours, axé essentiellement sur des épreuves en histoire de l’art et en archéologie, suivent une période de formation et de stage de dix-huit mois. À l’issue de cette période, les élèves conservateurs de l’État reçoivent leur diplôme et sont nommés directement conservateurs stagiaires dans un musée appartenant à l’État ou à l’un de ses établissements publics. Les élèves issus de la filière territoriale ou de la ville de Paris sont inscrits sur une liste d’aptitude aux fonctions de conservateur territorial du patrimoine, ou de conservateur du patrimoine de la ville de Paris. Le contrôle scientifique et technique de l’État est donc large puisque, au-delà de l’obligation de recourir à des fonctionnaires appartenant à des cadres d’emplois ayant vocation à exercer des missions scientifiques, c’est une institution de l’État qui forme ces fonctionnaires. Les collectivités territoriales peuvent cependant « contourner » cette obligation en recrutant, pour la gestion de leurs collections, des attachés de conservation du patrimoine : recrutés par concours, ceux-ci ne sont cependant pas formés par l’Institut national du patrimoine.

b. Les missions des conservateurs territoriaux du patrimoine

249. Le décret du 2 décembre 1991 portant statut particulier du cadre d’emplois des

conservateurs territoriaux du patrimoine précise les modalités d’avancement des conservateurs et les obligations liées à leur profession (obligation de formation et de mobilité notamment). Les conservateurs territoriaux du patrimoine « exercent des responsabilités scientifiques et techniques visant à étudier, classer, conserver, entretenir, enrichir, mettre en valeur et faire connaître le patrimoine d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public mentionné à l’article 2 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. Ils peuvent participer à cette action par des enseignements ou des publications. Ils organisent à des fins éducatives la présentation au public des collections qui leur sont confiées et participent à l’organisation des manifestations culturelles, scientifiques et techniques, ayant pour objet de faciliter l’accès du public,

646 Article 2 du décret 90-406 du 16 mai 1990 créant et organisant l’Ecole nationale du patrimoine précité, modifié le 22 décembre 2001 : « (…) elle peut, en application d’une convention passée avec le Centre national de

la fonction publique territoriale, participer à la formation professionnelle des agents de catégorie A relevant des collectivités territoriales qui exercent leurs activités dans le domaine du patrimoine. Elle peut, en application d’une convention avec la ville de Paris, participer à la formation professionnelle des agents de catégorie A relevant de la ville de Paris qui exercent leurs activités dans le domaine du patrimoine ».

184 notamment scolaire, à la connaissance et à la découverte de l’environnement. Ils participent au développement de la recherche dans leur domaine de spécialité. Ils concourent à l’application du code du patrimoine. Ils peuvent être appelés à favoriser la création littéraire ou artistique dans leur domaine de compétence particulier. (…) Ils ont vocation à occuper les emplois de direction de ces établissements et services »647. Ces missions sont sensiblement les mêmes que celles des conservateurs du corps d’État, sachant toutefois que les conservateurs nationaux « peuvent se voir confier des missions particulières portant sur l’ensemble du territoire ou sur une zone géographique déterminée. Ces missions peuvent avoir un caractère administratif, scientifique, technique, pédagogique ou d’inspection »648. Ils sont alors au service de l’État (souvent dans les directions régionales des affaires culturelles) pour vérifier en son nom, notamment, la bonne application des dispositions de la loi relative aux musées de France.

250. Selon Monsieur Jean-Michel Tobelem, les missions des conservateurs de musées telles

qu’elles sont définies dans les dispositions statutaires regroupent diverses tâches, scientifiques et administratives649. Les tâches scientifiques, liées à la fonction patrimoniale et culturelle du musée consistent en l’élaboration du projet culturel et scientifique de l’établissement. Elles visent la réalisation de l’inventaire des collections, la définition et l’orientation de la collection, la direction du programme d’acquisitions, la recherche dans les domaines qui intéressent le musée, la conservation des collections dans un milieu correspondant aux normes muséales et la définition d’une politique de conservation préventive et de restauration des collections. Les tâches scientifiques incluent également la préparation de publications (articles, notices, ouvrages, catalogues, etc.), la transmission du savoir dans le cadre de cours ou de conférences, et l’accueil des chercheurs et des stagiaires, français et étrangers. Les tâches administratives révèlent la polyvalence croissante des conservateurs, et notamment des conservateurs territoriaux du patrimoine650. Elles impliquent les négociations avec les élus locaux ou l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale gestionnaire du musée, la direction et l’animation du personnel, l’évaluation du travail des employés et la détermination des besoins

647 Article 3 du décret 90-404 du 16 mai 1990 portant statut particulier du corps des conservateurs du patrimoine, précité.

648 Décret 90-404 du 16 mai 1990 portant statut particulier du corps des conservateurs du patrimoine, JORF du 17 mai 1990, p. 5904.

649 TOBELEM Jean-Michel, Le Musée, une « organisation culturelle de marché » ? Contribution à une doctrine

de la gestion muséale, Thèse, Sciences de gestion, Université Paris IX Dauphine, 2003, p. 199. Voir aussi VITAL

Christophe, Le livre blanc des musées de France, précité, pp. 17-18.

650 Voir notamment TOBELEM Jean-Michel, Le nouvel âge des musées, les institutions culturelles au défi de la

gestion, précité, pp. 111-112 et pp. 126-128 ; POULARD Frédéric, Les musées des collectivités, les conservateurs et la mise en œuvre des politiques culturelles, précité, pp. 289-303, et VITAL Christophe, Le livre blanc des musées de France, précité, pp. 19-20.

185 en formation nécessaires. Les conservateurs sont également soumis à des tâches administratives quotidiennes, telles que la préparation du budget et le suivi de son exécution, la mise en place d’une politique en matière de sécurité des biens et des personnes, la surveillance de l’état du bâtiment et détermination des travaux nécessaires, le suivi des chantiers de rénovation, de modernisation et de restructuration de l’établissement ou encore la validation du choix des produits vendus à la boutique.

251. D’un point de vue patrimonial et culturel, les conservateurs sont investis d’une mission

essentielle, basée sur des compétences et des connaissances qui leurs sont propres : ils sont les gardiens des collections des musées, et garants de leur intégrité. Cette responsabilité est importante, dès lors que l’on regarde ces collections comme des collections d’intérêt public, témoins de l’histoire culturelle de notre pays. L’intervention des conservateurs au sein des musées de France est indispensable et se pose également comme un gage de qualité. Bien que nombreuses, les dispositions régissant la profession de conservateur n’ont pas véritablement de portée éthique ou déontologique. Elles ne font que définir les missions des conservateurs, en rappelant éventuellement quelques impératifs liés à l’exercice de leur profession, comme par exemple, l’interdiction de procéder à des expertises, rappelée dans les statuts des corps ou cadres d’emplois des conservateurs du patrimoine 651 . Aussi ces textes législatifs et règlementaires n’ont pas véritablement de portée morale, éthique ou déontologique : « Ce système réglementaire, pour nécessaire qu’il soit, n’épuise pourtant en rien la problématique éthique comme certains de ses concepteurs ou promoteurs le croient; et c’est bien normal puisque la loi, même inspirée d’un système moral, relève d’une toute autre catégorie que l’éthique; elle édicte des règles générales mais elle est impuissante à établir ce qui est juste dans la multiplicité des choix que nécessite l’action quotidienne des acteurs de la conservation, action qui ne s’inscrit pas toujours dans des situations types et déborde souvent les données rationnelles»652. Jean François Collinet, dans son rapport sur l’éthique de la conservation et de l’enrichissement du patrimoine culturel, mentionne ainsi cette absence de code de déontologie, palliée pourtant par les déclarations internationales (comme, pour les musées, le code de déontologie du Conseil international des musées) ou les recommandations des associations de

651 Article 29 du décret 91-839 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d’emplois des

conservateurs territoriaux du patrimoine, précité : « Les membres du cadre d’emplois des conservateurs territoriaux du patrimoine ne peuvent se livrer directement ou indirectement au commerce ou à l’expertise d’oeuvres d’art et d’objets de collection. Ils peuvent néanmoins être autorisés par l’autorité territoriale à procéder à des expertises ordonnées par un tribunal ou à donner des consultations à la demande d’une autorité

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