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L’impact de la réforme des collectivités territoriales et de la fin des financements croisés sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales

§1 La participation financière des collectivités territoriales en faveur des musées

A. La coopération financière entre collectivités territoriales en matière de musée

1. L’impact de la réforme des collectivités territoriales et de la fin des financements croisés sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales

174. La coopération financière entre collectivités territoriales est largement critiquée du fait

des financements croisés qu’elle engendre, ceux-ci se plaçant comme le résultat de l’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales, mais également comme un élément moteur de cet enchevêtrement474. Aussi ont-ils également fait l’objet de multiples critiques : « Les financements croisés entre les collectivités territoriales peuvent à première vue avoir un effet de rationalisation de la dépense en soumettant l’analyse de son opportunité aux critères d’un tiers et en évitant des doublons nés de compétences respectives mal définies. Mais l’impact peut aussi être inflationniste, dans la mesure où il s’agit souvent pour l’un au moins des partenaires d’intervenir dans un champ en marge de sa compétence et d’inciter l’autre à la dépense »475.

Sans revenir tout de même sur leur intérêt, l’idée d’un régime spécifique d’encadrement des financements croisés a été soulevée plusieurs fois ces dernières années et a fait l’objet d’un consensus entre les parlementaires au moment de l’adoption de la loi du 16 décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales476.

175. On aurait pu penser que dans le cadre d’un partage exclusif des compétences entre

collectivités territoriales, la loi du 16 décembre 2010 supprimerait les financements croisés.

473 Comité pour la réforme des collectivités locales, Il est temps de décider, Rapport au Président de la République, précité, p. 29.

474

QUENTIN Didier, URVOASM Jean-Jacques, WARSMANN Jean-Luc, Rapport sur la clarification des

compétences des collectivités territoriales, précité, p. 69.

475 RICHARD Pierre, Solidarité et performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 2006, p. 79.

476

130 Mais la disparition de la clause générale de compétence n’est qu’ « apparente », car les régions et les départements pourront se saisir par délibération motivée des sujets régionaux ou départementaux pour lesquels la loi n’a donné aucune compétence spécifique à une autre personne publique. Par ailleurs, le législateur peut se réserver le droit de spécialiser l’action des collectivités territoriales, le principe de libre administration reste respecté dès lors que celles-ci disposent d’une capacité d’initiative dans les domaines ne relevant d’aucun autre niveau de collectivité territoriale477. À ce titre, la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010478 rejoint l’interprétation du Comité pour la réforme des collectivités territoriales : « Au total, le Comité a estimé qu’en l’absence de toute jurisprudence constitutionnelle tranchant clairement la question, il était raisonnable de penser que la modification voire la suppression de la clause de compétence générale était possible, à la condition que la collectivité locale concernée conserve un ensemble de compétences suffisamment important et diversifié pour ne pas être, si peu que ce soit, assimilée à un établissement public »479. Il en est de même pour les financements croisés : ils n’ont pas disparu, le législateur s’étant contenté de poser un certain nombre de conditions à leur réalisation480, dans une optique de responsabilisation des collectivités territoriales et de rationalisation de la dépense publique.

176. Depuis le 1er janvier 2012 donc, les départements peuvent toujours contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements. Avec cette disposition, le législateur a tenu compte de l’importance des départements dans le processus des financements croisés. Le rapport de Monsieur Pierre Richard sur la Solidarité et la performance souligne en effet que les départements sont « les plus forts contributeurs au profit des autres collectivités et établissements publics »481. Le législateur a adopté une position similaire pour les régions, avec toutefois une spécificité : elles pourront continuer à financer les départements, les communes et leurs groupements, ainsi que les groupements d’intérêt public, mais elles ne pourront participer qu’au « financement des opérations d’intérêt régional ».

La loi durcit également le principe même du cofinancement, car en posant le principe de l’élection d’une assemblée commune au département et à la région, elle impose une

477 DONIER Virginie, « Les clairs-obscurs de la nouvelle répartition des compétences », AJDA 2011, p. 96. 478 Conseil constitutionnel, décision 2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités

territoriales, Rec., p. 367.

479

Comité pour la réforme des collectivités locales, Il est temps de décider, précité, p. 38.

480 Article 76 de la loi 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (précitée), codifié à l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales.

481 Pierre Richard, Solidarité et performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, précité, p. 78.

131 concertation et un rapprochement des actions de ces deux collectivités territoriales. Aussi devront-ils mettre en place, conformément aux dispositions de l’article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Ce schéma vise à clarifier les interventions publiques sur le territoire de la région, et à rationaliser l’organisation financière et administrative des départements et des régions. Facultatif, il deviendra obligatoire à compter du 1er janvier 2015 et l’article L. 1611-8 du code général des collectivités territoriales dispose que « à défaut d’adoption dans la région concernée du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services prévu au I de l’article L. 1111-9, aucun projet ne peut bénéficier d’un cumul de subventions d’investissement ou de fonctionnement accordées par un département et une région, sauf s’il est décidé par une commune dont la population est inférieure à 3 500 habitants ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population est inférieure à 50 000 habitants ».

177. Par ailleurs, il est également prévu que « toute collectivité territoriale ou tout groupement

de collectivités territoriales, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet », cette participation minimale étant posée à 20% des financements apportés par des personnes publiques à ce projet. L’idée d’un plafond- plancher de participation des collectivités territoriales, maîtres d’ouvrages d’opérations d’investissement, a été posée par le rapport de Monsieur Pierre Richard en 2006. Selon lui, la multiplication de cofinancements de sources différentes sur un même projet aboutit à limiter l’implication du maître d’ouvrage. Des exceptions sont prévues notamment pour les projets d’investissement destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques : des dérogations peuvent être accordées par le représentant de l’État dans le département, au vu de l’importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés. Une dérogation à ce taux de participation est également prévue en matière de rénovation des monuments protégés. À l’origine, il n’était question d’accorder cette dérogation qu’aux travaux liés à la rénovation des monuments historiques classés, et les débats parlementaires ont conduit à étendre cette dérogation à l’ensemble des monuments soumis à un régime de protection posé par le code du patrimoine.

178. La loi de réforme des collectivités territoriales exclut de son champ d’intervention les

domaines du tourisme, de la culture et du sport de la nouvelle répartition des compétences. Par conséquent, les modalités de financement de la culture et notamment des musées sont libres ;

132 les règles de l’encadrement des financements croisés ne devraient pas, en principe, avoir à s’appliquer. Toutefois, la réforme des structures de l’administration locale s’est également accompagnée d’une réforme des finances locales et de la fiscalité locale, au détriment des départements et des régions482. Dans un tel contexte, il y a un risque que les collectivités territoriales recentrent leur action sur leurs compétences obligatoires et sur leurs propres projets prioritaires. Dans la théorie, on voit mal comment une telle position pourrait être remise en question. Elle répondrait d’ailleurs à une « obligation légale », puisque l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « les communes, les départements et les régions financent par priorité les projets relevant des domaines de compétences qui leur ont été dévolus par la loi », se place depuis longtemps comme un frein aux financements croisés. Or, la pratique des financements croisés répond aussi à une forme de solidarité territoriale : « La nécessité de recourir au cofinancement s’explique bien souvent par la disproportion entre les volumes budgétaires des projets à réaliser et les capacités financières des collectivités locales. Sans subvention de la région et du département, de nombreux projets communaux (centres aquatiques, écoles de musiques, bases de loisirs) n’auraient pas vu le jour »483. Cette affirmation se vérifie par le simple constat que les communes et leurs groupements sont les principaux bénéficiaires des financements croisés : en 2004, les subventions d’investissement aux communes et à leurs groupements avaient été estimées à 4 milliards d’euros (contre 536 millions d’euros de subventions versées)484. Le musée étant une institution majoritairement municipale, il est probable qu’un certain nombre d’institutions soient concernées par ces cofinancements. Or, il n’est pas certain que les nouvelles mesures fiscales en faveur des communes leur permettent d’assurer une plus grande maîtrise de leurs investissements.

179. Le nouveau régime des financements croisés peut donc susciter des interrogations

légitimes sur l’avenir de certains projets liées à la politique culturelle et notamment muséale des collectivités territoriales.

Cependant, on doit mentionner que « par dérogation aux dispositions du présent article, les collectivités territoriales peuvent financer toute opération figurant dans les contrats de projet État-région et toute opération dont la maîtrise d’ouvrage relève de l’État ou de ses

482

Voir infra, §446 et suivants, et notamment HUET Gaëtan, « Réforme des collectivités territoriales – Les

ressources des collectivités locales », JurisClasseur collectivités territoriales, LexisNexis, 2011, fasc. n° 1710. 483 HUET Gaëtan, « Réforme des collectivités territoriales – Les ressources des collectivités locales », précité, §17. 484 RICHARD Pierre, Solidarité et performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, précité, p. 78.

133 établissements publics »485. Le législateur a ainsi renoncé à se positionner sur les projets liant les collectivités territoriales et l’État. Dans ce cadre, les régions continuent à avoir un rôle majeur dans le cadre de développement et de l’aménagement du territoire qui peut, ponctuellement, viser les musées.

2. Le maintien de l’intervention des régions dans le cadre de leurs

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