• Aucun résultat trouvé

§2 Les interventions des collectivités territoriales en faveur de la gestion des collections des musées

Section 1. Le contrôle de l’État sur les musées territoriaux : la loi relative aux musées de France

B. Procédure d’attribution et de retrait de l’appellation « musée de France »

210. L’appellation « musée de France » est attribuée par arrêté du ministre chargé de la

Culture après avis du Haut Conseil des musées de France et consultation préalable de la Commission scientifique nationale des musées de France536.

Le Haut Conseil des musées de France, institué par le décret du 25 avril 2002 relatif à l’application de la loi musée de France537, est une institution composée d’un député, d’un sénateur, de représentants de l’État, de représentants des collectivités territoriales (celles-ci ont donc une place reconnue en termes de musées), de représentants des professionnels du monde des musées et de « personnalités qualifiées »538. Il se réunit au moins une fois par an et, outre la question de l’appellation « musée de France », statue sur les questions relatives au transfert de propriété des collections.

211. La collectivité territoriale qui souhaite obtenir l’appellation « musée de France » pour son

musée doit présenter un dossier « de l’inventaire des biens affectés aux collections du musée, et précisant l’origine de ces biens, de la décision de l’instance délibérante compétente demandant l’appellation « musée de France », d’un document d’orientation précisant les objectifs

535 Article 1er de la loi 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France (précitée), codifié à l’article L. 441-1 du code du patrimoine.

536 Article R.451-3 du code du patrimoine.

537 Décret 2002-628 du 25 avril 2002 pris pour l’application de la loi 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux

musées de France, JORF du 28 avril 2002, p. 7742, codifié dans la partie règlementaire du code du patrimoine.

538

155 scientifiques et culturels du musée ainsi que les conditions et les moyens envisagés pour leur mise en œuvre (…) »539

. Il est instruit en premier lieu par la direction régionale des affaires culturelles concernée, qui l’évalue au regard des critères posés par les articles L. 410-1 et L. 441-2 du code du patrimoine. Le musée doit donc bel et bien être constitué d’une collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et son propriétaire doit être en mesure d’ouvrir cette collection au public le plus large, de concevoir et de mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion, et de contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche et à leur diffusion.

Le dossier est, dans un deuxième temps, instruit par le Service des musées de France et examiné préalablement à l’avis du Haut Conseil des musées de France, par la Commission scientifique nationale des musées de France. Celle-ci est présidée, au sein du ministère de la Culture, par le directeur général des patrimoines. Elle comprend des membres de droit (dont le responsable du Service des musées de France, les chefs de l’inspection des patrimoines et de la création artistique, et les présidents et directeurs de certains musées nationaux) et des personnalités qualifiées, désignées dans les conditions prévues à l’article D. 451-4 du code du patrimoine. Elle a pour mission de donner un avis sur certains projets d’acquisition des musées de France, mais également, « le cas échéant, à la demande du directeur général des patrimoines, [de donner un avis] sur les collections présentées par les personnes morales propriétaires sollicitant l’appellation « musée de France » préalablement à l’avis du Haut Conseil des musées de France »540. Cet avis, qui est réputé être facultatif, a aujourd’hui une dimension obligatoire. La circulaire du 6 juillet 2004 relative aux procédures d’attribution de l’appellation «musée de France», de retrait de l’appellation et de transfert de la propriété des collections dispose en effet qu’il est « souhaitable de requérir systématiquement cet avis »541. Enfin, le Haut Conseil des musées de France prend connaissance de l’avis émis par la Commission scientifique nationale des musées de France et procède, durant la séance, à l’audition des représentants des musées qui sollicitent l’appellation. Son avis est notifié à la collectivité territoriale responsable des collections. La décision définitive d’octroi de l’appellation « musée de France » fait donc l’objet d’un arrêté du ministre chargé de la Culture (et le cas échéant du ministre concerné) publié au Journal officiel de la République française.

539 Article R. 442-1 du code du patrimoine. Voir aussi la Circulaire du ministre de la Culture et de la Communication 2004/014 du 6 juillet 2004 relative aux procédures d’attribution de l’appellation «musée de

France», de retrait de l’appellation et de transfert de la propriété des collections, BO du ministère de la Culture et

de la Communication n° 144, p. 30. 540 Article R.451-3 du code du patrimoine.

541 Circulaire du ministre de la Culture et de la Communication 2004/014 du 6 juillet 2004 relative aux procédures

d’attribution de l’appellation «musée de France», de retrait de l’appellation et de transfert de la propriété des collections, précitée.

156

212. Le code du patrimoine met en avant le caractère volontaire de l’obtention de l’appellation

(« attribuée à la demande de la ou des personnes morales propriétaires des collections »). Jusqu’en 2002, toute création de musée supposait l’avertissement de la Direction des musées de France, « au moins un mois avant la date fixée pour son ouverture »542 . Cette déclaration permettait de rendre légitime le contrôle de l’État, et le ministre chargé de la Culture pouvait se réserver la possibilité de faire fermer le musée en cas de manquement à cette disposition. Dans les faits, cette obligation était loin d’en être une, l’ouverture d’un musée local étant souvent l’issue de multiples tractations entre la collectivité territoriale gestionnaire et les services de la Direction des musées de France. La loi relative aux musées de France a cependant le mérite de se fonder sur le principe de libre administration des collectivités territoriales, et de respecter ainsi, même sur le papier, leur volonté.

213. Le principe du parallélisme des formes implique que l’appellation « musée de France »

soit également retirée par le ministre chargé de la Culture, après avis conforme du Haut Conseil des musées de France, notamment « lorsque la conservation et la présentation au public des collections cessent de revêtir un intérêt public »543.

À moins que les collections ne perdent leur intérêt public, le retrait de l’appellation peut également se faire à la demande de la collectivité territoriale responsable du musée concerné. Dans cette hypothèse, il est toutefois assorti de conditions : l’appellation ne peut être retirée que dans un délai de quatre ans après son attribution et après avis conforme du Haut Conseil des musées de France, notamment si le musée concerné a fait l’objet d’un concours financier de l’État ou d’une collectivité territoriale. De plus, certains garde-fous sont posés, comme dans le cadre de la procédure de déclassement des œuvres des collections des « musées de France ». Ne sont pas concernés par le retrait de l’appellation « musée de France » les biens « ayant fait l’objet d’un transfert de propriété en application des articles L. 451-8 à L. 451-10, ou acquis avec des fonds publics ou après exercice d’un droit de préemption (…) ou à la suite d’une souscription publique ». La collectivité territoriale responsable du musée doit donc transférer la propriété de ces biens à un autre musée de France avant d’obtenir le retrait total de l’appellation.

Par ailleurs, on doit souligner que l’article L. 442-10 du code du patrimoine prévoit la possibilité de mettre en place une convention entre l’État et les musées de France pour préciser

542 Article 7 de l’ordonnance 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-

arts, précitée.

543

157 les modalités de mise en œuvre de leurs missions544

. Cette disposition est plutôt floue545, les rapports entre l’État et les musées territoriaux intervenant de toutes façons sur d’autres terrains. Pourtant le code du patrimoine prévoit également la possibilité d’un retrait de l’appellation si cette convention n’a pas été conclue dans un délai de quatre ans après la labellisation546.

214. S’il n’y a donc pas de définition précise d’un « musée de France », les caractéristiques

essentielles de l’appellation ressortent de ces dispositions. Le fait qu’elle soit attribuée ou retirée par le ministre chargé de la Culture après avis d’une autorité en partie instituée à cet effet montre déjà la volonté de créer une sorte de label « qualité » pour les musées. Cette idée est renforcée par le fait que l’obtention de l’appellation est conditionnée par l’intérêt public de la collection et par l’existence d’objectifs scientifiques et culturels en vue de favoriser le rayonnement du musée. De même, les conditions de retrait de l’appellation montrent une volonté de responsabiliser les propriétaires des musées.

L’appellation doit donc être le reflet de la volonté d’une collectivité territoriale ou d’une personne privée de s’investir dans une démarche de qualité en ce qui concerne son musée. Lorsqu’il s’agit de la création d’un nouveau musée, par exemple, les services chargés de l’instruction du dossier de demande de labellisation vérifient la cohérence et le bien-fondé du projet, c’est-à-dire son implantation, son environnement (ainsi la création d’un « énième » musée sur la même thématique dans un même département ne sera pas encouragée), et sa viabilité, notamment en termes de capacité d’attraction et de rayonnement.

Par ailleurs, la loi protège l’appellation « musée de France » et prévoit des sanctions pénales à l’égard de toute institution qui ferait un usage frauduleux de l’appellation. L’article L. 442-5 du code du patrimoine précise que « le fait, pour le fondateur ou le dirigeant, de droit ou de fait, d’une institution ne bénéficiant pas de l’appellation « musée de France » d’utiliser ou de laisser utiliser cette appellation dans l’intérêt de l’institution est puni d’une amende de 15 000 euros. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement du délit prévu à l’alinéa précédent (…) ».

544

Article L. 442-10 du code du patrimoine : « Des conventions conclues entre l’État et les musées de France dont

les collections n’appartiennent pas à l’État ou à l’un de ses établissements publics peuvent préciser les conditions de réalisation des missions énoncées à l’article L. 441-2 et de mise en œuvre des dispositions du présent livre ».

545 La circulaire 2004/014 du ministre de la Culture et de la Communication du 6 juillet 2004 relative aux

procédures d’attribution de l’appellation «musée de France», de retrait de l’appellation et de transfert de la propriété des collections (précitée) dispose par ailleurs que « la négociation de la convention prévue à l’article L. 442-4 du code du patrimoine est purement facultative ».

546 Article L. 442-4 du code du patrimoine : « Dans le cas où la convention prévue à l’article L. 442-10 n’est pas

conclue à l’expiration d’un délai de quatre ans après l’attribution de l’appellation « musée de France », celle-ci peut être retirée dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 442-3 ».

158

215. L’appellation « musée de France » ainsi protégée ne peut cependant pas se suffire à elle-

même pour se présenter comme un gage de qualité vis-à-vis du public. Aussi se définit-elle également par les obligations qui découlent de son attribution.

§2. Les obligations qui découlent de l’appellation « musées de

France »

216. L’un des objectifs de la loi relative aux musées de France était de fixer enfin les contours

d’un contrôle technique de l’État sur les musées territoriaux et sur les musées privés. Ce contrôle existait dans les depuis 1983, voire depuis 1945, mais il restait d’application assez vague. Il est affirmé aujourd’hui par les articles L. 410-2 et L. 442-11 du code du patrimoine et ne vise plus aujourd’hui que les musées ayant obtenu l’appellation « musée de France » 547. Il se manifeste par l’existence de certains impératifs de gestion.

Le volontariat sur lequel se fonde la loi du 4 janvier 2002 pour attribuer l’appellation « musée de France » implique donc le respect, par la collectivité territoriale responsable d’un musée, de certaines obligations. Ces obligations ne se posent pas comme une révolution en matière de muséologie : ce sont des principes d’application ancienne, qui ont le mérite d’être systématisés pour obtenir ainsi un fondement législatif, tout en ménageant une certaine marge d’action pour les personnes morales propriétaires des collections.

217. Au terme de l’article L.441-2 du code du patrimoine, « Les musées de France ont pour

missions permanentes de : a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ; b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ; c) Concevoir et mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture ; d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur diffusion». De ces quatre missions fondamentales on peut avancer d’une part, que le musée a dorénavant un rôle social et que le public doit être sa préoccupation principale (A) et que d’autre part, il a une vocation scientifique à développer (B). Cette vocation scientifique est également

547

Article L. 410-2 du code du patrimoine : « Les musées des collectivités territoriales ou de leurs groupements

auxquels l’appellation « musée de France » a été attribuée sont régis par les articles L. 441-1 et suivants et soumis au contrôle scientifique et technique de l’État dans les conditions prévues par les mêmes articles ».

Article L. 442-11 du code du patrimoine : « Les musées de France sont soumis au contrôle scientifique et

159 intimement liée à la notion de public, car dans un musée il y a une part de travail visible du grand public et une part de travail souterrain, et tout ce qui concerne les aspects scientifiques du musée permet d’accroitre son rayonnement et sa crédibilité vis-à-vis du public.

Outline

Documents relatifs