• Aucun résultat trouvé

113 Un parti pris politique et artistique affrmé

* Une série de textes récents (1997) ou un peu plus anciens précisent les principes de la démarche (1b).

"Les processus d'exclusion à l'oeuvre aujourd'hui sont nécessairement producteurs de sens nouveaux, de nouveaux codes: il s'agit de les conjuguer avec le théâtre pour les enrichir et non de les valoriser en soi dans ce qu'ils ont de nécessairement réducteurs".

Comme pour la "culture légitimée", la démarche créative cherche à toucher le plus large public, mais en tenant par ailleurs compte des spécifcités des publics et de leurs références.

Une mise en oeuvre de dispositifs de création qui permettent aux paroles de personnes défavorisées de s'ériger en texte théâtral, mais également d'aller sur les lieux de vie des publics exclus des réseaux traditionnels de la diffusion théâtrale. Promouvoir aussi des espaces alternatifs "où certaines valeurs se réorganisent en intégrant les nouvelles donnes de la société actuelle, multiculturelle, avec ses propres lois et règles qui ne peuvent qu'enrichir l'ancienne imposée".

Une volonté d'instaurer des relais de proximité et des processus de transversalité entre différents espaces et publics, pour susciter le développement de projets où des trajets personnels peuvent se constituer : de l'occupationnel à l'activité, de la pluri-activité à la créativité, de la créativité au projet de vie, voire du projet de vie au projet professionnel.

"Si ces jeunes sont diffciles, c'est à contenter.

(...) Ce qui les intéresse, c'est leur goût (rap, hip hop... et/ou, parce qu'on leur sert si bien comme exutoire de leur ennui, violence, sexe...), c'est leur culture (celle qu'on renie, celle qu'on s'approprie ou qu'on cherche à construire), c'est leurs autres, les potEs ou les frères... une marge. Et quand ils rient, c'est jaune, c'est caustique, c'est sinistre, c'est ailleurs... On rit d'où on vit ! Et s'ils ont encore envie de rire, ce n'est certainement pas avec les fades divertissements bon chic bourgeois qu'on pourrait leur servir au théâtre (c'est du moins l'image restrictive qu'ils en ont ; ils disent aussi fort que n'importe qui : le théâtre c'est pour les

pédés !).

Tout ça leur donnerait plutôt envie d'hurler s'ils ne se sentent pas défnitivement découragés : c'est comme l'avenir, c'est pas pour nous ! et ils en construisent un autre.

Et même si elle s'enferme dans ces propres représentations, la marge est un des espaces vivants aujourd'hui et elle participe à bousculer les scléroses des élites culturelles repliées dans la reproduction de leur code de reconnaissance et de légitimation.

La même question est à poser à l'évidence pour l'insertion. Insérer mais insérer qui dans quoi pour quoi faire dans le contexte actuel de la faillite de l'insertion par l'économique. Ils sont peut-être heureux de trouver un petit boulot ou un nième stage, mais ne croyons pas qu'ils soient heureux de le faire : la productivité y est voisine de rien !" (Denis Lepage - 1996).

Mais aussi une série de questions concernant la place de ce travail au sein du secteur social:

"Quel sens donner à ce regain d'intérêt du travail social vis-à-vis de la culture en général et du théâtre en particulier ? Quels sens donner d'autre part à l'implication des artistes et des créateurs dans le champ de l'intervention sociale ?

Qui cherche à légitimer qui ?

Dans cette véritable (ou fausse) convergence, quelle place pour la parole de l'usager ? Au prix de quels risques - pour les usagers ? - pour la création elle-même ?

S'agit-il à travers ces expériences de "sublimer" une gestion de proximité du hors-jeu social et économique ? Ou bien de réinterroger le jeu lui-même comme instance de production et de reproduction des marges ?" (Marcel Groche, Président – 1995).

Et le théâtre, alors ?

"Au théâtre, le temps joue à être double.

Rapide parce que dans un monde de discours trop souvent inauthentiques (politique, économique, social) on ne lui pardonnerait pas de ne pas aller droit au but, on exige de lui qu'il soit sincère, effcace, pas drapé dans des déguisements superfus.

Lent parce que dans ce monde sans sens, il doit s'arrêter sur la redécouverte d'un symbole, d'un corps qui se livre, d'une image, d'une écoute, d'une question essentielle... (...)

Les personnes handicapées et les jeunes de quartiers trouvent aussi ensemble le théâtre

qu'il y a à faire, le théâtre de ces deux temps : la vitesse et l'arrêt, la question et l'écoute, la

colère et la confance, le combat et la sagesse" (Martine Panardie & Denis Lepage).

"développer la créativité en soi ne vaut rien, s'il n'y a pas corollairement l'engagement de la personne dans une démarche artistique et dans un projet artistique. Et s'il y a projet, il y a prise de position par rapport au contexte dans lequel peut se situer le projet. Il y a prise de parole, il y a message, et réfexion formelle sur le message. En ce sens et seulement en ce sens, le théâtre peut être facteur d'insertion, mais pas dans l'économique, pas même le culturel: dans la vie, l'être-là.

Cette vie, elle émerge avec les comédiens de la façon dont les langues mutent, dont les corps bougent, militent pour un sens qui devient le leur. Là est la grande leçon : le théâtre ainsi pratiqué permet au jeune, dans certaines conditions très précises et dans un contexte de formation particulier, de se l'approprier à tel point qu'il devient un projet de vie global. Faut- il dire alors que la demande annexe en matière de connaissance devient nécessaire, facile d'accès et vite résolue (...).

Le théâtre dans ce sens crée l'habitude de la mise à distance et de l'analyse qui renvoie directement aux interrogations que le jeune porte sur le corps social : il peut aboyer. Il sait à qui parler : parce que, porteur d'un projet et d'une parole, il n'est pas là pour se plaindre mais pour faire bouger les choses. Bien sûr, les caravanes continuent de passer dans les rues marchandes. Et de l'avis unanime de ces quelques rares aboyeurs, cette violence du jeu théâtral est plus marrante que la violence bête : c'est peut-être ça travailler le lien social ?" (Denis Lepage - 1996).

"Sur scène, la personne handicapée mentale est transcendée par sa fonction, son rôle, sa mise en jeu, sa représentation... Comme pour tout comédien une série de possibles se proflent à l'horizon grâce au travail théâtral, mais pour le comédien handicapé, c'est de l'ordre du "transcendant" car il peut accéder à des choses qu'il ne pourrait normalement pas atteindre tant il est en diffculté, empêché par son handicap dans le quotidien. (...)

Sur scène, il semble y avoir une explication enfn possible entre soi et soi, soi (comédien) et l'autre (spectateur), entre l'autre (le personnage ou le rôle) et soi (le spectateur qu'on devient quand on n'est plus comédien). C'est comme si cette explication n'avait pu avoir lieu ailleurs par manque de clarté du monde, à cause d'une agoraphobie ambiante.

Alors, si l'handicapé joue son identité, sa vie sur scène, parce qu'il n'a pas pu ou su la jouer ailleurs (au même degré), on peut se poser la question suivante : est-ce que l'handicapé est un comédien, est-ce qu'il joue, est-ce qu'il est acteur de théâtre ou acteur de sa vie ? (...)

Et qu'on ne vienne pas me dire qu'il faut défendre l'art avant tout et non l'éducatif quand on parle de théâtre avec les handicapés mentaux... Qu'est-ce que l'art sans la vie, sans le lien entre les êtres ? (...) Le théâtre requestionne l'éducateur dans son rôle : "Qu'est-ce qui se joue et pour qui ?". L'handicapé requestionne : "Qu'est-ce qui se joue et comment, pour qui, par qui ?" (...).

Le théâtre devient un élément de subversion au milieu de l'ordre établi, de l'institution et de la relation éducateur/éduqué. Ce que je pense, c'est que ce mode de subversion est encore trop souvent opprimé par ceux qui détiennent les vraies fcelles du pouvoir dans l'institution. C'est pour cela aussi que je travaille avec ou contre les éducateurs, c'est selon... (...).

Ce sont les jeunes et les exclus en souffrance qui vont peut-être nous montrer la marche à suivre" (Martine Panardie).

Outline

Documents relatifs