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371 Une dimension structurante du fonctionnement concret de l'entreprise

Si nous avons déjà donné dans les sections précédentes quelques indications concernant la nature et la structure de certaines charges fnancières, nous soulignerons ici quelques nouveaux points globaux.

A - On insistera à nouveau sur la très grande différence de structure générale des produits entre chacune des compagnies étudiées. La part des recettes propres dans le budget total varie ainsi de 7 (S) à 66% (N), la part des subventions publiques s'échelonnant inversement de 91 à 28% 34. Remarquons aussi que si l'on ne prend en compte que les

subventions accordées par les Collectivités Territoriales ou pour des projets particuliers d'intérêt essentiellement local, on arrive à une fourchette de 71 à 18%.

34/ Le solde des produits peut être constitué de recettes diverses, dont quelques produits fnanciers,

les quote-parts annuellement intégrées de subvention d'équipement ou d'autres produits exceptionnels.

Par ces chiffres, on retrouve une concrétisation fnancière de la question des réseaux de partenaires privilégiés et de celle des domaines stratégiques d'activité. L'importance de la part des recettes propres est en effet très directement liée dans les cas étudiés à la capacité de développer la diffusion de spectacles dans les réseaux culturels reconnus de la diffusion théâtrale (N), ce qui implique un assez fort nomadisme (parfois très loin de l'espace privilégié d'implantation de la compagnie). Inversement, la diffusion de spectacles plutôt dans des réseaux d'organisations éducatives ou sociales comme la réelle importance du domaine des actions culturelles (P) vont entraîner un besoin, une diversifcation et une dépendance renforcés aux subventions publiques, de même qu'une intensifcation fréquente du travail sur des territoires localisés 35.

B - On remarquera ensuite que les compagnies étudiées disposent chacune d'une comptabilité analytique, qui se trouve en cohérence avec la structure de leurs principaux domaines stratégiques d'activité. Les fonctions transversales font également l'objet d'un repérage analytique, même si la ventilation relative des rémunérations des permanents selon leurs tâches accomplies reste dans le meilleur des cas embryonnaire.

Souvent techniquement réalisées en sous-traitance par des entreprises comptables externes mais complétées par des évaluations qualitatives internes, ces comptabilités analytiques permettent un suivi fnancier à rythme souvent mensuel du fux des produits et des charges effectivement réalisé, et donc aussi des écarts éventuels avec les estimations prévisionnelles. Pour au moins un des cas (N), le raisonnement prévisionnel global porte sur plusieurs années , ce qui est cohérent avec la dynamique propre du domaine central des activités de création - diffusion (voir supra, section 352).

Compte tenu de la situation structurelle des compagnies, où une nécessaire fexibilité répond à une évolution constante et de forts facteurs d'indétermination de l'environnement, cette réelle attention à des outils minimaux de contrôle budgétaire est à remarquer, tant il est vrai que leur absence rend totalement aveugle toute prise de décision stratégique, tant sur le plan des conséquences fnancières d'un choix qualitatif, que sur celui des incidences à terme d'un choix fnancier sur les autres modalités de gestion.

Plus globalement, on peut constater combien les compagnies ne disposent que d'un très faible réseau d'expertise critique au double niveau, d'une part, du conseil stratégique sur l'ensemble du projet et de sa réalisation et, d'autre part, de la cohérence et la pertinence de la politique fnancière associée. Nous avons déjà signalé la fréquente faible consistance des Conseils d'Administration sur ces questions (voir supra, section 322). On peut tout autant remarquer que les entreprises sous-traitantes de comptabilité, et de façon plus inquiétante les différents commissaires aux comptes offciels s'il y a lieu, ne semblent souvent jouer aucun rôle de véritable expertise ou conseil.

Et pourtant, face à la réelle complexité d'imbrication des différents modalités de gestion, les directeurs artistiques ou administratifs des compagnies sont très largement conscients de l'urgente nécessité qu'il y aurait à disposer de partenaires-conseils pour les aider à mieux élaborer leurs propres décisions. Concrètement et dans les meilleurs des cas, appel occasionnel est fait ou souhaité à un ensemble informel de personnes-ressources dont chacune dispose d'une information plus poussée et d'une capacité de lecture critique sur un domaine particulier. A charge fnalement pour les directeurs employés de l'entreprise de faire eux-mêmes la problématisation et la synthèse de ces différents apports plus spécialisés.

C - Au-delà de la question de la structure et de l'équilibrage généraux du budget, les compagnies sont aussi confrontées à différents problèmes de gestion fnancière. Une des caractéristiques essentielles à souligner ici est la très faible capacité de ces entreprises à

35/ On sait cependant que le raisonnement recettes propres / subventions ne peut être maintenu en

l'état au plan macro-économique, dans la mesure où les organismes culturels qui achètent les prestations des compagnies théâtrales sont eux-mêmes très fortement subventionnés. Reste qu'au niveau micro-économique, négocier un contrat au proft des publics directs d'un organisme culturel n'est pas de même ordre que d'obtenir une subvention face justement à l'insolvabilité de ces publics ou des organismes acheteurs.

disposer de fonds propres signifcatifs. Capital initial inexistant pour les associations ou minimal pour les structures de type SARL ; récupération systématique toujours possible de tout excédent d'exploitation par les subventionneurs publics à concurrence de leurs apports respectifs ; faible capacité structurelle des entreprises théâtrales, de toute façon, à dégager des excédents de gestion : différents éléments se conjuguent pour que les compagnies ne disposent pas en propre de moyens fnanciers suffsants pour leur autofnancement.

Cette situation débouche sur la conséquence que les compagnies doivent systématiquement faire appel à l'emprunt bancaire, que ce soit pour assurer leur trésorerie courante ou pour réaliser les investissements matériels dont elles ont besoin.

Outre que cela génère une négociation - dépendance à un nouveau partenaire qui n'est pas forcément ni au fait des réalités des compagnies et du secteur théâtral, ni très ouvert pour prendre des risques dans ce domaine, les cas étudiés montrent une palette de comportements qui vaudrait la peine d'être explorée plus précisément.

Comme toute entreprise, les compagnies ont ainsi à résoudre le problème du décalage assez constant entre les sorties fnancières liées au paiement de leurs charges et la couverture de ce fux sortant par les produits entrants. Les décalages récurrents de paiement d e s subventions publiques (sans même évoquer la question budgétaire de l'éventuelle diminution en cours d'année entre les montants annoncés et les montants fnalement exécutés) rendent encore plus critique et quasiment permanent ce problème de trésorerie courante.

Sur ce plan, les administrateurs des compagnies mettent en oeuvre un certain nombre de comportements, comme celui de jongler entre les dates d'effet des produits entrants et l'émission échelonnée correspondante de titres de paiement pour solder des charges. L'accord obtenu auprès du banquier partenaire d'un montant de découvert utilisable, temporairement mais à tout moment de l'année, fait également partie des réalités habituelles, surtout dans la mesure où la compagnie a su montrer sur plusieurs saisons une réelle maîtrise de son fonctionnement fnancier. En tout cas, une des satisfactions évidentes des administrateurs de compagnie est de pouvoir se prévaloir d'une baisse voire d'une inexistence d'agios bancaires au sujet de la trésorerie courante, même si on peut penser sur ce point comme sur d'autres que la véritable créativité fonctionnelle de ces administrateurs pourrait être mieux valorisée, à l'interne de l'organisation comme de la part des commanditaires publics.

Les plus "chanceux" des administrateurs d'association peuvent également tabler sur l'existence de fonds propres minimaux résultant d'excédents antérieurs que les subventionneurs publics ont toléré de ne pas récupérer. Dans un des cas étudiés, ces fonds propres affectés aux besoins de fnancement courants se montent à un peu plus de 10% du budget. A partir du moment où ces fonds sont bien exclusivement utilisés pour le fonctionnement propre de l'organisation concernée, on pourrait rêver qu'un tel montant puisse être un minimum systématiquement et offciellement accepté par les Collectivités Publiques, ce qui n'est pas encore le cas.

Localement, on peut aussi remarquer que certaines possibilités restent parfois non exploitées, comme par exemple la non demande de remboursement de crédits de TVA qui pourtant ne sont pas négligeables dans certains cas et apparaissent comme de véritables montants de trésorerie "dormante".

Mais à l'inverse et preuve que certaines données de la gestion fnancière ne sont pas encore toujours intégrées, on a pu observer que de réelles quoique temporaires disponibilités de trésorerie ont pu être utilisées pour réaliser des investissements, alors même qu'elles ne correspondaient pas à la constitution en fn d'année d'un excédent d'exploitation et donc à la possibilité de véritablement disposer de fonds propres.

Dans tous les autres cas, les investissements matériels sont classiquement réalisés d'abord par recours à des emprunts bancaires à long terme, dont la durée et les montants de rembourse-ment sont cohérents avec les dotations aux amortissements prévues dans les charges de l'entre-prise sur plusieurs années. Mais indice complémentaire de la fragilité fnancière des compagnies et de leur prudence induite, les investissements sur emprunts bancaires sont assez systématique-ment choisis de façon à ne pas représenter une charge

annuelle trop lourde. Les très gros investissements donnent généralement lieu, quant à eux, à de nouvelles négociations avec les Collectivités Publiques afn de disposer d'une subvention d'équipement, même si ce mécanisme renforce encore la dépendance des compagnies à ces commanditaires 36.

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