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52 Une organisation d'entreprise usuelle pour une gestion nettement bipolarisée

A - A première vue, l'organisation interne de Nada relève d'une dynamique usuelle pour une compagnie théâtrale professionnelle.

Association type loi de 1901 au fonctionnement institutionnel "minimal", qui assimile la compagnie à une véritable entreprise associative, d'autant qu'elle dispose ici d'un "capital collectif" de par le montant non négligeable de ses fonds propres.

La décision stratégique est alors largement reportée sur un noyau très restreint d'employés de l'association, sur lequel repose le fonctionnement permanent concret de l'entreprise, et dans lequel les Directeurs artistiques jouent un rôle déterminant même s'il n'est pas exclusif (notons pourtant que c'est le Président qui détient la Licence d'entrepreneur de spectacles, ce qui lui donne une responsabilité légale renforcée).

U n second cercle d'employés, lui aussi restreint, vient épauler de manière plus épisodique le premier noyau stratégique. Ce cercle de professionnels "fdèles" participe de manière décisive à la nature et la qualité du projet général de l'entreprise comme des activités qu'elles peut proposer aux tiers extérieurs.

De façon plus intermittente et périphérique, un troisième ensemble de personnels met ponctuellement ses compétences spécifques au service de telle ou telle action de l'association.

Nada fournit un nouvel exemple des caractéristiques de l'entreprise fexible qui a largement cours aujourd'hui dans ce secteur artistique : très forte centralité de la décision entrepreneuriale, niveaux hiérarchiques peu nombreux, gestion en équipe, structure fxe assez réduite, appel constant à différentes formes de sous-traitance, etc.

La question générale, largement débattue dans nos sociétés, de l'entreprise fexible dans le contexte de nos sociétés informationnelles et capitalistes trouve ainsi, de fait, une déclinaison exemplaire dans le champ du théâtre professionnel de notre pays. Notons que ce mode d'organisation apparaît adapté au fonctionnement réel des compagnies théâtrales, alors même qu'il est souvent explicitement et idéologiquement critiqué par certains quand il est resitué dans le fonctionnement socio-économique général de nos sociétés "post- industrielles".

Pour le moins, le cas étudié illustre des questions qui se posent à toute entreprise fexible, comme celle de la diversité des statuts des employés (dont la plus ou moins grande assurance quant au volume et la pérennité des emplois), ou encore celle du réel différentiel des rémunérations versées. Dit autrement, la question de la gestion sociale des personnels est une des logiques majeures que toute association de ce type a intérêt à ne pas négliger ou traiter de manière par trop approximative.

Nous insistons sur ce point, tant il est fréquent que les dirigeants des compagnies théâtrales n'aient qu'une approche "empirique" de cet aspect, qui est pourtant décisif dans la qualité de ce qui peut être proposé par l'entreprise, comme pour ses chances de pérennité - adaptation quant à son futur proche ou plus lointain.

Des données complémentaires seraient nécessaires pour établir quelles sont la politique et les pratiques de Nada en ce domaine.

B - Au titre des fonctionnements également fréquents, l'organisation de Nada renvoie structurellement à une une bipolarité dynamique entre les deux Directeurs artistiques et intermittents d'une part, les Administrateurs permanents salariés d'autre part. Dans les faits, ce dipôle l'emporte probablement sur celui - institutionnellement formé dans les compagnies théâtrales professionnelles sous statut d'association - entre les administrateurs légaux (le Conseil d'Administration) et les responsables salariés de fait (dont, généralement, la Direction artistique).

Via ses Administrateurs salariés, Nada dispose en effet non seulement d'outils relativement pertinents et à jour pour élaborer, suivre et évaluer son fonctionnement contractuel et fnancier, mais encore d'un pôle de réfexion politique et d'action concrète,

déterminant pour la conception et la mise en oeuvre de modalités générales et de procédures concrètes d'organisation.

Bien plus que la simple transposition technique des visées de principe du projet artistique, les Administrateurs salariés semblent prendre toute leur place dans la conception simultanée et dialectique des objectifs politiques de l'association et des modalités de réalisation ou de gestion associées.

Sur le seul plan particulier de la gestion fnancière et budgétaire, on remarque ainsi que les outils disponibles (comptabilité analytique affnée, projections et bilans fnanciers sur plusieurs années, estimations des charges fxes directes pour chaque domaine stratégique d'activité, mode de fnancement différentiel selon chacun de ces domaines, etc.) relèvent simultanément de choix politiques sous-jacents et d'une réelle maîtrise technique de procédures de gestion conçues pour s'adapter au plus près à la réalité de fonctionnement de l'association.

La question à laquelle les données fournies ne permettent pas de répondre est de savoir comment se prennent les décisions quand l'avis des Directeurs artistiques et des Administrateurs salariés divergent et ne trouvent pas la voie d'un compromis équilibré et réglé par la discussion collective. Cette fonction de régulation politique à propos d'éventuelles divergences cruciales devrait, en toute logique, faire partie des responsabilités fondamentales du groupe des administrateurs légaux. Encore faudrait-il que ceux-ci soient suffsamment compétents, disponibles et très au fait du fonctionnement de l'entreprise et de son environnement particulier, tant la gestion politique et technique des entreprises fexibles contemporaines (même de type "petite entreprise" comme ici) relève de dynamiques particulièrement fnes et largement systémiques.

Ce n'est pas faire injure aux Administrateurs légaux et bénévoles de ce genre d'association que de constater qu'ils sont souvent déjà très occupés par leurs propres tâches professionnelles. La question générale qui se pose alors est celle de leur disponibilité objective pour la tâche de pilotage stratégique qui sous-tend la fonction offcielle d'administration d'une entreprise associative telle que Nada.

Pour le cas étudié, on ne saurait pour l'instant avancer d'hypothèses particulières sur ce plan. Sans prétendre à être exhaustifs, signalons néanmoins quelques aspects de la vie des compagnies théâtrales professionnelles où cette question d'une régulation politique d'ensemble se pose de façon récurrente : cahier des charges des différents emplois des personnels du "noyau permanent", établissement de la grille des rémunérations élémentaires selon les différents statuts d'emploi, politique de formation interne des personnels, politique d'investissement dont modes de fnancement des investissements lourds que sont les créations spectaculaires, niveau des recettes propres et des marges fnancières potentielles selon les différents domaines d'activité ou pour chaque opération complexe, affectations prioritaires des moyens humains et fnanciers pour la promotion ou la constitution du réseau de partenaires privilégiés... L'énoncé même de ces aspects renvoie à une compétence réelle et plurielle des responsables des entreprises contemporaines, et pour le moins à des capacités individuelles et collectives à pouvoir constamment se situer sur des registres doubles, politique et technique, relationnel et institutionnel, interne et contextuel, idéologique et gestionnaire, etc.

Quoi qu'il en soit, la réalité du fonctionnement des compagnies théâtrales professionnelles, telle que celle étudiée ici, indique une singularité et une complexité d'entreprise fexible en environnement fortement incertain, qui appellerait une culture contemporaine de pilotage de ce type d'organisation. Situation qui implique non seulement de réelles compétences générales et techniques, mais tout autant une capacité de créativité gestionnaire jamais en repos.

D'une certaine façon et hors de toute position de valeur sur la pertinence ou le bien- fondé des options artistiques et gestionnaires prises par Nada, le fonctionnement actuel et les projets futurs de cette compagnie permettent de mettre largement en exergue les problématiques qu'on vient de soulever.

53 - Un moment décisif pour l'avenir stratégique de l'entreprise

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