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LA DEMEURE DE CRÉANCIER DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE

C. Un empêchement non imputable à l'entrepreneur

A la lettre, la condition d'un empêchement d'exécution non imputable 487 au débiteur résulte de l'article 96 CO. Cette condition résulte toutefois de la ratio legis de l'article 91 CO, qui veut que le retard soit imputable au seul créancier.

L'empêchement d'exécution n'est pas imputable au seul créancier lors- 488 que le débiteur ne veut pas ou ne peut pas fournir sa prestation. Cette condition négative peut être exprimée sous la forme de deux conditions

. . 1 d 'b. 344 , , 345 E d' t

positives: e e 1teur veut et peut s executer . n autres ermes:

le débiteur doit être prêt à s'exécuter, et le rester.

La demeure du créancier est exclue (elle ne prend pas naissance, elle 489 prend fin) dès que l'une ou l'autre de ces deux conditions cumulatives n'est pas ou n'est plus réalisée.

343) Toutefois, voir GAUCH No 582.

344) La possibilité du débiteur de fournir sa prestation s'entend sous réserve de l'empêchement imputable au créancier; cette réserve est implicite chez les auteurs qui affirment que la demeure de créancier suppose la possibilité objective du débiteur d'exécuter la prestation; ainsi: KELLERISCHôBI p. 285, OsERISCHôNENBERGER No 17 Ad art. 91 CO. Dans le même sens, mais exprimé différemment:

l'exécution du travail n'est impossible que si cette impossibilité subsiste dans l'hypothèse où le créancier exécute son acte de collaboration (TRAUTMANN, cité par SCHNÜRIGER, p. 47).

345) Cette condition fait miroir avec l'état de fait supposé par I'art.108 ch. 1 CO. En effet:

- Le débiteur qui veut et peut prester (fardeau de la preuve: débiteur) peut bénéficier des avantages résultant pour lui des art. 91 et ss CO;

- Le débiteur qui ne peut pas ou ne veut pas prester (fardeau de la preuve: créancier) pourra se voir opposer l'art. 108 1 CO.

a. L'entrepreneur doit être prêt à s'exécuter (condition pour que le maître tombe en demeure de créancier)

490 D'une manière générale, il convient de présumer la capacité et la volonté de prester du débiteur. Ceci résulte, a contrario, de 1' article 108 ch. 1

co

346

491 1. Lorsque l'empêchement d'exécution résulte de l'inexécution d'un acte préparatoire, I' entrepreneurn' aura pas pu commencer 1' exécution de sa prestation. D'après les règles de la bonne foi (article 2 1 CC), on ne peut exiger de l'entrepreneur qu'il se rende sur le lieu d'exécution de l'ouvrage, muni de tous les moyens nécessaires à l'exécution de sa prestation347, sachant que le maître ne veut pas ou ne peut pas exécuter son incombance348

492 Le maître peut infirmer cette présomption en apportant la preuve que l'entrepreneur n'a pas la capacité et/ou la volonté de prester. Dans ce cas, lorsque son obligation est actuelle, l'entrepreneur est en principe en demeure de débiteur (article 102 I C0)349

493 2. Lorsque l'empêchement d'exécution résulte de l'inexécution d'un acte de collaboration, 1' entrepreneur doit avoir commencé l'exécution de l'ouvrage (au lieu convenu) et s'être interrompu faute d'exécution par le maître de son incombance. L'entrepreneur doit apporter la preuve d'une exécution partielle de sa prestation; en revanche, l'entrepreneur ne doit pas apporter la preuve que lexécution partielle de louvrage est exempte de défaut350

494 Pour être "prêt à exécuter", l'entrepreneur doit-il avoir payé au maître de l'ouvrage les dommages-intérêts de retard qu'il lui doit en raison de sa précédente demeure de débiteur (article 103 II CO)? Selon la doctrine la réponse est affirmative351. Toutefois cette solution paraît excessive 346) Pour bénéficier de l'avantage résultant de l'application de cette disposition, le créancier doit en effet

apporter la preuve que le débiteur ne veut pas ou ne peut pas prester. Cf. Nos 188 ss, Nos 196 ss.

347) Contra: sur les prestations de service en général: DORER p. 21, ENGEL p. 446, KELLER/SettôBI p. 286, MEYER p. 31, OsER/SettôNENBERGER No 4 Ad art. 91 CO, SCHNÜRJGER p. 56, VON TUHR/EsCHER p. 71, WEBER No IO, 131 Ad art. 91 CO (WEBER No 101, 120 Ad art. 91 CO: même résultat, mais raisonne-ment fondé sur le fait que le travail est une dette portable "?").

348) Il s'agit là d'une présomption de fait, résultant de l'information donnée par le débiteur (s11pra No 466).

349) Il faut toutefois excepter l'hypothèse suivante: lorsque le maître refuse d'exécuter une incombance (retard imputable au maître), et que l'entrepreneur refuse également d'exécuter sa prestation: dans ce cas, il convient d'admettre que le contrat prend fin par act11s contrarius des parties.

350) Ceci résulte du fait que la livraison de 1 'ouvrage ne suppose pas l'absence de défauts (supra No 28 et note 15).

351) D'une manière générale, il est enseigné que le débiteur doit être prêt à exécuter non seulement sa prestation principale, mais également ses accessoires: MEYER p. 26, 34, OsER/SCHôNENBERGER No 6 Ad art. 91 CO, voN TuHR/EscHER p. 75.

lorsque le maître de l'ouvrage, débiteur d'un prix ou de plusieurs acomptes, peut compenser sa ou ses dettes avec sa créance en dom-mages-intérêts (articles 120 ss CO).

b. L'entrepreneur doit rester prêt à s'exécuter (condition pour que la demeure de créancier du maître ne prenne pas fin)

D'une manière générale, la volonté du débiteur d'éteindre sa dette par 495 l'exécution parfaite de sa prestation doit être présumée352

Par conséquent, l'entrepreneur peut utiliser ses forces de travail ailleurs, 496 sans que le maître puisse en déduire un refus de s'exécuter, mais il doit pouvoir commencer ou reprendre l'exécution de son travail dès que le maître aura exécuté son incombance353

L'entrepreneur est, et reste prêt à s'exécuter; par conséquent, s'il ré- 497 clame au maître de l'ouvrage le paiement des acomptes qui lui sont dûs (et qui correspondent à la partie d'ouvrage exécutée), le maître ne pourra pas lui opposer l"'exceptio non adimpleti contractus" (article 82 C0)354.

II. Conséquences juridiques

Lorsque les conditions d'une demeure de créancier sont réalisées, le 498 créancier refuse "sans motif légitime" de collaborer à l'exécution de la prestation (article 91 CO). Cette expression se rattache non pas à une condition particulière, mais à l'ensemble des conditions de la demeure de créancier355

352) La présomption résultant de l'art. 108 ch. l CO, interprétée a co11trario.

353) En ce sens: DORER p. 26, WEBER No 171 Ad art. 91 CO.

354) MEYER p. 91, WEBER No 28, 161 Ad art. 91 CO.

355) Ce que confirme implicitement BUCHER, p. 321, 322, qui n'en parle même pas!

Le sens qu'il faut donner à l'expression "sans motif légitime" est controversé.

Dans le sens d'un empêchement non imputable au débiteur:

VON BüREN, p. 416: "Der G/iiubiger hat 11ach Art. 91 seine Mitwirkimg "u11gerechtfertigtenveise"

versagt w lwbe11. Das ist objektiv zu verstehe11. Der Gliiubiger wzter/iisst Amwhme immer dQ/111 ungerechtfertigt, wenn Leishmg richtig angeboten wurde ".

ENGEL, p. 446; OsERIScHôNENBERGER No 16 Ad art. 91 CO: "U11gerechtfertigt ist die Nichta1111ahme der Leistu11g oder die Nichtvomahme der Vorbereitu11gsha11dlu11ge11 we11n sie nicht elfolgt, obgleich der Schuldner das Seine getan hat ( .. .)".

Dans le sens d'un empêchement imputable au créancier (le créancier n'a pas de raison objective de refuser d'exécuter son incombance: il empêche l'exécution de la prestation pour des raisons subjectives, personnelles): KELLERISCHôBI, p. 287, VONTUHRIESCHER, p. 73, WEBER Nos 155, 158 Ad art. 91 CO.

499 Dès que, et tant que le maître de l'ouvrage est en demeure (article 91 CO), la demeure de l'entrepreneur (article l 02 CO) est exclue. La demeure de créancier, en effet, exclut la demeure de débiteur356.

500 Lorsque le maître de l'ouvrage est en demeure de créancier, l' entrepre-neur est certes en retard, mais son retard est objectivement justifié.

1. Conséquences juridiques résultant des articles 91 et ss CO