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La modification du contenu de l'obligation de l'entrepreneur

LA PROLONGATION DU DÉLAI D'EXÉCUTION

A. La modification du contenu de l'obligation de l'entrepreneur

304 Dans son contenu, l'obligation de l'entrepreneur est modifiée en ce sens qu'il doit, selon les cas, abandonner l'exécution de certains travaux pour en exécuter d'autres, exécuter des travaux supplémentaires, exécuter les tra-vaux d'une autre manière que celle qui avait été convenue (utiliser d'autres matériaux, appliquer une autre méthode).

305 Sous réserve de l'article 191 CO, l'obligation de l'entrepreneur ne peut pas être modifiée dans sa durée. Le maître ne peut pas modifier les termes de l'exécution des travaux: il n'a pas le droit de raccourcir ou de prolonger les délais d'exécution246

B. Source

a. Selon le CO

306 Contrairement à la norme SIA 118, le CO ne règle pas la question d'une modification de commande. Dans la construction, il existe un usage (dont on peut tenir compte dans le cadre d'une interprétation supplétive du contrat) selon lequel le maître a le droit formateur (unilatéral) de modifier la commande lorsque cette modification est objectivement nécessaire (première condition) et qu'elle peut être exigée de

l'entre-(d " d't' )247 E . 1 d'f' .

preneur eux1eme con 1 ion . n pratique, es mo 1 1catlons sont de règle lorsque le contrat porte sur un ouvrage d'ensemble.

307 La question de savoir si la modification est objectivement nécessaire se résout selon les critères d'objectivité et de spécificité du cas d'espèce que se fixe le juge conformément à l'art. 4 CC. Une modification peut s'avérer nécessaire aussi bien pour des motifs de fait que pour des motifs de droit (par exemple: une modification exigée par les autorités admi-nistratives).

308 La question de savoir si la modification peut être exigée de !' entrepre-neur se résout sur la base de l'article 21 CC (selon les règles de la bonne

246) DC 1987/4 p. 96: cf. un "collège de sages" réunis à Berkeley pour 1'"/nternationa/ Construction Law Conferencè', SCHUMACHER DC 1988/I p. 22.

Contra: ATF 113/198711513,JT 1989110, 16(SJ 1989p.13,DC 1989/3 p. 71No103): "L'abrégement des délais d'exécution peut aussi s'interpréter comme une véritable modification de commande du contrat, devenu inexécutable dans le délai fixé au dépatt" (pas clair).

247) Sur cette question: GAUCH Nos 538-551, GAUTSCHI No 8 Ad ait. 369 CO.

foi). En règle générale, on ne pourra pas exiger de l'entrepreneur qu'il exécute un ouvrage d'un genre totalement différent de ce qui était convenu (cf. l'article 84 norme SIA 118: "( ... )si le caractère général de l'ouvrage ne s'en trouve pas modifié.( ... )."). En outre, la modification pourra plus facilement être exigée de l'entrepreneur lorsque les parties ont convenu d'un prix unitaire (article 373 I CO) ou d'un prix de régie (article 374 CO) (cf. l'article 84 IV norme SIA 118: "Dans les contrats à prix global ou forfaitaire (art. 42 II), la commande ne peut être modifiée qu'à titre exceptionnel( ... )").

b. Selon la norme SIA 118

Le droit formateur du maître de modifier la commande, le contenu de 309 ce droit, son exercice, sont réglés par les articles 84-91 norme SIA 118248

2. Conséquences juridiques

Lorsque la modification de commande a pour effet de rallonger la durée 310 d'exécution de la construction, l'entrepreneur a droit à une prolon-gation du délai d'exécution; l'article 90 norme SIA 118 (en liaison avec l'article 96 III) exprime une conséquence juridique qui vaut éga-lement lorsque les dispositions du CO s'appliquent au contrat: "Lors-qu'une modification de commande exige l'adaptation des délais contractuels (art. 92), l'entrepreneur a droit à la fixation de nouveaux délais appropriés. ( ... )''. En d'autres termes, la modification de commande contient une offre de sursis au sens de l'article 115 CO. L'acceptation par l'entrepreneur résulte de sa volonté présumée de ne pas être en demeure (article 6 CO: acceptation tacite).

L'exigibilité de la créance du maître en livraison de la construction est 311 différée du temps nécessaire à l'entrepreneur pour exécuter les travaux de construction. Le temps supplémentaire d'exécution doit être déter-miné sur la base des articles 75 CO et 2 I CC249. Ce délai supplémen-taire ne tient pas compte d'une accélération des travaux. Lorsque l'entrepreneur doit exécuter des travaux supplémentaires en raison d'une modification de commande, il n'a pas l'obligation d'accélérer les travaux pour livrer l'ouvrage au terme convenu.

248) Sur cette question: GAUCH Nos 552-569.

249) GAUCH No 551 (applique lart. 2 CC).

312 L'obligation du maître est modifiée en ce sens qu'il doit payer un prix complémentaire lorsque la modification de commande a pour effet d'augmenter les coûts de production de l'entrepreneur. Ce prix est calculé sur la base de l'article 374 CO lorsque les dispositions du CO s'appliquent au contrat250, sur la base des articles 86 (prix unitaire) et 89 (prix global ou forfaitaire) norme SIA 118 lorsque celle-ci a été intégrée au contrat.

313 Ces conséquences juridiques s'appliquent, par analogie, lorsque l'exé-cution de l'ouvrage est rendue plus difficile en raison d'une faute contractuelle du maître del' ouvrage251. La difficultés' entend au sens large: elle concerne tant !'augmentation des coûts de production que le retard dans l'exécution de la construction.

II. L'augmentation extraordinaire du volume du travail

314 D'après l'article 373 II CO:"( ... ) si l'exécution de l'ouvrage est empê-chée ou rendue difficile à l'excès par des circonstances extraordinaires, impossibles à prévoir, ou exclues par les prévisions qu'ont admises les parties, le juge peut, en vertu de son pouvoir d'appréciation, accorder soit une augmentation du prix stipulé, soit la résiliation du contrat".

315 "Lorsque !'exécution du travail est rendue difficile à !'excès par une augmentation extraordinaire du volume du travail impossible à prévoir ou exclue par les prévisions qu'ont admises les parties, le juge peut, en vertu de son pouvoir d'appréciation, accorder soit une augmentation du prix stipulé et, le cas échéant, la prolongation du délai d'exécution, soit la résolution du contrat": tel pourrait être, interprété téléologique-ment, le texte de l'article 373 Il CO.

250) SJ 1989 p. 331, 335, 337 (an-êt du TF du 6.12.1988), A TF 113/I 987 II 513, JT 1989 1 IO, 13 (SJ 1989 p. 13, OC 1989/3 p. 71No103).

251) GAUCH ad oc 1989/3 p. 71 No 103, PEDRAZZJNJ/PRADER p. 11, TERCIER ad oc 1989/3 p. 69 No 101 (SJ 1989 p. 331, arrêt du TF du 6.12.1988).

Lorsque les dispositions du CO s'appliquent au contrat de construction, l'application de l'art. 97 1 (augmentation des coûts de production) et 1021 CO (demeure de débiteur du maître) conduisent à un même résultat.

En ce qui concerne la norme SJA 118: l'art. 23 II complète l'art. 90, en liaison avec l'art. 94 JI, applicable par analogie.

1. Conséquences juridiques et interprétation téléologique de l'article 373 Il CO

L'article 373 II CO est l'une des dispositions du Code des obliga- 316 tions252dont la ratio Legis est de limiter l'application stricte du principe

"pacta sunt servanda"; la question est entièrement dominée par les règles de la bonne foi (article 2 I CC)253

Le principe "pacta sunt servanda" résulte des règles de la bonne foi 317 (article 21 CC, en liaison avec l'article 1134 CCfr.): le contrat a un effet obligatoire, le débiteur est lié par ce qu'il a déclaré. Appliqué stricte-ment, ce principe a pour conséquence de faire supporter au débiteur tous les risques (librement) acceptés lors de la conclusion du contrat.

Les règles de la bonne foi limitent l'application du principe "pacta sunt 318 servanda". Dans certains cas, on ne peut pas exiger du débiteur qu'il supporte tous les risques acceptés lors de la conclusion du contrat. Le débiteur doit être délié de sa promesse: soit dans le sens d'un assouplis-sement de son obligation, soit dans le sens de l'extinction de son obligation. C'est la raison pour laquelle, dans certaines circonstances, l'article 373 II CO permet à l'entrepreneur de requérir du juge soit une augmentation du prix, soit la résolution du contrat.

A. L'application de l'article 373 II CO au risque résultant de l'acceptation d'un prix ferme (article 373 1 CO)

Lorsque les parties conviennent d'un prix ferme (article 373 1 CO), 319 l'entrepreneur accepte un risque lié à l'estimation des coûts de produc-tion de l'ouvrage: ceux-ci peuvent s'avérer plus élevés que ce qu'il pouvait estimer lors de la conclusion du contrat.

Une circonstance extraordinaire peut provoquer une augmentation des 320 coûts de production sans que la durée normale d'exécution del' ouvrage 252) Autres dispositions: les articles 269, 337, 418 r, 545 Il CO.

253) SJ 1989 p. 331, 334 (arrêt du TF du 6.12.1988); ATF 113/1987 Il 513, JT 1989 I 10, 13 (SJ 1989 p. 13, DC 1989/3 p. 71No103); ATF 104/1978 II 316, JT 1979 I 602, 603 (DC 1980/2 p. 31No21); RSJB 1982 p. 523 (DC 1983/4 p. 72 No 56).

Sur l'application des règles de la bonne foi: DESCHENAUX p. 548-550, EGGER p. 179, GAUCH No 714, OsERISCHÔNENBERGER No 6 ad art. 373 CO, l'EDRAZZINI p. 43, TERCIER No 2667, VON TuHRIESCHER p. 171, 172 note 81. D'autres théories ont été avancées, qui se basent sur l'article 2 Il CC (notamment:

KELLERISCHÔBI p. 255, MERZ No 189 Ad art. 2 CC, SIMONIUS p. 181, ZIMMERMANN No 286), l'article 18 CO (BUCHER p. 395, 397: une question d'interprétation du contrat sur la base de la volonté hypothétique des parties), l'article 201 CO, troisième hypothèse (STAMMLER p. 54: un contrat contraire aux moeurs).

s'en trouve modifiée; il ne s'agit pas, alors, d'un problème de retard dans l'exécution des travaux de construction.

321 Par exemple, l'entrepreneur doit excaver de la roche et non des "trovanti"

(bloc erratique) et le coût de l'excavation au m3 est plus élevé254;

l'entrepreneur peut obtenir les facteurs de production dont il a besoin, mais ceux-ci ont subi un renchérissement du fait d'une guerre ou d'une variation du taux monétaire; l'entrepreneur doit s'approvisionner chez un autre fournisseur dont le prix est plus élevé; l'entrepreneur doit utiliser un autre matériel, plus coûteux.

322 Si les coûts de production augmentent, l'entrepreneur est directement atteint dans sa sphère patrimoniale. Lorsque ce sacrifice financier paraît tout à fait disproportionné eu égard au prix convenu, l'entrepreneur doit pouvoir échapper à une stricte application du principe "pacta sunt servanda" et requérir du juge une adaptation du contrat. L'article 373 II CO, expression du principe de la bonne foi (article 21 CC), se justifie pleinement.

B. L'inapplication de l'article 373 II CO au risque résultant