• Aucun résultat trouvé

LA DEMEURE DE DÉBITEUR DE L'ENTREPRENEUR

B. Un retard objectivement injustifié

2. Conséquences juridiques

130 Les conséquences juridiques résultant de la demeure simple de débiteur de l'entrepreneur sont différentes selon que les parties ont, ou non, intégré la norme SIA 118 à leur contrat de construction.

A. Conséquences juridiques selon le CO

131 Les conséquences juridiques de la demeure simple du débiteur résultent de deux dispositions légales, à savoir les articles 103 et 160 II CO. Ces deux dispositions supposent la faute du débiteur, condition qui est examinée en premier lieu.

a. La présomption de faute

132 Définition générale: la faute constitue un manquement de la volonté aux devoirs imposés par lordre juridique; on peut reprocher au débiteur un comportement contraire à ce qu'on est en droit d'attendre de lui, soit qu'il ait intentionnellement violé une obligation, soit qu'il ait agi par négligence en ne faisant pas preuve de la diligence requise84.

133 Dans la demeure de débiteur, la faute consiste dans l'omission, inten-tionnelle ou par négligence, des mesures qui auraient été nécessaires pour que l'exécution de la prestation ait lieu à temps85.

134 En complément de cette définition, quatre précisions méritent d'être apportées.

135 La faute de l'entrepreneur peut être initiale86 ou subséquente87 à la conclusion du contrat.

Les exemples donnés sont les suivants: le maître n'a pas donné d'instruction (OsERIScttôNENBERGER),

le maître n'a pas fourni les plans (BECKER, OsER/ScHôNENBERGER), le maître n'a pas encore obtenu l'autorisation de construire (GAUCH), le maître n'a pas exécuté une construction préalable (BECKER),

enfin et surtout: l'inexécution de travaux préalables que devait exécuter un co-entrepreneur (CoRBOZ, GAUCH, ÜSER/SCHÔNENBERGER).

84) G/Sff Il No 1612.

85) Gtsrr 11 No 1730; voN TuttR/EscHER p. 144.

86) Ainsi, lorsque l'entrepreneur a mal estimé la durée de l'exécution de l'ouvrage, selon les critères objectifs examinés sous Nos 60 ss; en ce sens BECKER, No 1 ad Art. 103 CO;

de même, lorsque l'entrepreneur accepte sans réserve d'exécuter l'ouvrage alors que sa possibilité subjective d'exécution est douteuse (même citation).

87) Par exemple, l'entrepreneur organise mal son travail.

L'entrepreneur est en demeure fautive de débiteur, quand bien même sa 136 faute n'est que légère88.

La mesure de la diligence attendue de l'entrepreneur s'apprécie de 137 manière objective89.

L'entrepreneur répond de sa propre faute (article 971 CO), comme des 138 omissions de ses auxiliaires (article 101 C0)90; dans ce dernier cas, l'auxiliaire est présumé ne pas avoir fait preuve de la diligence que le maître de l'ouvrage eût été en droit d'.attendre de l'entrepreneur si celui-ci avait personnellement exécuté son obligation. Ainsi, l' entrepre-neur répondra des retards imputables aux personnes auxquelles il a confié l'exécution d'une partie ou de la totalité de sa prestation, que celles-ci lui soient ou non subordonnées91.

b. La prétention du maître en paiement d'une peine conventionnelle Cette prétention suppose qu'une peine ait été stipulée en vue de l'inexé- 139 cution du contrat au temps convenu (article 160 II C0)92.

c. La prétention du maître en dommages-intérêts pour cause d'exécution tardive

D'après l'article 103 CO:

"Le débiteur en demeure doit des dommages-intérêts pour cause 140 d'exécution tardive et répond même du cas fortuit.

Il peut se soustraire à cette responsabilité en prouvant qu'il s'est trouvé en demeure sans aucune faute de sa part ou que le cas fortuit aurait atteint la chose due, au détriment du créancier, même si l'exécution avait eu lieu à temps".

Contrairement à l'article 1061 CO, l'article 1031 CO ne précise pas que 141 la prétention du créancier suppose la faute du débiteur. Tel est le cas, pourtant, l'article 103 II CO s'appliquant, à cet égard, par analogie93. 88) Le débiteur, en effet, répond de "toute faute" (art. 991 CO): cf. BECKER No 2 ad Art. 103 CO; ScHENKER

No 265; VON TUH!l/EsCHER, p. 144.

89) Cf. Le principe résultant de l'art. 364 1 CO (sur cette disposition: GAUCH Nos 589, 590).

90) L'art. 101 CO s'applique dans le cadre de l'art. 103 CO: SCHENKER No 265, VON TUHiifEsCHER p. 144.

91) Exemple d'un auxiliaire subordonné: l'employé; exemple d'un auxiliaire indépendant: le sous-traitant.

92) Cette peine est due si le maître fait valoir son droit au plus tard lors de la livraison de l'ouvrage (GAUCH No 472 et réf.). La présomption de faute résulte de l'art. 163 II CO appliqué par analogie (VON BüREN, p. 146, GAUCH No 472, sans mentionner de base légale: DüRR p. 53).

93) SCHENKER No 264.

142 Le contrat est maintenu et l'entrepreneur a toujours l'obligation d'exé-cuter sa prestation: il s'agit d'une prétention en dommages-intérêts positifs, qui existe à côté de la prétention du maître en exécution ou en livraison de!' ouvrage94

. L'action vise à placer le maître dans la situation qui serait la sienne si l'entrepreneur avait exécuté son obligation à temps.

143 Du fait du retard, le maître peut subir des dépenses effectives (damnum emergens).

144 Lorsque l'entrepreneur est en retard dans l'exécution -respectivement la livraison - d'une prestation se trouvant sur le chemin critique du réseau, son retard se répercute automatiquement sur la date de livraison de l'ouvrage d'ensemble. Lorsque l'entrepreneur est en retard, mais que son retard ne dépasse pas la marge "totale" de sa prestation, son retard se répercute sur les prestations des autres co-entrepreneurs. Dans ces deux cas, il est probable que le maître subisse des frais en raison du retard de l'entrepreneur. Ainsi, le maître doit payer des dommages-intérêts de retard à un tiers (Co-entrepreneur ou autre co-contractant)95; le maître doit différer l'exécution d'une prestation qui ne peut être exécutée avant celle du débiteur et le coût de cette prestation subit un renchérissement96

; le maître subit des frais en raison de mesures d'ac-commodation97.

145 Du fait du retard, le maître peut subir un gain manqué (lucrum ces sans).

Par exemple, en cas de demeure de livraison de l'ouvrage, le maître subit un gain manqué du fait qu'il ne perçoit pas les loyers de location de 1' immeuble98

.

146 L'indemnité sera fixée, le cas échéant réduite, sur la base des articles 43 et 44 CO, en liaison avec!' article 99 III CO. Il faudra en particulier tenir compte de la faute concomitante du maître de l'ouvrage si celui-ci n'informe pas l'entrepreneur que sa demeure est susceptible de causer un dommage sans proportion avec la durée de son retard99

.

94) Cf. doctrine majoritaire, citée par SCHENKER No 266.

95) SCHENKER No 286.

96) SCHENKER Nos 287, 288.

97) SCHENKER No 295; p. ex, le maître doit louer une autre maison.

98) SCHENKER No 274, SJ 1976 p. 148, 159.

99) SCHENKER No 269, sur la base du § 25411 BGB.

Exemple: le maître informera l'entrepeneur que son retard, même minime, entraînera la cessation de toute l'activité de l'usine.

Confonnément à l'avis minoritaire de Spiro, l'action se prescrit dans 147 le délai d'un an de l'article 60 l COlOO

d. Le transfert de certains risques à l'entrepreneur aa. En cas d'impossibilité objective d'exécution

Lorsque l'exécution del' ouvrage devient impossible, en raison d'un cas 148 fortuit, d'un cas de force majeur ou du fait d'un tiers dont aucune des

. ' d101 . . P " t'

parties ne repon , se posent trois quest10ns. rem1ere ques 10n:

quelle est la répartition des risques (de la prestation/du prix) relatifs à la partie d'ouvrage dont l'exécution est devenue impossible? Deuxième question: quelle est la répartition des risques relatifs à la partie d'ou-vrage subsistante? Troisième question: quelle est la répartition des risques relatifs à la partie d'ouvrage éventuellement détruite?

Dans chaque cas, il s'agit de savoir si la demeure de débiteur de 149 l'entrepreneur entraîne le transfert d'un risque normalement supporté par le maître.

1. En ce qui concerne la partie d'ouvrage dont l'exécution est 150 devenue impossible, le principe veut que chacune des parties soit libérée de l'exécution de sa prestation (article 119 I, II par analogie)102 Toutefois, dès qu'il est en demeure de débiteur, l'entrepreneur supporte le risque de la prestation dont l'exécution est devenue impossible:

contrairement à ce que prévoit l'article 119 I CO, il n'est pas libéré mais doit, en lieu et place de sa prestation, des dommages-intérêts positifs (article 103 I C0)103

2. Lorsque l'impossibilité d'exécution résulte d'un "cas fortuit surve- 151 nu chez le maître" (article 378 I C0)104, l'entrepreneur a droit au prix de la partie d'ouvrage subsistante, quand bien même celle-ci est inutilisable pour le maître105106

. En revanche, lorsque l'entrepreneur

"répond du cas fortuit" (article 103 I CO), le maître peut refuser de payer 100) Sur la théorie de SPIRO: cf. infra No 246.

Surla controverse: SCHENKER Nos 271, 272, qui a laissé ouverte la question de l'application de l'art. 60 ou 127 CO. Pour ScHWANDER p. 88, l'action se prescrit comme l'action du maître en exécution de l'ouvrage (art. 127 et 133 CO).

101) Sur cette interprétation large du "cas fortuit": GAUCH No 816, KoLLER p. 10, SCHENKER No 307.

102) KOLLER, page 44.

103) GAUCH Nos 517, 818, SCHENKER Nos 321-323.

104) Tel est le ca~ lorsque le ca~ fortuit est survenu dans la "sphère" du maître: GAUCH No 504, KOLLER p. 67.

105) KOLLER p. 72, 74.

106) A contrario: lorsque l'impossibilité résulte d'un "autre" cas fortuit, le maître peut refuser de payer le prix de la partie d'ouvrage exécutée, si celle-ci est inutilisable (en ce sens: KOLLER, p. 45, 74 et réf.).

le prix de la partie d'ouvrage déjà exécutée, s'il ne peut l'utiliser (article 379 II CO, par analogie), ce iuand bien même le cas fortuit résulte de sa "sphère" (article 378 C0)1 7.

152 3. Dans l'hyRothèse où l'impossibilité cl' exécution résulte de la perte de l'ouvrage1 8, l'article 376 CO s'applique à la partie détruite, à l'exclusion de l'article 378

co

109. Par conséquent, la question d'un transfert de risques ne se pose pas, l'entrepreneur supportant déjà, soit dès la conclusion du contrat, le risque du prix de la partie d'ouvrage détruite (article 376ICO)110.

153 L'entrepreneur peut se soustraire à sa responsabilité en apportant la preuve de labsence de faute dans sa demeure 111, ou la preuve de l'absence d'un lien de causalité entre celle-ci et] 'impossibilité objective d'exécution112.

bb. En cas de circonstance extraordinaire

154 L'article 103 CO est susceptible de s'appliquer par analogie à d'autres états de fait que celui d'une impossibilité objective d'exécution 113 155 Par application de l'article 103 I CO, par analogie, (et sous réserve d'une

preuve libératoire prévue à l'article 103 II CO), l'entrepreneur ne peut pas se prévaloir de l'article 373 II CO lors~ue la circonstance extraor-dinaire résulte de sa demeure de débiteur11

cc. En cas de défaut

156 Lorsque le défaut de louvrage résulte de la demeure de débiteur de l'entrepreneur, le maître dispose des actions en dommages-intérêts prévues par les articles 368 I in fine, 368IIinfine115. L'entrepreneur ne bénéficie pas de la preuve libératoire prévue par les dispositions préci-107) GAUCH Nos 517, 534.

108) Respectivement, de sa détérioration: BECKER, No 8 ad Art. 103 CO, KELLER/SCHôBI page 269, OsER/ScHôNENBERGER No 4 ad Art. 103 CO.

109) GAUCH No 519; KOLLER Nos 71, 72.

110) BUCHER page 361, note 128; contra: GAUCH No 818.

111) S11pra Nos 132 ss.

112) Le créancier, en effet, ne doit pas tirer avantage de la demeure de son débiteur (SCHENKER No 315).

Selon une partie de la doctrine, qu'il convient d'approuver, le lien de causalité existe, quand bien même la cause de l'impossibilité (soit la nature du cas fortuit) eût été différente: VON BOREN p. 370, SCHENKER No319.

113) L'art. 103 CO repose en effet sur la ratio legis suivante: le débiteur doit supporter les désavantages que le créancier n'aurait pas subis si l'exécution avait eu lieu à temps (SCHENKER No 303).

114) GAUCH Nos 468, 766.

115) GAUCH Nos 468, 1328.

tées; en revanche, il peut se libérer de sa responsabilité conformément aux preuves libératoires prévues par l'article 103 Il CO.