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LA DEMEURE DE CRÉANCIER DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE

B. Un empêchement imputable au maître de l'ouvrage

a. L'inexécution d'une incombance aa. Les incombances en général i) Nature juridique

431 Le créancier, titulaire d'un droit de créance, n'a en principe aucune obligation (Vepflichtung). Ce principe ne s'applique pas sans réserve ni exception310. Réserve au principe: le créancier doit exécuter certaines incombances (Obliegenheiten) qui résultent du principe de la bonne foi311 (article 21 CC).

432 Le débiteur n'a aucun droit à l'exécution d'une incombance. En cas d'inexécution, les articles 97 ss ou 102 ss CO sont inapplicables; en revanche, il bénéficie toujours de certains avantages qui dépendent de la nature de l'incombance312. Dans le cas particulier de l'exécution proprement dite d'une prestation, il s'agit des avantages résultant pour lui de l'application des articles 91 ss CO.

ii) Contenu

433 On peut attendre du créancier (article 21 CC) qu'il exécute tous les actes ressortissant à sa "sphère d'activité" lorsque, sans eux, le débiteur est empêché de s'exécuter. La "sphère d'activité" du créancier est une

309) Contra: BECKER No 25 Ad art. 91 CO, WEBER Nos 39-43 Ad art. 91 CO, lesquels s'inspirent d'une doctrine allemande.

Dans cette hypothèse en effet, l'obligation du débiteur s'éteint (art. 1191 CO), mais celui-ci conserve le droit à l'exécution de la contre-prestation du créancier (inapplication de l'art. 11911 CO); sur cette question G/Sff II No 1967.

310) Sur l'exception au principe: lorsque les parties ont voulu considérer une incombance comme une véritable obligation (art. 191 CO) (cf. infra, cinquième partie).

311) ENGEL p. 446, G/M/K p. 228.

312) Par exemple: les avantages résultant de l'application des articles 441 CO (réduction des dommages-intérêts), 367 et 370 CO (déchéance des droits du maître en raison des défauts de l'ouvrage).

notion indéterminée qui doit faire l'objet d'une appréciation des cir-constances du cas particulier (article 4 CC).

En particulier, on peut attendre du créancier qu'il se légitime ou, selon 434 les circonstances, qu'il soit présent (article 96 C0)313

Lorsque l'empêchement passager résulte d'une violation positive du 435 contrat par le maître (par exemple: destruction de l'ouvrage par le maître), les articles 91 ss CO sont en concours avec l'article 97

co

314. iii) Temps d'exécution

On peut également attendre du créancier (article 2 1 CC) qu'il prenne 436 l'initiative des actes qui lui incombent et qu'il les exécute en un temps convenable, lorsqu'il a la connaissance positive d'un empêchement d'exécution provenant de sa sphère.

Le créancier est le Seigneur de la prestation: le temps d'exécution de la 437 prestation lui appartient (supra No 87). La balle est dans son camp. Pour que l'exécution de la prestation devienne réalité, le créancier doit interpeller le débiteur; auparavant, celui-ci n'a pas l'obligation actuelle de s'exécuter. Pour la même raison, le créancier doit prendre l'initia-tive d'exécuter les actes qui sont de son ressort et qui vont permettre au débiteur de s'exécuter. Le créancier n'a aucune obligation d'exécuter ces actes de "Seigneurie": libre à lui de ne pas interpeller le débiteur, libre à lui de ne pas exécuter les actes qui lui incombent. Le créancier peut garder la balle dans son camp, mais ce n'est pas sans risque. Le débiteur doit, une fois, être libéré de son obligation: d'où l'intervention du législateur par des règles régissant la prescription des actions (articles 127 ss CO) et la demeure du créancier.

Aussi, l'offre du débiteur, au sens de l'article 91 CO, ne peut pas 438 être une réclamation ou une interpellation faite au créancier d'exé-cuter son incombance315

Le créancier qui était préalablement en demeure doit également prendre 439 l'initiative d'exécuter son incombance dès qu'il veut et peut s'exécuter.

Seule l'exécution de l'incombance peut, le cas échéant, mettre le débi-teur en demeure316

313) Contra: KELLERIScHôBI p. 289, qui distinguent les articles 91 et 96 CO selon qu'il y a ou non inexécution d'une incombance.

314) Contra: WEBER No 33 ad art. 91 CO (I' application des articles 91 ss CO serait subsidiaire à lapplication de l'art. 97 CO).

315) Contra: BECKER No 15 Ad art. 91 CO, DoRER p. 12, 27, OsERIScHôNENBERGER No 45 Ad art. 91 CO, WEBER Nos 97, 131 Ad art. 91 CO. Sur le rôle de l'offre: infra No 466.

316) Le débiteur ne sera en demeure que si son obligation est actuelle et s'il ne s'exécute pas dans le temps

440 En outre, on peut attendre du créancier (article 2 1 CC) qu'il exécute l'acte qui lui incombe en un temps convenable317. Le temps d'exécu-tion de l'incombance résultera de la "nature de l'affaire" (article 75 CO par analogie, article 4 CC).

bb. Les incombances dans le contrat de construction

441 Les actes qui incombent au maître concernent aussi bien!' exécution de 1, ouvrage que sa 1vra1son l' . 318

i) Inexécution d'une incombance nécessaire à l'exécution de la prestation 442 Une incombance est nécessaire à l'exécution de l'ouvrage lorsque son

inexécution a pour conséquence une impossibilité objective passagère pour l'entrepreneur d'exécuter la prestation. Provisoirement, l'exécution (infra: 1.) ou la livraison (infra: 2.) del' ouvrage est objectivement impossible.

1. Inexécution d'une incombance nécessaire à l'exécution de l'ouvrage 443 Si l'inexécution de l' incombance a pour effet d'empêcher le

commen-cement d'exécution de l'ouvrage, il s'agit d'un acte préparatoire (hypothèse prévue par l'article 91 CO infine); si son inexécution a pour effet d'empêcher la continuation du travail, il s'agit d'un acte de colla-boration nécessaire.

444 Peuvent être mentionnées, à titre exemplatif, les incombances suivantes:

445 Ob temr une autonsa ion e cons rmre acte preparatoire . . t' d t . ( , . )319 ; 446 D , • es1gner e 1en-1on s acte preparatmre 1 b' " d ( , . )320 ;

447 Coordonner les travaux de telle sorte que l'entrepreneur puisse commencer l'exécution de son ouvrage dès que sa dette est exigible (acte préparatoire) (articles 30 II, 34 III norme SIA 118)321;

fixé par l'interpellation du créancier. Le créancier peut être en demeure avant que sa créance soit exigible: les conditions d'une demeure de débiteur ne seront donc pas nécessairement réalisées. Par conséquent: la demeure de débiteur ne remplace pas ''ipso facto" la demeure de créancier; contra:

OSERISCHÔNENBERGER No 19 Ad art. 91 CO, No 9 Ad art. 92 CO, VON TUHRIEsCHER p. 76, WEBER No 172 Ad art. 91 CO.

317) Sur le principe d'un temps de "réaction": BECKER No 23 Ad art. 91 CO, KEILERiSCHôBI p. 287, OsER/SœôNENBERGER Nos 8 Ad art. 91 CO, VON TullR/EsCHER p. 73, WEBER Nos 44, 123, 160 ad art. 91 CO.

318) Il s'agit là d'une incombance. En ce sens: TERCIER No 2490; contra: DORER p. 71, MEYER p. 75, WEBER No 69 Ad art. 91 CO (sur la base d'une interprétation incorrecte de l'art. 379 II CO).

319) GAUCH No 899.

320) GAUCH No 899, LIRON p. 48.

321) BACHMANN 8/2.2 p. 2, GAUCH No 899, WEBER No 151 Ad art. 91 CO

SJ 1989 p. 331, 334 (arrêt du TF du 6.12.1988)(DC 1989/3 p. 69 No 101): "le manque de coordination dans les travaux de terrassement pourrait, en soi, être considéré comme une mauvaise exécution d'un

- Permettre l'accès de l'entrepreneur au chantier, aux places de dépôt, 448 aux décharges, en mettant à sa disposition les biens-fonds et droits de passage nécessaires. Avant Je début des travaux, le maître doit avoir procédé aux améliorations nécessaires (acte préparatoire).

Pendant l'exécution des travaux, il doit entretenir les voies d'accès (acte de collaboration nécessaire) (articles 94 1, 116 1, 117 1 norme SIA 118)322; en particulier, le maître _doit ouvrir la maison qui doit f . aire o l' b' ~et d' une renovat10n , . 323 ;

- Remettre à l'entrepreneur les documents d'exécution tels que plans 449 et listes de matériaux (acte préparatoire, acte de collaboration néces-saire) (articles 94 I, 100 I norme SIA 118)324;

- Donner à l'entrepreneur les instructions nécessaires à l'exécution 450 des travaux (acte pré~aratoire, acte de collaboration nécessaire) (article 99 norme SIA) 25;

Mettre les raccordements électriques provisoires à disposition de 451 l'entrepreneur (acte préparatoire, acte de collaboration nécessaire) (article 135 I norme SIA).

2. Inexécution d'une incombance nécessaire à la livraiso11 de l'ouvrage Le maître a l'incombance de se légitimer et, lorsque ce sont les dispo- 452 sitions du Code des obligations qui s'appliquent au contrat, d'être présent ou représenté (article 96 C0)326

ii) Inexécution d'une incombance non nécessaire à l'exécution de la prestation

Cette hypothèse est réalisée lorsque, faute pour l'incombance d'être 453 exécutée, on ne peut exiger de l'entrepreneur qu'il fournisse sa presta-tion (article 2 CC), quand bien même l'exécupresta-tion de celle-ci est objec-tivement possible.

Tel est Je cas, à titre d'exemple, de l'incombance du maître de mettre à 454 disposition des entrepreneurs du second oeuvre des élévateurs et des installations sanitaires appropriées, lorsque Je travail doit être effectué

acte préparatoire".

322) GAUCH No 899, PEDRAZZINI p. 47, VON TuHRIESCHER p. 72.

323) GAUCH No 899.

324) WEBER No 127, 151 Ad art. 91 CO.

325) PEDRAZZINI p. 47, WEBER No 151 Ad art. 91 CO.

326) Cf. supra No 429.

dans les étages supérieurs d'un bâtiment (voir l'article 135 IV norme SIA 118).

455 D'une manière générale, tel doit être le cas de l'hypothèse visée par l'article 96 CO in.fine: on ne peut pas exiger du débiteur qu'il exécute sa prestation lorsque la personne du créancier est incertaine (inexécution de l'incombance de se légitimed27.

b. L'absence de volonté et/ou de possibilité du maître d'exécuter l'incombance (un "refus")

456 Le créancier ne peut tomber en demeure que s'il a "refusé" (sens large) d'exécuter une incombance: il ne veut pas, ou il ne peut pas, exécuter l'acte qui lui incombe. L'article 91 CO le prévoit expressément, l'arti-cle 96 CO le présume.

457 La demeure de créancier est indépendante de toute faute. La ques-tion d'une faute ne se pose pas dans la demeure de créancier328. L'article 99 CO ne s'appliquant qu'à l'inexécution des obligations, l'inexécution d'une incombance n'est jamais fautive; peu importe, donc, la raison pour laquelle le créancier refuse sa collaboration.

458 Il en résulte les deux conséquences suivantes. Premièrement, les arti-cles 91 ss CO s'appliquent même si l'on ne peut adresser aucun reproche au créancier; ainsi, lorsqu'il est dans l'impossibilité de collaborer à l'exécution de la prestation et que cette impossibilité ne lui est pas imputable. En ce sens, il est juste de dire que le créancier peut être en demeure sans sa "faute"329. Deuxièmement, alors même qu'on pourrait reprocher au maître une "faute"330, le débiteur ne peut en déduire aucune prétention en dommages-intérêts ..

aa. Une absence de volonté

459 Le créancier, Seigneur de la prestation, a le droit de se désintéresser des actes qui lui incombent. En principe, il ne supporte pas d'autres risques que ceux résultant d'une demeure de créancier.

327) ATF 45/1919 II 250, JT 1919 1459, 464.

328) VON TUHRIE.~CHER p. 73 note 31.

329) La question était alors controversée, aujourd'hui elle ne l'est plus.

Sur l'absence de faute: BECKER No 24 Ad art. 91 CO, BUCHER p. 91' VON BOREN p.416, ENGEL p. 445, GAUCH No 897, G/S(f II No 1502, KELLERISCHüBI p. 285, MEYER p. 46 SS, OsERISCHÜNENBERGER No 14 Ad art. 91 CO, VON TUHRIE.~CHER p. 73; contra: DORER p. 73.

330) Lorsque le créancierne veut pas collaborer, ou lorsque son impossibilité de collaborer lui est imputable à "faute".

Dans le cas particulier du contrat d'entreprise, le maître de l'ouvrage 460 court le risque supplémentaire de voir son refus de collaborer à l'exé-cution de la construction interprété comme une déclaration de résiliation du contrat au sens del' article 377

co

331

Peu importe le moment auquel le créancier exprime son refus de 461 collaborer à l'exécution de la prestation: le cas échéant, avant l'exécu-tabilité de la dette.

bb. Une absence de possibilité

L'"impossibilité"332 (objective333 ou subjective334, initiale ou subsé- 462 quente à l' exécutabilité de la dette) d'exécuter I' incombance est passa-gère: la possibilité subsiste que le créancier puisse s'exécuter et mettre fin à sa demeure si le débiteur ne s'est pas déjà libéré de l'exécution de sa prestation (pour l'entrepreneur: par le biais d'une résolution du contrat, par application de l'article 95 CO).

Dans l'hypothèse où l'impossibilité du créancier d'exécuter son in-combance est( ou devient) définitive,! 'impossibilité objective définitive dans laquelle se trouve le débiteur d'exécuter sa propre prestation exclut l'application des articles 91 ss CO (cf. No 430).

cc. Fardeau de la preuve: la condition d'une "offre"

1. On ne peut exiger du débiteur qu'il apporte la preuve d'un fait 463 alternatif comprenant deux faits négatifs.

Certes, le débiteur peut parfois apporter la preuve que l'un des faits 464 négatifs est réalisé. Par exemple, l'entrepreneur pourra apporter la preuve que le maître lui a interdit l'accès du chantier (absence de volonté), ou que! 'autorisation de construire n'est pas (encore) délivrée (absence de possibilité).

Le plus souvent, une telle preuve est impossible à apporter, de sorte que 465 le débiteur doit être mis au bénéfice de présomptions de fait.

2. Le "refus" du créancier sera présumé lorsque le débiteur a informé 466 le créancier de l'empêchement d'exécution et que celui-ci n'exécute pas son incombance en un temps convenable. Par conséquent: I' "offre",

331) En ce sens: GAUCH No 904, KELLERISCHôBI p. 295.

332) La terminologie employée ne doit pas créer de confusions: les articles 20, 97 et 119 CO sont in-applicables à l'impossibilité objective, de même que les articles 102 ss sont inin-applicables à l'impossibilité subjective d'exécuter une incombance. En ce sens: LIRON p. 30 (le créancier n'est pas "libéré" de l'exécution de son incombance lorsque celle-ci est impossible: l'art. 1191 CO est inapplicable).

333) Exemple: le maître n'a pas (encore) obtenu une autorisation de construire.

334) Exemple: le maître a égaré les documents d'exécution (art. 100 norme SIA 118).

au sens de l'article 91 CO, est l'information faite au créancier que l'exécution de la prestation est empêchée en raison d'un fait qui appartient à sa sphère d'activité; l'inàécution par le créancier en un temps convenable de l'acte qui lui incombe entraîne la présomption qu'il ne veut pas ou ne peut pas collaborer à l'exécution de la prestation.

L'offre est donc un moyen permettant au débiteur de faire la preuve que l'empêchement d'exécution est imputable au créancier335

467 Le "refus" du créancier sera également présumé dans les hypothèses visées par l'article 96 CO. Cette disposition présume en effet que le créancier ne peut pas se légitimer ou se faire représenter.

468 La question restera ouverte, ici, de savoir s'il est d'autres états de faits où le refus du créancier doit être présumé336.

469 3. Lorsque le débiteur (demandeur à l'action) est au bénéfice d'une présomption, il incombe au créancier (défendeur à l'action) de fournir 1 a preuve contra1re . 337 ; par consequent, e creanc1er evra apporter a , 1 , . d 1 preuve qu'il veut et peut exécuter son incombance s'il veut éviter, ou mettre fin à sa demeure de créancier.

470 4. Le fait, pour le débiteur, de ne pas informer le créancier del' empê-chement d'exécution résultant de la sphère d'activité de ce dernier, engendrera, pour le débiteur, des conséquences défavorables de deux ordres.

471 D'une part, le débiteur se trouvera privé des avantages qui résulteraient pour lui de la demeure de créancier du maître de l'ouvrage. Pour des raisons de preuve338, le défaut d'information exclut la demeure de créancier du maître de l'ouvrage. En d'autres termes, tant qu'il n'a pas été informé de la cause du retard qui lui est imputable, le maître ne peut pas tomber en demeure de créancier.

335) En ce sens:

DORER p. 12: "Erst mit dem Ojferre wird es unzweifelhaft, dass die verziigerliche Eifiïl/1111g oder die Nichtelfiillung 1111r am G/iiubiger liegt."

LIRON p. 35: "( ... )une demeure dont J'offre régulière prouve précisément qu'elle ne peut résulter que de l'attitude du créancier"; p. 52: l'offre "permet à celui-là (le débiteur) de prouver que la demeure qu'il encourt dès l'inexécution du contrat est due au fait de celui-ci (le créancier)".

336) Les articles 102 Il et 108 ch. 3 CO sont susceptibles de s'appliquer par analogie lorsque les parties ont convenu non pas d'un jour pour l'exécution, mais d'un jour pour l'acceptation de la prestation. La question se pose par exemple pour les dettes quérables. La question ne se pose pas dans le contrat de construction, où le maître est présumé vouloir accepter la prestation tardive.

337) Ceci pour éviter que sa défaillance soit interprétée comme indice de l'exactitude des affirmations du demandeur dans le cadre de la libre appréciation des preuves par le juge (A TF 98/1972 II 231, 243;

GAUCH No 1511).

338) Sous réserve de l'art. 96 CO (supra No 467).

D'autre part, le débiteur devra réparer le dommage résultant pour le 472 créancier de l'information donnée tardivement. Le créancier dispose d'une action en paiement de dommages-intérêts positifs: le créancier devra être placé dans la situation qui serait la sienne si l'information lui avait été donnée immédiatement.

Le débiteur, en effet, a une obligation contractuelle accessoire de 473 diligence (article 2 1 CC) d'informer le créancier de la survenance actuelle ou future d'un empêchement d'exécution.

Cette obligation a été concrétisée dans le contrat d'entreprise (CO) et 474 dans le contrat de construction en particuÜer (norme SIA 118).

D'après l'article 365 III CO: "Si, dans le cours des travaux, la matière 475 fournie par le maître ou le terrain désigné par lui est reconnu défectueux, ou s'il survient telle autre circonstance qui compromette l'exécution régulière ou ponctuelle de l'ouvrage, l'entrepreneur est tenu d'en infor-mer immédiatement le maître, sous peine de supporter les consé-quences de ces faits".

D'après l'article 25 1 norme SIA 118: "Lorsque le maître confie la 476 surveillance de l'exécution à une direction des travaux, l'entrepreneur n'est pas libéré du devoir d'aviser sans délai (art. 365 al. 3 CO) la direction des travaux de toute circonstance qui pourrait compromettre l'exécution de l'ouvrage dans les délais et selon les formes prévues.

Celui qui néglige ce devoir doit personnellement supporter les consé-quences qui en découlent, à moins qu'il ne s'agisse de circonstances dont il est prouvé que la direction des travaux pouvait avoir eu connais-sance, même sans avis".

L'obligation prend naissance lorsque l'exécution de la prestation est 477 empêchée (première condition), empêchement que le débiteur connaît ou doit connaître (deuxième condition), empêchement que le créancier ignore (troisième condition).

Un empêchement d'exécution (première condition). Il peut s'agir 478 d'un empêchement actuel (article 365 ID CO: une circonstance qui

"compromette" l'exécution) ou futur (article 25 1 norme SIA li 8:

une circonstance qui "pourrait compromettre" l'exécution); sous l'angle du Code des obligations également, l'entrepreneur a l'obli-gation d'informer le maître d'un empêchement futur prévisible339

339) En ce sens: DüRR p. 45, GAUCH No 580 (qui applique alors l'art. 365 III CO par analogie), F1cKI SCHNEIDER No 15 Ad art. 365 CO ("toutes les circonstances qui peuvent retarder( ... ) l'exécution de l'ouvrage"), OsERISCHôNENBERGER No 9 Ad art. 365 CO ("( ... )indem sie sich überhaupt a11fjegliche11 Umstand bezieht, we/cher tatsà'chlich oder wahrscheinlich eine Gefiihrdung der ( ... ) rechtzeitigen

479 Ainsi, à titre d'exemple, l'article 30 V norme SIA 118: "Lorsqu'un entrepreneur constate que le travail exécuté par un autre( ... ) souffre de retards qui pourraient gêner l'exécution de son propre travail, il en avise à temps la direction des travaux( ... )".

480 Un empêchement d'exécution que l'entrepreneur connaît ou doit connaître (deuxième condition). L'obligation d'informer porte sur les circonstances que le débiteur connaît ou doit connaître.

481 L'entrepreneur a une obligation générale de diligence qui résulte de 1' article 364 I CO et de l'article 23 I norme SIA 118, expressions de l'article 2 I CC340. L'étendue de sa diligence se détermine selon un critère objectif (une diligence minimale: ce qu'on peut attendre d'un entrepreneur qui accepte d'exécuter un ouvrage du genre de celui qui a été promis), le cas échéant, également selon un critère subjectif (une diligence supérieure, lorsque l'entrepreneur a des

connais-. I'' )341

sances part1cu 1eres .

482 En ce qui concerne les empêchements d'exécution imputables au maître, la connaissance que l'on peut attendre d'un entrepreneur diligent est la suivante:

483 Premièrement, l'entrepreneur diligent doit connaître les empêche-ments d'exécution qui sont manifestes; par exemple: le retard d'un co-entrepreneur (article 30 V norme SIA 118).

484 Deuxièmement, l'entrepreneur diligent doit connaître les empêche-ments d'exécution qui ne sont pas manifestes ("cachés") mais qui apparaissent lors de la vérification des faits appartenant à la sphère du maître: qui apparaissent, par exemple, lors de la vérification des plans et des instructions donnés par le maître (articles 25 III, 25 IV norme SIA 118)342.

485 Une obligation de vérifier n'existe que si le maître n'est pas lui-même un "expert" de la construction, et s'il n'est ni conseillé, ni représenté par un spécialiste. Dans ce cas, on peut attendre de l'entrepreneur diligent qu'il vérifie les plans et les instructions donnés par le maître. Ainsi, l'article 25 III norme SIA 118:

l'obliga-Ausführung nach sich zieht.").

340) Art. 364 1 CO: "La responsabilité de l'entrepreneur est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail."

Art. 23 1 norme SIA 118: "Par la conclusion du contrat d'entreprise, le maître et l'entrepreneur s'engagent à exécuter consciencieusement leurs obligations."

341) Sur cette question: GAUCH Nos 589, 590.

342) En ce sens: OsER/SCHôNENBERGER No 9 Ad art. 365 CO.

tion de vérification n'existe que dans les cas suivants: "( ... ) si le maître n'est pas représenté par une direction des travaux, s'il n'est pas lui-même qualifié ou s'il n'a pas eu recours à une personne qualifiée( ... )".

Un empêchement d'exécution que le maître ne connaît pas 486 (troisième condition). D'après l'article 251 norme SIA 118, in fine, l'obligation d'informer ne porte pas sur les faits que le maître ne connaît pas, mais devrait connaître. Il devrait en être de même selon le Code des obligations343