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Un cinéma national fragmenté durant l’apartheid

2 ème Partie : Une histoire du cinéma en Afrique du Sud

1.2. Un cinéma national fragmenté durant l’apartheid

Si l’apartheid est officiel en 1948, c’est à la fin des années 1950 et davantage au début des années 1960 que le cinéma passe un nouveau cap dans son développement, lui aussi séparé.

C’est le gouvernement d’Hendrik Verwoerd qui lance le référendum dont résulte la création de la République d’Afrique du Sud en 1961. Ce référendum sur la République est, pour partie, une réaction au discours « Wind of change » prononcé par le Premier ministre conservateur Harold McMillan en Afrique du Sud. Poursuivre l’application et la création des lois discriminatoires et préserver le principe du développement séparé sont autant d’objectifs qui conduisent Martin Botha à affirmer qu’« il est par conséquent évident que le gouvernement de Verwoerd réalise l’influence potentielle de cette industrie dominée par les Afrikaners sur la croissance et la propagation de la langue

afrikaans et sur le renforcement de la culture dominante »176.

En conséquence, le cinéma continue à être un outil de ségrégation : « à ce stade, les spectateurs noirs et blancs ont été traités différemment. Les publics ont été séparés

chacun avec son propre ensemble de règles, de films et de salles de cinéma »177.

176 BOTHA Martin. 110 Years of South African Cinema. South African Cinema. Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. 2006. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=46&feature [consulté le 10 mai 2009].

1.2.1. Un cinéma pour la population noire

Le cinéma pour la population noire de l’époque est l’aboutissement de deux réflexions sur le secteur cinématographique local. Comment peut-on augmenter les recettes des films locaux ? Et comment peut-on améliorer l’influence de la politique d’apartheid de la République sud-africaine sur les populations noires ? La réponse à ces deux questions est la création d’un cinéma à part entière pour Noirs.

Martin Botha exprime bien les contraintes du contexte de cette période : « la réalité du cinéma sud-africain était qu’à bien des égards, les Sud-Africains noirs étaient exclus. Ils n'avaient pas d'argent pour faire des films. Ils n'avaient pas accès à l'équipement et des possibilités presque inexistantes pour les scénaristes ou les réalisateurs noirs de créer un

cinéma à leur propre image sur l'écran »178. D’autres s’en chargent donc pour eux. De ce

fait, la notion de cinéma noir tend à se référer à « un film réalisé par des cinéastes blancs pour un public noir […]. Les Noirs ont été impliqués dans le cinéma à différents niveaux, mais plus spécifiquement dans les équipes techniques et dans certains cas

comme scénaristes et réalisateurs, ou acteurs »179.

Une institution publique représente ce cinéma entre relais économique et outil de propagande, le Bantu Investment Corporation, qui subventionne et contrôle le cinéma produit pour la population noire. Créée par le Bantu Investment Coporation Act, 1959, elle permet d’investir dans le commerce avec les populations noires. Son implication dans le secteur cinématographique est issue d’un constat relevé par Jacqueline Maingard : « "Il faudra […] du temps avant que les Bantous acquièrent les compétences nécessaires et les techniques nécessaires à la fabrication de films d’un haut niveau

qualitatif". […] les installations (de production180) dans les zones blanches ont été

sous-utilisées et pourraient être sous-utilisées en attendant. […] cela devrait être une mesure temporaire et réexaminée après trois ans en "tenant compte du temps nécessaire à la

178 Ibid.

179 MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 128 180 Note de l’auteur

construction de studios et de laboratoires dans les homelands". Il était clairement dans

l’intérêt de l'État d'étendre l’usage de l'outil de propagande »181.

En 1972, un système de subventions publiques est donc mis en place pour financer les films des cinéastes désirant produire des films pour Noirs. On qualifie ce système de « programme B ». Il est impensable de ne pas faire le rapprochement avec les films de série B dans le système des studios américains, un film de série B étant une production à petit budget, qualitativement inférieure aux films de séries A. La plupart du temps, ils servent à la fois de films de « consommation courante » sans recherche esthétique particulière et de zone expérimentale (pour l’introduction de nouvelles vedettes) dans des genres et des sagas parfaitement codifiés. Ce « programme B » est le second pilier d’un système de financement public global pour le cinéma. Ce système aussi est ségrégé : un système d’aides réservé aux films s’adressant au public noir, un système pour les œuvres à destination du public blanc − nous y reviendrons dans la prochaine partie. « Vous aviez dans ce cinéma un message singulier qui revenait à chaque fois, l’homme blanc était toujours supérieur, l’homme blanc était prêt à rassembler les autres nations de ce pays. Mais ces autres nations sont très différentes, culturellement et racialement. Les interactions peuvent donc uniquement avoir lieu à un niveau économique pour le bien du pays. Elles ne peuvent avoir lieu en termes sociaux ou culturels. Les églises étaient donc séparées, les zones de socialisation étaient séparées, mais l’économie était importante, nous devions travailler ensemble. Ce sont les messages que l’on pouvait retrouver dans le cinéma d’apartheid. Et bien évidemment, l’État à cette époque a financé une grande partie de ce cinéma, c’est ce système des

subventions qui a largement permis la création du cinéma de cette période. »182 Ce

cinéma est donc fait pour s’implanter idéalement dans la politique discriminatoire de l’État. C’est là « clairement une façon de contrôler la manière dont on s’adressait au public noir en fournissant ainsi un mécanisme utile, ajouté à la batterie de mesures coercitives de l’apartheid, pour maintenir l'hégémonie (de la population

blanche183) »184.

181 Citant un rapport du Bantu Investment Corporation in MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 128

182 DEARHAM Mike. Voices [entretien filmé]. Réalisateur : Joachim LANDAU. Johannesburg, 2010. 183 Note de l’auteur

Un film pour un public noir doit remplir certaines caractéristiques : il doit « avoir au moins 75 % des dialogues dans une "langue bantoue d’Afrique du Sud identifiable" [...] 75 % des acteurs devaient être "Bantous sud-africains". [...] 51 % des actions de la

société (de production)185 doivent appartenir à des citoyens sud-africains »186.

Les films produits grâce à ce système de subventions sont de piètre qualité et sont

« projetés dans des églises, des écoles, des centres communautaires et des bars »187.

Mais l’objectif de ces cinéastes blancs est bel et bien de créer des films à succès ; ils chercheront donc eux aussi à atteindre leur public grâce à des unités mobiles dans les townships par exemple.

Ce cinéma est donc à mettre en parallèle avec la politique du régime, la création des Bantoustans ou « homelands » transformés bientôt pour certains d’entre eux en États-nations fantoches destinés à accueillir les populations noires et jamais reconnus internationalement. Par l’attribution de la citoyenneté d’un État issu d’un bantoustan, les ressortissants des bantoustans demeuraient citoyens sud-africains, mais avec des droits spécifiques très réduits, devenant ainsi pratiquement des étrangers en Afrique du Sud. Afin de convaincre les populations que ces territoires sont proprement leurs terres, le régime d’apartheid leur laisse une certaine autonomie et les aide à développer une pseudo-culture locale. Pour accompagner cette politique, le cinéma est un élément indispensable. Il sert de propagande politique. Ce cinéma noir est donc stratégiquement exploité pour reproduire à l’écran et faire accepter les codes de l’apartheid. Martin Botha explique que ce genre de films est « un autre contributeur de la fragmentation de l'industrie cinématographique nationale. [...] L'urbanisation des Noirs a été dépeinte

comme uniformément négative et la vie dans les homelands plus appropriée »188. Les

films « pour Noirs » sont donc le reflet biaisé d’un cinéma communautaire qui témoigne surtout de la prise de contrôle de l’image et des moyens de représentation d’une communauté sur une autre. « La majorité noire, malheureusement, n'a jamais vraiment eu l'occasion d'être en mesure d'exprimer ses opinions, d'être en mesure d'exprimer sa

184 MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 127 185 Note de l’auteur

186 Citant un rapport du Bantu Investment Corporation in MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 127

culture, d'interpréter ses propres conditions de vie à travers des films. Ainsi, les films dans les années d'apartheid étaient une chasse gardée des Blancs. Ils pouvaient raconter l'histoire à leur façon, dans leur propre langue. Elle ne reflétait pas nécessairement les

besoins, les sentiments, la culture, les difficultés, le bonheur des Noirs »189.

À l’instar de Solomon Plaatje quelques années auparavant, notons une autre initiative de résistance à la discrimination cinématographique imposée par l’État, celle de Shami Young. Ce dernier est moins célèbre que son prédécesseur, et il est très difficile de trouver des documents sur lui. Pourtant, Audrey Thomas McCluskey le cite et résume son parcours et son combat : « Distributeur et exploitant indépendant de salles, Shami Young a commencé au Cap à projeter des films dans les maisons et les églises en exploitant des failles dans les lois sur la censure. Avant qu’il ne soit contraint à la faillite, il réussit à s’étendre et proposer près de mille places de cinéma. Young raconte comment il bernait les censeurs en maintenant deux projecteurs − l’un avec un western américain standard, et un autre avec des films interdits mettant en vedette des acteurs noirs comme Sidney Poitiers et Harry Belafonte. "Nous avions des guets postés en-dehors sur la route de sorte qu'au moment où la police se montrait, nous avions déjà changé le film", se souvient-il. Young faisait partie des exploitants noirs forcés à payer des frais exorbitants imposés par le conglomérat de distribution Ster-Kinekor et fraudant à chaque fois, avant d'être finalement mis en faillite de force au milieu des années 1980. Il estime que de telles activités devraient être étudiées : "J’aurais souhaité qu'il y ait une commission de vérité et de réconciliation pour l'industrie du film, parce que si cela avait été le cas, les gens auraient appris la vérité, comment Ster et les autres ont tué toute une culture du cinéma dans ce pays. Mon point de vue est qu'ils ont agi de manière criminelle, en restreignant le commerce, et en interdisant à notre peuple une forme de

divertissement qu'ils avaient appris à aimer" »190.

188 BOTHA Martin. South African film industry. The South African Film Industry : fragmentation, identity, crisis and unification.

Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=355&feature [consulté le 10 mai 2009].

189 TSELANE Terry. Voices [entretien filmé]. Réalisateur : Joachim LANDAU. Johannesburg, 2010.

190 McCLUSKEY Audrey Thomas. The devil you dance with, Film Culture in The New South Africa. 1ère éd. Ubarna - Chicago : University of Illinois Press, 2009, p. 7

En effet, des bioscopes très populaires comme le Star et l’Avalon avaient vu le jour à District Six dans la ville du Cap. Ces cinémas projetaient des films américains et notamment des films musicaux.

Mais la population blanche n’échappe pas non plus à la projection de films-types déterminés par la politique de l’État.

1.2.2. Un cinéma de propagande, un cinéma national

pour les Afrikaners

Si le cinéma « pour Noirs » est un cinéma fait par des Blancs dans une stratégie politique précise − hégémonie de l’homme blanc, acceptation d’une séparation culturelle et sociale, politique des Bantoustans, etc. − le cinéma « pour Blancs » quant à lui est aussi le résultat d’une réflexion poussée sur l’usage des films au sein de la communauté blanche et pour soutenir le régime.

Le pouvoir politique est principalement concentré entre les mains de la communauté afrikaner. Dans un souci de préservation et de renforcement de son pouvoir, elle s’illustre, sous la houlette du Department of Information, par la mise en place de mécanismes politiques, économiques et culturels pour être en mesure de contrôler l’État qu’elle dirige. Dans le cas du secteur cinématographique, cela se révèle clairement dans la création d’un fonds public de financement.

C’est Jamie Uys, réalisateur afrikaner internationalement reconnu pour son film Les

dieux sont tombés sur la tête (1980) qui est considéré comme étant à l’origine du

système des subventions. Keyan Tomaselli et Jacqueline Maingard résument son approche : « La première demande officielle adressée à l’État concernant un système de subventions a été formulée à l’initiative de la Motion Picture Producers Association (MPPA), présidée par Jamie Uys et fondée en 1956. Ironiquement, cette demande trouve son origine lors de la venue de Bladon Peake, un cinéaste britannique, afin de réaliser pour le compte de l’AFP en 1953, le film Hans die Skipper (Hans the Captain). Il approcha le gouvernement avec un modèle s’appuyant sur la situation britannique, où "l’idée était de créer un fonds de production à partir d’une taxe sur le prix du ticket de cinéma, fonds qui serait distribué aux producteurs britanniques sur la base de leurs résultats au box-office". Le gouvernement aurait suggéré à Peake de créer une

association professionnelle avec laquelle il pourrait négocier et la MPPA vit le jour »191. L’idée soufflée par Bladon Peake et relayée par Jamie Uys aura pour résultat près de trente-six années de système public de financement du cinéma. Le but principal est la manipulation du cinéma local par les gouvernements nationalistes et les grandes

entreprises de médias192 afin de participer au développement d’un outil de propagande

et d’assurer la pérennité de l’apartheid. Les films ne paraissent pas politiques, ni dans leur sujet, ni même parfois dans leur traitement. Pourtant, ils le sont sans équivoque et leur aspect léger et commercial n’est qu’un voile. Le résultat est « une croissance artificielle où beaucoup de films ont été produits. En tant qu'étrangers aussi, vous pouviez venir ici et faire des films en obtenant de l'argent du gouvernement. Parce que le gouvernement pensait que c'était une façon de promouvoir le système, même si vous faisiez un film et que vous ne disiez rien de positif sur le pays, vous étiez encore dans la

promotion du système politique »193. La production cinématographique augmente194 et

continue à se définir comme un moyen de légitimer et de justifier positivement l’existence du régime. La stratégie est alors à deux niveaux. L’un est la production de films directement liés au régime, œuvres de producteurs locaux, traitant de sujets locaux, dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. En représentant la vie quotidienne de la population blanche, sans évoquer frontalement la politique de l’État, ces films deviennent les vitrines d’une Afrique du Sud blanche où l’apartheid est une évidence heureuse, car personne ne s’en soucie. L’autre niveau se situe dans le domaine économique et international. L’Afrique du Sud devient grâce à ces subventions une alternative dans un plan de financement de film. L’Afrique du Sud de cette époque est donc attractive, et ce signal est primordial. L’État cherche par tous les moyens à réduire le plus possible la propagation de l’image écornée d’une Afrique du Sud autoritaire, discriminante et injuste. L’investissement dans le secteur cinématographique au sens global et en tant que médium évolue en outil de relation publique à l’échelle du pays et

191 Citant Keyan Tomaselli in MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 126

192 BOTHA Martin. 110 Years of South African Cinema. South African Cinema. Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. 2006. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=46&feature [consulté le 10 mai 2009].

193 DEKKER Nico. Voices [entretien filmé]. Réalisateur : Joachim LANDAU. Capetown, 2010.

194 « Environ 944 longs-métrages ont été faits en Afrique du Sud dans la période de 1979 à 1991, ainsi que près de 998 documentaires et plusieurs centaines de courts-métrages et films en vidéos ». BOTHA Martin. South African film industry. The South African Film Industry : fragmentation, identity, crisis and unification. Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=355&feature [consulté le 10 mai 2009].

dans le domaine international. Par conséquent, « Le régime des subventions favorise les

cinéastes comme Jamie Uys, dont la production était prolifique. [...] » 195, ce système

soutient principalement les films bon marché, à vocation commerciale […] pour

exploiter les possibilités locales de production de films »196. Ce que l’on nomme alors

des « tax shelter films », autrement dit des films profitant d’un abri fiscal, sont dans leur grande majorité des opérations économiques ; pour les autres ils ne « reflètent aucune

réalité sociopolitique identifiable ou la culture nationale »197.

Mais l’État va encore plus loin. Trois ans avant la création du système de subventions pour les films destinés à un public noir, il discriminait déjà le cinéma en langue afrikaans et en langue anglaise à partir de 1969. « Alors qu’il n’y avait d’abord aucune différenciation entre les langues, le système fut changé pour promouvoir les films en afrikaans […] quand les subventions des films en afrikaans ont augmenté de 44 à 55 %

des recettes obtenues au box-office »198. Nous pouvons donc y voir un prolongement de

la politique de protection et de mise en avant de la communauté afrikaner, comme cela était le cas dans le soin et l’attention apportés aux films comme Die Voortrekkers. Mais l’année 1969 correspond aussi à la restructuration du segment privé dans le secteur cinématographique. Toujours politiquement motivé, celui-ci répond à la demande de l’État soucieux de la protection des intérêts de la communauté afrikaner et se charge de poursuivre et de consolider son rôle de relais des images qui lui sont réservées. « Le capital afrikaner est donc devenu un facteur important dans l'industrie du film quand

Sanlam (société d’assurances)199 a acquis une participation majoritaire dans Ster-films,

une société de distribution, avec l'intention explicite de proposer des films principalement à des clients blancs et afrikaners. […] Le financement, la production et la distribution de films en Afrique du Sud sont maintenant pratiquement dans les mains

d'une seule grande entreprise »200. La société Ster-film existe encore aujourd’hui sous le

nom de Ster-Kinekor.

195 MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 126 196 Ibid.

197 BOTHA Martin. South African film industry. The South African Film Industry : fragmentation, identity, crisis and unification.

Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=355&feature [consulté le 10 mai 2009].

198 MAINGARD Jacqueline. South African National Cinema. 1ère éd. London - New-York : Routledge, 2007, p. 126 199 Note de l’auteur.

200 BOTHA Martin. 110 Years of South African Cinema. South African Cinema. Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. 2006. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=46&feature [consulté le 10 mai 2009].

Le cinéma pour le public afrikaner sous l’apartheid est symptomatique de la propagande d’État. Il est le reflet des inquiétudes, des stéréotypes et des messages façonnés pour et par la communauté blanche en Afrique du Sud dans les années 1960 et 1970. Martin Botha explique que « la plupart des films en afrikaans communiquent par le biais de symboles obsolètes qui n’ont que peu de valeur de communication interculturelle. Ils peignent un portrait unilatéral et stéréotypé de l'Afrikaner, conduisant à un malentendu. Par ailleurs, l'image négative des Noirs, représentés comme une classe de serviteurs dans ces films est un symbole visuel profondément ancré dans l'idéologie de

l'apartheid »201. En conséquence, et à quelques exceptions près, le cinéma en afrikaans

des années 1960 et 1970 « ignorait les turbulences sociopolitiques de la période, ainsi

que la réalité vécue par les Sud-Africains noirs »202.

Cette tendance se traduit dans un genre particulier, le cinéma de guerre souvent nommé « border war films » ou « mercenary films ». Ces films tentent « de reproduire une "iconographie" de terreur que l'État créait dans sa propagande contre le communisme. Une des stratégies-clefs de représentation est le gros plan de visages noirs grotesques