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2 ème Partie : Une histoire du cinéma en Afrique du Sud

1.3. Un cinéma de résistance et de transition

Très tôt, des cinéastes ont cherché à se servir du cinéma comme d’un signal d’alarme ou comme d’un exposé allégorique afin de s’interroger sur les fondements et la pérennité de l’apartheid en Afrique du Sud. Engagé et militant, clandestin et censuré, ce cinéma par sa nature est contraint à être produit et projeté dans des circuits parallèles.

1.3.1. Premiers pas ?

Il faut remarquer que les films associés généralement aux origines du cinéma contestataire sont à l’initiative de cinéastes britanniques, américains et hongrois. Nous prendrons donc l’exemple de trois films qui, selon nous, apportent des représentations cinématographiques différentes de l’Afrique du Sud sous l’apartheid et permettent d’identifier une appropriation du cinéma à des fins discordantes.

African Jim ou Jim Comes to Jo’burg (1949) d’Eric Rutherford et Donald Swanson,

réalisé un an après l’arrivée au pouvoir du Parti national et l’officialisation de l’apartheid, est le premier film dont nous traiterons. Martin Botha présente les réalisateurs de la façon suivante : « Eric Rutherford et Donald Swanson, deux Britanniques qui avaient travaillé en Afrique australe pour la Rank Organisation de Grande-Bretagne. Ils étaient des étrangers, des gens qui n’avaient pas grandi dans l'atmosphère raciale étouffante d’Afrique du Sud. Leur premier film […] est devenu un point de repère dans le cinéma sud-africain. Influencé par le néo-réalisme italien et le cinéma britannique d'après-guerre, il utilise des Sud-Africains noirs ordinaires dans des situations quotidiennes et dans des endroits réels. Il a également rendu célèbre le talent

de Sud-Africains noirs tels que Dolly Rathebe »215. Si nous nous focalisons sur cette

première impression émise par Martin Botha, African Jim joue particulièrement sur l’idée de réalisme : des acteurs non professionnels pour donner un effet de spontanéité dans le cadre de références géographiques connues.

Mais revenons sur la genèse du projet. Eric Rutherford et Donald Swanson sont respectivement un acteur et un scénariste anglais vivant en Afrique du Sud. L’idée

« scandaleuse »216 de faire un film uniquement avec des acteurs noirs est celle d’Eric

Rutherford. Peter Davis l’indique formellement : « Il conçut l'idée scandaleuse de faire

un long-métrage entièrement noir. Je ne sais pas si Éric (Rutherford)217 avait pensé à

cette première, mais il n’avait pas connu de précédent. Il y avait en fait un film, fait

215 BOTHA Martin. 110 Years of South African Cinema. South African Cinema. Kinema a journal for film and audiovisual media [en ligne]. 2006. Disponible sur : http://www.kinema.uwaterloo.ca/article.php?id=46&feature [consulté le 10 mai 2009].

216 DAVIS Peter. Diary. University of Cape Town [en ligne]. July, august, 1996. Disponible sur : http://web.uct.ac.za/depts/sarb/X0013_Davis.html [consulté le 15 juin 2010].

environ vingt ans plus tôt, appelé Siliwa the Zulu (alias Witchcraft), qui avait une distribution entièrement noire. [...] Dans son intention manifeste d'être un film de fiction, le film qui allait être appelé Jim Comes to Jo'burg (dans sa forme plus courte aussi connu comme African Jim) peut se targuer d'être le premier long-métrage entièrement noir. L'idée de faire un film sur et pour les Africains était l'idée de

Rutherford, et il était soutenu par le scénariste anglais Donald Swanson »218. Le film

totalement autoproduit − par le beau-père d’Eric Rutherford − s’organise à partir d’une équipe qui prend le nom de Warrior Films. D’autres films avaient été réalisés auparavant avec des acteurs noirs, mais leurs intentions étaient radicalement différentes, plus versées dans « l’exotisme » et le film « ethnologique » ravivant et produisant un certain nombre de stéréotypes sur les populations noires. L’histoire d’African Jim est qualifiée de purement cinématographique par Peter Davis. « Un Africain d'une région rurale vient à la ville chercher du travail. Il est agressé dès qu'il arrive, mais il est pris sous son aile par un veilleur de nuit amical, qui l'aide à trouver du travail. […]

finalement, son talent de chanteur est découvert »219, le film s’achève sur une happy

end : « une carrière réussie et la femme qu'il aime »220. Si le film paraît à première vue

simpliste, c’est qu’il est le résultat de la séparation des communautés blanche et noire. L’intention d’Eric Rutherford était « non seulement de faire des films sur les Africains, il a voulu que les Africains fassent des films eux-mêmes. Totalement naïf, l'espoir de Rutherford n'était rien moins que l'établissement d'un cinéma noir en Afrique du

Sud »221.

Mais les cinéastes utopistes sont dans l’incapacité de réaliser ce projet, celui d’un film qui s’appuie sur un partage d’expériences avec des individus de la population noire en Afrique du Sud. Eric Rutherford, d’après Peter Davis, n’était pas sensibilisé avec précision à la vie dans les townships, par exemple. Bien qu’il n’ait pu ignorer les conditions de vie dégradantes de ces agglomérations, il n’en avait pas une vision réaliste et détaillée. Séparées, les populations blanche et noire ne peuvent, d’un côté comme de l’autre, que témoigner de leurs fantasmes, de leur éducation, et par conséquent de la

217 Note de l’auteur.

218 DAVIS Peter. Diary. University of Cape Town [en ligne]. July, august, 1996. Disponible sur : http://web.uct.ac.za/depts/sarb/X0013_Davis.html [consulté le 15 juin 2010].

219 Ibid. 220 Ibid.

société de leur époque. Le film n’est donc pas la démonstration d’une réalité vécue par les Sud-Africains noirs, mais l’expression cinématographique de l’imaginaire blanc contestataire. « Ce groupe d'outsiders ne pouvait pas voir ou présenter la vie des Noirs à cette époque de l'intérieur. Ils ont adapté la vie des Noirs à partir de leurs propres expériences culturelles, mais ces expériences n’étaient elles-mêmes en aucun cas

"pures" »222. Malgré ces obstacles et ces difficultés, ce film a le mérite de mettre en

images des artistes, une musique et des spectacles inédits pour l’époque. Outre la chanteuse de jazz sud-africaine Dolly Rathebe, « Rutherford et Swanson se sont appuyés sur un bassin d'artistes locaux, ils pouvaient y puiser grâce à la médiation de Dan Twala, qui joue le rôle du veilleur de nuit dans le film. La gamme de divertissements révélée dans le film, de la danse gumboot au blues américain, est étonnante. Rutherford a dit : "Personne dans le monde blanc ne connaissait vraiment quelque chose à ce sujet, c’était une sorte de sous-culture entière dont personne n’était vraiment au courant", et la raison est bien sûr que la culture africaine était largement

considérée comme inférieure »223. Par ailleurs, l’existence d’une culture urbaine était

niée : n’étaient diffusées auprès des Blancs que des images stéréotypées et déformées de pratiques culturelles rurales supposées représenter les cultures africaines. C’est donc tout un pan culturel qui apparaît spontanément à la faveur d’un film. Les cinéastes, au moyen d’un film, contribuent à reconnaître des pratiques artistiques dénigrées parce qu’employées par la population noire. Cette « prise de parole » de la vitalité culturelle noire est inédite et ajoute une dimension contestataire et politique au film.

Cette œuvre a un impact important sur le secteur cinématographique sud-africain, notamment sur l’African Films Production. Le plus grand studio de production de l’époque utilise les talents d’artistes noirs comme Dolly Rathebe et produit le film

Zonk ! (1950) d’Hyman Kirstein et Song of Africa (1951) d’Emil Nofal. « Le film a

également ouvert les yeux d’African Films, qui jusque-là ne pouvait voir qu’en blanc. […] la maison de production s'est immédiatement lancée dans Zonk !, puis dans Song of

Africa, qui tous deux font pleinement usage des talents d'artistes africains. Mais ce

réveil serait étouffé sous l'apartheid »224. Zonk ! et Song of Africa sont des films qui se

221 Ibid. 222 Ibid. 223 Ibid. 224 Ibdi.

structurent autour d’enregistrements de performances scéniques − musique, cabaret, etc. − d’artistes sud-africains noirs. Il est à noter que la chanson Nkosi Sikelel’ iAfrica est interprétée par un chœur dans le film. À l’époque encore, chant de rassemblement et de résistance contre l’apartheid, cette chanson deviendra en 1994 l’une des composantes de l’hymne sud-africain. Le principal intérêt de Song of Africa est aussi l’extraordinaire ressource documentaire qu’il constitue aujourd’hui sur les styles musicaux des années 1930 à 1950.

Cependant, lorsque l’on analyse African Jim, ce film en évoque immédiatement un second, Come back Africa (1959) de Lionel Rogosin. Les similitudes, sans parler de genre, abondent pourtant dans le sens d’une méthode qui semble fonctionner pour mettre en valeur un pan d’une société complètement méprisé. Mais avant d’aborder ce dernier, il nous faut citer un autre film d’une égale importance, produit quelques années auparavant.

Cry, the beloved country (1951) de Zoltan Korda s’appuie sur d’autres méthodes pour

exprimer la contestation politique. Ce film est une adaptation d’un roman d’Alan Paton (1946). Écrivain et président fondateur du Parti libéral sud-africain (1953-1968), homme engagé et militant, Alan Paton révèle dans ses œuvres littéraires son opposition au régime d’apartheid. Zoltan Korda quant à lui est un réalisateur hongrois, rendu célèbre par son film hollywoodien, produit pour le studio United Artist, Le livre de la

jungle (1942).

C’est avec sa société London Films que Zoltan Korda produit ce film. Encore une fois, le mode de production témoigne d’un désir politique dans l’acte même de réalisation du film. En effet, le réalisateur et son équipe partent tourner l’essentiel de l’œuvre sur place, en Afrique du Sud. Une anecdote, plausible mais que nous ne sommes pas en

mesure de vérifier225, relate la difficulté pour les deux acteurs noirs principaux, Canada

Lee et Sydney Poitier, de venir jouer leur rôle dans l’Afrique du Sud de cette époque. Le réalisateur et ses deux acteurs « avaient concocté un plan dans lequel ils expliquaient aux services sud-africains de l'immigration que Poitier et Lee n’étaient pas acteurs, mais

225 Cette anecdote est aussi rapportée dans l’autobiographie de Sidney Poitier. This life in STERRITT David. Cry The Beloved Country. TCM [en ligne]. Disponible sur : http://www.tcm.com/this-month/article/216212|0/Cry-the-Beloved-Country.html [consulté le 15 juin 2010].

les "serviteurs" de Korda, sinon les deux acteurs noirs et le réalisateur blanc n'auraient

pas été autorisés à s'associer les uns aux autres alors qu'ils étaient dans le pays »226.

Zoltan Korda est issu d’une famille de cinéastes, son frère Alexander Korda est aussi réalisateur. Mais alors que ce dernier tend plutôt à célébrer le « fardeau de l’homme

blanc dans les colonies britanniques »227, son frère cherche, à travers son film, à

exprimer « son admiration pour la culture sud-africaine »228, à l’image d’Eric

Rutherford et de Donald Swanson, mais d’un point de vue encore plus lointain. Zoltan Korda émet une opinion conditionnée par le filtre de sa situation en tant que réalisateur étranger. Bien qu’il s’appuie sur une œuvre littéraire authentiquement sud-africaine, toutefois souvent taxée de paternalisme, qu’il soit accompagné par Alan Paton tout au long de la production du film et qu’il souhaite tourner en milieu naturel sur place, ses connaissances des populations sud-africaines, des cultures sud-africaines, des traditions, des langues et des arts sont cruellement limitées au regard de son intention.

Le film relate l’histoire du révérend Stephen Kumalo. Parti à Johannesburg pour rendre visite à sa sœur Gertrude et son fils Absalom, il apprend qu’elle est devenue prostituée dans un bidonville près de Johannesburg où elle mène une vie misérable, et que son fils est accusé du meurtre de l’enfant d’un fermier blanc. Absalom a abattu Arthur Jarvis lors d’un cambriolage. Arthur se trouve être un travailleur social qui œuvre à l’amélioration des conditions de vie de la population noire des bidonvilles. Il est en plus le fils de James Jarvis, un grand propriétaire terrien vivant non loin de la famille de Stephen Kumalo dans la région du Natal. Alors qu’ils ne s’étaient jamais croisés, ils vont devoir ouvrir les yeux sur les vies de leurs communautés voisines, mais si lointaines. La relation entre les deux pères et leur conception de la société sud-africaine de l’époque sont au centre de l’intrigue. Leurs tentatives de trouver un terrain d’entente et de ne pas succomber à la colère qui peut conduire vers la vengeance nous interpelle, et nous associons cette idée, comme le fait Iliona Halberstadt, à la philosophie de la Commission Vérité et Réconciliation : « le film de Zoltan Korda, qui postule que la peur est le problème […] propose une réconciliation basée sur la compréhension et la

226 Cry, the beloved country. The Internet Movie Database [en ligne]. Disponible sur : http://www.imdb.com/title/tt0043436/trivia [consulté le 16 juin 2010].

227 STERRITT David. Cry The Beloved Country. TCM [en ligne]. Disponible sur : http://www.tcm.com/this-month/article/216212|0/Cry-the-Beloved-Country.html [consulté le 15 juin 2010].

compassion, prouve (qu’il est)229 un rappel puissant en harmonie avec la Commission

Vérité et Réconciliation post-apartheid »230.

Bosley Crowther du New York Times voit quant à lui, dans ce film, une œuvre juste qui ne plonge pas dans l’émotion facile : « Certes, le réalisateur perspicace n'a pas hésité à montrer les conditions de vie misérables des Noirs dans les bidonvilles de Johannesburg ou à représenter franchement l'application stricte du code "Jim Crow" sud-africain. Mais il a mis ces aspects en évidence afin, seulement, de fixer la situation pour établir le

caractère oppressant du climat, sans avoir une caméra gémissante »231. Nous pouvons

enfin constater qu’Absalom est interprété par Lionel Ngakane, qui a eu un rôle déterminant dans la création d’un cinéma noir en Afrique du Sud. Nous étudierons plus en détail son apport au secteur cinématographique sud-africain dans une prochaine partie.

Come Back Africa (1959) de Lionel Rogosin est le dernier film de ce trio d’œuvres

militantes. Intéressons-nous dans un premier temps au réalisateur, emblématique du cinéma engagé et militant. En opposition frontale avec les studios américains, il est à l’initiative du New American Cinema avec Jonas Mekas. Le réalisme et l’humanisme portés par le dessein de montrer la société en s’extirpant du piège des codes hollywoodiens en font un réalisateur phare des années 1950-1960, ainsi qu’une importante source d’inspiration pour de nombreux réalisateurs − Wiseman, Cassavetes, etc. Son style tire ses origines volontairement dans le néo-réalisme italien : acteurs non professionnels, situations du quotidien, tournage en décors naturels, grande place réservée à l’improvisation, recherche du réalisme, etc.

Come back Africa est son deuxième film après On the Bowery (1956). Pour ce dernier,

il tourne pendant près d’un an dans le « quartier des clochards » à New York. Il y suit un travailleur alcoolique et son intégration dans un groupe du quartier… Ce type de tournage, très long, fait instinctivement penser au documentaire, où l’on prend le temps de la recherche, du suivi des personnages et où la mise en scène est partagée entre le

229 Note de l’auteur.

230 HALBERSTADT Ilona. Cry, The Beloved Country. Screen on line [en ligne]. Disponible sur http://www.screenonline.org.uk/film/id/474337/ [consulté le 15 juin 2010].

231 CROWTHER Bosley. Cry, the Beloved Country. New York Times [en ligne]. January 1952. Disponible sur : http://movies.nytimes.com/movie/review?res=9403E1DB123AE53ABC4C51DFB7668389649EDE [consulté le 15 juin 2010].

réalisateur et l’intervenant. Remarquons que, à l’instar de Zoltan Korda, Lionel Rogosin ment aux autorités sud-africaines de l’époque afin de tourner son film. Il « entre en Afrique du Sud en tant que touriste et vit à Johannesburg pendant presque un an avant de se sentir prêt à tourner. En avril 1958, il demande la permission au gouvernement de faire "un récit musical de voyage". Après deux mois de négociation avec six bureaux fédéraux suspicieux, Rogosin obtient son permis. Il abandonne son scénario original en moins d’une semaine, puis tourne pendant trois mois sans pratiquement une journée de

repos »232. Lionel Rogosin est ainsi un réalisateur total, car son investissement dépasse

le cadre d’une professionnalisation ou d’une standardisation du métier de réalisateur. Pour les besoins de son film, il décide d’entrer en Afrique du Sud « avec son épouse enceinte Elinor (leur fils est né pendant le tournage du film). Le couple vécut dans le pays pendant un an, se faisant des amis et des liens importants tout en observant le

système politique d'oppression »233.

L’histoire du film fait penser à African Jim, puisqu’il s’agit encore une fois d’un homme fuyant la misère de son village natal et qui espère prendre un nouveau départ en émigrant en ville : « Zachariah vient à Johannesburg, après avoir été forcé de quitter son village […] du KwaZulu […] par la famine. Sans-papier, il prend le seul travail disponible pour un homme dans sa position − en travaillant dans les mines d'or près de la ville. Cherchant mieux qu'un salaire d’esclave, il dérive à travers une succession d'emplois − domestique, préposé, serveur, ouvrier, membre de gang […] − tourmenté, insulté et dégradé par ses employeurs qui le licencient sans préavis, en raison de son ignorance ou par malice. Entraîné par ses nouveaux amis, il finit dans un shebeen, un des endroits illégaux de Sophiatown […] où les Africains se réunissent pour boire,

danser et parler politique »234. L’intrigue a été pensée de manière collaborative,

puisqu’elle fut écrite « sous la direction de deux jeunes (activistes)235 Africains

anti-apartheid, Lewis Nkosi et William "Bloke" Modisane »236. Une autre similitude avec le

232 WORSDALE Andrew. Jozi and the movies – A history. Gauteng Film Commission South Africa [en ligne]. September 2007. Disponible sur : http://www.gautengfilm.co.za/index.php?option=com_content&view=article&id=183:jozi-and-the-movies-a-history-&catid=96:september&Itemid=134 [consulté le 25 novembre 2010].

233 Come back Africa. TCM [en ligne]. Disponible sur : http://www.tcm.com/this-month/movie-news.html?id=410909&name=Come-Back-Africa [consulté le 25 novembre 2010].

234 Ibid.

235 Note de l’auteur

236 Come back Africa. TCM [en ligne]. Disponible sur : http://www.tcm.com/this-month/movie-news.html?id=410909&name=Come-Back-Africa [consulté le 25 novembre 2010].

film d’Eric Rutherford et Donald Swanson est l’importance de la culture musicale dans le film de Lionel Rogosin avec notamment la première apparition à l’écran de Miriam Makeba, une diva de la musique sud-africaine. Cette œuvre fut bien évidemment interdite sous l’apartheid, mais elle est encore aujourd’hui vue comme un classique du cinéma des nouvelles vagues européennes et nord-américaines.

Les cinéastes que nous venons d’évoquer ne sont pas sud-africains et ils sont blancs. Ces deux caractéristiques ne nous semblent pas relever du simple détail. Ces œuvres contestataires, en opposition au régime, sont réalisées en Afrique du Sud, parfois produites par des financements locaux, mais elles ont toujours un lien avec l’étranger. Est-ce révélateur des difficultés − techniques, financières, etc. − que les opposants locaux au régime doivent affronter afin de s’approprier le cinéma en tant que moyen d’expression de leur contestation ? Nous ne sommes pas en mesure de répondre catégoriquement à cette question. Cependant, il est indubitable que ces films et d’autres − notamment des nouvelles vagues européennes et nord-américaines − ont été des sources d’inspiration formelles pour les cinéastes sud-africains, qui ont poursuivi leur résistance au régime d’apartheid la caméra au poing. Ils ont parfois participé à ces films « étrangers », dont ils ont retiré un transfert de compétences qu’ils mettent en pratique dans leurs films.

1.3.2. Les années 1960–1980

Il est inexact de penser que le cinéma contestant le régime d’apartheid est le seul fait de réalisateurs blancs et/ou étrangers. Des cinéastes sud-africains noirs et afrikaners ont pris en main l’outil cinématographique pour évoquer leurs sentiments relatifs aux injustices sud-africaines. Ils forment « un groupe de producteurs et de réalisateurs de films et de vidéos qui ne sont pas affiliés à des sociétés de production intégrées à

l'industrie cinématographique grand public »237. Ils ont produit et réalisé « des films et