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Techniques et arts : de l’expérimentation à la théorisation du cinéma

et outil d’expression

2.1. Techniques et arts : de l’expérimentation à la théorisation du cinéma

Le cinéma est avant tout une somme de techniques. Abel Gance, Sergueï Mikhailovitch Eisenstein, Dziga Vertov, David W. Griffith et bien d’autres ont dompté ces techniques dans l’objectif de produire des œuvres cinématographiques. Ces cinéastes comptent au nombre des pères fondateurs de toutes les avant-gardes qui, par vagues périodiques, repoussent toujours un peu plus les limites artistiques du cinéma.

2.1.1. Des vues uniques au montage

Alors que les premiers films portaient le nom de « vues », que les premières fictions reprenaient des pièces de théâtre et que la caméra était fixe, des réalisateurs ont décidé de perfectionner l’outil pour qu’il puisse exprimer leurs intentions les plus complexes. En France, berceau des Lumières, le cinéma est très vite utilisé et manipulé. Citons trois exemples symptomatiques du travail assuré par des « chercheurs-artistes ».

Georges Méliès, l’entrepreneur de spectacles de magie, est considéré comme le pionnier des effets spéciaux : surimpositions, découpages, colorisations, effets pyrotechniques, etc. Il base ses recherches formelles sur l’importation des effets de la prestidigitation au cinéma. Aujourd’hui encore ses films, tels que Le voyage dans la lune (1902), sont visionnés et étudiés dans l’enseignement du cinéma. Notons qu’il est le premier à avoir construit un studio spécifiquement pour le tournage de films et l’élaboration de nouvelles formes visuelles.

Ferdinand Zecca, réalisateur français du début du XXe siècle, invente le premier

« flashback » dans son film Histoire d’un crime (1901). Toutefois, l’un des réalisateurs français que nous considérons comme le plus intéressant en matière d’expérimentations techniques au service de son sujet est sans doute Abel Gance. Son film Napoléon (1927) est à cet égard exemplaire. Son ambition était de réaliser une saga en hommage à l’empereur français. Cependant, ce sont les innovations techniques de ce film, devenues pour certaines, bien des années plus tard, des procédés classiques, que nous voulons présenter. Le film était destiné à être projeté sur trois écrans alignés. Cet élargissement gigantesque du champ de vision cinématographique du spectateur préfigure d’autres innovations, évidentes pour nous aujourd’hui, que sont le 70 millimètres ou les films Imax. Par ailleurs, le fait même de projeter trois images différentes ou similaires sur trois écrans est à l’origine d’un effet visuel commun dans les productions cinématographiques et audiovisuelles actuelles, le « split screen » − la division du cadre de l’image en plusieurs images plus petites, souvent utilisée dans les films policiers. Cette projection sur trois écrans accentue l’impact sur le spectateur, afin de lui signifier formellement la grandeur de l’empereur et de son œuvre − notamment dans les scènes de batailles.

Aux États-Unis, bien que le débat sur le film Naissance d’une nation (1915) de David W. Griffith ne soit pas clos, nous devons noter sa contribution à travers ce film à la recherche sur les moyens de narration dans le long-métrage de fiction. Le débat porte sur la possibilité ou non de qualifier ce film de premier film de fiction long-métrage de l’histoire du cinéma. Cependant, le choix du sujet − l’adaptation du roman The

Clansman de Thomas Dixon qui traite de l’histoire du premier Ku Klux Klan − n’est

pas anodin. Le film de Griffith devient une épopée patriotique sur l’histoire d’une Amérique mythique. Il emploie le montage alterné, réalise des mouvements de caméra comme le travelling, use de gros plans. Que Griffith soit le premier à user de ces techniques n’est pas important. Ce qui est digne d’intérêt, c’est le fait qu’elles deviennent dans le film des mécanismes utilisés volontairement pour évoquer un point de vue personnel sur une page de l’histoire américaine.

En Russie, Sergueï Eisenstein perfectionne les techniques du montage avec sa notion du « montage attraction », destiné à maximiser l’impact de la succession de plans sur le spectateur. Sa maîtrise du montage s’observe dans l’un de ses films les plus célèbres, Le

cuirassé Potemkine (1925), considéré comme un chef-d'œuvre à plus d’un titre − la

« scène du landau » est étudiée aujourd’hui encore dans les classes de montage du monde entier.

Dziga Vertov est lui aussi bien connu des historiens pour ses expérimentations sur le montage et son opposition à un cinéma purement dramatique − ou narratif. Il poursuit sans relâche le perfectionnement de ce que certains appellent la « science du montage ». Il souhaite découvrir et affiner les moyens les plus performants pour avoir un impact sur le public. L’Homme à la caméra (1929), l’une de ses œuvres majeures, met en images ses théories du « ciné-œil ». Il s’aventure à la production d’effets visuels comme les accélérés ou les ralentissements.

2.1.2. Les « nouveaux cinémas » et les nouvelles formes de films

En Italie, très peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, un pan du cinéma mute une nouvelle fois dans une avant-garde qui redéfinit les codes cinématographiques utilisés avant-guerre. Il s’agit du néo-réalisme italien. Francesco Casetti le résume dans une définition très claire : « L'idée de fond est que le cinéma doit littéralement conquérir le réel. Les voies qui ont été identifiées sont au nombre de deux : d'un côté, on exalte l'immédiateté avec laquelle le support refléterait le monde (la poétique de la filature selon Zavattini) ; de l'autre, on souligne les médiations qui sont nécessaires à un vrai

reflet (la poétique de la reconstitution d'Aristarco) »63. Le néo-réalisme italien est

politique, mais cet aspect sera traité dans la prochaine partie. Les auteurs du néo-réalisme italien revendiquent leur opposition au cinéma commercial (ils s’opposent au genre dit du « téléphone blanc ») et à sa caractéristique de « l’évasion ». Cette tendance se reconnaît par le traitement de sujets du quotidien et peu spectaculaires − Le voleur de

bicyclette de Vittorio de Sica (1948) − par la préférence de tournages en décors naturels

− Paisà de Roberto Rossellini (1946) − ou par l’emploi d’acteurs amateurs − comme les ouvrières travaillant dans les rizières du film Riz amer de Guizeppe De Santis (1949). Dans ce cas, une fois encore les réalisateurs réinventent l’usage de l’outil et pas seulement par des techniques d’appareil (la caméra).

La France aussi connaît l’apparition de réalisateurs opposés à un cinéma classique et figé comme « la qualité française » et le « réalisme poétique ». Ils poussent la recherche formelle encore plus loin. Cette « nouvelle vague » a la particularité de naître dans une revue spécialisée, les Cahiers du cinéma. Des critiques − Jean-Luc Godard, François Truffaut, Jacques Rivette etc. − passent de la plume à la caméra. Leur cinéma veut insuffler l’esprit d’une nouvelle génération et s’éloigner des carcans dominants du cinéma. Ils sont pourtant amateurs et spécialistes de réalisateurs de studios tels que John Ford, Howard Hawks ou encore Alfred Hitchcock ; mais ces cinéastes français justifient

leur attachement à ces derniers par deux concepts liés : l’auteur et la signature. Leurs films apparaissent comme « le témoignage d'une personnalité, qui se manifeste malgré

et à travers n'importe quel conditionnement (y compris celui industriel) »64. Leurs

œuvres sont portées selon eux par « un "vouloir dire" individuel »65. Ce que certains

appellent le style ou la « patte » d’un auteur « permet de mettre en lumière la capacité de certains metteurs en scène à "signer" leur œuvre par des traits de style constants et récurrents ». Par conséquent, « la signature certifie la valeur de l'œuvre, elle en garantit la qualité ». Elle devient donc la preuve d’une différence entre l’auteur et le technicien de studio qui applique des règles et des formules de réalisation. Le film du technicien

est alors dépossédé de toute intention personnelle au profit d’une standardisation66. Ce

qui fait un auteur est donc sa capacité à être différencié d’un autre artiste et reconnu par le public, grâce à l’emploi personnel et récurrent de certains outils et mécanismes du septième art. À titre d’exemple, ajoutons que l’un des traits d’identité des films de Jean-Luc Godard et inclus dans sa première œuvre À bout de souffle (1959) est le « jump cut », c’est-à-dire le passage d’un plan à un autre sans logique visuelle de transition. Ce que l’on appelle en France la Nouvelle Vague a des résonances dans le monde entier. À l’image du néo-réalisme italien, ces « nouveaux cinémas » sont aussi en rupture avec les codes dominants du cinéma commercial. Ils sont toujours liés, plus ou moins intimement, à des courants ou partis politiques. Citons pour exemples le « Cinema Nuovo » au Brésil, le « Free Cinema » en Grande-Bretagne, le « New American cinema », etc.

Toutefois, l’invention de formes ne naît pas exclusivement d’une opposition directe à un courant dominant. Des innovations technologiques peuvent être le point de départ de réflexions autour du médium cinématographique. Le cinéma direct ou le « cinéma-vérité » des années 1960 en est une preuve. Les réalisateurs profitent de la création de caméras plus légères (par la société Arriflex) et des systèmes d’enregistrement sonore miniaturisés (les nagras) pour se lancer « à l’assaut » du réel. Michel Brault ou Gilles Groulx au sein de l’Office National du Film (ONF) au Québec cherchent, grâce à ces

64 Ibid. 65 Ibid.

66 « D'où une liquidation de l'œuvre comme lieu de l'authenticité et de la vérité, et le triomphe du schématisme comme machine perfectionnée et fonctionnelle (…) ». Ibid, p. 135

nouveaux moyens, à capter le réel au plus près. Journalistes ou véritables cinéastes, la frontière est ténue.

2.1.3. Le cinéma expérimental

Enfin, il existe un cinéma qui s’intéresse presque exclusivement à la forme. Véritables laboratoires, des « cinéastes-scientifiques » torturent la caméra et la pellicule, faisant ainsi exploser les codes des formats dominants. On nomme cette mouvance cinéma « expérimental ».

Norman McLaren, cinéaste canadien officiant pour le compte de l’ONF, gratte la pellicule ou s’en sert comme d’un support pour peindre des formes, figuratives ou non, et créer des dessins animés. Il obtient un oscar en 1952 pour son film Voisin tourné en « stop motion », une méthode d’animation image par image rarement utilisée à l’époque en prise de vue réelle.

Tony Conrad crée le film The flickers (1965), qui est une succession d’images noires et d’images blanches produisant un effet stroboscopique. D’autres iront plus loin dans ce type de film, jusqu’à juxtaposer une image de bouche ouverte à la langue tirée et celle d’une paire de ciseaux ouverts entourant cette langue. À la vitesse de 24 images par secondes, l’effet sur le spectateur est déroutant. Perturber, faire réagir, heurter le public en lui montrant des films hors du commun : tels sont les buts principaux de ce type de productions.

De son côté, avec son film Four stars (1967) ainsi nommé pour tourner en dérision les critiques de films de l’époque qui qualifient un chef-d’œuvre de « film quatre étoiles », Andy Warhol s’oppose à la durée conventionnelle d’un film − d’une heure trente à deux heures. Warhol propose aux spectateurs un film de vingt-cinq heures. Il continue à s’illustrer dans l’opposition aux formes commerciales du cinéma en réalisant un film constitué d’un seul plan fixe. Ce dernier constitue à lui seul un film de près de huit heures. L’Empire State Building de New York y est filmé du coucher du soleil jusqu’à l’aube, en passant par la nuit… Est-ce un retour aux vues des Lumières du début du siècle ?

Nous ne pouvons traiter le cinéma expérimental sans faire référence à Stan Brakhage. Il en est certainement l’une des icônes avec sa production impressionnante de 300 films.

Stan Brakhage fait partie du milieu « underground » de New York. L’une des caractéristiques de son style est un montage rapide, saccadé et violent. Window Water

Baby Moving (1959), où le réalisateur filme sa femme enceinte jusqu’à son

accouchement, est certainement l’une de ses œuvres les plus célèbres. L’accouchement, intégralement filmé, suscite un véritable malaise, tant ce type de scène est absent du cinéma commercial. Ce film provoque nécessairement le spectateur et l’interroge sur la vie privée, le voyeurisme, les codes dominants de la fiction, etc.

Ces quelques exemples de réalisateurs ne composent bien évidemment pas une liste exhaustive des acteurs du cinéma expérimental ou des recherches initiées au sein de l’industrie du cinéma par des réalisateurs engagés dans l’évolution de leur medium. Cependant, ils illustrent la recherche du contrôle que l’homme veut exercer sur le cinéma pour le maîtriser et façonner des images personnelles.

2.1.4. Théorie du cinéma : la subjectivité du cinéma

Dans le cadre de notre thèse et pour éclairer la démarche que nous suivons, nous utiliserons la définition de la théorie de Francesco Casetti. Cet auteur considère la théorie comme « […] une façon de voir partagée par une communauté de scientifiques et considérée efficace. Une théorie ne doit donc pas être nécessairement une construction axiomatique, elle doit cependant être au moins un savoir partagé au moyen duquel on tente d'expliquer le monde. […] Suivant cette logique, nous caractériserons donc une théorie (du cinéma) comme un ensemble de thèses, plus ou moins organisé, plus ou moins explicite, plus ou moins contraignant, qui sert de référence à un groupe de chercheurs pour comprendre et expliquer en quoi consiste le phénomène en

question »67. Nous passerons donc en revue quatre théories historiques et fondamentales

du cinéma qui pourraient répondre à la question titre du livre d’André Bazin, Qu'est-ce

que le cinéma ?

Abordons tout d’abord la dimension subjective de l’art cinématographique. Comme nous l’avons précisé dans la partie précédente « le cinéma n'est pas une machine

anonyme qui enregistre automatiquement l'existant et le restitue en tant que tel »68. À

travers les films, le cinéma est le produit d’une subjectivité, celle de l’opérateur, du réalisateur, de l’auteur ou du producteur et souvent d’une intersubjectivité de ces différents intervenants. Francesco Casetti explique que la subjectivité est caractérisée par le monde représenté : « ce dernier est toujours le fruit d'une élaboration plus ou moins personnelle, le résultat d'une imagination rendue parfaitement perceptible. D'où un premier centre d'intérêt : le contenu du film, avec sa capacité à récupérer un support

onirique ou à arriver aux limites de la fantasmagorie »69. Edgar Morin relie quant à lui

la subjectivité à « une expérience psychologique (la mobilisation de facultés mentales, la mise en route de processus cognitifs), mais aussi à une dimension plus largement anthropologique (l'apparition et l'affirmation d'un "moi") et à une dimension plus spécifiquement linguistique (le "moi" comme source d'une expressivité et d'une

communication) »70.

2.1.5. Théorie du cinéma : la représentation

cinématographique

Ce monde représenté dont parle Francesco Casetti fait intervenir la notion de représentation, qu’il est important de définir dans le cadre du cinéma. La représentation et sa définition cinématographique ont été l’objet de nombreuses recherches et de vifs débats. Nous n’avons pas la prétention de créer notre propre détermination, nous nous contentons donc de produire une synthèse des différentes positions des théoriciens du cinéma, synthèse qui nous servira de référence dans la suite de notre recherche.

Il existe deux grands courants d’idées concernant la représentation cinématographique, « Ceux qui font de la représentation une fin (artistique, expressive) en soi, et ceux qui la subordonnent à la restitution la plus fidèle possible d'une supposée vérité, ou d'une

68 Ibid, p. 49 69 Ibid, p. 50 70 Ibid, p. 54

essence, du réel »71. Quel que soit l’objectif que se donnent les réalisateurs, une série de contraintes vient façonner la production d’une représentation, contraintes « allant des nécessités techniques à des nécessités esthétiques. Elle est en effet subordonnée au type de pellicule employé, au type d'éclairage disponible, à la définition de l'objectif, à la nécessaire sélection et hiérarchisation des sons, comme elle est déterminée par le type

de montage, l'enchaînement des séquences et la mise en scène »72. Malgré ce lourd

dispositif mis en place pour capturer une image sur la pellicule, l’accumulation de contraintes permet à la représentation filmique d’être « plus réaliste, par la richesse perceptive, par la "fidélité" des détails, que les autres types de représentation (peinture, théâtre…), mais en même temps elle ne donne à voir que des effigies, des ombres

enregistrées d'objets qui sont eux-mêmes absents »73. Les objets que les spectateurs

observent sur la toile d’un écran de cinéma sont donc présentés à leur regard sans être réellement présents. L’image d’une chaise dans un film n’est pas la chaise, mais le spectateur sait reconnaître l’objet s’il lui est commun. La représentation cinématographique se fonde donc sur la mise en image d’objets familiers du public, qui oublie leur absence pour ne garder que leur présence matérialisée par de la lumière et des ombres. « L'expérience, même la plus brève, de la vision des films, suffit à démontrer que nous réagissons devant cette image plate comme si l'on voyait en fait une portion d'espace à trois dimensions analogue à l'espace réel dans lequel nous vivons. Malgré les limitations (présence du cadre, absence de la troisième dimension, caractère artificiel ou absence de couleur, etc.), cette analogie est vécue comme très forte, et entraîne une "impression de réalité" spécifique du cinéma, qui se manifeste

principalement dans l'illusion du mouvement et dans l'illusion de la profondeur »74. La

représentation est la base du cinéma dit figuratif ou représentatif, c’est-à-dire le cinéma qui se fige sur une représentation supposée fidèle de la réalité, où le temps et l’espace sont les paramètres fondamentaux. « Depuis les débuts du cinéma, les films dits "représentatifs" forment l'immense majorité de la production mondiale (y compris les "documentaires"), bien que, très tôt, ce type de cinéma ait été fortement critiqué. On a

71 AUMONT Jacques, BERGALA Alain, MARIE Michel, VERNET Marc. Esthétique du film. 3e éd. Paris : Armand Colin, 2010, p. 31

72 Ibid, p. 95 73 Ibid, p. 70 74 Ibid, p. 12

reproché, entre autres, à l’idée de "fenêtre sur le monde" et aux formules analogues, de véhiculer un présupposé idéaliste, en tendant à faire prendre l'univers fictif du film pour

réel »75. Il est donc nécessaire de bien garder à l’esprit que le cinéma est le produit de

subjectivés conjuguées et d’un ensemble de techniques. Le cinéma est une illusion d’optique, un trompe-l’œil d’une force impressionnante qui peut faire basculer les certitudes des spectateurs.

2.1.6. Théorie du cinéma : réalisme, impression de

réalité et effets de réel

La fidélité de la représentation de ce qui est filmé est consubstantielle des notions de réalisme, d’impression de réalité et d’effets de réel qui sont autant de sujets de discordes entre les théoriciens du cinéma. L’impression de réalité est une notion-clef pour le cinéma narratif et le cinéma commercial, mais aussi pour le cinéma engagé et militant. André Bazin voyait dans le cinéma une fenêtre sur le monde, un prolongement de la réalité. C’était selon lui l’essence même du cinéma que de proposer aux spectateurs la réalité crue. Cependant, cette notion est très vite remise en cause, car le cinéma n’est ni

la réalité, ni le réel, ni un « décalque visuel »76 du réel et de la réalité. « Le cinéma, par

nature, sait surtout donner corps à l'imaginaire. Sur l'écran n'apparaît pas le monde qui nous entoure, évident et concret, mais un univers nouveau au sein duquel se mélangent des objets communs et des situations anormales, des faits établis et des sensations impalpables, des présences connues et des entités irréelles, des comportements habituels et des logiques surprenantes. Le cinéma ouvre en somme un espace autre, dans lequel