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Chapitre I. Géographie sociale des cimetières à Maracaibo

Plan 4 Un cimetière socialement et culturellement divisé 120

Gérés collectivement par des corporations ou associations, ils sont repérables grâce à des marquages présents sur leur portail d’entrée : l’étoile de David pour le carré israélite, le croissant lunaire pour les deux carrés arabo-musulmans, le symbole du taôisme pour le carré chinois, ou encore l’indication « P.M. » pour le carré militaire (« panteón militar ») :

119On observe deux parcs privés d’origine musulmane au sein du cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. Situés à deux endroits différents du cimetière, il est important de les différencier. En effet, ils n’ont pas été construits en même temps, ni par la même association. Si l’on sait que le panthéon de la colonie arabe fut fondé en 1960 (cette information est visible sur le porche d’entrée), on suppose que le second fut édifié au début des années 1980. En effet, la plus ancienne tombe de ce carré date de 1982.

120Cf. Varnier, 2016, p.223.

Réalisation Plan : C.V., 2016

182 Photographies 43 à 48 : Carrés privés du Sagrado Corazón de Jesús

À gauche, le panthéon de la colonie arabe de 1960. À droite, le panthéon israélite. Sur ces deux enclaves, l’identité culturelle est représentée par le biais de marquages symboliques. On observe notamment les écritures en langue arabe sur le porche du panthéon de la colonie arabe et l’étoile de David sur la tombe israélite.

Le panthéon chinois situé le long de l’allée principale. Il est reconnaissable grâce à son porche personnalisé et les formes d’écritures des épitaphes inscrites sur les tombes.

À gauche, le deuxième panthéon arabe. À droite, le panthéon de l’Église orientale fondé en 1970.

Photographies : C.V. 2013

183 Si certains carrés privés − tels que le panthéon de la colonie arabe, le panthéon israélite, le panthéon chinois, le deuxième panthéon arabe ou encore le panthéon du conseil paroissien de l’Église orientale − semblent avoir été construits en fonction de la place disponible dans le cimetière, d’autres au contraire répondent à une logique stratégique de mise en valeur. C’est le cas notamment des carrés appartenant à la fonction publique − le panthéon militaire, le panthéon de la garde nationale et de la police municipale – qui ont été placés en évidence à l’entrée du cimetière. Leur agencement n’est pas un hasard. Il révèle l’image d’un pays ancré politiquement dans un processus militarisé.

Photographies 49 et 50 : Emplacement du parc militaire au sein du cimetière

En effet, il est important de rappeler que depuis son indépendance en 1811, le Venezuela a principalement été gouverné par des militaires :

Source : Cimetière du Sagrado Corazón de Jesús, Maracaibo Cenital, 2010, Caracas, Fundación para la Cultura Urbana.

Le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús est composé de deux entrées principales situées le long de l’Avenue de la Limpia. Elles convergent sur une allée centrale divisant le cimetière en deux parties (gauche et droite).

Entre les deux portes d’entrées se trouve une petite chapelle, en état de maintenance au moment des visites. L’administration est, quant à elle, située à droite de la seconde porte.

Photographie : C.V. 2013

À gauche de l’entrée, on observe le carré militaire, reconnaissable par son inscription à l’entrée « P.M » ainsi que par la blancheur et l’alignement parfait de ses monuments.

184 De la place des forces armées dans la société vénézuélienne à celle des carrés

militaires dans les cimetières populaires

Que ce soit l’indépendantiste J-A Páez (de 1830 à 1863), le libéral A-Guzmán Blanco (de 1870 à 1888), le dictateur J-V Gómez (1908-1935), le démocrate E. López Contreras (de 1936 à 1941), ou encore le fondateur du Parti Démocratique Vénézuélien (PDV- parti à tendance conservatrice) I. Medina Angarita (de 1941 à 1945), tous étaient, au départ, des militaires de carrière. Aussi, si par la suite, le renversement du président I. Medina Angarita en octobre 1945 par R. Betancourt, fondateur du parti d’Action Démocratique (AD) et chef de file d’une « junte révolutionnaire civilo-militaire » (Van Eeuwen, 2004) marqua une pause dans cette lignée de représentants politiques et militaires − puisqu’il permis à l’écrivain R. Gallegos d’accéder au pouvoir en 1947 – ce ne fut que de courte durée. En effet, le coup d’État du 24 novembre 1948 conduisit de nouveau un membre des forces armées, le colonel et dictateur M. Pérez Jiménez, à la présidence du Venezuela (de 1953 à 1958) avant que ce dernier ne soit, à son tour, renversé en janvier 1958 par un putsch mené par une coalition de civils et de militaires (Ville, 2007).

On constate ainsi que durant toute la première moitié du XXe siècle, les militaires n’ont cessé d’être présents sur la scène politique vénézuélienne. Et ce constat ne s’arrête pas là. Si le soulèvement de 1958 et le retour du parti de l’AD au pouvoir signe un tournant démocratique dans l’histoire politique du Venezuela − les présidents sont dès lors élus au suffrage universel direct pour cinq ans (Jean, 2013) −, cela ne signifie pas pour autant le retrait des forces armées de la vie politique. Celles-ci conservent certaines places importantes au sein du gouvernement (comme par exemple au ministère de la défense), de même qu’un droit de regard dans les processus de décisions étatiques :

« Le rôle assigné aux militaires dans le système politique établi en 1958 était donc crucial et délicat. Formellement soumis au pouvoir civil et "non délibérant", les forces armées avaient acquis un droit de regard sur les décisions et sur les bénéficies du nouveau régime grâce à leur participation au renversement de la dictature, ainsi que grâce à leur capacité démontrée à intervenir » (Gómez Calcaño, 1992, p.27).

Cependant, l’armée au Venezuela ne constitue pas un corps politiquement homogène. Bien qu’en 1958 le gouvernement social-démocrate de R. Betancourt (AD), soutenu par les deux principaux partis politiques du pays − le parti démocrate-chrétien (COPEI) et l’Union républicaine démocratique (URD) − soit composé d’officiers professionnels hauts placés, il se heurte à l’opposition militaire du PCV (Parti Communiste Vénézuélien devenu illégal sous R. Betancourt) associée à celle de la guérilla des Forces armées de libération nationale (FALN). Très rapidement, ces divisions politiques engendrent des affrontements entre un gouvernement (l’AD), tourné vers une politique du clientélisme, et une gauche proche des idées de la junte révolutionnaire de 1958 (Ville, 2007).

185 Ce climat de tension aboutit en 1962 à deux tentatives de coups d’État dirigées, entres autres, par les secteurs militaires du PCV (El Carupanazo et El Porteñazo). Ces événements marquent le début d’un processus révolutionnaire – dite « révolution bolivarienne » − initié trente ans plus tard par la figure emblématique de H. Chávez, ancien lieutenant-colonel élu président du Venezuela en 1998 après une tentative de coup d’État ratée en 1992 contre le gouvernement de C. Andrés Pérez (membre de l’AD).

Si le cas de H. Chávez semble inclassable, incomparable aux régimes politiques antérieurs : « un militaire condamné et emprisonné pour tentative de coup d’État devient, quelques années plus tard, un chef d’État providentiel, fédérateur et démocratiquement plébiscité » (Fournier, 2010b, p.35), il s’inscrit néanmoins dans la lignée des présidents révolutionnaires tels que O. Torrijos au Panama (président de 1968 à 1981) ou J. Velasco au Pérou (président de 1968 à 1975) pour qui le renversement de l’ordre social passe obligatoirement par la construction d’un rapport unitaire entre le peuple et l’armée (Eeuwen, 2004). Selon le système idéologique bolivarien mis en place sous H. Chávez, l’armée est associée à la société comme un élément constitutif du rapport au pouvoir :

« Dans la révolution bolivarienne, le renversement de l’ordre social passe par l’armée considérée comme étant le peuple en armes. Il ne s’agit pas d’une simple politisation de l’armée mais de la mise en place d’un système idéologique bolivarien qui associe étroitement l’armée et la société » (Eeuwen, 2004. Cité par Fournier, 2010b, p.41).

Et cette idée est très largement défendue dans les discours de H. Chávez de 1998 à 2013.

Dans un recueil de retranscription d’entretiens publié en 2002 par le journaliste argentin L. Bilbao − Chávez et la Révolution Bolivarienne. Entretiens avec Luis Bilbao (2005) −, le leader de la révolution bolivarienne n’hésite pas, par exemple, à illustrer le rapport unitaire qui existe entre le peuple vénézuélien et les forces armées en le comparant avec la formule chimique de l’eau (H²O). Pour lui, l’un ne peut pas exister sans l’autre :

« Nous pouvons dire que cette relation est comme la formule de l’eau : H²O. Si nous disons que le peuple est l’oxygène, la force armée est l’hydrogène. Il n’y a pas d’eau sans hydrogène » (Discours de H. Chávez, In Bilbao, 2005, p.28. Traduction personnelle ».

Ainsi, face à ce contexte historique où les forces militaires ont toujours eu, de manière directe ou indirecte, une place au sein de la vie politique vénézuélienne et où, plus récemment avec H. Chávez, on a assisté à une militarisation progressive de la société (Vazquez Lezama, 2019), il n’est pas étonnant de constater la présence de carrés militaires au sein de cimetières populaires tel que le Sagrado Corazón de Jesús. De même, la place qui leur est attribuée n’est pas un hasard. À l’image de la place qu’elle occupe dans la société vénézuélienne, l’armée détient généralement une place privilégiée au premier plan des cimetières.

186 Exemple du mausolée de H. Chávez comme lieu de pèlerinage au Venezuela

Depuis sa mort en mars 2013, le corps de H. Chávez est exposé au Musée d’Histoire Militaire, une ancienne caserne également appelée Cuartel de la montaña − qui lui servit de quartier général pour tenter révolution bolivarienne, il est prévu que ses restes soient transférés d’ici

Dans le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús, le carré militaire est situé à gauche de l’entrée principale. Repérable − en plus des inscriptions présentes sur son portail d’entrée − par la qualité et l’alignement parfait de ses monuments (composés de marbre blanc et de céramique), il est très régulièrement entretenu par la mairie de Maracaibo. Si l’ensemble des parcelles du cimetière, comme nous le confirme le directeur des services publics de Maracaibo (J. Alarcón), ne bénéficient pas du même traitement de la part de la

Photographie : C.V., 2013

Panthéon National de Caracas

Photographie : @TVesalDia. Cf. « Pueblo venezolano rinde homenaje a Hugo Chávez en el Cuartel 4F”, telesurtv, le 15 mars 2017. URL: https://www.telesurtv.net/news/Pueblo- venezolano-rinde-homenaje-a-Hugo-Chavez-en-el-Cuartel-4F-20170315-0013.html

Musée d’Histoire Militaire de Caracas

187 mairie, on comprend alors toute l’importance du pouvoir acquis par le secteur militaire au Venezuela au cours de ces dernières années, ainsi que la légitimité attribuée à celui-ci par les institutions publiques :

« Quand tu entres dans le Corazón de Jesús, la première chose que tu vois c’est le panthéon militaire. C’est très révélateur d’un pays qui s’est construit comme ça. C’était une époque où les militaires dirigeaient le pays. Il est très entretenu par la mairie de Maracaibo, comparé aux autres parcelles du cimetière » (Ent. avec J. Alarcón, le 28 août 2013, Maracaibo. Traduction personnelle).

En effet, si l’on se réfère à certains articles de presse paru dans le journal local Panorama entre 2009 et 2013 − au moment de l’enquête de terrain – on constate qu’en dehors de la partie correspondante au carré militaire, le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús souffre d’un cruel manque d’entretien. De nombreuses tombes sont délabrées, envahies par la végétation voire, totalement abandonnées. De même, les actes de vandalisme et de profanation sont fréquents, renforçant le sentiment d’insécurité dans cet espace. Si la partie administrative du cimetière tente, depuis plusieurs années de remédier à ces différents problèmes en sollicitant des équipes de nettoyage ou de sécurité auprès de la mairie de Maracaibo, les plaintes des visiteur-euse-s continuent de s’accumuler dans les journaux.

2. 3. 3. Profanation, insalubrité et manque de places : les conditions alarmantes du Sagrado Corazón de Jesús

« Cementerio municipal en ruinas e inseguro »121 (« cimetière municipal en ruine et insécurisé ») titrait l’article du 22 janvier 2009 paru dans le journal local Panorama à propos du cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. Face aux plaintes récurrentes des visiteur-euse-s dénonçant un espace funéraire en quasi état d’abandon, envahi par les déchets et les mauvaises herbes, la directrice administrative de l’époque, A. Franco, lance un appel urgent à la mairie de Maracaibo pour multiplier les opérations de nettoyage et augmenter le personnel d’entretien présent en nombre limité dans le cimetière (10 ouvriers pour environ 10 ha de terrain) :

« L’ecónoma du lieu, Aleila Franco, informe que 10 ouvriers de l’institut municipal de l’environnement (IMA) viennent chaque jourpour remédier à la situation, mais ce n’est pas suffisant : "Nous nécessitons une opération urgente de nettoyage. Les institutions doivent se concentrer sur la conservation de leurs espaces" » (A. Franco, cité par Palencia, 2009.

Traduction personnelle).

D’un autre côté, l’équipe de fossoyeurs témoigne de leurs conditions de travail difficiles en raison du climat d’insécurité permanent régnant dans ce cimetière. Elle dénonce notamment le fait qu’à partir de certaines heures de la journée, il est quasiment impossible d’y circuler sereinement. La présence de personnes marginalisées se livrant quotidiennement à des

121 Cf. Yépez Palencia, J. « Cementerio municipal en ruinas e inseguro », Panorama, le 22 janvier 2009.

188 trafics en tout genre (vente de drogue, consommation d’alcool, prostitution) fait, en effet, de ce cimetière un espace craint autant par les travailleur-eure-s, que par les visiteur-euse-s, qui n’osent plus véritablement s’y aventurer seul-e-s en journée. Ces dernier-e-s réclament alors la mise en place d’un dispositif de sécurité par la mairie de Maracaibo afin de pouvoir accéder aux tombes de leurs défunts en toute sécurité :

Source : Extrait de l’article de presse de Palencia, Panorama, le 22 janvier 2009.

« Chaos.

Les visiteurs exigent de la propreté et une meilleure sécurité. Beaucoup

s’abstiennent de venir à causes des conditions dans lequel se trouve le

cimetière »

« Selon Omar Pulgar, fossoyeur, il est préférable de ne pas être dans le cimetière

après l’heure de midi : Ici, il y a de tout.

Plusieurs d’entre nous se sont fait agresser au cours de l’après-midi.

Il est recommandé de venir accompagné.

Le cimetière est en déclin. Depuis 36 ans que je travaille ici, je peux dire qu’il a

atteint la pire des situations" »

189 Cependant, deux ans après ce premier article récolté, on constate − toujours par le biais du journal local Panorama − que la situation ne s’est guère améliorée dans le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. L’article du 23 décembre 2011 par exemple : « Cementerios de Maracaibo dan vergüenza » (« Les cimetières de Maracaibo font honte ») compte plusieurs plaintes de visiteur-euse-s dénonçant à nouveau le manque d’investissement de la mairie de Maracaibo pour maintenir le cimetière en état. Ces dernier-e-s expriment leur colère face à l’insalubrité qui règne dans certaines zones du cimetière et les empêchent de venir se recueillir convenablement sur la tombe de leurs proches :

Aussi, face à cet état des lieux, l’auteur – A. Palenco – n’hésite pas à établir une comparaison avec le cimetière privé du Cuadrado. Pour lui, ces cimetières sont similaires dans le sens où ils apparaissent tous deux aux yeux des visiteur-euse-s comme des espaces peu entretenus par la mairie, et donc par conséquent, difficilement praticables. Dans la plupart des articles de presse récoltés au cours de l’enquête de terrain entre 2011 et 2013 (Cf. Articles du Panorama cités p. 155), on dénote notamment l’utilisation répétée de termes communs − tels que « basura » (« déchets ») ; « monte » (« hautes herbes ») ; « maleza » (« malaise ») ;

« irrespeto » (« irrespect ») ; ou encore « inseguridad » (« insécurité ») − pour décrire l’état général de ces deux cimetières. Concernant le cimetière privé du Cuadrado, cette description n’est pas une surprise lorsque l’on sait que la mairie refuse de s’en occuper compte tenu du fait qu’il s’agisse d’un cimetière privé. Cependant, pour ce qui est du cimetière du Sagrado Corazón de Jesús, l’emploi de ces termes interroge : comment un cimetière public, normalement géré et financé par les services municipaux de Maracaibo peut-il en arriver à être dépeint dans les journaux –à l’instar du cimetière privé du Cuadrado – comme un espace en si mauvais état ? Pourquoi n’est-il pas entretenu au même titre que le cimetière public du San

« Regulo López, qui a visité hier les restes de sa mère et de sa sœur dans le Corazón de Jesús manifeste son agacement parce que la

mairie a négligé la propreté du lieu "On ne peut même pas arriver jusqu’aux

tombes à cause des herbes hautes" »

« La même situation s’observe dans le cimetière le plus ancien, le Cuadrado.

Visiteurs, incluant ceux qui viennent de l’extérieur pour honorer leurs proches décédés, doivent affronter l’insécurité, les hautes herbes, les ordures et le manque de

respect permanent envers les morts de cette ville »

Source : Extrait de l’article de presse de Palencia, Panorama, le 23 décembre 2011.

190 José qui, rappelons-le, bénéficie d’une réelle attention de la part de la mairie de Maracaibo ? En résumé, quelles sont les raisons qui expliquent une telle inégalité de traitement entre les différents cimetières publics de Maracaibo ?

L’analyse des différents articles de presse récoltés dans le journal local Panorama entre 2011 et 2013, croisés à la collecte de données in situ (entretiens et travail d’observation) a permis d’apporter quelques éléments de réponses quant aux questions posées.

Le premier élément qui ressort est que la composition sociale de ces deux cimetières publics, le San José et le Sagrado Corazón de Jesús, influence la manière dont les services publics de Maracaibo ont d’entretenir et de gérer ces espaces. Rappelons que si d’un côté, le cimetière du San José fut au départ un cimetière réservé à une certaine élite de la société (ex : les morts des compagnies privées pétrolières, les membres de la franc-maçonnerie, les personnalités illustres du Zulia, etc.), le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús a, de son côté, été conçu pour accueillir – sans exception − l’ensemble des catégories sociales de la population maracaibera (il n’existe pas par exemple de nichos ou columbariums au sein du cimetière du San José). En ce sens, il apparait logique que les services publics de Maracaibo accordent davantage d’attention au cimetière du San José qui abrite un patrimoine funéraire plus prestigieux que dans le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. De même, on observe une différenciation de traitement de la part des services publics de Maracaibo à l’échelle intra-muros, au sein cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. Ces derniers s’occupent préférentiellement des espaces dédiés aux catégories sociales supérieures situés dans le premier et second corps (les fajas) ainsi que des carrés privés appartenant à la fonction publique (ex. le carré militaire). Cela renforce l’idée qu’il existe bel et bien des logiques de valorisation inégales des espaces funéraires en fonction des catégories sociales et/ou de l’appartenance identitaire des individus et des groupes sociaux enterrés.

De la même façon, on constate que cette inégalité de traitement entre ces deux cimetières publics produit une différence socio-spatiale dans l’organisation même de ces cimetières. Les espaces attribués aux catégories sociales élevées, de même qu’aux individus célèbres ou possédant un certain statut privilégié au sein de la société sont visibles et bien délimités au sein de ces deux cimetières. A contrario, en ce qui concerne le cimetière du Sagrado Corazón de Jesús, les espaces dédiés au reste de la population sont moins entretenus, davantage invisibilisés et donc, par conséquent, sujets à une insécurité résiduelle. De cette façon, si le sentiment d’insécurité n’est pas relaté dans la presse locale à propos du cimetière du San José, cela peut notamment s’expliquer par le fait qu’il existe une différence de superficie entre ces deux cimetières publics. En effet, un cimetière de 10 ha tel que le Sagrado Corazón de Jesús est, sans nulles doutes, plus difficile à sécuriser qu’un cimetière de 200m² équivalent au San José. En témoigne notamment certain-e-s travailleur-eure-s du Sagrado Corazón de Jesús qui, par crainte de se faire agresser, refusent de se rendre dans certaines zones reculées – invisibles – pour entretenir le cimetière (Cf. Article de presse de Palencia,

191 Panorama, le 22 janvier 2009). Ce sentiment d’insécurité participe alors – à la différence du San José − del’état d’insalubrité du cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. Aussi, s’il existe une asymétrie quant au sentiment d’insécurité ressenti à l’intérieur de ces espaces, on peut dire

191 Panorama, le 22 janvier 2009). Ce sentiment d’insécurité participe alors – à la différence du San José − del’état d’insalubrité du cimetière du Sagrado Corazón de Jesús. Aussi, s’il existe une asymétrie quant au sentiment d’insécurité ressenti à l’intérieur de ces espaces, on peut dire