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Chapitre I. Géographie sociale des cimetières à Maracaibo

Plan 5 Un cimetière paysager divisé en cinq zones, dont trois seulement sont occupées

Réalisation plan : C.V., 2019.

195 Photographie 51 : Vue générale du cimetière du San Sebastián

Photographies 52 et 53 : Dalles mortuaires engazonnées (zone n°1)

Photographie : C.V. 2013

Lorsque l’on franchit l’entrée du cimetière métropolitain El San Sebastián, l’espace se divise en plusieurs zones. Sur cette photographie prise à proximité du premier rond-point, on distingue : une zone de columbariums à gauche, une zone de dalles mortuaires engazonnées à droite et une zone en construction en arrière-plan (présence de talus). Aussi toutes les allées sont entretenues et délimitées par des rangées d’arbres. Elles donnent au cimetière une atmosphère végétale et paysagère, similaire à celle d’un parc ou d’un jardin public. Cet aménagement contraste nettement avec la forte densité de Maracaibo, ville artificialisée où il existe très peu d’espaces verts.

La Vereda del Lago, situé à l’Est sur le lac de Maracaibo, constitue l’unique espace vert, un parc de 68 ha pour 1.911.472 habitants, selon l’INE, en 2011.

Photographies : C.V. 2013

L’une des particularités du cimetière du San Sebastián est que les tombes à fosses ne sont pas surmontées de stèles (pierres dressées verticalement, directement plantées dans le sol ou rehaussées par un soubassement), mais prennent la forme de dalles horizontales carrées placées sur l’étendue de la pelouse. Sur ces deux photographies, chaque dalle engazonnée correspond à un mort enterré. Si elles ont pour vocation de se fondre dans le paysage, elles restent néanmoins fortement ornementées par les proches des défunts qui viennent déposer des fleurs ou des objets (ex. photographie de gauche).

196 Photographies 54 à 57 : Columbariums (zone n°2) et fosses communes (zone n°3)

Aussi, au premier plan de la photographie en haut à gauche, on observe une étendue d’herbe, cette fois-ci sans dalles mortuaires.

Il s’agit là de la zone de fosses communes située dans la partie la plus reculée, à l’Ouest du cimetière. Les individus les plus démunis y sont enterrés anonymement. En effet, la plupart du temps, les emplacements ne disposent d’aucun marquage ou indice personnel permettant de les identifier : pas de noms, de plaques, de dates (de naissance ou de mort), de décorations ou même de pierres tombales.

Seul un simple numéro attribué par la partie administrative du cimetière permet de situer leur emplacement (ex. photographie de droite). Dans ce cas, le risque pour ces individus de tomber dans l’oubli, de disparaître définitivement des mémoires collectives est inévitable.

Photographie : C.V. 2013

Photographies : C.V. 2013

Sur la photographie en haut à gauche sont visibles en arrière-plan les columbariums (ou nichos). Constitué de cinq étages, ces blocs de bétons verticaux – véritables « H.L.M » de la mort (Urbain, 2005) – disposent d’une large capacité d’accueil en termes de sépultures. En effet, chaque bloc peut contenir jusqu’à 250 niches, soit 250 cercueils (25 sur la largeur et 200 sur la longueur). À hauteur d’Homme, celles-ci restent aisément accessibles aux visiteur-euse-s qui, s’ils/elles le souhaitent, peuvent venir personnaliser l’emplacement de l’être disparu (ex. photographies en haut à droite).

197 Cependant, de la même façon que pour les cimetières intra-urbains de Maracaibo, il existe une division sociale de l’espace du cimetière El San Sebastián. Bien qu’il n’existe pas de zones de fajas, réservées exclusivement à l’élite de la société maracaibera, le prix des concessions funéraires varie inexorablement en fonction de l’emplacement des individus dans le cimetière. En 2013 – selon des données récoltées auprès de l’entreprise privée Jarchina C.A – le prix d’une concession pour l’inhumation d’un cercueil seul en zone n°1 (zone de dalles mortuaires engazonnées) était de 16.000 bolivars. En zone n°2 (zone de columbariums), il fallait compter 8500 bolivars pour un emplacement en « niche ». Enfin, le prix payé par la municipalité pour un emplacement en zone n°3 (zone de fosses communes) était d’environ 500 bolivars pour un adulte et de 300 bolivars pour un enfant (entre 0 et 7 ans). Cette différenciation tarifaire en fonction de l’emplacement et du type de sépulture est, somme toute, assez classique. On la retrouve dans pratiquement tous les cimetières où il existe une offre différenciée de sépultures (en fonction de l’âge, de l’emplacement ou du type de concession). Si, par ailleurs, le prix des concessions semble élevé, comparé par exemple à ceux du cimetière privé, pourtant élitiste, du Cuadrado − qui étaient en 2013, rappelons-le, de 12.000 bolivars pour un caveau individuel et de 4560 bolivars pour un emplacement en « niches » (Cf. p.151) – la demande d’acquisition de parcelles reste forte dans le cimetière El San Sebastián. En 2013, L-J Gollarza estimait jusqu’à 15 le nombre d’inhumations par jour dans ce cimetière :

« En une journée, nous pouvons inhumer jusqu’à 15 cadavres. Parfois, nous n’avons même pas le temps de manger ou de nous reposer » (L-J Gollarza Ochoa, le 17 septembre 2013, Maracaibo. Traduction personnelle).

Cette forte demande n’est pas étonnante lorsque l’on sait qu’il s’agit du seul cimetière de Maracaibo où il reste encore des parcelles disponibles à l’achat (Cf. Article de presse de Pasini Albarrán, Panorama, le 4 mai 2007). De même, comme on peut l’observer sur le plan 5 (p.195), la prédominance des surfaces non-occupées (à savoir, la zone en construction, zone n°4, et celle à construire, zone n°5), comparées à celles occupées par les monuments funéraires renforce l’image d’un cimetière verdoyant, peu dense, et donc davantage propice à la quiétude et au recueillement que les cimetières intra-urbains de Maracaibo – qui apparaissent aux yeux des visiteur-euse-s comme des espaces condensés difficilement praticables. Cela contribue à rendre l’espace du cimetière du San Sebastián plus accueillant et attractif, au bénéfice à la fois des clients qui ont désormais la possibilité d’inhumer dignement leurs proches dans un cimetière qui possède des concessions funéraires « neuves » (ils ne sont plus obligés de se faire « prêter » ou de « louer » à des particuliers des concessions ayant déjà été utilisées auparavant), mais également des investisseurs, tels que l’entreprise privée Jarchina C.A, qui disposent – à la différence des cimetières saturés − d’un champ ouvert lucratif pour produire et vendre un ensemble de biens et de services funéraires :

« Ce qui se passe c’est que le Corazón de Jésus est totalement collapsé. Il est devenu trop petit par rapport à la ville de Maracaibo. Il n’est plus attractif car tous les emplacements sont déjà