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Chapitre I. Une géographie des espaces de la mort non formalisée 2

2. Invitations et appels (à contribution) lancés aux géographes

C’est ce qu’en témoigne notamment le colloque de 2010 centré sur la thématique des

« espaces de la mort ». En effet, en dépit du fait qu’il ait été organisé par l’association bordelaise des doctorants en géographie DOC’GEO et coordonné par trois géographes référents : G. Di Méo, A. Goreau-Ponceaud et E. Petit9, peu d’auteur-e-s en géographie figurent dans la publication des actes. Du côté des intervenant-e-s, seulement trois y ont contribuées : C. Gueguen, B. Tratnjek sur le rapport entre identité(s) et espaces de la mort ; et

9 E. Petit est l’une des rares géographes à s’être engagée sur la question des cimetières. Sa thèse :

« Matérialisation du souvenir en montagne : les enjeux identitaires des places et des placements », soutenue à Bordeaux en 2012 interroge le rôle de l’espace des cimetières (notamment celui du Biollay à Chamonix) et des emplacements occupés dans les processus mémoriels et de reconnaissance identitaires.

25 C. Armanet-Muller10, sur la question des « nouveaux espaces de la mort » − espaces qu’elle qualifie par ailleurs de « non-lieux » − en lien avec la pratique de la crémation et du recueillement des cendres. En revanche, tous les autres travaux réunis pour la publication de ces actes ont été écrits soit par des sociologues (Bernard, 2010), soit des anthropologues (Réveillas et Castex, 2010), des archéologues (Vivas, 2010), ou encore des historiens de l’art (Rabier, 2010) et des religions (Boyer-Gardner, 2010).

De par sa composition, ce colloque semble révéler une carence disciplinaire de la géographie française dans l’étude des espaces et des pratiques de la mort, il ne fait que remettre en exergue un constat déjà établi en 1991 par l’historien R. Bertrand dans un article écrit spécialement à l’intention des géographes dans la revue de géographie Méditerranée.

Cet article au titre explicite « Pour une étude géographique des cimetières de Marseille » (1991) démontre en quoi les cimetières peuvent – et surtout devraient − faire l’objet d’études approfondies en géographie. En effet, excepté deux géographes cités dans la bibliographie : P. George (1969, p. 242-243) et J-R Pitte (1983, p.45) ayant très brièvement abordé la question des grands cimetières urbains dans leurs ouvrages respectifs, R. Bertrand dénonce le fait que trop peu d’auteur-e-s en géographie s’en sont préoccupés − ou alors dans une perspective qui consiste à les décrire uniquement en tant que des « équipements publics ordinaires » (Bertrand, 1991, p.47). Déplorant cette absence et ce manque d’intérêt scientifique, il tente alors d’apporter un regard neuf aux géographes en leur soumettant plusieurs pistes de recherche. Il leur recommande notamment d’analyser les espaces de la mort sous l’angle d’une double approche : une approche « externe » dans laquelle la place du cimetière est interrogée dans son environnement (évolution et impacts des cimetières dans les aménagements urbains) et une approche « interne » qui considère le cimetière à l’interstice d’un dispositif de gestion à la fois public (équipements, services et aménagement) et privé (choix du monument et entretien des concessions funéraires). Plus qu’un simple conseil, il s’agit avant tout d’une invitation lancée aux géographes pour éveiller leur intérêt à rejoindre le rang interdisciplinaire des études consacrées à la mort, ses espaces, ses rites et ses représentations :

« Historiens et historiens d'art ont nettement amorcé celle [l’étude] des tombeaux, de leur statuaire et de leur symbolique, et l'anthropologie s'est efforcée de dégager les représentations sous-jacentes à cet "archipel des morts". Il semble qu'il appartiendrait au géographe de dépasser la simple notion d'équipement collectif, le cimetière étant un espace fort différent du stade ou de l'établissement scolaire par sa destination et son statut où s'imbriquent étroitement espaces publics et privatifs » (Bertrand, 1991, p.51).

Cependant, vingt ans plus tard, G. Di Méo établit le même constat que R. Bertrand lors du colloque de Bordeaux en 2009. Considérant le fait que la géographie ne s’est « encore guère

10 Intervention de C. Armanet-Muller (géographe) au colloque du 7 avril 2009 : « Etre incinéré et après ? Le rapport des crématistes à la sépulture ».

26 engagée » dans le champ des études liées la mort, il réitère le premier appel lancé aux géographes en 1991 en encourageant la nouvelle génération à s’investir davantage dans l’étude des espaces funéraires qui, par leur composition, permettent de révéler des mécanismes et processus intrinsèques aux sociétés et aux groupes sociaux étudiés, entre diversités culturelles et religieuses, logiques identitaires et inégalités sociales :

« Les raisons de la mort, sa matérialité brutale et ses spiritualités si subtiles, offrent un champ immense à la spéculation géographique. Celle-ci, toujours frileuse, particulièrement en France, ne s’y est encore guère engagée. Puisse ce fascicule, modeste mais néanmoins passionnant, riche de l’apport conjoint d’historiens, d’anthropologues, de sociologues et de géographes, encourager, en particulier chez ces derniers, de nouvelles vocations, le désir en somme de forger (entre autres avec la question de la mort) de nouveaux objets géographiques » (Di Méo, 2010, p.9)

Rétrospectivement et face à ce dernier constat, une question se pose : quelle est aujourd’hui l’implication des géographes dans l’étude des espaces et des pratiques de la mort ? En effet, si presque trente ans se sont écoulés depuis le premier appel lancé aux géographes par R. Bertrand (1991) – suivie de l’invitation de G. Di Méo (2009) –, il est clair que la géographie ne prend toujours pas sa place aux côtés des sciences sociales dans les réflexions autour des enjeux spatiaux liés à la mort. En témoigne notamment un éditorial « La mort en migration », paru en 2012 dans la Revue Européenne des Migrations Internationales, dirigé par l’anthropologue F. Lestage et la sociologue A. Raulin. Bien que ce numéro propose d’interroger la mort au travers d’une notion propre à la géographie : la mobilité des vivants (croisée ici, à celle des morts), il ne contient qu’un seul article de géographie (sur 8 en tout) écrit par L. Brassamin et V. Baby-Collin11. Aussi, celui-ci, publié dans la rubrique varia, est axé sur la place des commerçants boliviens dans les marchés formels et informels de Buenos-Aires (Argentine). Il n’aborde pas les questions liées à la mort, à ses espaces ou encore aux

déplacements des vivants qui y sont associés.

Il est cependant inutile de dresser un tableau trop négatif de la situation. Si l’apport des géographes sur ce sujet reste encore discret de nos jours (Abdel-Hay, 2016), quelques rares auteur-e-s issu-e-s de la discipline se sont tout de même mobilisé-e-s pour penser l’espace des morts en tant qu’objets géographiques12. En effet, bien qu’elle ne soit pas formalisée, il existe bel et bien une géographie de la mort et des espaces qui lui sont consacrés. Toutes les sociétés, dans tous les pays du monde, sont confrontées au phénomène naturel et inéluctable de la mort et, de ce fait, à sa prise en charge. Cependant, toutes les sociétés, groupes sociaux ou individus, n’entretiennent pas le même rapport au mourir (les derniers instants du vivant), à la mort (le passage de la vie à la mort) et à l’après-mort (le deuil et la prise en charge du défunt). En

11 Laurence Brassamin et Virginie Baby-Collin, 2010. « Prendre place : les Boliviens sur les marchés itinérants de Buenos Aires », Revue Européenne des Migrations Internationales [En ligne], vol. 28, n°3.

12 Cf. Varnier, C, 2019. « Introduction », Géographie et Cultures, n°110 « Spatialités et pratiques funéraires », pp.5-13.

27 fonction des époques, des cultures, des croyances et des classes sociales auxquels les individus et les groupes sociaux appartiennent (ou ont appartenu), la ritualisation dans le traitement des morts, de même que les modes d’appropriation des espaces de la mort varient, évoluent, se transforment.

3. Des espaces de la mort aux morts dans l’espace : lectures par les géographes 3. 1. Macro-géographie des espaces de la mort : une (di)vision du monde en aires culturelles ?

À ce propos, J.R. Pitte fut le premier géographe français à considérer l’« espace des morts » − ou devrait-on plutôt dire « les espaces de la mort » − comme des « espaces de culture » (1992a et 1992b13). Mettant en lien la diversité des pratiques et des croyances religieuses dans le monde avec l’organisation et la configuration des espaces de la mort, il s’interroge sur l’attitude des êtres vivants face à la mort du point de vue de leurs représentations idéelles et matérielles. Si pour lui « nothing is more natural than to die, but nothing is more cultural either » (« rien n’est plus naturel de mourir, mais rien n’est plus culturel non plus ») (2004, p.345), il montre que la mort a de tous temps, et sur tous les continents, occupé (et occupe encore) une place importante dans l’existence − et l’imaginaire

− des individus et des groupes sociaux. Aussi, elle occupe une place matérielle dans l’espace géographique. Prenant l’exemple des « montagnes-cimetières » coréennes (dans la province de Cheju), des cimetières protestants d’Europe du Nord (en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Scandinavie), des cimetières catholiques et orthodoxes d’Europe du Sud (en Italie ou en Roumanie) et d’Amérique (États-Unis, Canada, Mexique), tout en passant par les « nécropoles musulmanes » d’Afrique du Nord, il s’intéresse aux différents types d’espaces réservés aux morts dans le monde et met en exergue la nécessité de produire une

« encyclopédie » ayant pour objectif de les inventorier et de les classifier :

« Il faudrait une encyclopédie pour rendre compte de tous les types d’espaces réservés aux morts à toutes les époques et sur tous les continents, depuis les pyramides égyptiennes et les montagnes-cimetières coréennes jusqu’aux austères nécropoles musulmanes d’Afrique du Nord ou d’Afrique Noire » (1992a, p.116).

En effet, s’il existe une multitude d’espaces de la mort et des morts dans le monde, pourquoi ne pas tenter de les répertorier afin de comparer leurs différenciations sociales et culturelles ? À cela, J-R Pitte expose le fait que des parallèles peuvent être établis entre certains pays ou régions qui partagent un héritage culturel commun et donc, une histoire commune. Il effectue une comparaison Nord/Sud des espaces de la mort en rapprochant les cimetières

13 Cet article a été publié deux fois la même année. Une première fois en langue française dans la revue Géographie et culture et une deuxième fois en coréen dans un ouvrage dirigé par l’urbaniste coréen Kim TaeBok : Urbanization and cemeteries (pp.1-15).

28 protestants d’Europe du Nord, qu’il qualifie de « sobre », avec le style des cimetières états-uniens et canadiens (Ibid., p.116). Pour lui, ces cimetières s’apparentent à de paisibles

« jardins » où la « nature », intégrée au paysage funéraire occupe une place essentielle, sinon primordiale. En effet, minutieusement délimités par la présence quasi-systématique de cyprès, ces espaces – funéraires − verts dégagent une atmosphère calme, propice à l’intime et au recueillement individuel ou collectif, en accord avec le rapport généralement inhibé qu’ont les sociétés d’Europe du Nord vis-à-vis de la mort. A contrario, l’auteur décrit les cimetières catholiques et orthodoxes méditerranéens comme « plus exubérants » (Ibid., p.116) du point de vue de leur architecture mais aussi de leur composition. S’il qualifie l’architecture funéraire italienne de « pâtisseries architecturales » et la compare au style coloré et pittoresque des cimetières mexicains et « autres pays d’Amérique latine » (Ibid., p.116), il met en avant l’idée que l’opulence ornementale prend place dans des sociétés où la mort, davantage acceptée, est perçue comme un passage et non comme une finitude.

« Ailleurs en Europe ou dans les régions de la planète influencées par la culture européenne, les espaces des morts sont analogues à ceux de la France, avec de simples différences tenant aux cultures locales. Ils sont généralement sobres dans les pays protestants du Nord : Grande Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, Scandinavie, accordant une grande place au gazon et aux arbres, conformément à la conception que l’on y a de la "nature" et des jardins. Ils sont plus exubérants dans le monde méditerranéen. Certains cimetières italiens recèlent d’extraordinaire pâtisseries architecturales. Le contraste entre les cimetières de l’Europe du Nord protestante et ceux de l’Europe du Sud catholique ou orthodoxe se retrouve en Amérique. États-Unis et Canada se rattachent au style des premiers, le Mexique et autres pays d’Amérique latine au style des seconds. […] Les peuples qui honorent leurs morts et leur accordent des espaces nobles, soignés, voire somptueusement décorés, n’ont pas peur de la mort et sont donc fondamentalement optimistes. Ayant une mémoire, ils ont un avenir » (Ibid., p.116).

D’un point de vue général, l’idée défendue par J-R Pitte dans cet article démontre que la production des espaces funéraires diverge en fonction des attitudes que les sociétés, groupes sociaux ou individus ont face à la mort. Si en ces termes, je partage et soutiens l’idée que les représentations individuelles ou collectives influent et participent à la construction et la (re)production des espaces en général − tout en considérant le fait qu’il s’agisse d’influences réciproques (Dupuy, 1991 ; Bonnefoy, 2002) −, il me semble néanmoins nécessaire d’apporter la critique à J-R Pitte qui établit un rapprochement, à mon sens, « trop » binaire et donc restrictif entre les cimetières en se limitant à une vision eurocentrée de la notion d’héritage culturel.

En effet, il existerait selon lui deux catégories d’espaces de la mort dans le monde, induites par l’héritage de deux cultures européennes géographiquement opposées : celle de l’Europe du Nord protestante et celle de l’Europe du Sud catholique et orthodoxe.S’il affirme l’idée que ces deux cultures se sont exportées et ont largement influencé les espaces funéraires d’autres pays ou régions du monde – en citant le cas de la Nouvelle-Zélande, ancienne colonie de l’empire britannique par exemple (1841-1931) −, il n’exclut pas le fait qu’il puisse parfois exister des « variantes » culturelles importées par les cultures locales. Cependant, ces

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« variantes » semblent s’exprimer au second plan, derrière l’influence de la domination culturelle européenne :

« Il existe ailleurs dans le monde des cimetières se rattachant à l’une ou l’autre des traditions européennes, comportant parfois des variantes qui mériteraient des analyses détaillées car les peuples y expriment leur culture autant que leur langage ou leur cuisine. Les cimetières de Nouvelle-Zélande ressemblent beaucoup à ceux de l’Angleterre, tant par le style des tombes que par le soin apporté à l’entretien du gazon sur lequel elles sont dressées » (Ibid., p.116).

Ainsi, − et c’est à mon avis là l’un des cœurs du problème − en plaçant la culture européenne dans un rapport d’hégémonie vis-à-vis des autres cultures du globe, J-R Pitte masque les particularismes et les singularités culturelles observables entre, et au sein même, des espaces de la mort. Or, de la même façon qu’il existe différents types d’espaces de la mort dans le monde, les espaces de la mort d’un même pays ou d’une même région (rurale ou urbaine) ne sont pas tous similaires du fait qu’il ne possèdent et ne réfléchissent pas tous le même héritage historique, religieux, artistique ou social.

3. 2. Des héritages culturels régionaux aux particularismes locaux

Dans un contexte actuel de mondialisation des échanges, d’accentuation des inégalités sociales et de mobilités généralisées, effectuer une comparaison des espaces – ici, de la mort

− par fétichisation des aires culturelles à l’échelle macro est très discutable. En effet, la notion d’aire culturelle, définie par C. Bataillon en 1999 comme un « ensemble de régions ou de pays sans cadre politico-administratif commun, mais où des problèmes sociaux analogues, issus d’une histoire commune, méritent un traitement unique ou du moins des études comparatives

» (Bataillon, 1999, cité par Demyx, 2002, p. 179), est porteuse de présupposés culturalistes et de stéréotypes douteux qui ignorent complétement la question des particularismes locaux et du multiculturalisme (Pieterse, 2004 ; Olivier de Sardan, 2010 ; Kienle, 2014). Produite de l’impérialisme colonial occidental (Said, 2000), cette notion − et par extension les travaux qui lui sont afférés −, présentent un risque non négligeable d’homogénéisation des espaces et des sociétés qui tend à pérenniser une représentation préjudiciable d’un monde fondé sur, et conditionné par, des paradigmes dominants.

« Cette catégorie conceptuelle [la notion d’aire culturelle], créée par l’Europe dans son mouvement historique de découverte du monde et d’extension de son influence, perpétue et institutionnalise encore aujourd’hui une vision asymétrique des sociétés et, par voie de conséquence, des recherches qui les concernent » (Demyx, 2002, p.180)

Or, le monde actuel est plus que jamais caractérisé par un enchevêtrement d’interactions sociales et d’échanges culturels favorisés par une mondialisation des flux migratoires, de marchandises, d’informations ou de capitaux. Si les rencontres et les emprunts interculturels ont toujours existé (Demorgon, 1999), l’intensification des flux et des moyens de communication engendre aujourd’hui un métissage culturel à l’échelle mondiale.

30 Ce métissage est avant tout visible dans les grandes métropoles mais touche également – et de plus en plus – les territoires les plus reculés du monde (Gros, 2004). Pour autant, le processus de mondialisation ne signifie pas obligatoirement l’uniformisation des cultures. Dans certains cas, il peut constituer un « puissant révélateur de particularisme » (Magnan, 2006, p.499) amenant les individus et les groupes sociaux à affirmer et à exprimer leurs appartenances identitaires au sein même de la société et des espaces dans lesquels ils s’inscrivent. En ce sens, comprendre la complexité des processus d’affirmation socioculturelle nécessite d’abandonner l’échelle macro – simplificatrice − des aires culturelles et de poser l’analyse à une échelle plus fine.

À l’échelle intra-urbaine, l’exemple des espaces funéraires de la ville de Sao Pauloau Brésil est particulièrement manifeste de cette diversité sociale et culturelle. En effet, comme le souligne l’urbaniste brésilien R. Cymbalista, auteur de l’ouvrage Ciudades dos vivos (Villes des vivants) paru en 2002, l’architecture des cimetières paulistes est représentative de l’histoire sociale de cette ville qui, au cours du XIXe et du XXesiècle a connu une vague d’immigration massive en provenance d’Europe(principalement du Portugal, de l’Espagne, d’Allemagne et d’Italie)14. Celle-ci a fortement contribué à définir la société pauliste d’aujourd’hui, à savoir une société cosmopolite qui prend sa place dans la ville autant que dans les espaces de la mort :

« La profusion de formes, de styles, de matériaux et de représentations présents dans les cimetières de Sao Paulo suscita ma curiosité […]. L'extrême fragmentation du paysage des cimetières révèle que les chemins qui aboutissent à leurs formes sont innombrables, ramifiés, entrecroisés. Je choisis d'accepter cette fragmentation, de l’explorer. Bien sûr, cela signifiait renoncer à une certaine vision unique et globale des cimetières.

Chaque visite me montrait le ou les chemins qui avaient permis de construire ces formes architecturales représentation du pouvoir, contenus religieux ou laïcs, disponibilité (ou rareté) des matériaux, interfaces publiques ou privées [] » (Cymbalista, 2002, p.15 et 19.

Traduction personnelle).

Avec un nombre d’habitants estimé à plus de 12 millions15 en 2017, cette ville comptabilise à elle seule 22 cimetières16. Si certains de ces cimetières, tels que la nécropole de Sao Paulo (quartier Pinheiros), le cimetière de Araça (quartier Consolaçao) ou encore le cimetière da Consolaçao (Idem), sont à l’image de « l’exubérance » architecturale et artistique décrite par J-R Pitte en 1992 lorsqu’il assimile le style des cimetières latino-américains avec celui des cimetières méditerranéens, d’autres, au contraire s’en distinguent complétement (Cf.

Carte 1, p.32). C’est le cas notamment du cimetière du Redemptor (quartier Sumaré) qui se caractérise par un style plus végétal (toutes les pierres tombales de ce cimetière sont recouvertes par la végétation) ou encore celui du cimetière du Morumbi (quartier du Morumbi)

14L’Hospedaria de Imigrantes (« Auberge des Immigrants ») − aujourd’hui musée de l’immigration à Sao Paulo − a accueilli entre 1887 et 1978 près de 2,5 millions d’immigrés venus de toute l'Europe.

15 Cf. Le recensement de 2017 de l’IBGE (Institut Brésilien de Géographie et des Statistiques), v. 4.3.8, estime à 12.106.920 le nombre d’habitants vivant à Sao Paulo.

16 Étude réalisée par C. Varnier à Sao Paulo durant la période avril-mai 2015.

31 ayant été construits sur le modèle des cimetières jardin états-uniens et canadiens (les tombes sont couvertes d’herbe, ne laissant apparaître que les plaques d’identification des défunts).

De la même façon, trois cimetières : le cimetière Israélite Da Vila Mariana (quartier Vila Mariana), le cimetière islamique Sao Judas Tadeu (quartier Guarulhos) ou encore le cimetière protestant de Sergipe (quartier Consolaçao) ont été construits spécifiquement et exclusivement dans le but d’accueillir des individus appartenant à ces différentes communautés religieuses.

Carte 1 : Diversité des espaces de la mort à l’échelle intra-urbaine de Sao Paulo (Brésil)

Cimetière du Redemptor Cimetière de Araça Cimetière protestant de Sergipe

Cimetière du Consolaçao

Nécropole de Sao Paulo Cimetière du Morumbi

Réalisation carte : C.V., 2018 Photographies : C.V., 2015

Cimetière israélite Da Vila Mariana

32 Dans le même ordre d’idées mais dans un tout autre contexte géographique, la géographe C. Gueguen retrace dans sa thèse, Les Chinois de Manille (ancrage et évolutions

32 Dans le même ordre d’idées mais dans un tout autre contexte géographique, la géographe C. Gueguen retrace dans sa thèse, Les Chinois de Manille (ancrage et évolutions