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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL 66

2.1 Un cadre théorique multidisciplinaire et multidimensionnel

largement expliqués par des facteurs scolaires (ressources d’enseignement, ratio professeur/élèves, qualifications du personnel enseignant) (Caldas et Bankston, 1997). Il existait également une conception populaire répandue selon laquelle la précarité économique ou les déficits culturels des parents immigrants (style parental qualifié socialement d’autoritaire, de traditionnel ou de patriarcal, par exemple) causaient l’échec scolaire de leurs enfants (Rumberger, 1983; Cairns et al., 1989). Les problèmes biologiques et biographiques pouvaient également être amenés comme autre explication de l’échec scolaire de ces élèves. Depuis 1960, l’année où l’UNESCO a adopté la Convention sur la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, les États y ayant souscrit se sont mis à reconnaître le rôle crucial de l’éducation pour prévenir et éliminer toutes sortes de discriminations et pour assurer l’égalité des chances de tous les élèves, indépendamment de leur groupe ethnique, religieux, social ou linguistique. À cette fin, aux États-Unis, le United States Department of Health, Education, and Welfare a commandé la réalisation de quelques enquêtes sur le sujet, dont la fameuse recherche de Coleman et ses collègues qui a marqué une époque lors de sa publication en 1966 (Coleman et al., 1966).

Si, avant les années 1960, la réussite scolaire a été largement expliquée à partir du statut et des ressources de l’école fréquentée, le Rapport Coleman, Equality of Educational Opportunity, a réorienté la question et a ouvert la voie à de nouvelles tendances d’approches explicatives. Selon ce rapport, les facteurs parascolaires liés aux caractéristiques des élèves et de leur milieu familial sont en mesure de moduler l’influence des facteurs proprement scolaires. Coleman et ses collègues ont d’ailleurs insisté particulièrement sur les caractéristiques socioéconomiques de la famille.

Cette conclusion a été en grande partie confirmée et souvent développée par les chercheurs qui ont étudié spécifiquement la réussite scolaire des élèves issus de l’immigration. Zhou et Bankston (1998) écrivent par exemple : « School culture is not simply imposed on these

their own patterns of behaviour and their own prevailing attitudes from their experiences in families and neighbourhoods » (p. 233).

Aujourd’hui, en Amérique du Nord et en Australie, il y a un large consensus parmi les chercheurs dans le domaine de l’intégration socioscolaire des élèves d’origine immigrée sur le fait que les facteurs qui influencent l’expérience scolaire de ces élèves sont tellement larges et ont des liens tellement imprévisibles qu’il n’existe pas de cadre théorique global qui tient complètement et adéquatement compte de cette complexité. En effet, selon les théories traditionnelles de la réussite scolaire, plus les ressources économiques, sociales, culturelles et linguistiques d’un jeune et de sa famille sont élevées, mieux il réussira à l’école. Cependant, la littérature s’intéressant à l’intégration socioscolaire des élèves issus de l’immigration révèle parfois d’autres tendances. En ce sens, nous avons effectué une recension de plusieurs théories pour en faire un cadre théorique aussi complet que possible, dans lequel nous avons cherché des éléments de plusieurs disciplines dont l’éducation, la sociologie, la psychologie, la psychoéducation et l’anthropologie. Ainsi, nous avons synthétisé les principaux facteurs influençant l’expérience socioscolaire des élèves d’origine immigrée en cinq grandes catégories : 1) les facteurs socioéconomiques, 2) les facteurs linguistiques, 3) les facteurs culturels, 4) les facteurs sociostructurels et 5) les facteurs systémiques. Tel que nous le monterons dans les sections suivantes, chacune de ces catégories comprend différentes dimensions.

Ce cadre théorique est largement basé sur les littératures nord-américaine et australienne et, dans une moindre mesure, sur la littérature européenne et ce, parce que la littérature européenne sur la réussite scolaire des jeunes issus de l’immigration n’est pas aussi riche que les deux autres. En effet, étant donné qu’en Europe, l’immigration et la pauvreté coïncident très largement, la recherche européenne à ce sujet ne s’est pas développée. Autrement dit, les systèmes complexes expliquant l’état des expériences socioscolaires des élèves d’origine immigrée y ont été moins nécessaires parce que la juxtaposition constante de l’immigration et du statut socioéconomique explique beaucoup de réalités à ce sujet. Ainsi, alors que pour les Européens, les grandes théories sociologiques – dont les théories de Bourdieu ou du marxisme – peuvent encore être applicables, en Amérique du Nord, dès les années 1980, Margaret A.

Gibson a écrit, dans son ouvrage Accommodation without Assimilation (1988, p. 174), que ces théories ne semblent pas pouvoir expliquer les tendances que l’on observe chez les élèves d’origine immigrée.

Ce chapitre se poursuit avec sept autres parties. Dans un premier temps, nous donnons une définition de ce que nous entendons par la réussite scolaire. Dans les cinq suivantes, nous étudions les cinq types de facteurs qui influencent l’expérience socioscolaire des élèves d’origine immigrée. À la fin de ces cinq parties, le lecteur trouvera un tableau (Tableau VI) résumant notre classification de ces facteurs. Puis, dans un dernier temps, nous préciserons pourquoi, dans le cadre de cette recherche visant à expliquer l’état de la performance scolaire des élèves montréalais originaires de l’Asie du Sud, nous avons choisi de nous concentrer sur les dynamiques familiales, communautaires et systémiques. Le chapitre sera clos par la mise en relief des questions de recherche.

2.2 LA RÉUSSITE SCOLAIRE

Généralement, la notion de réussite scolaire se limite à la question du rendement scolaire. On présente les bons résultats scolaires, le cheminement académique standard, l’obtention d’une reconnaissance des acquis et l’accession à un niveau supérieur comme les indicateurs de réussite scolaire (Baby, 2002; PRÉE, 2010). Selon Baby (2002), par exemple, la réussite scolaire se manifeste à deux étapes : en cours de route et en fin de compte. Réussir en cours de route consiste à être évalué à l’intérieur du cheminement scolaire et signifie « obtenir la note de passage » (p. 1). Réussir en fin de compte se mesure à la fin du trajet scolaire et signifie « obtenir son diplôme de fin d’études secondaires » (Ibid.). La réussite scolaire, pour ces chercheurs, porte donc sur la fonction de l’instruction de l’école. Cependant, certains chercheurs vont un peu plus loin et reconnaissent la réussite scolaire en rapport aux fonctions d’instruction et de qualification de l’école (Deniger, 2004). Selon ce chercheur, la réussite scolaire porte sur l’« atteinte d’objectifs d’apprentissage liés à la maîtrise des savoirs propres à chaque étape du cheminement scolaire parcouru par l’élève et, ultimement, [l’]obtention d’un diplôme ou [l’]intégration du marché du travail ». Néanmoins, pour certains autres chercheurs, la réussite à l’école ne se limite pas à l’accomplissement des fonctions d’instruction et de

celui de « réussite scolaire », la réussite à l’école est basée sur un jugement général et se réalise lorsque le système scolaire assure ses trois fonctions, soit l’instruction, la qualification et la socialisation (St-Amand et al., 1996).

Dans le cadre de notre thèse, nous adoptons la position de ce dernier groupe de chercheurs. En effet, nous croyons que bien que l’on ait coutume d’avancer des indicateurs tels que les résultats aux examens ministériels, le taux de la diplomation et du décrochage ou encore le taux d’entrée dans le système d’enseignement supérieur pour la réussite scolaire des élèves d’origine immigrée, ces indicateurs sont insuffisants pour traduire la réalité complexe de la performance de ces élèves à l’école de la société d’accueil. En effet, chez ces derniers, la problématique d’école se conjugue plus ou moins avec les problématiques d’immigration et d’intégration (Kanouté et al., 2008). C’est pourquoi nous insistons non seulement sur la réussite, mais également les expériences socioscolaires plus larges des élèves à l’étude.