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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL 66

2.4 Les facteurs linguistiques

L’intégration langagière est l’un des facteurs qui influencent la réussite scolaire des élèves d’origine immigrée. Cette intégration et son pouvoir sur leur réussite scolaire peuvent être vérifiés chez les élèves immigrants ainsi que chez leurs parents.

2.4.1 L’intégration linguistique des parents immigrants

La méconnaissance de ces parents de la langue d’accueil pourrait mettre en péril l’intégration scolaire de leurs enfants en limitant leur implication et participation dans la vie scolaire de ces

derniers. En plus, elle empêche une communication constructive entre les parents et les enseignants (Vatz-Laaroussi et al., 2008).

La faiblesse linguistique des parents pourrait par ailleurs les amener à remettre en question leurs autres connaissances et compétences, notamment auprès de leurs enfants. Dans certains cas, il est possible que les parents qui ne possèdent pas une compétence linguistique suffisante perdent leur autorité à l’égard de leurs enfants, particulièrement lorsque ces derniers acquièrent des compétences linguistiques et sociales plus rapidement qu’eux. Faute d’habiletés linguistiques suffisantes, ces parents n’auraient pas la possibilité d’exercer les rôles et de remplir les fonctions requis dans la vie sociale et même familiale. Ils pourraient développer des dépendances à l’égard de leurs enfants, tomber dans le discrédit et perdre la confiance, la considération ainsi que l’influence dont ils jouissent et qui sont indispensables à l’exercice de leur autorité parentale. Ces parents, involontairement, s’éloigneraient du style parental productif, deviendraient soit autoritaires, soit permissifs, ce qui engendrerait des impacts négatifs sur le vécu scolaire de leurs enfants. Ces problèmes pourraient également amener ces parents à remettre en question les fondements de leur immigration. Ils pourraient penser à changer de ville, ou même à rentrer dans leur pays d’origine et à reconstruire leur vie familiale dans un contexte où ils se trouveraient assez compétents pour accomplir leur rôle parental (Suárez-Orozco et Suárez-Orozco, 2001).

2.4.2 L’intégration linguistique des élèves d’origine immigrée

Chaque groupe social développe une conception de la socialisation qui reflète ses valeurs socioculturelles. L’un des plus importants instruments de la socialisation est la langue. C’est en ce sens que l’on parle de la socialisation langagière (Ochs et Schieffelin, 1984). Ces auteurs définissent la socialisation langagière comme la « socialisation pour employer la langue » et la « socialisation par la langue ». Ils identifient trois processus par lesquels elle s’accomplit : ƒ une part importante de la socialisation est effectuée explicitement par le langage que les

adultes utilisent auprès des enfants pour leur expliquer le monde, leur donner des directives et leur raconter des histoires (socialisation par la langue);

ƒ les enfants doivent également apprendre les conditions d’usage du langage lui-même : savoir ce qu’il faut dire, quand le dire, comment le dire et à qui le dire (socialisation à l’utilisation de la langue);

ƒ les enfants participent à des interactions verbales marquées, souvent d’une manière subtile, quant aux rôles, aux statuts et à d’autres aspects de la structure sociale. C’est le cas, par exemple, du marquage du genre à travers les contextes de communication parents-enfants choisis pour les garçons et les filles, les premiers étant davantage sollicités dans les contextes de jeu et les secondes dans les situations d’aide (socialisation par la langue). En somme, la langue commence à se construire dès la naissance et elle agit sur les interactions sociales. Elle a le pouvoir de rendre l’individu flexible, lui permettant d’infiltrer divers champs auxquels il n’aurait pas accédé en d’autres circonstances. L’importance de la socialisation langagière dans le contexte de l’immigration est d’autant plus grande parce que, dans ce cas, la langue est non seulement étroitement liée à une nouvelle socialisation, mais elle est également l’un des plus importants marqueurs de l’identité ethnique. La connaissance de la langue d’accueil établit l’intégration dans la nouvelle société. Par ailleurs, le maintien de la langue d’héritage donne lieu à une conversation entre le passé et le présent et devient partie intégrante de la construction identitaire (Fortier, 1992).

Imaginons maintenant un élève dont la langue maternelle est différente de la langue de l’école. Cet élève apporte à l’école non seulement une langue différente, mais également des manières culturelles d’utiliser la langue qui diffèrent de celles de la culture de la nouvelle école. Il est possible que ce que cet élève a appris à travers ses interactions avec les membres de sa communauté ne corresponde pas aux manières de parler et aux comportements valorisés à l’école. Ces différences peuvent mener les professeurs à sous-estimer ou à mal interpréter la compétence de cet élève (Health, 1983; Zentella, 1997; Valdéz, 1998). Ce dernier, éventuellement, peut en arriver à avoir moins confiance en sa capacité à réussir à l’école et à transmettre ses connaissances aux autres (Cummins, 1996). Par ailleurs, le rejet, probable produit de cette incompréhension des différences, influence les stratégies identitaires et celles d’acculturation et risque de pousser certains élèves à se replier sur leur groupe ethnique et leur culture d’origine (Kanouté, 2002; Berry et al., 2006). Ce sentiment, chez les élèves plus âgés,

est sans doute plus grave parce qu’ils arrivent à l’école avec un bagage social plus grand et une socialisation plus développée que les élèves qui arrivent en bas âge.

Ainsi, la connaissance de la langue maternelle et à la fois la maîtrise de la langue de scolarisation, soit par les élèves ou par leurs parents, sont des facteurs incontournables dans la réussite scolaire des élèves issus de l’immigration. La maîtrise de la langue d’enseignement suppose un long processus, d’où l’importance de facteurs tels l’âge d’arrivée ou l’exposition antérieure à la langue d’accueil (Collier, 1989; Cummins, 2000). Les compétences linguistiques ont un impact particulièrement marqué sur les résultats dans les disciplines à fortes composantes linguistiques ou culturelles comme l’histoire ou la littérature. Celles-ci présentent un défi important pour les élèves dont la première langue n’est pas la langue de scolarisation, comparativement à des disciplines scientifiques comme les mathématiques ou la physique (Chamot et O’Mally, 1994; Duff, 2001).