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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE 7

1.1 L’immigration au Québec

1.1.2 La politique d’immigration

L’article 95 de la Constitution canadienne (1867) fait de l’immigration un domaine de compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ainsi, les politiques

d’immigration du Québec se distinguent dans certaines mesures de celles du gouvernement fédéral. Diverses ententes successives conclues avec le gouvernement fédéral – la dernière étant l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, signé en 1991 – permettent au Québec d’accroître ses pouvoirs en matière de sélection de ses immigrants et selon les critères susceptibles à ses yeux de lui permettre d’assurer son développement.

Tous les gouvernements qui se sont succédé au cours des 25 dernières années reconnaissent que le Québec a besoin d’immigrants et se sont engagés dans une sélection active auprès de candidats potentiels dans divers pays du monde. Quatre motifs font l’objet de consensus à cet égard.

Tel que nous l’avons évoqué plus haut, le premier motif est d’ordre démographique. En effet, jusqu’au début des années 1990, l’accroissement naturel avait presque toujours constitué le principal moteur de la croissance démographique au pays. Au milieu des années 1990, un renversement s’est produit : la migration est devenue le principal moteur en raison notamment de la baisse de la fécondité et du vieillissement de la population. Statistique Canada (2008) prévoit que vers 2030, le nombre de décès sera supérieur à celui des naissances. L’immigration sera alors le seul facteur de croissance de la population canadienne. Au Québec, avec l’arrivée des générations du baby-boom à l’âge de la retraite, la proportion des 65 ans et plus dans la population totale du Grand Montréal augmentera de façon importante, ce qui pourrait mener vers 2030, à une situation où l’on compterait davantage de décès que de naissances. L’ISQ (2009) prévoit qu’en 2031, le tiers des logements de la région du Grand Montréal devraient être habités par une population âgée de 65 ans et plus.

Les objectifs économiques constituent le deuxième motif qui incite le Québec à accueillir des immigrants. Ces objectifs sont fondés sur le postulat que l’immigration contribue à la croissance économique et à l’augmentation du revenu par habitant du pays d’accueil, et permet de combler les pénuries de travailleurs. Et tôt ou tard, le Québec sera confronté à de telles pénuries, à moins qu’il n’attire de nouveaux immigrants. La plupart des nouveaux emplois exigent un personnel qualifié et, sans l’immigration, il n’y aura pas suffisamment de personnes

canadiennes, ce motif revêt une plus grande importance au Québec étant donné que sa population tend davantage qu’ailleurs à prendre une retraite hâtive. En effet, l’âge moyen de la retraite est de 60,1 ans au Québec, comparé à 61,5 ans pour le reste du Canada et 62 ans pour l’Ontario. En 1981, l’âge moyen de la retraite était de 65 ans, ce qui indique qu’il a nettement diminué. De plus, le taux d’activité des Québécois âgés de 55 à 64 ans est de 52 %, alors qu’il se chiffre à 61 % dans le reste du Canada (Institut économique de Montréal, 2007).

Le Québec se dote d’une politique d’immigration qui vise non seulement le renouvellement démographique et le développement économique, mais aussi la protection de son identité francophone (Lenoir-Achdjian et Morin, 2008). Ainsi, depuis une trentaine d’années (avec l’Accord Couture-Cullen de 1978 sur la sélection) la communauté francophone est impliquée en matière d’immigration dans cette province. Le fait de favoriser l’immigration en provenance de pays francophones vise particulièrement à maintenir et à promouvoir la langue française au Québec.

Enfin, les objectifs humanitaires consistent essentiellement à assurer la réunion des familles et à accorder l’asile aux personnes persécutées ou victimes de désastre naturel, un engagement qu’ont pris les États signataires des Conventions de Genève, dont le Canada fait partie.

Suivant ces objectifs, le Québec accueillie trois catégories d’immigrants : 1) les immigrants de la composante économique, 2) les immigrants du regroupement familial et 3) les réfugiés et les personnes en situation semblable. L’Accord Canada-Québec établit le partage des responsabilités entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada en matière de sélection ou d’admission de ces immigrants. Le Québec assume la responsabilité exclusive de sélectionner les candidats à destination de son territoire, à l’exception des personnes de la catégorie du regroupement familial et des personnes reconnues réfugiées sur place. De plus, il gère les engagements de parrainage souscrits au Québec. Ainsi, l’influence du Québec s’exerce principalement par l’immigration économique, ainsi que les personnes réfugiées admises à l’étranger, ce qui représentait 75 % des personnes immigrantes admises sur son territoire en 2010 (MICC, 2011).

La catégorie de l’immigration économique – Cette catégorie représente plus de la moitié (57,2 %) des admissions des 20 dernières années (1992-2011) au Québec (MICC, 2012, cité dans ISQ, 2012). Elle comprend les travailleurs qualifiés et les gens d’affaires et les membres de leur famille immédiate. Les objectifs annuels du Québec en termes d’immigration tiennent compte des demandeurs sélectionnés au titre de cette catégorie afin de répondre aux besoins économiques de la province. Les travailleurs qualifiés sont sélectionnés en fonction de six facteurs : études, aptitudes en français, expérience de travail, âge, emploi réservé au Québec et capacité d’adaptation. Les gens d’affaires immigrants sont sélectionnés en fonction de leur capacité de créer des emplois, tant pour eux-mêmes que pour les citoyens canadiens, d’investir des capitaux dans l’économie canadienne et de stimuler l’activité économique. Ces immigrants sont ainsi répartis en trois sous-catégories : les investisseurs, les entrepreneurs et les travailleurs autonomes.

La catégorie de l’immigration économique regroupe la plus forte proportion de personnes jeunes, scolarisées et connaissant le français. Le projet migratoire y est bien planifié et normalement ciblé vers le Québec. Souvent, les enfants de ce groupe ont réussi à se préparer pour l’école québécoise (Kanouté et al., 2008).

La catégorie du regroupement familial - La réunification des familles demeure un objectif fondamental de la Loi canadienne sur l’immigration et la protection des réfugiés. Afin de faciliter cet objectif, les citoyens et les résidents permanents du Québec peuvent parrainer de proches parents en vue de la résidence permanente. Un peu plus du quart (25,1 %) des immigrants du Québec au cours des vingt dernières années relèvent du regroupement familial (MICC, 2012a, cité dans ISQ, 2012). Ces immigrants ne sont pas sélectionnés au sens strict, mais admis pour rejoindre les membres de leur famille nucléaire. Cependant, les répondants doivent satisfaire à certains critères et assumer la responsabilité de soutenir financièrement les personnes qu’ils parrainent.

Cette catégorie a des caractéristiques assez similaires à la catégorie de l’immigration économique, mais elles sont légèrement moins favorables. En effet, certains enfants ont vécu la séparation des membres de la famille, si l’un des parents est arrivé au Québec sous la

La catégorie des réfugiés et des personnes en situation semblable - En vertu de l’Accord Canada-Québec, le Québec s’est engagé à accueillir chaque année une proportion du total des réfugiés et des personnes en situation semblable accueillis par le Canada. Ces immigrants sont reconnus comme tel à l’extérieur du Canada, essentiellement pour des motifs de persécution, de menaces à leur vie ou de risque de faire l’objet de peines ou de traitements cruels et inusités. Dans l’ensemble, cette catégorie compte 16,8 % des immigrants arrivés au Québec durant les vingt dernières années (MICC, 2012a, cité dans ISQ, 2012).

Le profil socioéconomique des réfugiés est très varié, mais il est généralement inférieur à celui de la moyenne de la population. La présence de francophones y varie selon les aléas de la politique internationale. Le projet migratoire y est peu planifié et peu ciblé spécifiquement vers le Québec. Les enfants de ce groupe ont parfois connu une scolarité perturbée et ont vécu des événements traumatisants (Kanouté et al., 2008).

Parallèlement à ces trois catégories, les demandeurs du statut de réfugié qui attendent que le gouvernement fédéral se prononce sur leur cas, ne sont pas comptabilisés dans les statistiques. Environ la moitié est finalement acceptée, les autres renvoyés chez eux ou dans un autre pays. Vu l’insécurité de leurs parents qui n’ont pas accès à la plupart des services de soutien et d’intégration (exemple : services de francisation), les enfants de ce groupe sont particulièrement nombreux en difficulté d’adaptation et d’apprentissage.