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CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE 110

3.4 Les forces et les limites des choix méthodologiques

Pendant toute la recherche, nous avons fait état de l’importance de critères mis en place pour assurer la rigueur scientifique de l’étude. Les critères de rigueur doivent émaner du paradigme dans lequel se situe une recherche. Dans le cadre d’une recherche dans le domaine de l’éducation comme celle-ci, nous avons adopté les trois critères de rigueur proposés par Savoie-Zajc (2004). Ces critères sont la crédibilité, la fiabilité et la transférabilité. Bien que ces critères fassent l’objet de débats, il est parfaitement approprié de se baser sur les perspectives des participants pour évaluer la rigueur scientifique de la recherche en acceptant, bien évidemment, que la réalité est multiple et construite (Porter, 2007).

Le critère de crédibilité se vérifie par la correspondance entre les constructions des répondants et les reconstructions formulées par le chercheur. La vérification par les participants est une des techniques les plus cruciales pour établir la crédibilité d’une recherche qualitative (Guba et Lincoln, 1994). Nous avons utilisé cette technique tout au long du « terrain » en présentant aux

participants un résumé de leur entretien et en demandant leur confirmation. De plus, tel que nous l’avons évoqué à la fin du chapitre I, nous avons eu l’accès au terrain grâce à la réalisation d’un projet ministériel (Bakhshaei et al., 2012) que nous avons ensuite approfondi avec cette thèse. Le rapport de cette recherche exploratoire est sorti en octobre 2012, ce qui nous a permis d’en présenter les résultats à des chercheurs universitaires, à divers intervenants scolaires et communautaires, ainsi qu’à des instances ministérielles, dans le cadre d’une journée d’étude au Réseau Réussite Montréal et d’une présentation au Groupe de recherche Immigration, équité et scolarisation (GRIES). Les commentaires et suggestions recueillis lors de ces rencontres ont enrichi notre recherche doctorale et ont augmenté le niveau de sa crédibilité.

La fiabilité pose la question de la reproductibilité de la recherche. Nous pensons avoir largement rempli ce critère, étant donné la grande cohérence entre nos questions de départ et le traitement de nos résultats, ainsi que la transparence et la rigueur de notre méthodologie. Nos préoccupations quant à la fiabilité de la recherche sont plus particulièrement visibles à travers la stratégie de triangulation des données. Denzin (1978) a été le premier chercheur qui a révélé comment trianguler les méthodes. Il a défini la triangulation comme « the combination of methologies in the study of the same problem » (p. 291). Selon ce chercheur, la triangulation s’opère selon quatre types, lesquels ont été appliqués dans notre recherche. Premièrement, nous avons appliqué la triangulation des données qui comporte quatre aspects : le temps, l’espace, la personne et les sources. La triangulation liée au temps a été considérée en faisant des entrevues pré-test à l’été 2011 auprès d’un père et d’un intervenant communautaire, ainsi qu’en remplissant trois questionnaires pré-test en décembre 2011 auprès de trois agentes du Centre communautaires des femmes sud-asiatiques à Montréal qui répondaient aux critères de recrutement. Nous avons pris en considération un processus de changement dans l’espace principalement en nous intéressant aux différences entre les deux écoles ciblées. La triangulation liée à la personne fait référence au fait d’avoir interrogé divers groupes de répondants : les intervenants scolaires, les intervenants communautaires, les élèves et leurs parents. Néanmoins, nous n’avons pas réalisé de triangulation des sources de données. Deuxièmement, nous avons appliqué la triangulation des chercheurs par la composition de

utilisé la triangulation de méthodes où deux méthodes différentes ont été employées pour recueillir des informations, qualitative et quantitative. Finalement, la triangulation des théories a été aussi appliquée, exigeant que nous soyons en relation constante avec notre cadre théorique, faisant appel à plusieurs disciplines (éducation, anthropologie, psychologie, économie, etc.) et à plus de quarante études nationales et internationales.

Le critère de transférabilité est garanti, car la description du contexte d’étude, de l’échantillon, des instruments de collecte et du processus d’analyse permettent à un autre chercheur de reprendre la recherche auprès d’un groupe présentant les mêmes caractéristiques que notre échantillon.

Cela dit, il faut signaler certaines limites de notre étude. Ainsi, par exemple, bien que l’école A soit à Montréal l’école qui accueille la plus grande concentration d’élèves d’origine sud- asiatique, l’école B est la troisième école montréalaise présentant une telle caractéristique. En effet, la deuxième école montréalaise ayant la concentration la plus importante de ces élèves fait partie de la Commission Scolaire Marguerite Bourgeoys. Malheureusement, cette école a refusé notre invitation à participer à notre étude.

De plus, nous n’avons pu réaliser que quatre entrevues avec des parents sud-asiatiques. Tel que nous l’avons montré plus haut, la barrière linguistique et la retenue de ces derniers à l’idée de parler de leur vécu sont les deux principales raisons qui expliquent cette situation. Cette même réserve explique d’ailleurs le fait que nos données quantitatives ne reposent que sur 36 questionnaires valides. Ainsi, nous n’avons pu analyser ces données que de façon descriptive. Puis, bien que notre protocole de départ prévoyait de rencontrer et d’interviewer certains jeunes en groupe de deux, durant le « terrain », nous avons constaté qu’il aurait peut-être été préférable d’effectuer des entrevues individuelles avec ce groupe de répondants, car cette formule leur aurait donné plus de liberté de parole et ils se seraient sentis plus à l’aise de s’exprimer que devant leur pair (qui étaient normalement leur ami(e) proche). De plus, étant donné le temps limité dont nous disposions (nos entrevues étaient d’une durée d’une heure), des entrevues individuelles nous auraient permis de cerner leurs opinions sur divers sujets de façon plus précise.

En ce qui concerne les effets de notre non appartenance à la communauté étudiée, celle-ci a présenté des avantages et des inconvénients comme d’autres recherches l’ont déjà illustré (Hammersley, 2000; DeLeyser, 2001; Mehra, 2001; Hewitt-Taylor, 2002). En ce qui concerne les points négatifs, tel que mentionné plus haut, le fait que nous ne pouvions pas parler une ou des langues sud-asiatiques a présenté des limites lors des entrevues avec les parents. Cependant, il faut souligner que même si nous avions été d’origine sud-asiatique, nous n’aurions pas pu parler toutes les langues du sous-continent. De plus, nous avons constaté, lors de nos entrevues avec les filles, que le fait que nous soyons d’origine iranienne et immigrante récente a largement compensé notre non appartenance à la communauté sud-asiatique. En effet, nous avons constaté que dès que les filles d’origine sud-asiatique comprenaient que nous étions immigrante et d’origine iranienne, l’effet insider se produisait, plusieurs nous ayant mentionné qu’elles se sentaient en pleine confiance de s’exprimer devant « quelqu’un qui les comprend » (fille d’origine bengalie, école B). Rappelons, en effet, que plusieurs chercheurs ont remarqué qu’un chercheur qui appartient à la communauté étudiée (insider) arrive souvent à obtenir des informations qu’un chercheur extérieur (outsider) n’obtiendrait pas (Field, 1989; Hewitt-Taylor, 2002).

Par ailleurs, le fait que nous n’étions pas d’origine sud-asiatique a été un atout pour nous dans le milieu scolaire parce qu’il a minimisé le souci des intervenants scolaires d’éviter d’être taxés de racisme ou d’avoir des préjugés dans l’expression de leur point de vue. Donc, il est possible que les intervenants scolaires aient été plus ouverts avec nous en tant qu’une chercheure universitaire neutre que si nous avons été d’origine sud-asiatique. Cependant, la principale limite que nous avons rencontrée en ce qui concerne l’appartenance ou non au groupe des personnes interrogées a concerné davantage le sexe que l’origine ethnique. Nous avons en effet constaté une certaine timidité à s’exprimer chez certains garçons pour lesquels le fait de parler devant une femme (l’intervieweuse) a constitué un élément de résistance. Par ailleurs, comme dans d’autres études portant sur la problématique des élèves vulnérables, les élèves que nous ont désignés les écoles ou les parents que nous avons pu rejoindre risquent peu de correspondre au profil type de l’ensemble de la communauté sud-asiatique. Les

problématiques qu’ils partagent avec leur communauté (langue, identité), mais, dans d’autres cas (pauvreté, problèmes scolaires), ils ont plutôt parlé de leurs perceptions de la situation vécue par d’autres membres de la communauté.

Quoi qu’il en soit, nous pensons qu’il n’y a pas de « terrain » parfait. Nous aurions souhaité interviewer des élèves en accueil et davantage d’intervenants communautaires. Nous aurions également souhaité consacrer plus de temps à la collecte des données par questionnaire. Cependant, même s’il faut se montrer persistent lors de la collecte de données qualitatives, il faut aussi s’adapter au contexte et toujours garder en tête les échéanciers rattachés à la rédaction d’une thèse de doctorat. En fin de compte, cette démarche a vraiment valu la peine et s’est, somme toute, révélée fructueuse.

DEUXIÈME PARTIE