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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE 7

1.5 Quelques tendances de la recherche nationale et internationale

Le reste du Canada – À ce niveau, nous nous concentrons sur les études portant sur l’expérience socioscolaire des jeunes originaires de l’Asie du Sud dans deux grandes métropoles du Canada : Toronto et Vancouver.

En ce qui concerne l’état de la réussite scolaire des élèves d’origine sud-asiatique à Toronto, selon Anisef et ses collègues (2008), après les élèves originaires de l’Asie de l’Est et de l’Europe de l’Est, les élèves originaires de l’Asie du Sud présentent le taux de décrochage le moins élevé, bien en-dessous de celui des élèves canadiens anglophones. Mc Andrew et al. (2008), dans un projet pancanadien sur les résultats et les cheminements scolaires des jeunes d’origine immigrante, en se concentrant sur divers groupes linguistiques de ces jeunes, révèlent qu’à Toronto les locuteurs de l’ourdou et du tamoul ont un taux de diplomation plus élevé que les locuteurs de l’anglais. Ces chercheurs soulignent cependant que ces élèves sont représentés de façon disproportionnée dans les quintiles inférieur et faible du revenu familial médian.

Ainsi, étant donné le profil positif de ces élèves, leur expérience socioscolaire à notre connaissance n’a pas fait l’objet d’études spécifiques. Par contre, plusieurs recherches se sont penchées sur les expériences identitaires des jeunes filles sud-asiatiques vivant dans cette ville (Bannerji, 1999; Handa, 2003; Naidoo, 2003; Jamal, 2008; Ahmad et al., 2009). La plupart de ces recherches ont tenté de comprendre et d’analyser de quelle façon ces adolescentes, entre autres femmes de la communauté, sont « déchirées » ou « prises » entre les valeurs « traditionnelles » de l’Asie du Sud et la culture « moderne » du Canada (Handa, 2003). Ces chercheurs insistent entre autres sur la manière dont les pratiques patriarcales et la culture du silence contribuent à stigmatiser ces jeunes femmes.

Il y a aussi certaines recherches qui s’intéressent plutôt à l’ensemble des élèves issus de l’immigration, mais qui nous présentent entre autres des résultats intéressants sur les défis de ces filles. Par exemple, Tyyska (2008) qui a effectué une étude sur les relations parents-

rapporte que les filles tamoules sont plus soumises que leurs frères aux traditions patriarcales. Anisef et al. (2001), dans une recherche sur les défis des parents nouvellement arrivés dans trois villes ontariennes dont Toronto, concluent la même chose à propos des familles qui ont le gujarati, le pendjabi et le tamoul comme langue maternelle.

En ce qui concerne l’expérience socioscolaire des élèves d’origine sud-asiatique à Vancouver, étant donné l’ancienneté de l’immigration punjabie dans cette ville, la plupart des recherches se sont montrées intéressées à ce sous-groupe d’une manière particulière. Cependant, pour le moment, peu de recherches portent sur l’expérience socioscolaire de ces élèves à Vancouver (Sayani, 2010).

Bien que toutes les recherches montrent que ces élèves obtiennent majoritairement leur diplôme d’études secondaires et que leur taux de diplomation est plus élevé que celui des locuteurs de l’anglais (Mc Andrew et al., 2008; Frost, 2010), certaines d’entre elles précisent que beaucoup de ces élèves obtiennent leur diplôme avec une moyenne pondérée cumulative à l’extrémité inférieure du continuum et répondent à peine aux attentes provinciales dans les domaines essentiels de la numératie, de la compréhension de lecture et de l’écriture. Même si cela est vrai à la fois pour les filles et les garçons, ces derniers ont tendance à réussir moins bien que leurs pairs féminines, ce qui les place à l’extrémité la plus faible dans la plupart des analyses (Frost, 2010, p. 21). Les rapports des groupes de réflexion, des conversations informelles et des enquêtes auprès des enseignants et des directeurs d’écoles à forte concentration d’élèves sud-asiatiques confirment également tous le niveau inquiétant d’échec scolaire et de désaffection de ces jeunes (Sayani, 2010). Ainsi, quelques recherches effectuées au cours des dernières années se sont intéressées aux défis auxquels font face ces garçons, dont Frost (2010) et Sayani (2010). Ces études concluent que, la vie dans la communauté indo-canadienne a fourni à ces jeunes des conditions favorables au développement d’une identité « brune », ce qui s’est traduit chez eux par un manque d’effort scolaire et une médiocrité académique :

« The brown boys have neither failed out of high school nor have they excelled; with a few exceptions, their grades are low to average. These mediocre performances are the direct result of the brown boy’s willfully lazy approach to academics. Being brown has meant the adoption of an anti-academic ethos such that playing sports,”chilling” and socializing have taken priority over, and have often come at the

expense of, attending classes, completing assignments and studying for tests. Yet, the brown boys are largely satisfied with their (lack of) educational achievements, are disinterested in academic pursuits and are for the most part not worried for their futures ». (Frost, 2010, p. 249).

Les États-Unis – En ce qui concerne les tendances de la littérature américaine, d’abord et avant tout, il faut dire qu’à l’instar du reste du Canada, aux États-Unis, les élèves originaires de l’Asie du Sud performent généralement bien à l’école, même si l’on considère les élèves qui sont nés à l’extérieur du pays et qui ont grandi dans des familles socioéconomiquement et linguistiquement moins favorisées (Gibson, 1988; Pfeifer et Lee, 2004). Cette tendance continue de la réussite scolaire est la raison pour laquelle ces élèves sont souvent désignés comme une « minorité modèle », un titre qui souligne encore leur capacité nette de fournir des performances éducatives exceptionnelles sans profiter de programmes éducatifs et d’aide sociale.

Un survol de la littérature américaine sur l’intégration socioscolaire de ces jeunes montre qu’étant donné leur profil positif, d’une part, dans les recherches quantitatives, ils sont généralement classifiés dans la même catégorie des élèves Asian Americans et d’autre part, peu de recherches qualitatives se concentrent sur leurs expériences socioscolaires. Cependant, une recherche qualitative à ce sujet mérite d’être revue même si elle est un peu datée : celle de Gibson (1988). Connu comme une véritable contribution dans le domaine de l’anthropologie éducative, cet ouvrage a étudié en profondeur les dynamiques qui sont à l’origine de la réussite des jeunes sikhs punjabis à l’école secondaire publique en Californie. Plus précisément, Gibson s’est concentrée sur 42 familles originaires du nord-ouest de l’Inde qui ont émigré dans une ville rurale de la Californie appelée Valleyside.

Parmi plusieurs dynamiques qu’évoque Gibson pour expliquer la réussite de ces élèves, elle insiste particulièrement sur l’approche d’acculturation et les caractéristiques culturelles de leurs familles. En effet, comme beaucoup d’autres minorités aux États-Unis, les sikhs du Pendjab vivant à Valleyside se sont efforcés de préserver leur identité et leur culture distinctes. Les parents ont encouragé leurs enfants à s’accommoder aux règles officielles de l’école et à adopter des valeurs américaines souhaitables, mais de s’abstenir de toute assimilation. La

un pays où 17 grandes langues sont parlées et où tous les écoliers étudient systématiquement le hindi et l’anglais en plus de leur langue provinciale. Les sikhs ont également une histoire distincte, pleine de héros et des chefs religieux, et ils ont des institutions efficaces pour préserver, honorer, et enseigner leur histoire. Ils ont, en outre, une longue expérience en tant que groupe minoritaire et ont élaboré beaucoup de stratégies pour maintenir leur identité ethnique et religieuse dans une société hétérogène et multiculturelle. Même s’ils sont en fait des paysans peu qualifiés et ayant peu d’éducation formelle, ils s’appellent Sardar. Chacun est un chef de file dans un sens doté de riches connotations historiques. Leur sens fort et positif de leur identité culturelle les protège dans une certaine mesure dans la société américaine. Leur grande estime d’eux-mêmes et leur confiance en eux-mêmes les aident également à se protéger contre les effets négatifs associés aux préjugés et à la discrimination. En effet, la plupart des sikhs de Valleyside ne considèrent pas les préjugés et la discrimination qu’ils vivent comme une menace pour leur identité et leur réussite. L’éducation et le travail acharné sont bien valorisés dans cette culture, ce qui pousse et encourage les enfants vers un avenir plus prometteur que celui de leurs parents.

Par ailleurs, la vie à Valleyside s’avère positive pour l’expérience socioscolaire de ces jeunes. En effet, les familles punjabies ont quitté une communauté agricole pour en intégrer une autre. Même avec des compétences limitées en anglais, ils ont été capables de trouver immédiatement un emploi, même s’il était à bas salaire. De plus, les adolescents punjabis et leurs familles sont en grande mesure épargnés par les difficultés que rencontrent de nombreuses minorités qui doivent s’installer dans les ghettos du centre-ville en proie à des problèmes de violence, des gangs, de drogue et de chômage élevé. Plus encore, tous les élèves de Valleyside fréquentent la même école secondaire et ont tous les mêmes enseignants, ce qui semble favoriser leur insertion sociale et faciliter leurs apprentissages.

L’Angleterre – La littérature britannique sur l’expérience socioscolaire des élèves originaires de l’Asie du Sud est vaste (Ghuman, 2002). Les premières études datent des années 1960 et 1970 (Tomlinson, 1983) et révèlent que la performance scolaire de ces élèves en anglais et en mathématiques a généralement été inférieure à celle de leurs pairs blancs natifs du pays (cité dans Taylor et Hegarty, 1985). Cependant, la plupart de ces études (Ashby et al., 1970;

Dickinson et al., 1975; Ghuman, 1980) ont montré que lorsque l’on prolonge la durée de la fréquentation de l’école par ces élèves, l’écart se réduit et leur taux de réussite se rapproche de celui de leurs pairs blancs. Selon ces études, les élèves hindous et sikhs réussissent mieux que les élèves pakistanais. Elles montrent d’ailleurs que les garçons réussissent aussi bien que les filles (Tomlinson, 1983, p. 390). Par ailleurs, les études menées dans les années 1970 sur les élèves d’origine sud-asiatique nés au Royaume-Uni ou qui y ont reçu un enseignement primaire complet ont montré que ces élèves ont des résultats pareils à ceux de leurs pairs blancs nés au pays et même, dans certains cas, ont montré une meilleure performance dans les tests de mathématiques (Driver et Ballard, 1979).

Deux recherches effectuées dans les années 1980 sont dignes de mention : celle de Taylor et Hegarty (1985), puis celle de Drew et Gray (1990). Taylor et Hegarty (1985), dans une revue de plus de 30 études, concluent que : « It certainly can be stated that Asians do not in general perform worse at public examinations than indigenous peers from the same schools and neighbourhoods » (p. 308). Cependant, les auteurs ajoutent que bien que la performance de ces élèves est aussi bonne que celle de leurs pairs blancs dans les écoles du centre-ville, elle ne dépasse pas les normes nationales. Drew et Gray (1990) ont analysé les résultats de 256 élèves sud-asiatiques, 88 élèves afro-antillais et 5 335 élèves blancs. L’analyse a tenu compte du contexte de la classe sociale et du sexe des élèves. Les auteurs concluent : « For each one, there is a similar pattern. Young people from white backgrounds reported the highest results; the gap between them and the Asian group was mostly rather small. On the other hand, the gap between these two groups and the Afro-Caribbean group was rather large » (p. 112). Encore une fois, aucune différence n’a été constatée entre les garçons et les filles originaires de l’Asie du Sud. Cette recherche n’a fait aucune distinction entre les élèves d’origine indienne, pakistanaise et bengalie.

Cette distinction devient plus sérieuse au cours des années 1990 et 2000. Une étude qui porte sur les résultats scolaires des élèves des minorités ethniques en Angleterre et au Pays de Galles, a comparé la performance des Sud-Asiatiques, des métis (par exemple, pakistanais/ blanc), des Afro-Antillais, des Noirs et des Blancs au niveau secondaire. Les chercheurs ont

anglais, en mathématiques et en sciences que celles des élèves indiens, des élèves afro-antillais et des élèves blancs. Le facteur déterminant dans la performance des Sud-Asiatiques était l’usage de l’anglais à la maison (p. 26). Ghuman (1994) révèle par ailleurs que les jeunes d’origine bengalie, en général, ont tendance à réussir moins bien que ceux d’origine indienne et pakistanaise. Ceci est attribuable à certains facteurs : Tout d’abord, les Bengalis sont moins bien établis au Royaume-Uni par rapport aux autres communautés minoritaires. Puis, les ressources culturelles de la communauté (par exemple, le niveau d’éducation des parents et leur attente quant à l’éducation de leurs enfants) ne sont pas aussi riches et variés que, par exemple, ceux des Asiatiques de l’Afrique orientale (cité dans Ghuman, 2002).

En ce qui concerne l’impact de l’appartenance ethnoreligieuse sur les expériences socioscolaires, Abbas (2002) va plus loin et ajoute qu’il y a des divergences entre les expériences socioscolaires des élèves musulmans (les Bengalis et les Pakistanais) et les élèves indiens (les hindous et les sikhs). Selon lui, l’intégration socioscolaire des élèves musulmans est plus problématique principalement à cause du statut socioéconomique moins favorisé de leur famille, de leur fréquentation des écoles les moins efficaces et du fait que les musulmans sont perçus négativement par la majorité.