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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL 66

2.6 Les facteurs sociostructurels

2.6.2 Les relations famille-communauté ethnique

La communauté ethnique est une pièce essentielle du puzzle des facteurs influençant les expériences socioscolaires des élèves issus de l’immigration (Gibson, 1988; Caplan et al., 1991; Zhou et Bankston, 1998). Les communautés ethniques ne sont pas simplement des transplantations du pays d’origine dans le pays d’accueil, mais de nouvelles structures sociales façonnées par la nécessité d’utiliser l’appartenance ethnique comme base de coopération pour survivre dans un environnement étranger et problématique. Des liens de parenté, des liens culturels, traditionnels et religieux, des liens organisationnels et des liens de travail se tissent entre tous les membres d’une communauté ethnique donnée pour produire un tissu à la fois de « soutien » et de « contrôle » qui est, à bien des égards, essentiel à une adaptation réussie à la société d’accueil (Zhou et Bankston, 1998, p. 222).

Toute une littérature montre que le rôle des organismes communautaires ethniques est particulièrement important à cet égard (Zhou et Bankston, 1998; Zhou et Kim, 2006; Zhou, 2008; Vatz-Laaroussi et al., 2008). En effet, d’une part, les relations sociales ethniques qui se développent dans ces organismes exercent un contrôle social sur leurs membres, en renforçant les valeurs apportées du pays d’origine, ce qui est reconnu par divers chercheurs comme un élément d’une intégration réussie (Gibson, 1988; Berry et al., 1989; Crahay et al., 1991; Hohl et Normand, 1996; Bouteyre, 2004; Kanouté et al., 2008). Des organismes communautaires ethniques peuvent d’autre part fournir aux enfants l’image de gens comme eux et les aider à voir que leurs propres coutumes et traditions sont valables. Comme un pont entre la famille immigrante et la société d’accueil, ils peuvent par ailleurs aider les parents à moduler leurs valeurs et leurs pratiques pour satisfaire aux exigences du pays d’accueil.

Comme on le verra plus loin, les organismes communautaires ethniques ne sont pas les seuls organismes qui peuvent influencer positivement l’intégration socioscolaire des jeunes d’origine immigrée. Cependant, si les systèmes de relations sociales au sein des communautés ethniques font la promotion de l’excellence académique, les jeunes d’une communauté donnée qui sont impliqués dans ces systèmes auront un avantage sur ceux qui ne s’y impliquent pas. Comme c’est le cas des communautés chinoises et vietnamiennes (Zhou et Kim, 2006), une fois que les jeunes sont liés à ces réseaux de relations, leurs bonnes réalisations reçoivent la

reconnaissance du public. De même, leur comportement inacceptable ou leur échec scolaire apporte la honte, non seulement pour eux-mêmes mais aussi pour leur famille. Ces types de soutien et de contrainte peuvent effectivement renforcer des normes cohérentes et guider les jeunes vers l’accomplissement.

C’est dans cette perspective que s’inscrivent les recherches sur la « complétude institutionnelle » (Breton, 1964). « Institutional completeness would be at its extreme whenever the ethnic community could perform all the services required by its members » (Breton, 1964, p. 194). Ce chercheur conclut dans ses travaux que le niveau de complétude institutionnelle d’une communauté ethnique influence l’établissement et l’intégration des immigrants membres de la communauté dans la société d’accueil.

Il existe plusieurs facteurs qui déterminent la complétude institutionnelle d’une communauté dont son ancienneté d’implantation, son statut socioéconomique et sa taille. En interagissant, ces facteurs définissent les ressources qu’une communauté fournit pour l’intégration et la réussite de ses membres dans la nouvelle société. Cependant, le rôle de tous ces facteurs est relatif.

Par exemple, il existe des communautés qui, à travers le temps, continuent d’être organisées, alors que d’autres perdent leurs diverses associations ethniques et n’organisent que des associations purement culturelles. Une communauté favorisée, malgré ses ressources riches, peut avoir une faible concentration résidentielle, ce qui pourrait remettre en question ses services organisationnels. Par contre, une communauté moins favorisée pourrait être plus organisée car elle profite d’une bonne concentration résidentielle (Zhou et Logan, 2003). La communauté ethnique peut particulièrement protéger les familles immigrées dans leur processus d’intégration économique et professionnelle en leur offrant un bassin d’emplois. Cependant, il faut se demander si ces emplois s’inscrivent dans une stratégie d’intégration rapide ou s’ils traduisent plutôt un repli sur la communauté ethnique, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur la mobilité des familles et, en conséquence, sur le cheminement et la performance scolaires des jeunes. Par ailleurs, il faut s’interroger sur les raisons poussant les

occupent ces emplois parce qu’ils ne maîtrisent pas la(les) langue(s) officielle(s) de la société d’accueil ou parce qu’ils perçoivent un rejet de la société d’accueil et de son marché du travail ?

Levels et al. (2006), à partir des données de l’étude de PISA 2003, ont effectué des analyses sur la performance en mathématiques de 7 403 élèves issus de l’immigration provenant de 35 origines différentes dans 13 pays occidentaux de destination. Cette recherche étudie, entre autres, l’effet de la taille d’une communauté immigrée sur les résultats scolaires de ses jeunes. Comme la taille de la communauté est une condition nécessaire à l’apparition des positions ethniques économiques, les chercheurs font, dans un premier lieu, l’hypothèse de l’influence négative de cette variable sur la réussite scolaire des élèves, car ils pensent que les jeunes d’une grande communauté immigrée, en ayant une plus grande possibilité de trouver un emploi sur le marché du travail de la communauté, pourraient ne pas être incités à bien performer à l’école. Cependant, les chercheurs ne trouvent pas de preuves à l’appui de cette hypothèse. Par contre, ils concluent que la grande taille d’une communauté immigrée, en donnant accès à plus de ressources socioculturelles, pourrait avoir un effet positif sur la performance éducative des jeunes (p. 849). Prenons en exemple la communauté chinoise au Canada qui, en offrant divers services d’enseignement (par exemple, l’école de samedi qui ont plutôt l’objectif d’aider les élèves dans leurs matières scolaires que d’apprendre la langue maternelle), a favorisé la réussite scolaire des jeunes. Cependant, il faut toujours prendre en compte l’influence des autres facteurs mentionnés ci-dessus.