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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE 7

1.6 Les objectifs et la pertinence de la recherche

Bien que les recherches de Mc Andrew et al. (2011a) et de Bakhshaei et Mc Andrew (2011) nous renseignent beaucoup sur la réussite scolaire d’élèves québécois originaires de l’Asie du Sud et les facteurs qui l’influencent, ces recherches présentent certaines limites et elles n’ont pas étudié beaucoup d’autres dynamiques qui pourraient expliquer la réussite ou l’échec scolaire des élèves d’origine immigrée.

La première limite se rapporte à la grande hétérogénéité qui se cache derrière l’unité qui existe au sein de la communauté sud-asiatique. En effet, bien que les immigrants de l’Asie du Sud se sont construit une ethnicité postmigratoire, d’un point de vue interne, les diversités ethniques de la « communauté sud-asiatique » demeurent. Bakhshaei et Mc Andrew (2011) ont tenu compte de certaines différences linguistiques, régionales et générationnelles qui existent au sein du groupe des élèves issus de cette communauté, mais certaines limites existent toujours.

Par exemple, bien que ces chercheures aient montré que les élèves originaires de l’Inde réussissent mieux à l’école québécoise que leurs pairs provenant du Pakistan et du Bangladesh, il n’est pas évident que la réalité des élèves originaires de ces deux pays très disparates, associés à cause des petits échantillons, soit la même. Même lorsqu’il s’agit d’un seul pays, les profils des élèves sont très différents selon la région de provenance (rurale ou urbaine) ou selon la caste associée (inférieure ou supérieure)9. De même, on doit se demander quel était le statut d’immigration des parents car la réalité des réfugiés ou des immigrants indépendants est très différente, particulièrement en ce qui concerne les familles provenant des pays sud-asiatiques.

Si l’on va plus loin, et que l’on assume que les différences internes ont été prises en considération, les caractéristiques étudiées par Bakhshaei et Mc Andrew (2011) ne peuvent pas expliquer seules les résultats obtenus. Il faudrait étudier les valeurs de différents groupes ethniques, ainsi que des familles et, surtout, les stratégies qu’ils mettent en place pour appuyer les études de leurs jeunes. Il est également nécessaire de mieux comprendre la relation que certaines communautés développent avec la société d’accueil et ses institutions (y compris l’école). En outre, il faudrait déterminer le rôle des divers politiques et programmes d’intégration de la société d’accueil, que ce soit au niveau des familles ou des élèves.

L’impact des caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques des familles des élèves est un autre aspect que nous devrions mieux connaître si nous voulons améliorer notre compréhension de l’expérience scolaire de ces jeunes. Par exemple, nous devrions chercher à mieux comprendre les raisons de la sous-représentation importante des filles par rapport aux garçons au sein de ce groupe d’immigrants. Nous pourrions également nous demander comment le statut socioéconomique interagit de manière positive ou négative avec d’autres dynamiques aggravantes ou atténuantes, liés à la vulnérabilité ou à la résilience.

Il est également nécessaire d’explorer de quelle manière se matérialise l’influence de diverses dynamiques liées à l’école. Ainsi, par exemple, les personnes qui s’inquiètent du phénomène

de la concentration ethnique seraient étonnées par le taux plus élevé de diplomation des élèves sud-asiatiques qui fréquentent les écoles à haute et à très haute densités d’élèves issus de l’immigration où « la langue de Molière » est peu pratiquée. Pourquoi est-ce le cas ? Pour répondre à cette question, nous devrions, entre autres, déterminer dans quelle mesure certaines dynamiques culturelles (comme la culture de l’entraide ou la valeur très élevée rattachée à la réussite scolaire) sont en jeu. Il faudrait également étudier de près l’ethos particulier de telles écoles.

Pour combler en partie cette lacune, le MELS a commandé à la Chaire de recherche du Canada sur l’Éducation et les rapports ethnique (Université de Montréal) la réalisation d’une étude qualitative exploratoire (Bakhshaei et al., 2012). Cette étude visait d’une part, à fournir une meilleure connaissance des dynamiques sociales, familiales et scolaires qui influencent la réussite scolaire des élèves originaires de l’Asie du Sud et d’autre part, à définir les interventions qui sont les plus significatives pour eux. Cependant, comme il s’agissait d’un contrat gouvernemental, la portée de cette enquête a été limitée tant en ce qui concerne l’ampleur des sujets que la stratégie d’analyse des données. Nous nous sommes donc proposée, dans le cadre de notre projet de doctorat, d’offrir un apport empirique beaucoup plus vaste sur différents aspects liés à la vie socioscolaire des élèves à l’étude. Sans avoir l’intention d’expliquer toutes les limites évoquées ci-dessus, notre travail de thèse se propose de documenter certaines expériences familiales, sociales et scolaires d’élèves québécois originaires de l’Asie du Sud dans les écoles secondaires publiques de langue française, afin de définir des interventions spécifiques et efficaces pour favoriser leur réussite. Cependant, en tenant compte du fait que l’expérience socioscolaire des élèves issus de l’immigration en région, au Québec pourrait être bien différente de celle des élèves à Montréal (Vatz-Laaroussi et al., 2008; Steinbach et Lussier, 2011), nous nous somme limitée aux élèves fréquentant les écoles montréalaises dont l’accès nous a été plus facile.

Plus précisément, notre thèse vise à :

1) documenter et analyser d’une manière approfondie certaines dynamiques familiales, communautaires et scolaires qui influencent l’expérience socioscolaire et plus particulièrement la réussite d’élèves montréalais originaires de l’Asie du Sud;

2) identifier les moyens les plus appropriés et les plus efficaces pour répondre aux difficultés vécues par ces élèves dans leur processus de scolarisation; et

3) contribuer à la réflexion sur l’expérience socioscolaire et la réussite d’élèves d’origine immigrée au Québec.

Dans un contexte où l’accroissement de la population sud-asiatique au Québec a connu une accélération importante au cours des 15 dernières années, les déficits dans le cheminement et la performance scolaires des jeunes issus de cette communauté au secondaire de langue française exigent en effet une attention particulière. Tel que montré plus haut, ce travail de thèse est parmi les toutes premières études qui se concentrent directement sur les dynamiques influençant l’expérience socioscolaire des élèves québécois originaires de l’Asie du Sud. Il faut donc espérer que cette thèse contribuera à nourrir un dialogue accru entre les décideurs et les intervenants scolaires, d’une part, et les parents et les organismes communautaires, d’autre part, afin de favoriser l’atteinte des objectifs que le gouvernement du Québec s’est fixés en matière d’intégration des familles immigrantes et de réussite scolaire de leurs enfants.

Dans le chapitre qui suit, nous développerons notre cadre conceptuel en faisant une large recension des écrits relatifs aux facteurs influençant la réussite scolaire des élèves d’origine immigrée. Ceux-ci seront regroupés en cinq grandes catégories de facteurs, soit : 1) les facteurs socioéconomiques, 2) les facteurs linguistiques, 3) les facteurs culturels, 4) les facteurs sociostructurels et 5) les facteurs systémiques. Après cette recension, nous préciserons les facteurs que nous avons retenus pour atteindre nos objectifs de recherche.

CHAPITRE II